La place de l’auto-questionnaire dans le dépistage systématique des violences conjugales en consultations prénatales dans le Finistère

L’Organisation Mondiale de la Santé décrit la violence «comme une menace ou comme l’ utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même ou autrui, contre un groupe ou une communauté» [1] . Même si la violence est définie aux yeux d’un plus grand nombre comme un acte physique pouvant engendrer des traumatismes aiguës immédiats ou chroniques, elle existe également sous la forme de violences sexuelle, psychologique, économique ou verbale. Elle est dite conjugale lorsqu’elle est exercée par le conjoint, partenaire, concubin, compagnon actuel ou ancien. D’après le Code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994, la qualité de conjoint ou de concubin de la victime constitue une circonstance aggravante des « atteintes volontaires à l’intégrité de la personne ». [2] Elle est punie par la loi .

Les violences conjugales sont un véritable fléau dans notre société moderne et représentent un réel problème de santé publique. Elles touchent tous les âges et tous les milieux socio-culturels. En France, 1 femme décède tous les 3 jours sous les coups de son concubin [3]. Sur l’année 2018, 121 femmes sont décédées sous les coups de leur (ex)-compagnon officiel ou non officiel, 213 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint sur une année mais moins d’une victime sur cinq déclare avoir déposé plainte [3].

Dans cette étude, nous n’aborderons que les violences intrafamiliales faites aux femmes. Des hommes en sont également victimes. Selon la dernière lettre de l’Observatoire National des Violences Faites aux Femmes publiée en novembre 2019, 12 % des victimes de violences commises par le partenaire enregistrées par les services de police et de gendarmerie sont des hommes sur l’année 2018 [3].

La violence est destructrice. Des lésions traumatiques (brûlures, ecchymoses, morsures …) aux troubles psychiques (anxiété, état dépressif, psychotraumatiques), en passant par l’aggravation des maladies chroniques, les conséquences sont nombreuses [4]. Elle entraîne des situations de précarité. En la dévalorisant, en inversant la culpabilité, dans un climat de peur et d’insécurité, l’agresseur domine sa victime.

Dans un contexte de violences conjugales, c’est une famille entière qui est concernée. Trop souvent oubliés, les enfants en sont les premières victimes. Selon l’Observatoire Nationale de la Violence Faites aux Femmes [3], en 2018, 21 enfants mineurs ont été tués par l’un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple. Battus ou témoins, ils développent les mêmes mécanismes de protection que les adultes. C’est un schéma de vie qu’ils sont plus à risque de rechercher et de reproduire dans le futur. De victime, ils deviendront auteur. La grossesse, période empreinte de bouleversements, est un moment propice à l’instauration ou à l’aggravation de violences au sein du couple. 3 à 8 % des grossesses sont marquées par des faits de violence [6]. Au cours de sa grossesse, la patiente est amenée à consulter régulièrement des professionnels de santé tant pour les consultations obstétricales mensuelles et les échographies trimestrielles recommandées que pour les cours de préparation à la naissance et à la parentalité ainsi que pour les séances de rééducation périnéale en période post natale. La Haute Autorité de Santé (HAS) avait déjà publié en 2005 des recommandations de Bonnes Pratiques intitulées «Préparation à la naissance et à la parentalité» dans lesquelles il est stipulé que l’Entretien Prénatal Précoce doit être proposé systématiquement à toutes les patientes ou couple. Il a notamment pour objectif le «repérage systématique des facteurs de vulnérabilité (somatique, sociale, psycho-affective) susceptibles de compromettre la santé de l’enfant, de perturber l’instauration du lien entre les parents et l’enfant, voire de nuire à la protection et à la sécurité de l’enfant ». Dans l’enquête nationale périnatale «Les naissances et les établissements Situation et évolution depuis 2010» menée par le ministère des Solidarités et de la Santé en 2016, il en ressort que seulement «28,5 % des femmes déclarent en avoir eu un, contre 21,4 % en 2010 » et que « L’EPP était plus souvent réalisé chez les primipares (39,5 %) que chez les multipares (20,5 %) » [7]. En juin 2019, la HAS a établi d’autres recommandations de Bonnes Pratiques sur le repérage des femmes victimes de violences au sein d’un couple dans l’objectif de renforcer l’implication des professionnels de santé dans la lutte contre les violences faites aux femmes, de favoriser le repérage des femmes victimes de violences au sein du couple et de faciliter la coordination entre professionnels concernés  .

Les sages-femmes, les gynécologues-obstétriciens ou les médecins généralistes sont les personnes de premier recours pour ces victimes [8]. Il est indispensable de mobiliser les professionnels pour qu’ils prennent conscience de l’existence de violences conjugales au sein de leur patientèle afin de proposer un accompagnement adapté à la situation. Une mobilisation du gouvernement a fait l’objet du 4ème plan Triennal (2014-2016) [9], et a notamment conduit à la mise en place d’une obligation pour les professionnels de formations initiale et continue aux violences conjugales.

Pour accompagner les professionnels et protéger les victimes, des mesures réglementaires et législatives existent (une ordonnance de protection par le Tribunal de Grande Instance, des cartographies identifiant les structures spécifiques à proximité [11]…). Des fiches réflexes et des outils pédagogiques d’autoformation pour les professionnels [10] ont été mis en place par la Mission Interministérielle pour la Protection des Femmes pour favoriser le dépistage et l’accompagnement. Le Téléphone Grand Danger, le numéro national 3919 « violences femmes infos » ouvert 24h/24 7j/7 viennent compléter ce tableau non exhaustif des outils à disposition. Les victimes et témoins de violences ont la possibilité de rentrer en contact de manière anonyme avec des professionnels de la police judiciaire grâce au site internet violence.gouv.fr. Ce sujet connaît une très forte médiatisation.

Le premier grenelle contre les violences conjugales a eu lieu du 03 septembre 2019 au 25 novembre 2019. Son objectif principal est de mobiliser et réunir tous les professionnels (ministres, professionnels de santé …) pour proposer et mettre en place des «engagements concrets». Parmi les mesures annoncées, la victime aura la possibilité de bénéficier de la garantie visale avec une caution locative gratuite, lui facilitant l’accès à un logement. Il y est également mentionné la mise en place d’une plateforme de géolocalisation permettant l’identification rapide des places disponibles dans les hébergements à proximité. Afin de protéger la mère et les enfants, une des mesures du grenelle consiste à limiter l’exercice de l’autorité parentale du père violent [11].

Le docteur Emmanuelle PIET, gynécologue et médecin en Protection Maternelle et Infantile en Seine Saint Denis, a mené différentes études relatives au dépistage [14]. Ces dernières consistaient à poser de manière systématique la question des violences pendant un laps de temps, et d’évaluer le taux de réponses positives. En s’appuyant sur les résultats des études, elle conclut ainsi : «En posant la question, les patientes répondent. Ce n’est pas la question sur l’existence de violences passées ou actuelles qui est traumatisante mais bien les actes de violence qui sont destructeurs».

Les pays anglo-saxons ont développé de nombreux outils de dépistage précoce des violences. Développé au Canada en 1996, le Woman Abuse Screening Tool (WAST) est un des outils de dépistage des violences conjugales validé en langue française et applicable en milieu ambulatoire [15]. PREMIS (Physician Readiness To Manage Intimate Partner Violence), autoquestionnaire créé et validé aux Etats-Unis à visée des professionnels, a pour objectif d’évaluer les connaissances de ces derniers sur les violences. Ce questionnaire a montré son efficacité et a été validé en France [16].

Pour autant, malgré la mise en place d’outils d’accompagnement des victimes, de politiques de lutte et de recommandations, aucune évolution du taux de dépistage systématique n’est notable sur les dix dernières années. Il se situe toujours aux environs de 19 % [4] [17]. Il est primordial de continuer à proposer et évaluer de nouveaux outils pour améliorer les pratiques en fonction du contexte. Le groupe d’Etudes Grossesse et Addictions (GEGA), groupe pluri-professionnel de réflexion et de recherche autour de la prise en charge des femmes enceintes consommant des substances psychoactives en France, est à l’initiative d’un auto-questionnaire ayant pour objectif de repérer les principales vulnérabilités toxicologiques, sociales, psychologiques des femmes enceintes au cours de consultation prénatale. Il a été expérimenté et mis en place à l’hôpital Jeanne de Flandre à Lille en 2006 et au centre hospitalier de Cornouailles à Quimper en 2016. Il est également distribué à l’hôpital de Morlaix depuis novembre 2012.

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Table des matières

I. Introduction
II. Matériels et méthode
A) Généralités sur la méthode qualitative
B) Les lieux et la date de l’étude réalisée
C) L’inclusion de la population
D) Enregistrement et retranscription des résultats
III. Résultats
A) Description de la population
B) Pratiques des professionnels sur les violences conjugales
1. Définition de la violence
2. Abord de la question des violences en consultation
2.1.Le questionnement systématique
2.1.1. Sans l’utilisation de l’auto questionnaire
2.1.2. Avec l’utilisation de l’auto questionnaire
2.2.Le dépistage ciblé
C) Utilisation de l’auto questionnaire
1. Modalités d’organisation
2. Avantages soulevés par les professionnels
3. Inconvénients décrits par les professionnels
4. Les outils développés suite à la mise en place de l’auto questionnaire
D) Ressentis des professionnels et propositions d’amélioration
1. Ressources
2. Ressentis des professionnels sur le sujet
3. Proposition d’amélioration du dépistage des violences
IV. Discussion
A) Synthèse des résultats
B) Les limites de l’étude
C) Les connaissances et formations des professionnels
D) Le secret médical au cœur d’un nouveau projet de loi
E) Syndrome de stress post-traumatique, conséquence des violences
F) L’impact des violences vécues dans l’enfance à l’âge adulte
V. Conclusion

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