La place des femmes dans les politiques d’insertion et d’accès à l’emploi 

La place des femmes dans les politiques d’insertion et d’accès à l’emploi

Dans cette première partie nous allons étudier l’évolution des politiques d’emploi et d’insertion en France. Pour cela nous tenterons de définir ce qu’est l’insertion, et quelles ont été les réponses apportées au cours des cinquante dernières années par les politiques publiques. Ce panorama permettra de mieux appréhender le concept d’insertion et les différentes logiques en œuvre. Il nous mènera à analyser les politiques publiques actuelles, dans lesquelles les frontières entre insertion et emploi sont de plus en plus poreuses. Nous analyserons l’évolution des politiques publiques en matière d’insertion, ce qui nous mènera jusqu’au Revenu de Solidarité Active qui est actuellement le principal dispositif d’insertion au niveau national.
Dans chacun de ces éléments, la place accordée aux femmes sera mise en perspective afin de pouvoir étudier l’évolution qui s’est opérée au cours des dernières décennies, et les conséquences que cela peut avoir. L’objectif de cette partie est de poser les bases de notre travail afin de définir avec précision les différents concepts et de mieux comprendre le contexte actuel dans lequel s’inscrivent les politiques d’insertion. Cela permettra de contextualiser le sujet de notre étude et de s’interroger sur la place octroyée aux femmes qui ont des enfants à charge.

QU’EST-CE QUE L’INSERTION ?

Le concept d’insertion dans les politiques publiques

Le mot « insertion » peut être défini comme « fait, manière de s’insérer dans un groupe, de s’y intégrer » . D’après cette définition, les personnes désignées comme « à insérer » sont considérées comme étant en dehors de la société. Elles ne disposeraient pas d’une place dans la société ni d’une position sociale déterminée reconnue par le reste de la communauté.
Mais qu’est-ce qui fait que les individus ont une position sociale et un statut reconnus par la société ? Comment définit-on les personnes « à insérer » ?

L’émergence du concept

La notion d’insertion/réinsertion apparaît tout d’abord au milieu des années 1960 avec la question de la réinsertion des jeunes délinquants et des jeunes handicapés. Leur difficulté à trouver un emploi est expliquée par leur faible niveau de qualification. La formation est alors vue comme moyen de promotion sociale via l’accès à l’emploi. Ces jeunes ne disposeraient pas de toutes les clés pour accéder au monde du travail, et risqueraient d’être marginalisés de la société. Pour le gouvernement de l’époque  , le chômage constitue ainsi un risque d’exclusion et un facteur de marginalisation.

Les jeunes

Les années 1970 et 1980 marquent le début des politiques d’insertion avec la publication de plusieurs rapports, comme ceux des commissions du Plan (VIe et VIIe) et le rapport de Bertrand Schwartz en 1981. L’insertion a pour objectif de venir en aide aux jeunes sortis du système scolaire sans qualification et qui rencontrent des difficultés pour trouver un emploi. L’émergence de politiques en faveur de l’insertion au milieu des années 1970 s’explique par le contexte socio -économique de l’époque. C’est la fin de la période des Trente Glorieuses où la France était un pays prospère connaissant le plein-emploi. En effet, le chômage augmente et paraît s’installer durablement. On passe d’un chômage conjoncturel à un chômage structurel dont les jeunes sont les premières victimes.
Dans la deuxième partie des années 1970, le curseur de l’insertion se déplace de la formation vers les relations jeunes/école et jeunes/travail. Les jeunes se détourneraient du travail, qui ne constituerait plus le centre de gravité de leur vie, comme c’était le cas pour leurs aînés. Ce désintérêt des jeunes pour l’emploi expliquerait en partie leur difficulté à entrer sur le marché du travail, et résulterait d’un changement de mentalités post mai 68. Les nouvelles générations aspireraient à avoir une vie épanouie en-dehors de leur activité professionnelle (famille, loisirs, etc.). Travailler ne serait plus la principale voie du bien-être et d’une vie réussie, mais serait seulement un moyen de gagner sa vie et de subvenir à ses besoins. Cette thèse d’une désaffection du travail par les jeunes est développée p ar Jean Rousselet notamment.
Mais la difficulté pour certains jeunes à trouver un emploi est aussi attribuée au système scolaire qui ne parvient pas à doter les jeunes des compétences leur permettant d’entrer dans le monde de l’entreprise. Il y aurait une inadéquation entre formation et emploi. Le système éducatif serait déconnecté du monde du travail et expliquerait en partie le chômage des jeunes.
Face à la dégradation de la situation, trois pactes annuels pour l’emploi sont lancés successivement à partir de juillet 1977 pour élever le niveau de formation des jeunes sortis sans diplôme du système scolaire, ou qui ont des qualifications non reconnues par le milieu de l’entreprise. Le Ministère de l’Education et le Ministère du Travail mettent donc en place des actions telles que les « stages d’insertion sociale » qui doivent être un préalable à l’insertion professionnelle. L’objectif est de mieux lier l’école au monde de l’entreprise afin de faciliter l’accès à l’emploi des jeunes.
Les années 1980 marquent un tournant dans les politiques d’insertion en direction des jeunes. Le rapport Schwartz de 1981, intitulé « L’insertion sociale et professionnelle des jeunes » pose les bases des politiques d’insertion. Si ce rapport concerne seulement les jeunes sortis du système scolaire, il inscrit cependant la notion d’insertion dans les politiques publiques françaises en préconisant, face au développement du chômage des jeunes et aux sorties de l’école sans diplôme, la mise en œuvre d’une politique d’insertion sociale et professionnelle des jeunes, reposant sur des structures locales, partenariales et transversale. Soixante mesures sont proposées dans des domaines très différents comme l’emploi, le logement, les loisirs, la santé, la justice, etc. Pour la mise en œuvre de ces orientations, Bertrand Schwartz préconise la création de structures spécialisées prenant en charge de façon globale et individuelle les jeunes âgés de 16 à 25 ans sortis du système scolaire sans qualification. Ce sont les Missions Locales. L’objectif est de lever tous les freins à l’emploi et de permettre aux jeunes individus d’entrer dans le monde du travail.
A travers le rapport Schwartz, on peut voir que l’inemploi des jeunes est vu comme une menace à leur intégration à la société puisque l’insertion y est pensée en termes aussi bien de travail que de vie sociale. Le travail est pensé comme le ciment de la société, sans lequel les citoyens ne peuvent s’y intégrer.
Les politiques publiques se sont donc dans un premier temps saisies de la question de l’insertion en s’intéressant aux jeunes chômeurs. Mais rapidement, uneautre catégorie de personnes va être visée par ces politiques et vont être considérées comme « à insérer ».

Lien entre insertion et emploi

Comme nous l’avons vu précédemment, les politiques d’insertion sont apparues concomitamment à la forte augmentation du chômage et à son installation durable dans le paysage socio-économique français. Dès lors, on peut se demander quel lien existe-t-il entre emploi et insertion ? Les deux notions sont-elles forcément liées ? Ici nous n’aborderons pas la question du type d’organisation étatique et des droits auxquels sont rattachés le travail. Cet aspect sera traité ultérieurement.
Tout d’abord, les politiques de l’emploi peuvent être définies comme comprenant « l’ensemble des interventions publiques sur le marché du travail, visant à en corriger les éventuels déséquilibres et/ou à limiter les effets néfastes de ces derniers » . Elles regroupent des mesures très diverses comme des incitations fiscales à l’activité, l’indemnisation du chômage, les préretraites, des mesures ciblées sur les chômeurs, etc. Les politiques de l’emploi ne sont donc pas un champ indépendant, autonome, des politiques publiques, mais elles sont imbriquées dans d’autres champs de l’action publique tels que les politiques sociales, économiques, etc.
De la même manière, on peut se demander si on peut parler de « politiques d’insertion » comme des entités indépendantes, puisque ces dernières sont souvent dépendantes d’autres champs d’action comme par exemple l’économie ou l’emploi.
Comme nous l’avons vu dans la partie précédente retraçant l’émergence du concept d’insertion, l’emploi est un thème omniprésent. Dès les premiers dispositifs dits d’insertion, l’objectif final annoncé est l’accès à un emploi stable et durable.
D’ailleurs, le diagnostic faisant état d’un besoin d’intégration part bien du constat qu’un nombre croissant de jeunes n’a pas de travail et qu’il faut donc les aider afin qu’ils « s’insèrent » dans la société. Selon Nicole Kerschen et Christophe Guitton,
au cours des années 1980 le concept d’insertion et « l’objectif d’insertion » sontapparus « au sein des politiques de l’emploi ». Sous cet angle, les politiques d’insertion peuvent être vues comme des dispositifs de « mise au travail » des chômeurs afin qu’ils s’intègrent au reste de la société.
Ce lien très étroit entre insertion et emploi traduit la place centrale accordée au travail dans notre société. Le travail permet de donner aux individus un statut social avec des droits qui y sont rattachés.
Aussi, une certaine forme d’emploi est aujourd’hui valorisée : le salariat. Robert Castel parle d’une « société salariale » qui est « une société dans laquelle l’identité sociale se fonde sur le travail salarié plutôt que sur la propriété » .Dans cette société, l’intégration par le travail est tridimensionnelle : économique, sociale et symbolique . L’intégration par le travail est tout d’abord économique car elle permet la participation à la vie de la société via des activités de production et de consommation (travailler permet de produire et de consommer). L’intégration est ensuite symbolique car travailler permet d’intérioriser les normes et valeurs construites autour du travail. Or l’un des éléments constitutifs d’une société est le partage de normes et de valeurs communes. Enfin, l’intégration par le travail revêt une dimension sociale car avoir un emploi permet d’appartenir à un groupe et la création de liens sociaux issus de ce groupe. L’appartenance au groupe permet l’acquisition des normes et valeurs de la société à laquelle on appartient. Cependant, avec l’augmentation du chômage et son installation durable dans le paysage socio-économique français, cette exclusion, ou en tout cas ce risque d’exclusion, ne doit pas être généralisée et mérite d’être nuancée. D’autres formes de participation à la vie de la cité voient le jour avec par exemple le développement de la participation des habitants à la vie de leur quartier et à la prise de décision au niveau local. De plus en plus les habitants sont invités à s’investir dans la vie de leur quartier ou de leur ville. C’est une nouvelle forme de citoyenneté qui se développe. Il y a donc bien deux aspects différents dans l’insertion : d’une part l’insertion professionnelle où l’emploi est la thématique majeure, et d’autre part ce que l’on peut appeler l’insertion sociale. Dans cette dernière, l’insertion est davantage pensée comme l’intégration citoyenne via la participation à la vie de la cité.

L’insertion, un domaine de l’action publique qui reflète le modèle étatique dans lequel il s’inscrit

En matière d’insertion, les politiques publiques mises en place par un gouvernement, reflètent le type de régime auquel il appartient. En effet, selon les pays la façon dont est pensée la place de l’Etat diffère. Les différents modes d’action pour la lutte contre le chômage et contre l’exclusion sont différents et témoignent de l’importance accordée à l’action sociale. Toutefois, ces Etats peuvent tous être qualifiés « d’Etats-providence » où les questions d’amélioration sociale, de bien-être collectif sont déterminantes. Mais parmi les Etats-providence, il existe différents régimes, qui ont été théorisés par G. Esping Andersen. Chaque régime est doté de sa propre logique d’intégration, de stratification et d’intégration sociale, qui résultent de leur histoire propre. Dans cette partie, nous nous attacherons à montrer en quoi les politiques publiques en matière de droits sociaux diffèrent selon le type de régime d’Etat-providence, et quelle place elles accordent aux femmes qui ont des enfants. Nous mettrons en perspective deux types de régimes : le régime socialdémocrate et le régime bismarckien . Notre étude s’inscrivant dans une perspective de genre , ces deux régimes s’opposent sur le sujet et sont donc les plus pertinents pour notre sujet.

Le régime social-démocrate

Le modèle social-démocrate d’Etat-providence est le modèle à l’œuvre dans les pays du Nord de l’Europe (Danemark, Suède, Norvège…). Dans ces pays, le niveau de protection sociale est très élevé, et surtout, il couvre la totalité des citoyens, quelle que soit leur situation familiale ou leur situation par rapport à l’emploi. Les droits sociaux sont un droit universel, quel que soit le niveau des besoins des individus ou leurs performances professionnelles. Les conditions d’éligibilité pour accéder aux droits sociaux sont la citoyenneté ou la résidence dans le pays depuis un certain nombre d’années. La protection sociale est totalement démarchandisée et financée par l’impôt, ce qui fait que toute la population y a accès, même les personnes sans emploi.
Le régime social-démocrate peut être qualifié « d’individualisé » ou « à deux apporteurs de revenus » car il est censé encourager tous les citoyens, quelle que soit leur situation familiale et leur sexe, à travailler. Les droits sociaux sont rattachés à l’individu et non au ménage. Ce rattachement à l’individu en tant qu’entité propre, permet de ne pas conditionner l’octroi de certaines allocations, de certains droits, à la présence d’autres personnes dans le ménage . Ainsi, cela permet aux individus d’être indépendants. Par exemple, ce système évite que les conjointes ne soient dépendantes de leur conjoint pour avoir accès à certains droits. L’individualisation des droits sociaux favorise l’égalité entre femmes et hommes dans la mesure où il garantit à tous les citoyens un niveau de vie acceptable indépendamment des solidarités familiales.
Dans cette même idée, dans les régimes sociaux-démocrates, l’Etat a mis en place une offre développée et suffisante de services d’accueil et de soins, notamment concernant les gardes d’enfants. Cela permet aux individus de travailler tout en ayant des enfants en bas-âge. Or la garde des jeunes enfants étant traditionnellement assurée par les femmes, ce régime favorise l’égalité entre les sexes.
Dans les pays ayant adopté ce type d’Etat-providence, la place du travail n’est pas aussi prépondérante qu’en France. En effet, l’accès aux droits sociaux n’étant conditionné que par la citoyenneté ou la durée de résidence dans le pays pour les personnes étrangères, le fait d’avoir un emploi n’est pas aussi primordial que dans notre pays. Le travail n’est pas au centre du système de protection sociale, ce qui fait que les individus, et surtout la société en général, ne donne pas autant d’importance au travail qu’en France ou que dans d’autres pays ayant un régime d’Etat-providence différent. Sans doute le travail n’est-il pas un facteur d’insertion sociale aussi prépondérant qu’il peut l’être en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni par exemple.
Le modèle social-démocrate est ainsi censé libérer les individus du marché du travail, en leur offrant une protection sociale qu’ils aient un emploi ou non, et il les libère de la famille en ne prenant pas en compte les solidarités familiales dans le mode de calcul des prestations. Il se démarque ainsi de l’autre modèle d’Etatprovidence que nous allons étudier maintenant, qui se rapproche le plus du modèle français.

Le régime français de protection sociale

Le régime français de protection sociale, qualifié de « corporatisteconservateur » par G. Esping Andersen, est un modèle influencé par le christianisme dont le catholicisme. Contrairement au modèle social-démocrate, les droits sociaux sont ici fondés sur la famille et l’emploi qui sont centraux. Ce type de régime est d’ailleurs souvent qualifié de patriarcal car il encourage le modèle du « male breadwinner », c’est-à-dire de l’homme/époux apporteur de ressources à sa famille. Nous allons étudier quels sont les ressorts de ce modèle de régime. D’une part, le régime français accorde des droits sociaux individuels liés à l’emploi. Ces droits sont par exemple l’assurance maladie, la cotisation retraite, etc. Le travail constitue l’un des piliers du système français de droits sociaux avec une logique corporatiste forte. Nous parlons de logique corporatiste car suivant la branche métier à laquelle les individus appartiennent, ils disposent de droits sociaux différents. Par exemple, au sein de la Sécurité Sociale, co-existent différents régimes (SNCF, commerçants, travailleurs indépendants, etc.) ouvrant accès à des droits distincts. C’est donc la logique professionnelle qui est à l’œuvre, et non celle de la citoyenneté comme dans le modèle social-démocrate. Cependant, les personnes sans emploi ne sont pas pour autant démunies de droits. Elles entrent dans ce qu’on appelle la « logique assistancielle », c’est-à-dire que l’Etat prend en charge cette population en lui garantissant un revenu minimum et une assurance maladie.

L’accompagnement vers l’emploi des allocataires du RSA : une affaire de famille ?

Nous allons à présent, dans cette deuxième partie, nous attacher à tester nos deux hypothèses de départ en présentant les résultats de l’étude que nous avons menée. Pour cela, nous nous appuierons sur deux principales sources.
D’une part, nous allons utiliser les données statistiques recueillies par la Caisse Nationale d’Allocations Familiales grâce à sa base de données PANAME . C’est un panel d’allocataires de la Caisse Nationale d’Allocations Familiales (CNAF) créé par la direction des Statistiques, des Etudes et de la Recherche de la CNAF. Il vise la connaissance des trajectoires des allocataires de prestations sociales et familiales grâce au suivi d’un échantillon représentatif. Ici l’unité d’étude est l’individu et non le ménage. Cette étude réalisée par la CNAF nous permettra d’utiliser une méthode quantitative.
D’autre part, nous nous appuierons sur l’enquête de terrain que nous avons réalisée.
Elle utilise une méthodologie qualitative via des entretiens semi-directifs. Notre enquête a eu lieu sur deux territoires différents : l’agglomération grenobloise et le
Nord Isère. Nous avons choisi ces deux terrains car ils nous ont semblé représentatifs du territoire départemental, dans la mesure où l’agglomération grenobloise est le territoire le plus peuplé du département et le Nord Isère est une zone rurale. Il nous a paru intéressant de rencontrer des individus de territoires urbains et ruraux car ils font face à des problématiques qui peuvent être différentes.
L’objectif de l’enquête de terrain est de rencontrer des professionnels référents de parcours RSA, afin de voir de quelle manière ils pensent et pratiquent l’accompagnement vers l’emploi des allocataires. Nous avons aussi rencontré des allocataires RSA (des femmes) afin de connaître leur trajectoire de vie, où elles en sont actuellement et comment elles abordent leur accompagnement. Au total, nous P. Domingo, V. Fernandez, Les trajectoires de perception du RSA, Politiques sociales et familiales n°113, septembre 2013.
avons pu rencontrer quinze personnes. Parmi elles, quatre professionnels dont une personne chargée de mission insertion au Conseil Départemental de l’Isère, une responsable d’un service développement social du Département, une Animatrice
Locale d’Insertion travaillant dans le Nord Isère et une assistante de service social de l’agglomération grenobloise.
Mais parmi les onze allocataires rencontrées, seulement quatre nous ont apporté des éléments pertinents pour notre étude. En effet, pour les autres, les entretiens n’ont pas pu être réalisés dans des circonstances satisfaisantes, c’est-à-dire que l’entretien s’est fait pendant leur rendez-vous mensuel, avec leur référent emploi qui était donc présent. La parole n’était donc pas « libre ». Aussi, pour d’autres allocataires nous avons décidé de ne pas retenir leur entretien pour notre enquête car leur profil ne permettait pas d’apporter d’éléments concernant notre objet d’étude.
Les allocataires que nous avons pu rencontrer sont pour une partie du Nord Isère.
Nous sommes entrés en contact avec elles via un forum d’allocataires RSA. Quant aux autres allocataires, elles vivent à Echirolles, dans l’agglomération grenobloise.
Ainsi, l’échantillon d’allocataires rencontrées n’est pas représentatif. C’est pour cela que nous avons décidé de nous appuyer également sur des données quantitatives. Ces dernières permettent d’avoir une vue d’ensemble sur les trajectoires des allocataires RSA, au niveau nationale. La partie qualitative permet, quant à elle, d’apporter des éléments que les données statistiques n’apportent pas.

Le RSA socle : un tremplin pour les jeunes

Les allocataires appartenant à ce groupe connaissent une trajectoire de sortie dynamique ou positive du dispositif, c’est-à-dire qu’ils sortent du RSA socle seul. Pour 35.5% d’entre eux, un an plus tard ils sont sortis du dispositif RSA, que ce soit la composante socle ou activité. Quant aux autres, ils bénéficient du RSA socle + activité (22.3%) ou du RSA activité (26.3%). Dans tous les cas, si leur trajectoire est instable c’est parce qu’ils connaissent tous une augmentation de leur temps de travail. Ce sont donc des trajectoires que l’on peut qualifier de positives, où le RSA est transitoire et permet de faire le lien entre une période d’inemploi, qui correspond certainement à la période d’entrée dans le monde du travail, et une période d’emploi où la situation des allocataires est stabilisée.
Cependant, comme dans toutes les autres trajectoires étudiées précédemment, la configuration familiale parait jouer un rôle déterminant sur la situation des femmes vis-à-vis de l’emploi. En effet, ici aussi les femmes en couple sont deux fois moins nombreuses à avoir un emploi que les hommes en couple en décembre 2010. Elles sont également beaucoup plus nombreuses à être inactives, donc pas à la recherche d’emploi, que les hommes en couple.
Par rapport aux femmes seules, les femmes en couple sont beaucoup moins nombreuses à avoir un emploi (49.6% des femmes seules ont un emploi en décembre 2010 contre 25.8% des femmes en couple). Un quart des femmes seules sont inactives, contre près de 60% des femmes en couple. Par ailleurs, si l’on compare la situation des femmes seules et des hommes seuls, leur situation est à peu près similaire. On ne note pas de différence. Le sexe n’a donc pas d’effet particulier sur la situation des personnes seules vis-à-vis de l’emploi. On peut donc en déduire que c’est bien la configuration familiale des femmes qui a un fort impact sur l’insertion professionnelle de ces dernières.
D’après les différentes trajectoires que nous avons pu définir d’après les données de la CNAF, on peut constater que la configuration familiale paraît jouer un rôle prépondérant dans l’insertion professionnelle des femmes allocataires du RSA.
Les femmes en couple sont plus éloignées de l’emploi et moins incitées à en retrouver un que les femmes seules. Mais qu’est-ce qui fait que la configuration familiale a une influence aussi importante sur l’emploi des femmes allocataires du RSA ?

Le RSA, un dispositif au service du modèle traditionnel de la famille

L’étude des différentes trajectoires des allocataires du RSA nous a montré que la configuration familiale a un impact important sur l’accès à l’emploi des femmes. Après avoir présenté ces données quantitatives qui mettent en évidence les différences entre hommes et femmes, mais surtout entre les femmes elles-mêmes, il est maintenant nécessaire d’analyser ces données. En effet, comment expliquer l’influence de la configuration familiale sur l’accès à l’emploi des femmes ? Nous verrons en premier lieu que les disparités engendrées par le RSA au sein des couples. Ensuite nous expliquerons que le RSA envoie un message contradictoire aux femmes, en matière d’insertion professionnelle, suivant leur situation familiale

Le RSA ou la promotion du modèle de la femme au foyer ?

La comparaison de la situation vis-à-vis de l’emploi des allocataires RSA permet de mettre en évidence qu’il existe de forte disparités au sein des couples entre hommes et femmes. En effet, la plupart des couples allocataires du RSA sont mono-actifs, c’est-à-dire que seul l’un des deux conjoints occupe un emploi. Mais cette mono-activité des couples est le fait des hommes, puisque selon les données récoltées par la CNAF en 2010, 24.3% des femmes en couple allocataires du RSA ont un emploi en décembre 2010, contre 67.5% des hommes en couple. Aussi, selon le « Rapport d’une mission sur l’emploi des femmes » réalisée à la demande du Ministère des Droits des Femmes entre mars et octobre 2013 , plus le nombre d’enfants est important, et plus le taux d’activité des femmes est bas. L’âge des enfants est aussi déterminant puisque quand ils sont en bas âge, le taux d’activité est plus bas également.
Dès lors, on peut se demander si le RSA ne favoriserait pas le modèle de la femme au foyer et du « male breadwinner », l’écart de taux d’activité entre femmes et hommes au sein des couples allocataires du RSA ne pouvant s’expliquer Femmes appartenant au panel .
Sous la direction de Séverine Lemière. uniquement par la vocation des femmes à être mère au foyer. En effet, s’il est vrai que certaines femmes, qu’elles soient au RSA ou non, choisissent de laisser de côté leur carrière professionnelle, il est difficile de croire que c’est le cas pour la plupart des allocataires du RSA. On peut donc supposer que c’est le dispositif RSA luimême qui induit un effet de « male breadwinner ».
Si on s’intéresse au gain financier apporté par le retour à l’activité du deuxième conjoint au sein d’un couple allocataire du RSA , on s’aperçoit que la reprise d’un emploi à mi-temps pour un couple mono-actif avec deux enfants divise le gain en revenu par deux, par rapport au système précédent de minima sociaux. La reprise d’un emploi à temps plein divise le gain par 1,4. Donc dans tous les cas, au sein des couples mono-actifs le retour à l’emploi du deuxième conjoint n’apporte aucun gain en termes de revenus. Le Revenu de Solidarité Active n’incite donc pas la reprise d’activité du deuxième conjoint au sein des couples allocataires, qui en l’occurrence est la femme dans la plupart des cas. Cette (quasi) absence de gain financier s’explique en partie par la non prise en compte des surcoûts liés à la reprise d’emploi (garde d’enfants, frais de transports…).
Outre le gain de retour à l’emploi, l’accompagnement prévu par le dispositif RSA présente aussi des failles concernant les femmes en couple. En effet, il n’est pas imposé à toutes les femmes en couple, puisque si elles bénéficient du RSA activité grâce au travail de leur conjoint, elles n’entrent pas dans le périmètre des droits et devoirs. Aucun accompagnement vers l’emploi ne leur est donc proposé.
Selon l’économiste Hélène Périvier, le « rôle de « femme au foyer dispensatrice de soin » écarte tout soupçon de paresse, la « maternabilité » de la femme en couple prime encore sur son employabilité. ».

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Table des matières
INTRODUCTION 
Partie 1 : La place des femmes dans les politiques d’insertion et d’accès à l’emploi 
CHAPITRE 1 : QU’EST-CE QUE L’INSERTION ? 
Section 1 : Le concept d’insertion dans les politiques publiques
Section 2 : L’insertion, un domaine de l’action publique qui reflète le modèle étatique dans lequel il s’inscrit
CHAPITRE 2 : Evolution des dispositifs d’insertion en France : un mouvement d’activation des allocataires variable selon les publics 
Section 1 : Du Revenu Minimum d’Insertion au Revenu de Solidarité Active
Section 2 : L’« activation » des allocataires dans le cadre du RSA : une logique qui s’applique de la même façon à tous?
PARTIE 2 : L’accompagnement vers l’emploi des allocataires du RSA : une affaire de famille ? 
CHAPITRE 1 : LE RSA, UN DISPOSITIF QUI INDUIT UNE INSERTION PROFESSIONNELLE DIFFERENTE SELON LE SEXE ET LA CONFIGURATION FAMILIALE 
Section 1 : Des trajectoires différentes selon le sexe et la configuration familiale des allocataires RSA
Section 2 : Le RSA, un dispositif au service du modèle traditionnel de la famille
CHAPITRE 2 : L’INSERTION, UN SECTEUR QUI N’ECHAPPE PAS AUX STEREOTYPES DE GENRE
Section 1 : Des dispositifs d’accompagnement reproduisant fortement la division sexuée du travail
Section 2 : L’intériorisation des schémas sociaux par les travailleurs sociaux et par les
allocataires eux-mêmes et les conséquences sur l’accompagnement vers l’emploi
CONCLUSION PARTIELLE
PARTIE 3 : Le RSA, miroir grossissant de la société en matière d’égalité femmes/hommes ?
CHAPITRE 1 : POLITIQUES PUBLIQUES ET ROLE DES FEMMES DANS LA SOCIÉTÉ, ENTRE ÉMANCIPATION ET DÉPENDANCE 
Section 1 : division sexuée des tâches et des rôles parentaux au sein de la famille
Section 2 : rôle des politiques publiques
CONCLUSION PARTIELLE
CHAPITRE 2 : MARCHÉ DU TRAVAIL ET INÉGALITÉS FEMMES-HOMMES 
Section 1 : Une situation plus défavorable pour les femmes que pour les hommes
Section 2 : Politiques publiques et obstacles à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes
CONCLUSION GÉNÉRALE 

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