La place de la photographie dans la production éditoriale de jeunesse

La place de la photographie dans la production éditoriale de jeunesse

Pour des raisons techniques et financières, la photographie n’est apparue que tardivement en tant qu’illustration de jeunesse et selon Michel Defourny, le premier « album photographique » date de 1931 et il s’agit de Regarde ! mes photos, d’Emmanuel Sougez et Henri Jonquières . Si cette première parution est relativement récente, la place de l’album photographique dans la production éditoriale de jeunesse se fait aujourd’hui discrète, mais incontestable, surtout depuis les années 1990.
Mais alors, comme le remarque Michel Defourny, pourquoi un tel désintérêt pour les albums photographiques du début du siècle ? Cet oubli est d’autant moins compréhensible que la qualité des travaux des photographes à l’origine de ces ouvrages est parfois reconnue de manière internationale : ainsi Robert Doisneau jouit d’une excellente renommée, ce qui n’a toutefois pas suffit à faire rééditer 1, 2, 3, 4, 5.
Seules les collaborations d’Ylla et de Prévert bénéficient d’une telle attention, et cette initiative s’explique en partie par le lien qui unissait l’éditeur du Cherche-Midi et Jacques Prévert en personne.
Pourtant, les albums photographiques ne passent pas inaperçus : correspondant à la fois à la notion d’album selon la définition de Sophie Van der Linden, pour qui il s’agit d’« ouvrages dans lesquels l’image se trouve spatialement prépondérante par rapport au texte. » et où « la narration se réalise de manière articulée entre texte et images. » . Christian Poslaniec propose lui aussi une définition axée sur la « double narration » à l’œuvre dans la forme littéraire qu’est l’album.
La place de la photographie, comme toute illustration intervenant dans le contexte de l’album, n’est donc pas anodine, d’autant moins qu’il s’agit d’une technique longtemps négligée dans la littérature de jeunesse. Son impact sur le récit, que rendent implicite les définitions proposées par Sophie Van der Linden et Christian Poslaniec seront étudiées dans un second temps.
L’objet de la première partie de cette étude ne constitue pas en revanche une énumération chronologique de tous les titres d’albums photographiques parus depuis 1930, énumération qui serait certes, exhaustive, mais fastidieuse. Il s’agit plutôt de présenter un panel d’albums photographiques correspondant aux définitions de Poslaniec et Van der Linden, et d’en dégager une loi du genre telle que pourrait la concevoir Poslaniec et qui semble ici difficile à percevoir, en raison de la grande variété des travaux que constituent les albums photographiques.
Une première typologie traitant des différents procédés recourant à la photographie dans les albums de jeunesse nous permettra de cerner la variété du caractère illustratif de la photographie. L’aspect documentaire sera également étudié, mais sous l’angle de la littérature de jeunesse, les documentaires à proprement parler n’étant pas l’objet de cette étude. À cet aspect documentaire, qui permet une première distinction avec des illustrations plus classiques s’ajouteront les différents types de processus de création propres à la conception d’un album photographique.

Le statut illustratif de la photographie : quels procédés ?

La photographie à l’œuvre dans les albums photographiques n’est pas figée : elle regroupe des pratiques diversifiées et si l’on distingue ici la mise en scène d’objets, de personnages ou son alliance à d’autres techniques comme le collage par exemple, on pourrait presque compléter cette typologie sommaire en y ajoutant des catégories supplémentaires : la photographie en noir et blanc ou en couleurs par exemple, le choix de l’une ou de l’autre colportant ses propres enjeux.

La mise en scène d’objets et de figurines

Le choix de la mise en scène d’objets ou de figurines souvent réalisées par le photographe lui-même fait partie des plus anciennes expériences d’albums photographiques. En effet, c’est ce procédé qu’utilise Claude Cahun en 1937 pour illustrer les poèmes de Lise Deharme.

La mise en scène de modèles vivants

Si la mise en scène est parfaitement réglée dans le cas de figurines ou d’objets longuement mis en place par le photographe, il en va différemment dès lors que le modèle est vivant. Ainsi, certains photographes, à l’image d’Ylla, se consacrent à un type de modèle spécifique : par exemple, Ylla était une photographe animalière qui n’hésitait pas à emprunter des lionceaux au zoo voisin afin de mener à bien ses projets photographiques. Les modèles vivants bouleversent les projets auparavant réfléchis : le cadrage peut se trouver modifié voire improvisé, les mouvements perpétuels compliquent la prise de vue et les postures semblent plus limitées. Mais Ylla menant à bien ses projets photographiques grâce à de longues périodes d’observation, elle parvient à prendre suffisamment de clichés pour nourrir l’imagination de ses collaborateurs. Ainsi, Jacques Prévert et Margaret Wise Brown choisissent et revisitent la chronologie du séjour des deux lionceaux chez Ylla, tandis que Paulette Falconnet et Georges Ribemont-Dessaigne commentent respectivement les aventures de deux petits ours et d’un écureuil.
On peut également citer la mise en scène d’une journée de travail avec Papa au bureau de Fatus. Le texte, peu présent, laisse au lecteur le loisir d’admirer les mises en scène cocasses du personnage principal au gré de ses pérégrinations.
Enfin, les modèles vivants peuvent faciliter l’identification des lecteurs, ou bien les aider à intégrer l’espace présenté dans un ouvrage. L’ouvrage L’art en miroir, publié aux éditions Milan Jeunesse, utilise un procédé atypique pour reconstituer la visite d’un musée : l’album est conçu avec un procédé rappelant le travelling, en plans d’ensemble intégrant les œuvres d’art présentées, mais aussi des photographies d’enfants ou d’adultes examinant ces œuvres.

Les accumulations dans les albums photographiques

Certains albums photographiques jouent sur cet aspect documentaire de façon moins évidente, mais proposent à voir des accumulations, ainsi que les appelle Michel Defourny , qui estime parfois poreuse la frontière entre documentaire et album photographique. Si l’objectif de ces accumulations n’est pas de renseigner l’enfant de façon scientifique, elles proposent toutefois une déclinaison autour d’un thème précis.
Les albums photographiques sans texte d’Ylla en sont un bon exemple : Mères et petits et 85 chats ne sont pas accompagnés de récits mais seulement de préfaces, et donnent à voir un ensemble de photographies se faisant écho.

Photographier pour interpréter et illustrer

Michel Defourny évoque ensuite une démarche plus classique, celle où les photographes illustrent un récit littéraire. On peut ici citer Le Petit Chaperon Rouge selon Sarah Moon ou bien Le Cœur de Pic, où Claude Cahun interprète et met en scène des poèmes de Lise Deharme.
De même, certaines maisons d’édition publient des récits mis en images par des photographes : il en va ainsi de la collection « Photoroman » des éditions Thierry Magnier, tandis que Gallimard propose ainsi à ses lecteurs confirmés L’enfant et la sorcière , de Michel Déon, paru dans la collection Folio junior.

La photographie, quelle illustration pour la jeunesse ?

Comme tout album, celui illustré par la photographie offre à lire une double-narration, mise en place par les relations étroites qu’entretiennent le texte et la photographie. Mais bien avant que ces relations ne puissent être analysées grâce, notamment, à des outils conçus par Sophie Van der Linden, la photographie a longtemps fait l’objet de critiques acerbes, lui reprochant de ne pas être un medium adapté aux enfants, notamment en brouillant la frontière entre le réel et sa représentation. Dresser ici un bref historique de la réception de l’album photographique nous permettra de prendre pleinement la mesure de la reconnaissance difficile du statut d’album illustré par des photographies, et ses liens avec la réalité, des liens souvent mécompris.

La réception de l’album photographique: une illustration longtemps dépréciée

Davantage qu’un historique de la réception, il s’agit icide donner un aperçu des différentes thèses qui ont analysé cette réception. Nombreux sont les théoriciens de littérature de jeunesse qui ont distingué l’album photographique des albums de facture classique, en fondant cette distinction sur une lecture de l’image malaisée pour les enfants, ou bien en raison du caractère traumatisant car trop réaliste de la photographie.

La lecture de la photographie : une tâche complexe ?

Selon le point de vue de Marion Durand, relayé par Michel Defourny et datant de 1975, la « photographie serait peu lisible ». L’enfant se trouverait dans une situation de désarroi devant une « masse confuse », une profusion de détails qui éclipserait la composition de l’ensemble. Persuadée en outre de la supériorité de l’image plastique, Marion Durand ne perçoit dans la photographie que le résultat d’un processus mécanique reproduisant le réel en l’appauvrissant et considère que la photographie est un phénomène éloignant le lecteur des domaines de l’art et de la création. Elle juge également l’album photographique pour enfants médiocre, en raison de la délégation de cette tâche à des petites mains chargées d’assembler des documents hétérogènes. Bien évidemment, cette thèse est tout à fait contestable, ne serait-ce que parce que les albums photographiques d’Ylla ont fait l’objet d’une attention toute particulière de la part, notamment, du graphiste Pierre Faucheux. D’après Michel Defourny,elle aurait même déclaré que jamais un album photographique n’avait été confié à un photographe de talent, en raison du coût élevé de réalisation. La thèse de Marion Durand ne semble donc pas s’être constituée à partir d’un corpus d’albums photographiques; dès le début du siècle et en raison du coût et de l’équipement que nécessitait la prise de vues, les albums photographiques n’étaient que rarement le fruit du travail de petites mains, mais bien de photographes reconnus : Robert Doisneau, Ergy Landau, Laure Albin-Guillot, Claude Cahun.
Dans les années 1970, il était encore coûteux de monopoliser les services d’un photographe : cela demandait des efforts matériels (studio, matériel professionnel, modèles, tirages etc.) dont se passaient très bien à la fois les auteurs et les illustrateurs, à la grande satisfaction de leurs éditeurs.
Dans les années 1950, Natha Caputo considérait d’ailleurs que les enfants étaient incapables de cerner un objet dont le contour n’aurait pas été souligné par un trait épais et ne concevait pas que les enfants puissent être séduits par une image qui n’utilisait pas la couleur. Dès lors, pourquoi solliciter les services coûteux d’un photographe, face à de tels arguments universitaires ?

La photographie : reflet impitoyable de la réalité ou stimulant imaginaire ?

Cet état d’esprit persiste chez la plupart des éditeurs jeunesse. Philippe Schuwer le remarque en 1981 : peu d’entre eux sont prêts à investir dans la photographie, trop onéreuse. Mais il en conclut qu’il ne s’agit ni d’un problème de budget, ni de perception de la part des enfants car déjà à cette époque, ils fréquentent quotidiennement l’image photographiquepar le biais de la télévision ou des magazines.
Schuwer a ainsi confiance en leur capacité à décrypter ces images. Il situe davantage l e problème au niveau de la représentation que l’on se ferait de l’album pour enfants, trop maternant à son goût. Pour lui, l’image classique est un moyen d’éluder la confrontation avec la réalité et la photographie risquerait de plonger les enfants dans un monde difficile, une thèse qui expliquerait le manque de photographies dans la littérature de jeunesse, dans le but de protéger l’innocence et masquer une réalité sociale pénible.

Les fonctions spécifiques au texte et à l’image dans l’album

Comment texte et image interagissent-ils ? Sophie van der Linden estime qu’il est primordial de distinguer les rapports des fonctions entre texte et image. Même si dans ce cadre, elle admet l’idée d’une primauté et d’une priorité du texte ou de l’image, estimant toutefois qu’aucune règle ne peut être établie a priori , elle choisit d’utiliser les termes « instance prioritaire » ou « secondaire ». Ces différentes priorités de lecture sont d’ailleurs essentiellement guidées par la mise en page, qui permet ainsi de déterminer si c’est le texte ou l’image l’instance secondaire et donc, lequel des deux présente une fonction ou une autre par rapport à l’instance prioritaire. Àpartir de là, Sophie Van der Linden a répertorié six fonctions.
Avec la fonction de répétition, l’instance secondaire répète simplement, mais dans un autre langage, le message véhiculé par l’instance prioritaire. Il s’agit d’un rapport de redondance, qui n’est pas sans apporter un certain confort de lecture pour le jeune lecteur.
En revanche, Van der Linden nomme « fonction de sélection » tout phénomène au cours duquel le texte sélectionne une partie du message de l’image ou bien, selon le même principe, quand une image se concentre sur un aspect du récit, faire un choix au milieu de la polysémie d’un texte.

Le lien entre réalité et fiction : quel impact de la photographie ?

En étant assujettie aux choix du photographe, tant en termes matériels (choix de la pellicule, de l’objectif) qu’en termes de composants de l’image, de cadrage, développement et même de tirage, la photographie n’est en aucun cas une reproduction de la réalité mais en est une reconstruction subjective.
En excluant toute reproduction du réel, on constate plusieurs types de rapport qu’entretient la photographie avec le réel et la fiction: s’en dégagent les différents procédés de déformation, d’accentuationdu réel ou bien les « effets de fiction » que la photographie propose.
L’effet de fiction, évoqué dans La petite fabrique de l’image, consiste à présenter des clichés photographiques montrant des scènes de genre, scènes de rencontre ou encore photographies de famille. L’effet produit est celui d’une image figée et artificielle, ayant éradiqué toute spontanéité, tant au niveau des postures des corps que des expressions du visage.
La couverture de l’album d’Hélène Riff, Le jour où Papa a tué sa vieille tante en présente un exemple parlant : il s’agit d’une photographie faisant office de document-source, ayant valeur de témoignage, mais on perçoit des postures figées, qui trahissent la mise en scène (qu’elle soit « d’époque» ou non).

Pourquoi et comment étudier l’album photographique?

La photographie est une illustration souvent source d’incompréhension : qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes, les personnes confrontées à des photographies tombent régulièrement dans le piège de la confusion entre le réel et sa reconstruction mise à l’œuvre dans la photographie. Parfois même, la reconstruction qui s’opère se veut manipulatrice et donne à voir une vision qui correspond pas au réel représenté.
Dans l’album, la reconstruction présentée peut elle aussi conduire à une manipulation du lecteur mais à des fins littéraires : produire un effet de fiction, inciter à l’identification du lecteur.
Les effets produits auprès de la réception d’albums photographiques ont souvent été imaginés : on se rappelle ici les thèses de Marion Durand, relatées par Michel Defourny, et qui ne s’appuyaient pas sur un corpus d’albums photographiques, ni sur une réception mesurée auprès d’enfants lecteurs.
C’est pourquoi j’ai souhaité mener une enquête d’ampleur certes modeste, mais qui permet de concevoir la réception d’albums photographiques à partir de données fiables. L’objectif de cette enquête était de calculer l’impact des photographies sur la réception d’un texte littéraire familier des élèves, en dégager les aspects posant problème aux élèves pour ensuite, proposer des pistes pédagogiques permettant de franchir ces obstacles.

Comment mesurer la réception d’un album photographique?

Quelle démarche choisir, quels objectifs viser lorsqu’il s’agit de mesurer la réception d’un album photographique ?

Quel public ?

Le public sollicité par cette enquête est un double-niveau de CE2-CM1.
L’école est classée en zone ECLAIR depuis peu et malgré les difficultés scolaires mais aussi de comportement de certains élèves, aucun moyen n’est encore alloué à l’école.
Le niveau de la classe est plutôt homogène, même entre CE2 et CM1.
L’enseignante habituelle n’effectue que peu de différenciation en littérature, en raison du niveau  élevé des CE2 et des difficultés des CM1. Les lecteurs de la classe lisent essentiellement des bandes dessinées et ne sont que trois à lire au quotidien. Les centres d’intérêt des élèves sont donc relativement les mêmes, tandis que leur pratique de lecture est disparate. Plusieurs élèves étant absents le jour de l’enquête, les données récoltées ne concernent que 23 élèves.

Quelle démarche ?

Même si la classe est plutôt homogène, cela n’est pas le cas en termes de temps consacré à la mise au travail ou à sa réalisation. Pour ne pas gêner les élèves les plus lents, et pour des raisons pratiques, j’ai donc choisi une lecture en classe entière de deux albums illustrant le même conte : Le Petit Chaperon rouge , de Charles Perrault.
La première version est celle illustrée par Sarah Moon et fera ensuite l’objet d’un questionnaire. La seconde version, illustrée par Christian Roux , offre à voir des illustrations en grand format, à la gouache et en couleurs. Le loup y est montré, terrifiant, le rouge de la petite fille fait écho au sang lors de la scène de la dévoration.
L’intérêt de cette double présentation était d’aider les élèves à prendre conscience des procédés utilisés par Sarah Moon pour caractériser le loup, ou bien instaurer une atmosphère menaçante.
À la suite de ces deux lectures, les élèves remplissaient individuellement un questionnaire organisé en plusieurs temps. Il s’agissait d’abord de cerner leur profil de lecteur ainsi que leur connaissance du conte de Charles Perrault. Ensuite, le questionnaire abordait la question de la photographie : son identification et son utilisation, pour s’attarder ensuite sur la réception de l’album photographique qui leur avait été proposé en amont, en questionnant leur horizon d’attente, leur interprétation de différents procédés (le flou, la lumière) et leur ressenti. Un temps consacré à une double-page permettait de développer ces informations et enfin, une question permettait d’évaluer leur connaissance d’autres albums photographiques.

Quel impact sur la réception d’un texte littéraire?

Bien souvent, la réception d’une œuvre littéraire s’amorce avec le paratexte : le titre, la couverture sont autant d’informations recueillies par le lecteur, qui s’en sert ensuite pour imaginer ce qui l’attend c’est-à-dire, développer son horizon d’attente. Le questionnaire, en proposant aux élèves de développer ce à quoi ils s’attendaient à partir de la couverture, cherchait à mesurer cet horizon d’attente et à percevoir si la photographie était associée à un univers documentaire ou fictionnel.
Dans le cas de la version de Sarah Moon, c’est 35 % des élèves qui ont cru être confrontés à un documentaire, contre 61 %, s’attendant à un texte fictionnel. Cela est probablement lié au fait que les élèves sont familiers des documentaires, dans lesquels, même si les documentaires de jeunesse présentent souvent des illustrations relevant du dessin, 15 % des élèves signalent avoir rencontré des photographies. Peut-être que cet horizon d’attente révèle un rôle entendu de la photographie : informer, allant de pair avec une confusion avec le réel, qui sous-entendrait que la photographie n’a pas sa place dans l’univers fictionnel.
Mais aborder un texte littéraire ne se limite pas à cet horizon d’attente : encore faut-il vérifier l’adéquation de l’œuvre avec cette première approche, une approche qui peut être complètement métamorphosée selon les choix illustratifs effectués.
En faisant le choix de la photographie pour illustrer Le Petit Chaperon Rouge , Sarah Moon a utilisé des procédés qui lui ont permis de proposer une réinterprétation du conte, et en proposant ainsi une nouvelle lecture. Ainsi, le hors-champ revêt un pouvoir suggestif, les ombres portées définissent le loup, que l’on ne voit jamais, tout comme la grand-mère. Les ombres portées, le noir et le blanc, la solitude du Petit Chaperon rouge participent de la dramatisation du récit et instaurent un sentiment d’angoisse qui atteint son apogée lors de la scène de la dévoration. Parmi ces effets, certains ont été relevés spontanément par les élèves lorsqu’ils justifiaient leurs réponses, nous informant par là de leur réception du texte et du poids joué par la photographie dans cette réception.
Ainsi, si l’usage du noir et du blanc a été souligné par latotalité des élèves, il ne les a pas laissés indifférents : la question chargée de relever leurs impressions a été pour eux l’occasion de le signaler. Deux élèves précisent ainsi que les photographies leur font peur car elles sont en noir et blanc, un troisième parce que les personnages ressemblent à des fantômes. Quatre d’entre eux les trouvent bizarres en raison de l’utilisation du noir et blanc. Ce procédé semble donc dramatiser le récit, et lui confère un aspect dérangeant auprès des élèves, probablement en raison d’un manque d’habitude, à l’heure où les photographies en couleur sont omniprésentes. Notons par ailleurs que ce noir et blanc a gêné la clarté de l’image durant la lecture, les ombres portées des feuillages, des pavés et d’autres éléments du décors créant une accumulation de motifs nécessitant un effort de déchiffrage de la part des élèves qui a probablement influencé leur réception.
Le jeu avec le champ et le hors-champ, ainsi que les jeux de point sont également perçus par les élèves, ainsi que les effets produits. Ainsi, toujours à la question leur demandant de développer leur ressenti, un élève dit trouver les photographies « bizarres » parce que l’on «ne voit ni la grand-mère ni le loup », qui se situe toujours en hors-champ, à tel point que lorsque la double-page présente le Petit
Chaperon Rouge vu d’un arbre, avec un point de vue en plongée, le doute s’installe tandis que les élèves perçoivent cet amalgame des possibles, que certains signifient en tranchant « Tout le monde ».

Éduquer le regard porté sur la photographie

Dans les programmes publiés au Bulletin Officiel en 2008, plusieurs compétences sont propices à l’étude de la photographie en arts visuels : réaliser une production en deux dimensions ; choisir, manipuler et combiner des matériaux, des supports, des outils ; témoigner d’une expérience, décrire une image, s’exprimer sur une œuvre ; identifier différents types d’images en expliquant les critères d’identification sur lesquels on s’appuie.
Ces compétences font écho aux programmes de l’année précédente : en 2007, les programmes concernant le cycle 3 insistent sur la distinction entre images documentaires, publicitaires, scientifiques ou artistiques, mais aussi sur la nécessité de doter les élèves d’outils d’observation et d’analyse, afin d’appréhender plus aisément les images qui l’entourent. Enfin, en termes de pratique, la manipulation de l’appareil photographique est encouragée, pour concrétiser les notions de cadrage, point de vue, caché/montré, flou/net, proche/lointain.
Aborder la photographie en arts visuels au cycle 3 aide donc les élèves à construire des outils leur permettant l’analyse de la multitude des images qui les entoure mais surtout, des photographies, à la fois en s’appropriant le vocabulaire nécessaire, mais aussi en l’expérimentant en manipulant des appareils photographiques.
On ne peut concevoir de débuter une séquence d’enseignement sur la photographie sans s’assurer que tous les élèves identifient correctement ce medium en le distinguant des autres pratiques artistiques. Pour s’en assurer, il s’agirait de mettre en place des ateliers simultanés dans une classe, chaque atelier proposant aux élèves un matériel différent : peinture, bloc de plâtre, crayons à mine graphite, appareils photographiques. Chaque élève devrait représenter son binôme uniquement à l’aide du matériel à sa disposition selon son atelier. La confrontation des différents résultats permettrait ainsi d’isoler les principales catégories artistiques: la sculpture, le dessin, la peinture et la photographie.

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Table des matières

Introduction
I) La place de la photographie dans la production éditoriale de jeunesse
1.1. Le statut illustratif de la photographie : quels procédés ?
1.1.1. La mise en scène d’objets et de figurines
1.1.2. La mise en scène de modèles vivants
1.1.3. L’association à d’autres techniques d’illustration
1.2. La photographie, outil documentaire
1.2.1. Les accumulations dans les albums photographiques
1.2.2. Les reportages fictionnels
1.2.3. Lorsque l’agencement détourne l’enjeu documentaire
1.3. Le processus de création
1.3.1. Projet photographique et d’écriture concomitants
1.3.2. Photographier pour interpréter et illustrer
1.3.3. Photographies antérieures au projet d’écriture
II) La photographie, quelle illustration pour la jeunesse ? 
2.1. La réception de l’album photographique: une illustration longtemps dépréciée
2.1.1. La lecture de la photographie : une tâche complexe ?
2.1.2. La photographie : reflet impitoyable de la réalité ou stimulant imaginaire
2.1.3. Le début de la reconnaissance
2.2. La double-narration dans l’album photographique
2.2.1. La complémentarité des narrateurs textuels et imagiers
2.2.2. Les fonctions spécifiques au texte et à l’image dans l’album
2.3. Les enjeux propres à l’illustration photographique
2.3.1. Le lien entre réalité et fiction : quel impact de la photographie ?
2.3.2. Quelle grammaire de l’image photographique?
2.3.3. Comment analyser les albums photographiques ?
III) Pourquoi et comment étudier l’album photographique?
3.1. Comment mesurer la réception d’un album photographique
3.1.1. Quel public ?
3.1.2. Quelle démarche ?
3.1.3. Qu’apprendre grâce à cette enquête?
3.2. Quelle réception de l’album photographique?
3.2.1. Identifier la photographie et sa principale caractéristique : la reconstruction du réel
3.2.2. Quel impact sur la réception d’un texte littéraire?
3.3. Comment aborder l’album photographique en cycle 3?
3.3.1. Éduquer le regard porté sur la photographie
3.3.2. Côtoyer l’album photographique en littérature
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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