La prise en charge des réfugiés 

LA PRISE EN CHARGE DES RÉFUGIÉS

Lors de l’arrivée des Acadiens au port de la ville de Québec, ils ont sûrement été accueillis par l’abbé Nicolas-André Vauquelin qui y exerçait son ministère ecclésiastique depuis 1749 (jusqu’à 1758) et qui avait été curé d’Annapolis Royal en Nouvelle-Écosse (anciennement Port-Royal en Acadie), de 1736 à 1742202. Par la suite, les Acadiens étaient logés temporairement « dans de grands hangars ou entrepôts possédés par des marchands et qu’on a convertis pour la circonstance en « centre d’ accueil,,203. » Les hangars du chantier navaf04, des batteries Dauphine et Levasseur, situés près du quai et de la Place Royale, Basse-Ville de Québec, auraient donc servi de camp de réfugiés (voir la figure 5). Par la suite, ils étaient logés chez des Canadiens. Ces derniers étaient payés pour les loger et les nourrir d’après Aumasson de Courville, notaire royal : « l’Intendant [Bigot] les avoit fait loger, en payant, chez des particuliers205 ». Un contrat notarié par Jean-Claude Panet, daté du 14 novembre 1756, démontre que Joseph-Michel Cadet, munitionnaire général des vivres en Nouvelle-France, était responsable de distribuer des rations aux Acadiens. Dans cet acte notarié, Joseph-Michel Cadet avait engagé Joseph Roberge, afin que ce dernier donne « une demi livre de boeuf ou un quarteron de lard de quatre onces de poids par jour pendant six mois206 » à chacun des Acadiens réfugiés dans les villages de Saint-Michel et de Beaumont. Ceci nous donne un aperçu de l’alimentation des réfugiés en Nouvelle France.
Ces derniers devaient dépendre des Canadiens qui prenaient soin d’eux et qui recevaient un salaire pour s’occuper des réfugiés. Contrairement, aux réfugiés acadiens en France qui recevaient une allocation pour se nourrir, se vêtir et se loger207. « Le père ou la mère, agissant à titre de responsable de la famille, recevait 6 sols par jour, soit 9 livres par mois. Pour leur part, les enfants avaient droit habituellement à la moitié, soit à 3 ou 4 solspar jou~08 . » En ce qui concerne les Acadiens qui voulaient s’ installer en Nouvelle-France et devenir autosuffisants, ils étaient dirigés dans la seigneurie Livaudière, dans la paroisse de Saint -Charles-de-Bellechasse.
La Dame Péan [Marie-Françoise Pécaudy de Contrecoeur] avoit une Seigneurie à portée de Québec; les Acadiens qui voulurent y prendre des terres furent favorisés; on leur procura toutes les aisances qu’on pût; on alla même jusqu’à leur entretenir un Chirurgien; quelques Seigneurs, chez qui les Acadiens voulurent prendre des terres, soit que le terrein leur plaisoit plus, ou le climat, ne purent obtenir pour eux la même grâce.
Tel que démontré dans la section précédente, Le nombre des réfugiés, en décembre 1757, il Y avait un total de 1 567 Acadiens arrivés dans la ville de Québec. Il fallait donc nourrir cette population. L’ arrivée massive des Acadiens coïncide avec une année de mauvaises récoltes et de la rareté de vivres due aux vaisseaux de ravitaillement envoyés de France et capturés par les Britanniques2lo. Les réfugiés acadiens ont donc été rationnés en octobre 1757, comme l’attestent Lévis et Doreil. à Québec ne mangeoit point de pain ; qu’ il y avoit deux mille Acadiens qUI n’avoient pour toute nourriture que de la morue et du cheval2l1.
A Quebec le 26 février 1758. [ . .. ] le peuple périt de Misere les acadiens refugiés Ne Mangent depuis quatre mois que du cheval et de la Merluche sans Pain, il en est deja mort plus de 300. Le peuple Canadien est toujours réduit, ainsy que Nous, au quart de Livre de Pain par jour et al’ egard de la viande on oblige ceux qui sont en Etat d’en manger de prendre moitié cheval a six sols la livre Nos soldats sont a la demie livre de Pain par jour depuis le 1 er 9bre, trois livres de cheval, trois livres de Boeuf, deux livres de poix, et deux livres de Morue pour huit Jours, ils prennent leur mal en patience.
A Quebec le 30 Juillet 1758. [ … ] le peuple des villes toujours reduit à 4 onces, ainsi que les Acadiens refugiés à qui on a commencé de les fournir depuis un mois seulement (ces derniers vivoient depuis plus d’un an avec du cheval et de la merluche) ne pourront être fournis sur ce pied que jusqu’à la fin de l’année s’ il ne nous arrive pas encore des farines de France.
Les réfugiés acadiens sont donc passés d’ « une demi livre de boeuf ou un quarteron de lard de quatre onces de poids par jour214 » à du cheval et de la morue séchée, non salée, et ce, sans pain, du mois d’ octobre 1757 àjuin 1758215. Malgré cette privation, les Acadiens étaient mieux nourris qu’au Camp d’Espérance à Miramichi, si nous nous fions à la lettre du missionnaire Le Guerne.
Ces pauvres gens sont morts l’hyver dernier en grande quantité de faim et de misère et ceux qui ont échappé à la mort n’ont point échappé à une horrible contagion et ont été réduits par la famine qui y règne à manger du cuir de leurs souliers, de la charogne et quelques-uns même ont mangé jusqu’à des excrémens d’ animaux, la bienséance m’oblige de supprimer le reste216.
Toutefois, les réfugiés acadiens envoyés à Québec avaient souffert de la famine avant de partir. « La disette de vivres a obligé M. de Boishébert de faire passer sur l ‘ isle St-Jean 49 familles il en a aussy envoyé quelque unes à Québec217 ». Ils étaient donc affaiblis lors de leur arrivée. Après avoir souffert de malnutrition, les réfugiés acadiens ont été rationnés. Ceci n’a sûrement aidé la condition de santé des réfugiés. De plus, ils envoyaient à Québec ceux qui n’ étaient pas en mesure de prendre soin d’eux. Vaudreuil a même écrit: « par ordre de M. de Drucour et suivant mes intentions, il s’est débarassé des habitants les moins laborieux2 18 » de l’île Saint-Jean21 9 . Parmi ceux-ci, il y avait 53 femmes dont les époux avaient été déportés en Géorgie, en Caroline du Sud ou en Angleterre. Elles étaient accompagnées de leurs enfants. Au total, ils étaient 280 personnes 220. Ces derniers représentaient 18 % des réfugiés à la fin de l’année 1757.

LA VARIOLE ET LES RÉFUGIÉS

En 1757, c’ est l’ année où Québec a reçu le plus de réfugiés acadiens, soit 872 personnes221 . Ceci représente 45 % de tous les Acadiens venus dans la colonie entre 1755 et 1763. Toutefois, la même année, la ville de Québec a également accueilli plusieurs matelots, soldats, Amérindiens et prisonniers britanniques. Plusieurs d’ entre eux sont arrivés malades à Québec. Par exemple, le 30 juillet 1757, le curé de l ‘ église Notre-Damede- Québec, Jean-Félix Récher a noté dans son journal que le « nombre des malades soit matelots ou soldats transportés des vaisseaux à l ‘Hôpital-Général est de 420. [ … ] Le 31 juillet, on a encore transporté 80 malades à l’Hôpital-GénéraI222 . » Quelques jours plus tard, le 9 août, il écrit dans son journal que douze hommes sont décédés dans la même journée et « comme on y porte, tous les jours, de nouveaux malades, leur nombre est encore aujourd’hui de plus de 530 ; on dit même près de 600223 . »De ce nombre, nous avons relevé seulement deux décès auprès des Acadiens, à l’Hôpital général de Québec, soit François Harcenaux (sic Arseneau), le 6 août 1757, et Alexis Apart, le 8 août 1757. De plus, à la fin du mois d’août, le curé Récher a noté l’ arrivée des prisonniers du fort britannique WilliamHenry, connu également sous le nom de fort Georges ou Guillaume-Henri. Dans son étude, Lessard remarque un fait important « [e]n août et septembre 1757, il y a plus de 500 malades à l’Hôpital général de Québec, atteints à nouveau de fièvres malignes apportées par les vaisseaux. La mortalité est très élevée durant cette année-là, mais il est difficile de connaître la place réelle occupée réciproquement par la variole, qui est alors épidémique, et les fièvres malignes . » Toutefois, les causes de mortalité ne sont pas enregistrées dans le registre de l’époque. Malgré cela, la variole se distinguait des autres fièvres malignes. Après dix jours asymptomatiques, le malade ressentait des malaises accompagnés d’une fièvre, ainsi que l’apparition de pustules sur son COrpS. Le maréchal Desandrouins mentionne dans son journal qu’ à l’hiver 1758, « [l]a petite vérole fit des ravages effrayants. Un cinquième de la population fut enlevé, surtout parmi les Sauvages », et ce, sans spécifier les réfugiés acadiens.
Selon Mathieu et Imbeault, l’épidémie de variole a affecté la ville de Québec de novembre 1757 à janvier 1758. Ils ont dénombré 78 décès en novembre, 222 décès en décembre et 129 décès enjanvier, et ce, enregistrés dans le registre de l’ église Notre-Damede- Québec230. À cela, pour compléter les travaux de Mathieu et Imbeault et pour correspondre au commentaire du curé Récher dans sonjournal ,nous avons répertorié 43 décès en février 1758 dans le registre de l ‘ église Notre-Dame-de-Québec. Au total, il y a eu 472 sépultures d’enregistrées dans ce registre, dont 306 étaient des sépultures de réfugiés acadiens (voir le tableau 8). Ils représentent donc 86 % des personnes décédées et enregistrées dans le registre de l’ église Notre-Dame-de-Québec. Il est important de noter que cette étude ne tient pas compte de ceux qui sont décédés à l’Hôtel-Dieu, à l’Hôtel général et dans les autres villages. En ce qui concerne la cause de ces nombreux décès, il est difficile d’ identifier la cause de mortalité, tel que stipule Lessard. La malnutrition et la famine peuvent aussi avoir causé la mort de certaines personnes. Comme nous le savons, les carences alimentaires provoquent plusieurs problèmes de santé grave qui résulte en une mort certaine, comme l’a écrit l’ annaliste des Ursulines: « la misere en fait mourir un grand nombre ». Sans négliger que certaines personnes peuvent également être décédées des suites à d’ autres maladies, telles que le typhus, le scorbut et la fièvre jaune. Néanmoins, plusieurs écrits attestent que les Acadiens ont bel et bien été atteints par la variole, soit Montcalm, Bigot, Récher, ainsi que l’annaliste des Ursulines.
La petite vérole continue à faire de grands ravages parmi les Acadiens, ces malheureuses victimes de leur attachement pour la France; de dix-huit cents qu’ils étoient, le nombre se réduira à bien peu, si cette affreuse maladie continue. Depuis quelques jours on les enterre par quinze et par vingt.
Encore 1 500 ou 1 600 Acadiens sont à Québec. – 300 sont enlevés par la petite vérole.

UN DEUXIÈME LIEU DE REFUGE

Pour être en mesure de cerner l’établissement des Acadiens en Nouvelle-France lors de l’évacuation de Québec, nous avons fait une nouvelle base de données à partir de celle que nous avons faite pour déterminer le nombre de réfugiés acadiens en Nouvelle-France.
Cette nouvelle base de données a été créée ayant le 13 septembre 1759 comme balise. Nous avons donc ajusté notre première base de données en enlevant toutes les personnes décédées, en ajustant les familles reconstituées, les nouveaux couples, et en ajoutant tous les enfants nés avant le 13 septembre 1759. Par la suite, nous avons placé les familles dans leur nouvelle localisation, selon la première mention dans les registres paroissiaux de l’Église catholique, tels le baptême, le mariage ou la sépulture, mais aussi comme parrains, marraines ou témoins. Nous avons également consulté la banque de données notariales du Québec ancien 1626-1799, Parchemin, afin de retrouver ces Acadiens qui n’ont pas bénéficié de sacrements entre le moment de leur arrivée en Nouvelle-France et le 13 septembre 1759.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

RÉSUMÉ
REMERCIEMENTS 
TABLE DES MATIÈRES 
LISTE DES TABLEAUX 
LISTE DES FIGURES 
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – LES RÉFUGIÉS ACADIENS EN NOUVELLE-FRANCE
1.1 Le nombre des réfugiés
1.2 Ils sont venus deux fois
1.3 La provenance des réfugiés
1.4 L’accueil et la perception des Canadiens
1.5 La prise en charge des réfugiés
1.6 La variole et les réfugiés
1.7 Les problèmes
CHAPITRE 2 -L’ÉVACUATION DE QUÉBEC EN 1759
2.1 Un deuxième lieu de refuge
2.2 Après la reddition de Québec
2.3 Les recensements 1760-1762
CHAPITRE 3 – LES MILICIENS ACADIENS
3.1 Le serment d’allégeance
3.2 Les 150 Acadiens
3.3 Le rôle des miliciens
3.4 Les droits des Acadiens
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1 – Les noms oubliés dans le registre de Notre-Dame-de-Québec
ANNEXE 2 – Les dédoublements dans le registre de Notre-Dame-de-Québec
ANNEXE 3 – Liste des Acadiens inhumés le 6 et le 7 janvier 1758, à N.-D.-de- Québec
ANNEXE 4 – Établissement des Acadiens lors de l’évacuation de Québec en 1759
ANNEXE 5 – Les premiers Acadiens réfugiés à Bécancour en 1759
ANNEXE 6 – Recensement du gouvernement de Trois-Rivières, septembre 1760 et mars 1762
ANNEXE 7 – Recensement du gouvernement de Québec en 1762 
ANNEXE 8 – Forces en présence lors de la bataille des plaines d’Abraham, le 13 septembre 1759
ANNEXE 9 – Liste des miliciens acadiens du 13 septembre 1759 
ANNEXE 10 – Liste des miliciens acadiens probablement décédés le 13 septembre 1759 
ANNEXE 11- Liste des miliciens acadiens probablement blessés le 13 septembre 1759 
ANNEXE 12 – Liste des miliciens acadiens probablement blessés le 28 avril 1760 
ANNEXE 13 – Récit de Joseph Trahan, par James MacPherson Lemoine

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *