La petite bourgeoisie et le pouvoir local à la tuque

La petite bourgeoisie: un groupe hybride

Les représentations de la petite bourgeoisie dans la littérature du XIXe siècle laissent généralement entendre qu’elle est dépourvue d’une unité lui permettant de se distinguer en tant que classe sociale. Selon la pensée marxiste, son exclusion du processus d’évolution du capitalisme, la condamne à se rattacher à la cause de la bourgeoisie ou à celle de la classe ouvrière . La petite bourgeoisie serait donc appelée à disparaître. En contrepartie, des auteurs conservateurs catholiques de l’époque ont opté pour une vision plus positive de la petite bourgeoisie car, selon eux, elle représente un élément stabilisateur de la société, offrant une zone tampon garante du tissu social, entre les capitalistes et les classes laborieuses. Dans sa critique de la conception marxiste des classes sociales, Max Weber privilégie les facteurs culturels et sociaux en dépit d’une définition de classe reposant uniquement sur la position économique des individus dans la production. Selon lui, les petits commerçants et les artisans se distinguent par le fait qu’ils vendent leurs produits plutôt que leur force de travail, mais qu’ils le font dans un climat de constante concurrence avec la grande entreprise contrôlée par la bourgeoisie.

Les structures du pouvoir local et les pratiques élitaires

On ne peut espérer comprendre le pouvoir local sans d’abord consulter l’ouvrage de Pierre Grémion concernant le rôle du pouvoir notabiliaire dans les relations entre le centre et la périphérie en France. Grémion démontre que les notables locaux possèdent une certaine liberté d’action leur permettant de modifier, en collaboration avec la population, les mesures établies par le gouvernement central. Selon Grémion, la notabilité repose sur « un excédent de représentativité qui ne peut être défini qu’aux termes d’une exploration des réseaux au sein desquels s’inscrit l’action du représentant ». Cela dit, c’est dans une perspective résolument locale que nous souhaitons interpréter le pouvoir représentatif à partir de l’étude des élites urbaines.
Nous comptons trois grandes approches dans l’étude du pouvoir local depuis les années 1950. La première est la méthode positionnelle de Charles Wright Mills qui analyse la conduite des acteurs détenant des postes d’autorité dans la collectivité. Floyd Hunter propose plutôt la méthode réputationnelle qui permet par le témoignage de dégager les groupes se partageant le pouvoir. Les deux méthodes causent toutefois des erreurs d’interprétation en reposant d’une part, sur la subjectivité du chercheur dans le choix des fonctions de pouvoir et d’ autre part, sur celle des témoins.

La petite bourgeoisie et le pouvoir local dans une ville de compagnie

Les études suivantes sont guidées par l’idée que dans les nouvelles villes de la Mauricie des XIXe et XXe siècles « la discipline sociale ne se serait pas implantée aussi rapidement sans l’intervention de trois forces principales : les entreprises, l’Église et la petite bourgeoisie ». Avant de continuer, empruntons les propos de René Verrette qui souhaite éclaircir l’ambiguïté conceptuelle quant aux termes employés dans l’étude des gens influents de la région que nous désignons indifféremment comme élite, notabilité ou petite bourgeoisie, sans nous attarder aux nuances notionnelles; qu’il suffise de préciser que ce groupe énonciateur se compose surtout de membres de professions libérales, de journalistes, de membres du clergé, de fonctionnaires et de dirigeants d’entreprises.
À cette remarque il est possible de relier la définition de l’élite que propose Guy Rocher: «l’élite comprend les personnes et les groupes qui, par suite du pouvoir qu’ils détiennent ou de l’influence qu’ils exercent, contribuent à l’action historique d’une collectivité, soit par les décisions qu’ils prennent, soit par les idées qu’ils expriment ou qu’ils symbolisent». Selon cette logique, à laquelle nous adhérons, la petite bourgeoisie lorsqu’elle se retrouve en situation de pouvoir ou d’influence, comme ce fut le cas dans plusieurs petites localités, constitue une composante de l’élite locale. Il s’agit maintenant de voir comment la petite bourgeoisie, les notables ou encore les élites locales ont su développer un réseau associatif à partir duquel, de concert avec leur présence au conseil de ville, ils ont pu défendre leurs intérêts. Ces rapports s’avèrent d’autant plus complexes lorsqu’ils s’insèrent dans un climat de négociation avec la grande entreprise, comme nous pourrons le voir dans ce mémoire portant sur le cas de La Tuque.

La petite bourgeoisie marchande et le développement économique

En premier lieu, la petite bourgeoisie francophone se compose principalement d’hommes issus du milieu des affaires. Comme nous l’avons vu précédemment, plus de 57 % des membres de notre corpus œuvrent dans la sphère économique en tant que gens d’affaires, petits commerçants ou artisans-commerçants. Or, cette proportion atteint les 72 % chez la petite bourgeoisie.
Parmi les acteurs économiques les plus influents, nous retrouvons l’entrepreneur Joseph Alphide Tremblay. Né en 1867 à Saint-Alphonse-de-Bagotville, il abandonne l’école afin d’aider ses parents sur la terre. À ses 17 ans, il part en quête d’un emploi aux États-Unis. Débutant au bas de l’échelle, il devient finalement contremaître de chantiers en Pennsylvanie. Grâce à ces années passées aux États-Unis, il amasse un petit capital et acquiert les compétences nécessaires à l’ entrepreneuriat. À son retour au Québec en 1894, il se marie et s’ établit à Hébertville au Lac-Saint-Jean. Il y ouvre un petit magasin qu’il décide de fermer après quelques mois pour travailler comme contremaître à Lac-Édouard pour le Canadien National. La santé de son épouse le ramène .

Le contexte socioculturel de La Tuque au début du XXe siècle

Pendant les années qui nous intéressent, la communauté latuquoise est en profonde mutation. La population s’accroît rapidement et les migrants, porteurs de traditions rurales, parviennent généralement à conserver leurs réseaux de sociabilité.
L’appropriation d’un nouvel espace social se fait, entre autres, par la mise en place d’associations locales. Les premières organisations sont naturellement très près de la paroisse Saint-Zéphirin. À l’époque, le clergé occupe le premier rôle dans l’organisation d’une vie sociale et culturelle et assure le maintien des bonnes mœurs. La Tuque ne fait pas exception avec la participation du Curé Eugène Corbeil dans la création de la Ligue du Sacré-Cœur en 1914 et à titre d’aumônier de plusieurs mouvements laïcs dont les Zouaves pontificaux et les Dames patronnesses fondées par les Sœurs de l’ Assomption .
Hormis les mouvements de nature religieuse, la jeune communauté procède à la création de divers clubs et associations. Parmi les plus anciennes organisations, nous retrouvons le Mechanic’s Band (1909), renommée l’Harmonie de La Tuque en 1935, le Club de chasse et pêche de Champlain (1910) et le Club automobile (1910). La vie associative prend son essor avec la construction de la salle paroissiale en 1916. La Tuque détient désormais un bâtiment comportant des locaux pour les organismes au rez-de-chaussée, un sous-sol dédié aux activités sportives ainsi qu’une grande salle avec une scène à l’étage servant aux événements culturels.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : LA PETITE BOURGEOISIE ET LE POUVOIR LOCAL  A LA TUQUE : UNE ETUDE DE CAS UNIQUE
1.1 BILAN DE LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE 
1.1.1 La petite bourgeoisie: un groupe hybride
1.1.2 Les structures du pouvoir local et les pratiques élitaires
1.1.3 Patronat et pouvoir local : la ville de compagnie
1.1.4 La petite bourgeoisie et le pouvoir local dans une ville de compagnie
1.2 CADRE D’ÉTUDE: « LA TUQUE, VILLE QUI JAILLIT DE LA FORÊT» 
1.3 PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS DE RECHERCHE 
1.4 INVENTAIRE DE SOURCES 
CHAPITRE 2: LA PETITE BOURGEOISIE FRANCOPHONE DE LA TUQUE ET L’EXERCICE DU POUVOIR LOCAL
2.1 LA FORMATION D’ UNE PETITE BOURGEOISIE LOCALE: SA COMPOSITION ET SON INFLUENCE
2.1.1 Méthodologie
2.1.2 La composition professionnelle de l’ élite locale francophone
2.1.3 Les origines géographiques et sociales de la petite bourgeoisie
2.1.3.1 Du monde rural au monde urbain
2.1.3.2 Entre le cultivateur, le marchand et le médecin: des origines sociales plutôt aisées
2.2 LE RÔLE DE LA PETITE BOURGEOISIE DANS L’ EXERCICE DU POUVOIR LOCAL 
2.2.1 Un poids politique et public: le conseil de ville et la commission scolaire
2.2.1.1 La composition du conseil municipal
2.2.1.2 Une présence accrue au sein de la commission scolaire
2.2.1.3 Interrelation entre la profession et l’engagement politique et public
2.2.2 Le rôle économique de la petite bourgeoisie francophone
2.2.2.1 La petite bourgeoisie marchande et le développement économique
2.2.2.2 La propriété de biens fonciers: une caractéristique de la petite bourgeoisie urbaine ?
2.2.2.3 La fortune et l’accès aux postes décisionnels locaux
2.2.3 Le monde associatif: véhicule d’ influence de l’ élite francophone
2.2.3.1 Le contexte socioculturel de La Tuque au début du XXe siècle
2.2.3.2 Des associations à l’image de la petite bourgeoisie locale
2.3 L’ÉTABLISSEMENT DE RÉSEAUX DE SOCIABILITÉ ET LE PROCESSUS DE FORMATION
DE LA PETITE BOURGEOISIE LOCALE 
2.3.1 Les relations de parenté et les liens matrimoniaux comme facteurs de cohésion du noyau élitaire
2.3.2 L’ appartenance à un réseau d’affaires
2.3.3 Les allégeances politiques et la formation de clans
CHAPITRE 3  :LE RÔLE DE LA BROWN CORPORATION DANS LE POUVOIR LOCAL ET SES RELATIONS AVEC LA PETITE BOURGEOISIE FRANCOPHONE
3.1 HISTOIRE DE LA BROWN COMPANY 
3.1.1 Portrait d’ une entreprise familiale
3.1.2 Historique de la Brown Company à La Tuque
3.2 LE CHAMP D’ACTION DE LA BROWN CORPORATION SUR LA SCÈNE LOCALE
3.2.1 Leader économique et industriel de La Tuque
3.2.2 Influence politique
3.2.3 Engagement dans le monde associatif, social et culturel
3.2.3.1 Le paternalisme patronal
3.2.3.2 L’engagement dans la communauté latuquoise
3.2.3.3 L’organisation d’un quartier anglophone
3.3 LES RELATIONS ENTRE LA PETITE BOURGEOISIE ET LA BROWN CORPORATION 
3.3.1 Les exemptions fiscales à la compagnie: un privilège coûteux
3.3.2 Les emprunts municipaux: travaux publics et endettement
3.3.3 L’instauration de la gérance municipale
3.3.4 Les tentatives avortées de municipalisation des services d’aqueduc et d’ électricité
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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