LA PHARMACOGENETIQUE EN MEDECINE HUMAINE

LA PHARMACOGENETIQUE EN MEDECINE HUMAINE

Rappels sur les médicaments et leur métabolisme

Définition du médicament

Un médicament est une substance qui possède des propriétés préventives, curatives, ou qui peut être administrée en vue d’établir un diagnostic. Un médicament est le plus souvent destiné à prévenir des maladies humaines ou animales, à guérir, à favoriser la guérison ou à soulager.
Les médicaments représentent une part importante des substances chimiques étrangères à l’organisme et produisant un effet sur lui, appelés pour cette raison des « xénobiotiques ». L’homme comme l’animal de compagnie ou de productio n y sont confrontés en permanence. Les médicaments peuvent prendre des formes pharmaceutiques très diverses (solutions injectables, comprimés, collyres…) et peuvent avoir de ce fait une grande variété de voies d’administration.
Il peut s’agir de composés hydrophobes dont l’élimination de l’organisme requiert une étape de conversion en métabolites hydrophiles, secondairement éliminés par voie hépatique via la bile ou par voie rénale via l’urine (Beaune et Loriot, 2000).

Principes du métabolisme des médicaments

Le métabolisme d’un médicament correspond à sa transformation enzymatique en un ou plusieurs composés, appelés métabolites, qui peuvent être pharmacologiquement actifs, inactifs et parfois toxiques.
La très grande majorité des médicaments est métabolisée par le foie, plus particulièrement par les enzymes du réticulum endoplasmique hépatique. Cette fonction est soutenue par un débit sanguin hépatique élevé.
Les hépatocytes contiennent un grand nombre d’enzymes impliquées dans la transformation des médicaments, en particulier les réactions d’oxydoréduction, les hydroxylations ou la rupture oxydative des liaisons N-C et O-C. Après avoir agi, le médicament est éliminé de l’organisme et plusieurs voies sont alors possibles .

Les protéines de transport transmembranaire

Il y a plusieurs étapes dans le métabolisme d’un médicament. Tout d’abord, après administration par toutes les voies autres qu’intraveineuse, le principe actif doit pénétrer dans le compartiment central afin d’atteindre sa cible. Dans le cas d’un comprimé, par exemple, il est nécessaire que la molécule franchisse la barrière intestinale pour rejoindre sa cible. Cela représente la phase 0. Elle fait intervenir des phénomènes de compétition, avec notamment l’intervention de protéines de transport comme la glycoprotéine P, codée par le gèneABCB1. Les gènes ABC, pour « ATP-binding cassette », sont nombreux et codent une large famille de transporteurs (Ueda, 2011). La glycoprotéine P, située sur la membrane apicale des entérocytes, agit en expulsant les médicaments horsde l’entérocyte via un mécanisme actif consommant de l’ATP. La résultante de son action est une diminution de la biodisponibilité orale des médicaments ingérés (Allorge et Loriot,004)2.
Au pôle dit « biliaire » des hépatocytes, siège du métabolisme des médicaments, on retrouve des protéines de transport appartenant à cette large famille des protéines ABC, permettant ainsi une excrétion des métabolites par la bile. Enfin on retrouve également la glycoprotéine P au niveau de l’endothélium de la barrière hémato-méningée (Lechat, 2006).
Cette protéine intervient donc également dans la phase de distribution des médicaments.

Le métabolisme hépatique

Le métabolisme des médicaments est donc essentiellement hépatique (Figure 5) et les enzymes qui interviennent dans la biotransformation des médicaments sont schématiquement divisées en deux groupes :
D’un côté les enzymes dites de « phase I », des enzymes de fonctionnalisation (oxygénases, réductases, hydrolases), qui rendent les molécules plus polaires, par exemple par hydroxylation. Ces réactions consomment du pouvoir réducteur NADPH. La grande majorité de ces enzymes de phase I est représentée par la superfamille des cytochromes P 450, qui comprend de nombreuses isoformes. Ces isoformes possèdent de nombreuses homologies dans leurs séquences en acides aminés (Lechat, 2006).
Figure 5 : Les phases du métabolisme hépatique desmédicaments (Allorge et Loriot, 2004)
Le principe actif pénètre dans la cellule via une glycoprotéine P (P-gp). Il va ensuite subir une série de transformations avant d’être éliminéansd les voies biliairesIl y a également les enzymes dites de « phase II »,qui sont des transférases. Elles catalysent des réactions de conjugaison et rendent les métabolites plus hydrophiles, par greffage d’un radical acétyle, sulfate, méthyle ou encore un glutathion. L’enzyme thiopurine S-méthyltransférase, impliquée par exemple dans lemétabolisme des médicaments thiopuriniques, fait partie de cette famille d’enzymes de phase II.La conjugaison avec l’acide glucuronique, encore appelée glucuronoconjugaison, est la plus fréquente des conjugaisons. Elle est catalysée par le système enzymatique de la glucuronyltransférase et concerne les molécules possédant un groupement hydroxylé, carboxylé ou aminé. Les glucuronides sont très hydrosolubles ce qui explique la facilité avec laquelle ils sont éliminés dans l’urine et la bile(Lechat, 2006; Allorge et Loriot, 2004).

Les voies d’élimination biliaire et fécale

La dernière étape, dite de « phase III », consisteen l’élimination de ces métabolites conjugués hors de la cellule par des protéines de la famille ABC (Ueda, 2011). Une élimination directe en post-phase II est parfois possible.Après excrétion dans la bile, le médicament se retrouve dans la lumière intestinale où il peut être réabsorbé : c’est le cycle entéro-hépatiquea. fractionL non réabsorbée est quant à elle évacuée par voie fécale.Toutes ces protéines, enzymatiques ou de transport,ont une spécificité de substrat relative et chevauchante (Allorge et Loriot, 2004).

La voie d’élimination rénale

La plupart des molécules sont éliminées dans les ines,ur soit sous forme inchangée, soit sous forme de produits de dégradation. Le plus souvent, les médicaments ou leurs métabolites ont une masse moléculaire bien inférieure à 5000 daltons et sont de ce fait filtrés par le glomérule.Cependant, seule la partie non fixée aux protéinesplasmatiques est filtrée.La réabsorption tubulaire intervient tout au long du néphron. Il s’agit le plus souvent d’un processus passif qui est influencé par le degré d’ionisation du médicament : seule la fraction non ionisée, à la valeur du pH urinaire, est réabsorbée. Cette propriété est utilisée dans certains surdosages pour accélérer l’élimination dumédicament via une alcalinisation des urines en vue de bloquer le mécanisme de réabsorption.Une sécrétion active est également observée pour elques molécules, entre autres des cations ou anions qui sont sécrétés dans la lumière du tubule par des systèmes de transport spécifiques, consommant de l’énergie et à capacitésaturable. On peut donc observer des phénomènes de compétition (Lechat, 2006).

Conséquences fonctionnelles du polymorphisme des protéines impliquées dans le métabolisme des médicaments

Modifications du fonctionnement des enzymes

Les variations qui affectent la séquence des gènescodant pour les enzymes impliquées dans le métabolisme des médicaments peuvent être responsabl de modifications importantes dans l’activité de ces protéines, aussi bien en « hyper» qu’en « hypo ».En cas de duplication (deux copies d’un gène sur le même locus) ou d’amplification du gène (plus de deux copies d’un gène sur un même locus),on va obtenir une enzyme surexprimée en raison de l’augmentation du nombre de transcrits. Cela va alors aboutir à la traduction d’un plus grand nombre d’enzymes fonctionnelles et donc à un métabolisme dit « augmenté » ou « ultra rapide » (Voir Figure 6).En cas de mutation du gène (« faux sens » i.e. remplacement d’un acide aminé par un autre), la protéine produite peut être différemment activeou sujette à des modifications de sa stabilité. Dans le premier cas, cela aboutira par exemple à une altération de la spécificité du substrat de l’enzyme ou à la formation de métabolites alternatifs. Dans le cas d’une protéine plus instable, on aboutira à un métabolisme dit « réduit ».Enfin, en cas de délétion ou de mutation non-sens ud gène, la protéine ciblesera complètement absente et le métabolisme pour le médicament correspondant sera alors totalement déficitaire, pouvant générer d’importants effets secondaires dans l’organisme (Allorge et Loriot, 2004).Un gène dupliqué ou amplifié engendre une protéinesurexprimée, donnant des individus hypermétaboliseurs. Une gène muté ou délété pourraaboutir à des individus au métabolisme réduit, voire complètement déficitaire

 Modifications du transport transmembranaire

Ces transporteurs interviennent par exemple pour faire entrer ou sortir des molécules de la cellule. Une variation de la structure de ces protéines de transport va engendrer une perturbation des flux transmembranaires et donc jouer sur la réponse à un médicament.L’exemple de la glycoprotéine P est un bon exemple de ce polymorphisme des transporteurs intervenant dans la réponse à un principe actif.Au niveau intestinal, des variations dans la structure de cette protéine de transport va engendrer des variations sur l’absorption du médicament et donc sur ses effets.La glycoprotéine P est également présente sur l’endothélium des capillaires cérébraux, situés au niveau de la barrière hémato-méningée. Elle reconnaît ses substrats (certains médicaments) et les expulse continuellement hors du liquide céphalo-rachidien (LCR). En cas de modification de la structure de la glycoprotéine P, cette dernière ne reconnaît plus ses substrats et les laisse passer dans le LCR, générant ainsi d’importants effets secondaires neurologiques (Roden et al., 2006).

Modifications du fonctionnement des récepteurs cibles

Il s’agit de variations affectant la structure des protéines intervenant dans la réponse directe à un principe actif. Ces modifications auront pour conséquence une réponse différente, voire une absence de réponse dans le cas d’un remaniement complet de la structure du récepteur cible.On peut citer le cas du récepteur µ1 aux opioïdes. Une mutation dans le gène codant pour cette protéine est connue et induit le remplacementd’un acide aspartique par une asparagine au niveau de la 40ième position de la séquence polypeptidique. Cela a pour conséquence une suppression du site de N-glycosylation. De ce fait, le récepteur possède une plus forte affinité pour les opioïdes endogènes telle que la bêta-endorphine, altérant alors la réponse à un traitement aux opioïdes (Carlquist et Anderson, 2011).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport gratuit propose le téléchargement des modèles gratuits de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie ?avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
I. CONCEPT, DEFINITION ET HISTORIQUE DE LA PHARMACOGENETIQUE
A. Polymorphisme génétique et conséquences fonctionnelles
1. Les différents niveaux du polymorphisme génétique
a) Variations de la séquence codante
b) Variations de la régulation transcriptionnelle
c) Variations de la régulation post-transcriptionnelle
2. Rappels sur les médicaments et leur métabolisme
a) Définition du médicament
b) Principes du métabolisme des médicaments
c) Les protéines de transport transmembranaire
d) Le métabolisme hépatique
e) Les voies d’élimination biliaire et fécale
f) La voie d’élimination rénale
3. Conséquences fonctionnelles du polymorphisme des protéines impliquées
dans le métabolisme des médicaments
a) Modifications du fonctionnement des enzymes
b) Modifications du transport transmembranaire
c) Modifications du fonctionnement des récepteurs cibles
B. Le concept de pharmacogénétique
1. Un sous-ensemble de la pharmacogénomique
a) Problématique
b) La pharmacogénétique, une entité « simple »
c) L’apparition du terme de pharmacogénomique
2. Une discipline englobant plusieurs domaines
a) La pharmacocinétique
b) La pharmacodynamie
3. Champs d’application et buts de la pharmacogénétique
a) La situation actuelle
b) L’apport de la pharmacogénétique
C. Historique de la pharmacogénétique
1. La naissance de cette discipline
2. Le développement de la pharmacogénétique
II. LA PHARMACOGENETIQUE EN MEDECINE HUMAINE
A. La pharmacogénétique : une aide aux choix d’un principe actif
1. Pré-selection des patients éligibles au traitement
a) Thérapie anticancéreuse : exemple du tamoxifène utilisé dans le traitement contre le cancer du sein chez la femme
b) Traitement de la maladie de Fabry : stabilisation de l’Alpha-galactosidase-A.
2. Evaluation des taux de réussite d’un traitement : exemple du traitement de l’addiction à l’alcool par la naltrexone
a) Mode d’action et métabolisme de l’alcool
b) Polymorphisme génétique et conséquences
B. La pharmacogénétique : un outil pour l’adaptation du dosage d’un principe actif
1. Thérapie immunosuppressive : exemple de la TPMT et de l’azathioprine
a) Indication des médicaments thiopuriniques
b) Mode d’action des médicaments thiopuriniques
c) Polymorphisme génétique de TPMT et conséquences
d) Modulation du dosage des médicaments thiopuriniques en fonction du génotype
2. Utilisation des anticoagulants : exemple de la warfarine
a) Présentation et mode d’action de la warfarine
b) Polymorphisme génétique des gènes impliqués dans le métabolisme de la warfarine
c) Conséquences thérapeutiques
3. Thérapie des affections psychologiques
a) Présentation et métabolisme des neuroleptiques
b) Polymorphisme génétique
c) Conséquences thérapeutiques
C. Mise en oeuvre concrète de la pharmacogénétique et limites en milieu hospitalier humain
1. Chiffres et coûts engendrés par les erreurs de dosage imputables au polymorphisme de réponse des patients
a) Chiffres issus des données américaines
b) Chiffres issus des données Européennes et Françaises
2. Structures médicales utilisant les outils de la pharmacogénétique et moyens mis à leur disposition
3. Quelles limites et quel avenir pour cette discipline en milieu hospitalier humain ?
a) Problème de la rentabilité
b) Problèmes d’ordre éthique
c) Un manque de structuration se traduisant par une hétérogénéité marquée
d) La prise de conscience du problème par les cliniciens
e) Perspectives d’avenir pour la pharmacogénétique
III. ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES EN MEDECINE VETERINAIRE
A. Le polymorphisme chez le chien, d’abord une affaire de race
1. Histoire et définition des races canines
a) Origine et domestication du chien
b) Les « variétés canines », précurseurs des races de chien
c) L’apparition des races actuelles
2. Les races sont des isolats génétiques stratifiés
a) Les races représentent des isolats génétiques
b) Des groupes stratifiés en constante évolution
B. Le polymorphisme interracial, support d’une diversité fonctionnelle
1. Exemple d’un caractère mixte avec gène à effet majeur : la taille du chien
2. Exemple d’un caractère oligogénique : la structure du poil
C. Polymorphisme et pharmacogénétique en médecine vétérinaire
1. Sensibilité à l’ivermectine, gène Mdr1 et glycoprotéine P
a) Historique et mise en évidence
b) Mode d’action
c) Polymorphisme de ABCB1
d) Conséquences du contact avec les lactones macrocylciques
e) Conséquences du contact avec d’autres substrats de la glycoprotéine P
2. TPMT et azathioprine
a) Les médicaments thiopuriniques chez les animaux
b) Polymorphisme de TPMT chez le chien
c) Conséquences fonctionnelles sur l’activité TPMT
d) Cas particulier de l’espèce féline
3. CYP2B11 et propofol
a) Nature et fonction du CYP2B11
b) Le propofol chez le chien
c) Polymorphisme fonctionnel de CYP2B11
d) Polymorphisme génétique de CYP2B11
4. Dégénérescence rétinienne induite par les fluoroquinolones dans l’espèce féline
a) Présentation et mode d’action des fluoroquinolones
b) Approche du problème
c) Polymorphismes félins pour le gène ABCG2
D. Perspectives d’avenir
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *