La politique culturelle du réseau Alliance Française mexicain

Comment s’établit la présence française au Mexique , au sein du continent latin considéré “riche d’avenir” ?

La France au milieu du XIXe siècle découvre la valeur économique du continent latino-américain et se rapproche ainsi dans un premier temps sur le plan économique de pays tels que l’Argentine, le Pérou, le Chili ou le Mexique. Le premier élan vers le continent latino-américain est donc économique mais la France se révèle rapidement incapable “d’atteindre une position économique et financière dominante”. La présence culturelle française au Mexique quant à elle découlant de l’arrivée, dans un premier temps spontanée dès le début du XIX e siècle puis sollicitée par de nombreux dirigeants latino-américains, de la nouvelle communauté d’immigrés, s’établit tout d’abord avec l’installation de structures permettant l’apprentissage de la langue française. En effet on ne peut pas parler d’une migration de masse, les Français occupant au début du vingtième siècle la sixième place en termes de présence au Mexique. C’est au travers de leur organisation en différentes structures et l’influence qu’ils acquièrent ainsi qu’est ressentie la présence française. Ces structures répondent à un besoin d’éducation des enfants des immigrés arrivés dès la mi XIXème siècle. Il s’agit aussi par leur création de solidifier les liens nouveaux entre l’Amérique latine et la France. Comme le souligne Gilles Matthieu17, l’enseignement constitue “la pierre angulaire de l’action culturelle française en Amérique du Sud”, ce qui va expliquer les efforts soutenus qui vont être observés en termes de formation intellectuelle. La présence de nombreux religieux sur ces territoires va rencontrer le besoin de scolarisation des enfants de ces nouveaux expatriés. Ainsi de nombreuses congrégations religieuses voient le jour entre 1885-1895, ouvrant des écoles primaires et secondaires accueillant à la fois les enfants des colons français et les enfants des élites locales. Les congrégations conservent le monopole de l’éducation de ces enfants tant qu’elles rendent des comptes de l’efficacité de leur action auprès du Quai d’Orsay. C’est ce lien avec le Quai d’Orsay qui permet de comprendre pourquoi même les élites latino-américaines choisissent ces écoles françaises comme lieu d’enseignement pour leurs enfants. Souvent ces dernières se représentent la France et le français “dans une perspective idéale pacifique et universaliste” et ces écoles deviennent une porte d’entrée vers l’idéal français au travers de l’enseignement de la langue française.

Un “soft power” véritable instrument politique, vecteur de rayonnement

Gilles Matthieu clôt le troisième chapitre de son ouvrage par ces mots : “à l’aube du XXe siècle […] c’est, plus que jamais, par sa culture que la France est présente en Amérique du Sud”. La France s’est donc implantée au sein du continent latino-américain par le biais de sa culture bien plus que par son pouvoir économique. La culture est désormais appréhendée comme un véritable instrument au service de logiques diplomatiques. Elle est reconnue comme un levier de puissance au fort potentiel. On peut relever ici la notion de soft power déjà à l’œuvre même si le terme date quant à lui des années 1970. Ce concept, développé par Joseph Nye, prône la force des idées face à la force des armes. C’est l’émergence du soft power qui va rendre possible une certaine percée de la culture française et son emploi par les diplomates français qui esquisse ainsi les premiers pas de la coopération franco-latino-américaine. Le rapprochement culturel qui s’initie est avant tout un rapprochement stratégique. Par rapprochement j’entends ici le fait que la culture est utilisée pour tisser des liens durables entre l’Amérique latine et la France, liens qui ne sont pas uniquement culturels.
Ces relations sont pensées sur le long terme dans le sens où il s’agit de faire de l’Amérique latine un allié de choix, et de pouvoir exploiter au maximum le potentiel de cet intérêt commun. C’est en maîtrisant les codes du soft power qu’il va être possible de construire au-delà de la sphère culturelle.

Une savante déclinaison entre enseignement et culture au service du projet Alliance Française

L’enseignement du français occupe une grande partie du quotidien des Alliances Françaises Mexicaines. Or ce n’est pas leur unique mission. Effectivement le réseau AF mexicain œuvre à la diffusion à la fois de la langue française et de sa culture. Parfois, en dépit du fait que cette dualité soit inscrite dans les statuts d’une Alliance Française, la part belle est réservée à l’enseignement laissant de côté la culture. La culture apparaît comme une activité onéreuse et exigeante et par conséquent certaines Alliances ne se sentent pas à la hauteur ou bien ne lui témoignent pas suffisamment d’intérêt. Lors de mon entretien avec Arturo Pardo, directeur de l’Alliance Française de Tlaxcala, celui-ci me faisait remarquer qu’au sein d’une Alliance “on expose une langue et une culture, cela ne va pas séparément”, selon lui il n’y a pas de sens à dissocier les deux voire à en favoriser l’une ou l’autre. Cette tendance de certaines Alliances à s’investir moins dans la culture trouve des explications dans les failles du Réseau : parfois c’est par manque de professionnalisation que les directeurs (car lorsqu’il existe un poste de coordinateur culturel on suppose un certain investissement dans la culture) décident de concentrer leurs efforts sur l’offre pédagogique. C’est  uniquement par un effort de professionnalisation du Réseau que tout ce qui entoure une exposition par exemple va pouvoir être maîtrisé par les différents membres du Réseau. Delphine Navarret, alors chargée de la démarche qualité, lors de notre entretien m’informait du fait que c’est bien plus par manque de connaissance que par manque d’envie que certains directeurs délaissent le côté culture. En effet souvent les directeurs des Alliances sont des directeurs pédagogiques et autant si certains adoptent le côté culturel assez aisément autant d’autres se sentent dépassés, la culture n’étant pas leur domaine de prédilection. Or ce n’est pas parce que sans culture une Alliance Française pourrait être en soit complètement active, tout en se convertissant bien plus en un centre de langues et donc en ne répondant plus aux missions d’une Alliance Française, qu’il faut réduire les efforts en termes de diffusion de la culture française. Certes l’objectif culturel n’est pas capital pour la survie des Alliances Françaises mexicaines qui survivent depuis près de 135 ans en concentrant plus d’énergie sur la pédagogie, car c’est de là que proviennent les ressources propres sur lesquelles fonctionne le réseau, or en termes d’image, d’attractivité mais surtout de réponse à l’un des principes originels -créer un pont entre les cultures afin d’offrir une fenêtre aux artistes français et mexicains – la culture est essentielle. Le critère de taille n’est pas un critère déterminant pour analyser cette mise de coté partielle de la culture au sein du Réseau, car des petites Alliances parfois réussissent à établir des partenariats très importants et ainsi développer des événements culturels d’envergure. On peut penser ici à l’Alliance de Puebla qui le 3 novembre 2017 clôt sa saison culturelle par un concert du Surnatural Orchestra au sein du Zocalo, soit le point convergent de la ville. Réussir qu’un tel groupe achève sa tournée mexicaine par un concert magistral organisé par l’Alliance Française de Puebla est à saluer.

L’importance d’entretenir l’intérêt mexicain pour l’expérience culturelle française

Les deux points précisés ci-dessus sont des points clés de la mission de coordination culturelle assurée par la FAFM en ce qu’ils sont ce qui va rendre attractif le Réseau aux yeux d’un certain public, notamment le public mexicain francophile. En effet comme nous avons déjà pu le voir précédemment il convient aujourd’hui de dépasser la seule réputation du réseau Alliance Française mexicain et d’oser se renouveler afin de diversifier à la fois son offre culturelle et le public ciblé. L’intérêt du public francophile mexicain doit pouvoir être maintenu et constamment éveillé. Cet intérêt ne doit pas être considéré comme acquis, il faut se demander pourquoi les mexicains peuvent s’intéresser au réseau Alliance Française. Quel apport représente pour eux le réseau mexicain ? Il s’agit dans la relation qui lie le réseau Alliance Française mexicain à son public d’installer des repères, des sortes de référents culturels. Ces rendez-vous culturels permettent d’entretenir une certaine curiosité quant à l’expérience culturelle française qu’offre le Réseau. On peut prendre ici comme exemple les évènements nationaux récurrents tels que la Fête de la Musique qui donne lieu dans certaines Alliances Françaises à des appels aux volontaires afin de se produire lors de la date choisie pour célébrer la fête de la musique. L’appel aux volontaires diffusé par l’Alliance Française de Mexico, Polanco, a largement été relayé sur les réseaux sociaux et notamment par les partenaires qui se sont unis à ce projet. En effet la Fête de la Musique à Mexico est un moment “repéré” par les professionnels du milieu et cela amène à ce que lors de la conférence de presse de présentation de la Fête de la Musique soient présents comme partenaires l’éditeur de la célèbre revue musicale Marvin, Uili Damage ainsi que la représentante de l’espace culturel Bajo Circuito, Talía Chavira. Force est de constater que le fait de cultiver de bonnes relations avec des partenaires privés et publics est primordial.

La politique culturelle proposée officiellement

Si les différents acteurs du Réseau ont chacun leur idée des contours et des objectifs d’une politique culturelle, il est important de voir sur le terrain quelle politique culturelle est actuellement mise en place. Tout d’abord il faut faire remarquer que parler de politique culturelle pour le réseau Alliance Française mexicain ce n’est pas parler d’une ligne d’action décidée depuis plusieurs années, ancrée dans la pratique culturelle du Réseau. Parler de politique culturelle pour le réseau Alliance Française mexicain c’est évoquer une feuille de route qui est en cours de définition et qui n’est donc pas encore reconnue par tout le réseau. Il importe pour que la volonté d’une politique culturelle du Réseau puisse se concrétiser qu’elle soit une volonté commune, et que l’ensemble du Réseau fasse par la suite sienne cette politique culturelle. Aujourd’hui il n’existe pas de réelle politique culturelle mise en place mais la conscience de la nécessité de cette dernière est elle vive. Si dans l’esprit de la Saison Culturelle mise en place depuis l’année dernière on note cette idée de proposer des axes, des orientations, aucune politique culturelle n’a encore été définie et diffusée au sein du Réseau.

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Table des matières

Introduction
Première partie : Entre naissance, apogée et essoufflement, quelle image le réseau AF renvoie-t-il de l’action culturelle française à l’étranger ?
1- Trajectoire du mouvement Alliance Française au sein de la diplomatie culturelle française
a- Une conscience très tôt d’une “mission” culturelle française en Amérique latine
a-1 Quelles valeurs véhiculées au travers de la culture française ?
a-2 Comment s’établit la présence française au Mexique , au sein du
continent latin considéré “riche d’avenir” ?
a-3 Un “soft power” véritable instrument politique, vecteur de
rayonnement
b- La naissance du réseau AF au sein du maillage culturel de l’action culturelle française à l’extérieur
b-1 L’implantation des AF en Amérique latine
b-2 Qu’est-ce qui fait le statut particulier du réseau AF ?
b-3 Brève cartographie réseau AF mexicain et questionnement de l’intérêt
du terrain mexicain
c- Un nouvel opérateur d’une culture reconnue comme “une des formes les plus efficaces de l’action française à l’extérieur” entre heure de gloire et essoufflement
c-1 Le réseau AF lors de ses premiers pas
c-2 L’heure de gloire du réseau AF
c-3 Un malaise symptôme d’un besoin de rénovation
2 – Un réseau affecté par de nombreux facteurs externes
a-Quel impact du facteur économique ?
a-1 Quel financement du réseau AF?
a-2 La culture mondialisée vue en termes d’utilité ?
a-3 Risques d’une uniformisation culturelle
b- Quel impact politique : contexte changeant = vulnérabilité
b-1 Quelle influence du MAEE ?
b-2 Contexte politique local/national
c- En quoi le facteur temps est-il central pour la compréhension du réseau ?
c-1 Quid de la question de la temporalité humaine ?
c-2 Qu’est-ce que penser la culture à court terme/ à long terme
3- Mais un réseau qui fait preuve d’une démarche auto réflexive afin de se réinventer
a- Une mise à l’ordre du jour des objectifs stratégiques en vue d’un changement de paradigme
a-1- Professionnalisation des acteurs
a-2 Une diversification de l’offre pour toucher de nouveaux publics tout en
maintenant l’intérêt d’un public dit traditionnel
a-3 Quelles dynamiques de transformation des centres associés?
b- Une mise à disposition d’outils d’évaluation
b-1 Mise en place de concertations, commissions, Journées du réseau
b-2 Production de documents de référence
b-3 Existence d’un poste inédit de démarche qualité
c- Quels défis pour le futur ?
c-1 Capacité d’adaptation
c-2 Importance de l’expérimentation, d’oser
c-3 Nécessité d’une démarche proactive
Deuxième partie : Entre continuités et ruptures, un nouveau réseau AF qui se maintient comme un repère culturel, un référent au Mexique
1- Un réseau symbole de l’exception française qui conserve son rôle de fer de lance de la politique culturelle extérieure française
a- La question de “nation branding”
b- Le maintien de la marque AF
b-1 Une “labellisation” de l’offre culturelle ?
b-2 Comment se démarquer au sein d’un contexte concurrentiel ?
c- Une savante déclinaison entre enseignement et culture au service du projet Alliance Française
2- Un réseau qui désormais n’incarne plus le seul rayonnement culturel unilatéral mais bien plus le dialogue interculturel
a- Un ancrage nécessaire au sein du territoire mexicain
b- Une volonté de favoriser le dialogue quant à l’image de la France
c- Un réseau humain avant tout
c-1 Esprit de réseau ?
c-2 Identité plurielle du réseau : qui compose le réseau ?
c-3 Une identité plurielle faite d’identités singulières
3 – L’esquisse d’une politique culturelle entre continuités et ruptures au sein d’une percée culturelle française ?
a- Création de la Fondation en 2007 à la fois pilote du réseau AF mondial et partenaire privilégié du MAEE
b- Un réseau unique, désormais premier réseau culturel mondial, au besoin de politique culturelle pour une visibilité ainsi qu’une lisibilité optimisées
Troisième partie : Le déploiement d’une politique culturelle du réseau AF mexicain qui repose sur un terreau culturel encore sous exploité
1- L’atout clé de la coordination culturelle dans l’établissement d’une politique culturelle
a- La nécessité d’établir une ligne d’action et une communication cohérentes
b- L’importance d’entretenir l’intérêt mexicain pour l’expérience culturelle française
c- La volonté de favoriser la complémentarité des acteurs
c-1 Encourager la solidarité entre opérateurs culturels
c-2 Encourager la solidarité intra réseau AF
2 – Pourquoi réinvestir dans une politique culturelle accessible à tous se faisant l’écho du potentiel présent sur le terrain ?
a-Quels modes d’action privilégier ?
a-1 Une action qui mise sur des outils/espaces peu exploités
a-2 Une action de com’ dynamique qui permette de meilleures visibilité/lisibilité
b- Une politique culturelle vue comme un engagement ( autant individuel que collectif)
b-1 Un engagement vis-à-vis de l’exigence du secteur culturel en général
b-2 Un engagement vis-à-vis du public francophile
b-3 Un engagement vis-à-vis des artistes d’accompagnement, de remplir
son rôle de “passeur culturel”
c- Une politique culturelle vue comme une opportunité, un atout
c-1 Une opportunité de mettre en lumière certains pans de la culture
c-2 Une opportunité d’impliquer des experts locaux
c-3 Une opportunité de faire la différence, de renouveler et entretenir l’image de la culture française
3- En quoi la politique culturelle réaffirme et enrichit le “faire ensemble” qui donne sens à l’idée de coopération culturelle ?
a- Vers une nouvelle gouvernance culturelle ?
a-1 Le projet d’une mutualisation IF/AF fait-il sens ?
a-2 Qu’est-ce que suppose cette mutualisation ?
a-3 Un débat qui pose un bilan de la relation IF-AF
b- Une politique culturelle qui va favoriser une plus grande mise en réseau
b-1 Une véritable dimension fédératrice d’une AF au niveau local
b-2 Une véritable dimension fédératrice d’une AF au niveau national
b-3 Une mise en réseau qui favorise le dialogue interculturel
c- Quelle politique culturelle aujourd’hui pour le réseau AF ?
c-1 La politique culturelle voulue par différents membres du réseau
c-2 La politique culturelle proposée officiellement
c-3 Les défis de la définition de la politique culturelle
Conclusion

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