La part géopolitique dans les chaines d’informations internationales

Les atouts de la comparaison et sa pertinence dans une recherche scientifique

   Dans toute démarche de recherche scientifique, il est légitime, voire même obligatoire de s’interroger sur la pertinence de la méthode requise pour analyser son sujet. La pertinence du recours à cette méthodologie serait alors une condition sine qua non à la réussite de l’analyse d’un sujet et aussi aux résultats d’une recherche scientifique, au-delà de la cohérence de cette dernière avec l’objet de la recherche. Mais avant de s’interroger sur la pertinence de cette méthode dans le cas de notre travail, nous estimons important de revenir sur les enjeux de cette dernière. En précisant les enjeux impliquant une étude comparative, nous pourrions juger de sa pertinence à servir notre analyse. Dans son livre consacré à la méthode comparative dans les sciences sociales, VIGOUR souligne l’intérêt de la méthode comparative comme « une approche très féconde, car elle nous aide à mieux comprendre le réel », elle revient également sur les enjeux de la démarche comparative, en les résumant en quatre éléments : « appréhender autrement, décrire, modéliser et expliquer », qu’elle évoque aussi sous une autre formule : « prendre de la distance par rapport à ce qui nous est familier, mieux connaitre l’autre, classer et généraliser ». (VIGOUR, 2005, p.97). En réalité ces différents éléments qui constituent les enjeux de la méthode comparative sont chacun liés à une logique ou à un domaine de réflexion particulier. Appréhender autrement, la prise de distance par rapport au sens commun, est un enjeu d’ordre épistémologique, mettant en place une posture du chercheur en rupture avec les aprioris et les opinions de ses congénères, de sa culture et des méthodes communes avec lesquelles un sujet de recherche est abordé. Selon DURKHEIM: « le chercheur doit s’affranchir de ses sentiments, des préjugés parfois bien ancrés et donc rompre avec le registre de l’opinion ». (DURKHEIM, 1986, p.31). Décrire pour mieux connaitre son sujet et le faire connaitre, rentre dans une logique descriptive, car connaitre son sujet c’est savoir le décrire. Cet enjeu de la méthode comparative impliquerait des outils d’analyse qui nous permettent de distinguer entre différentes catégories et concepts qui peuvent parfois revêtir un usage confus ou très général. S’inscrire dans une démarche comparative implique une étape descriptive du  phénomène étudié, cela permet de mieux cerner son sujet. Modéliser ou classer en typologies, est une approche qui répond à une logique explicative. Dans la démarche comparative il est question de typologies de comparaison, de données quantitatives, de présentations de données statistiques, des quantités et de catégories, qui seront mobilisées dans cette démarche. La modélisation nous permet d’expliquer certaines données impliquées dans le phénomène étudié, sans toutefois nous donner une explication générale du phénomène. Elle opère en une sorte de projection, visant à expliquer ou à éluder certaines questions relatives à notre sujet. C’est la synthèse de cet ensemble d’éclairages qui permettra d’aborder la prochaine étape, le prochain enjeu de la comparaison à savoir la généralisation. Généraliser, est à la fois une étape et une finalité de la méthode comparative. Elle répond à une logique théorique, commune à différentes méthodes de recherche. À partir des différents fragments issus des étapes et enjeux précédemment cités de la démarche comparative, le chercheur va tenter une synthèse des résultats de son analyse. Cette démarche implique un ancrage théorique important, car le chercheur doit puiser dans différentes références théoriques en relation avec son objet de recherche pour qu’il puisse avancer des résultats solides et probants. L’ensemble de ces éléments et étapes cités, donnent à la méthode comparative son aspect de méthodologie de recherche qui justifie son usage dans le cadre d’une recherche scientifique. Pour notre part, le choix de la méthode comparative résulte d’une articulation entre les différents aspects et caractéristiques qu’offre cette démarche, à savoir, une prise de distance par rapport à ce qui est familier dans les recherches sur les médias, d’une façon générale, et par rapport à la chaine d’informations qatari Al Jazeera, d’une façon particulière. Car comme nous l’avons souligné, cette dernière a fait l’objet de recherches et d’études souvent critiques, défavorables et négatives. Or dans le cadre de cette recherche nous avons évoqué une volonté de dédiabolisation d’Al Jazeera comme un des objectifs de cette dernière.

Le principe de comparabilité des cas

   Dans le cadre de notre démarche comparative, nous devons répondre à un élément important dans toute démarche comparative, à savoir le principe de comparabilité des cas. Il s’agit ici d’éviter ce que Giovanni SATORI appelle : « d’éviter la démarche du chat-chien ». (SATORI, p.19), qui consiste à établir une comparaison entre deux objets incomparables de tous points de vue. Nous notons également que la démarche inverse, celle de comparer des objets identiques, pose à peu près le même problème, à savoir qu’elle serait sans intérêt. Nous suivrons donc la proposition de SATORI et MORLINO (1991), qui considèrent que « l’important est de retenir que comparer, c’est à la fois assimiler et différencier par rapport à un critère ». Nous constatons que le choix des critères de comparaison est lié à la variable dépendante, c’est-à-dire au phénomène que nous proposons d’expliquer. Dans le cas de cette recherche il s’agit de la part de la géopolitique et de la diplomatie dans les deux chaines d’informations internationales, qui est lié aux critères de comparaison entre Al Jazeera et le canal arabophone de France 24 et la question est de savoir ce que l’on va comparer. Nous pourrions dégager dans cette interrogation, ce qu’on peut appeler les indicateurs quantitatifs et qualitatifs relatifs à nos typologies comparatives. Faut-il alors opter pour des indicateurs quantitatifs ou qualitatifs ? Comment mesurer de manière comparable le poids et le rôle des deux chaines d’informations dans le contexte international ? Faut-il se contenter par exemple des mesures d’audience, et du nombre de téléspectateurs potentiels de chacune des chaines et de leur budget ? Peut-on se limiter à des données statistiques ou doit-on s’intéresser aux données qualitatives, à savoir la nature du public des deux chaines et ses appartenances socioculturelles, l’historique des deux chaines et leur organisation au sein du paysage médiatique régional et international, leurs contenus et orientations éditoriales? L’ensemble de ces questions démontrent combien la construction d’une grille de lecture commune entre Al Jazeera et le canal Arabophone de France 24 suppose au préalable un bon choix commun d’indicateurs et de critères de comparaison. À ce titre SATORI insiste sur la propriété ou la caractéristique sur laquelle on se base pour notre comparaison, dans laquelle on doit relever dans un premier temps les points communs et les différences en fonction d’un critère de comparaison défini au préalable et qui va orienter notre analyse. Il ajoute que « la manque de rigueur dans l’utilisation des concepts est responsable de la fabrication des chats-chiens, des catégories de pensée non scientifiques ». (SATORI, p.19), ainsi l’auteur définit certaines règles à respecter pour éviter cela, ces éléments sont notamment abordés par Cécile VIGOUR. Dans son livre VIGOUR reprend les éléments, qui selon SATORI peuvent nous induire en erreur face à la démarche comparative, à savoir : « le localisme, la mauvaise classification, le gradualisme et l’élasticité conceptuelle ». (VIGOUR, p.142). Nous allons donc reprendre ces éléments de mise en garde et les confronter à notre cas de recherche afin de savoir si ce dernier ne risque pas de tomber dans une impasse comparative. Le localisme évoqué par SATORI, s’apparente à une multiplication des concepts utilisés ou même des sens donnés à un même concept, car un même concept pourrait avoir plusieurs acceptations en fonction des pays, des chercheurs et des points de vue exprimés. Cala revient à éviter les amalgames entre des concepts et notions qui peuvent être confondus ou utilisés indifféremment sans se référer à leur étymologie, mais aussi à la façon dont on les utilise pour qualifier un tel ou tel phénomène. À titre d’exemple, dans cette recherche sont évoqués deux concepts auxquels nous nous sommes intéressés, à savoir la globalisation et l’internationalisation des médias, où nous avons relevé les nuances quant à leurs utilisations, pour enfin statuer sur l’usage du terme internationalisation, car selon nous c’est celui qui répond le mieux à l’état des médias et des chaines d’informations internationales. De la même façon, nous étions confronté à d’autres concepts qui peuvent qualifiés un même phénomène, mais qui différent au grès des cultures et des positionnements. Sont notamment évoqué en ce sens les termes de « soft power », hégémonie, contre hégémonie et impérialisme, dont l’usage peut être confondu. Par exemple le « soft power » comme alternative au « hard power » ou comme complémentaire à ce dernier, l’hégémonie médiatique dans le cas Etasunien, la contre-hégémonie des pays du Sud et Arabes, l’impérialisme, terme très plébiscité dans les années 90 du siècle dernier pour qualifier en réalité une sorte d’hégémonie occidentale sur le système mondiale d’informations. Ces différents concepts sont en effet parfois utilisés indifféremment pour qualifier un même système, un même phénomène, mais l’angle de vue et la finalité de chaque chercheur sont les éléments qui expliquent les choix opérés.

Les sciences de l’information et de la communication et les médias

   Les études et les recherches sur les médias d’une façon générale et sur la télévision en particulier ne peuvent être dissociées des sciences de l’information et de la communication. Les premières théories qui ont posé les jalons de ce qui deviendra par la suite une discipline scientifique à part entière, se sont intéressées de près à la télévision. D’abord cette dernière était pensée comme un phénomène social suscitant l’engouement populaire, la télévision comme invention intrigante et magique, puis comme média de masse, source de divertissement. Ensuite vient l’aire de la télévision comme entreprise à part entière, une entreprise de production de contenus divers, (informations, divertissement, support publicitaire…etc.). Enfin, pour finir vient la conception de la télévision comme une ouverture sur le monde à l’ère du village global et l’usage de cette dernière comme une sorte de « soft power », un moyen d’influence hégémonique comme les chaînes d’informations internationales. C’est cette dimension qui nous intéresse le plus dans notre travail. L’intérêt porté à la télévision a évolué en fonction des évolutions socioculturelles et techniques, mais aussi au grès des mutations du paysage médiatique global. Dans le domaine des recherches en sciences sociales nous retrouvons toujours dans les principales théories sociologiques dont découlent les théories sur les médias (media studies), un volet consacré à la télévision. L’intérêt et l’analyse de la télévision a évolué au fil du temps, d’abord, elle fut appréhendée comme objet mystique exerçant une influence forte sur le public, qui lui reste passif devant les contenus et les effets de la télévision (théorie des effets directs) « piqûre hypodermique » (Harold LASSWELL 1927). Puis la télévision a été perçue comme médium (intermédiaire), un lieu de cristallisation des opinions qui se transmettent des acteurs politiques aux leaders d’opinions et de ces derniers au reste de la population (tow-step flow theory) (LAZARSFELD et KATZ 1955) ou la communication à doubles étages. Ensuite vient la conception de la télévision comme objet de consommation, face à un consommateur sélectif, qui utiliserait la télévision comme produit de consommation, et  qui sélectionne parmi un choix de programmes et de contenus ce qui comblerait ses besoins (théorie des usages et gratifications) ou dite de l’audience active (BLUMER et BROWN 1972). Dans ce même volet s’intéressant aux effets de la télévision, on trouve également la théorie de « l’agenda setting » (Mc COMBS et SHAW 1977).

L’internationalisation

   Le dictionnaire de la langue française définie l’internationalisation comme « Fait de rendre quelque chose internationale, dans une situation où plusieurs pays différents sont engagées » (Dictionnaire Hachette, 2004, p.829). Sur le site de l’encyclopédie en ligne touipe.org l’internationalisation est définie comme « venant étymologiquement du latin inter, entre, parmi, avec un sens de réciprocité et de nation, naissance, extraction, dérivant de natus, né ». L’internationalisation est l’action d’internationaliser ainsi que le résultat de cette action. Le verbe « internationaliser » signifie rendre international, faire en sorte que plusieurs nations ou toutes les nations soient concernées, on peut citer à titre d’exemple l’internationalisation d’un conflit. L’internationalisation peut s’appliquer aux échanges de diverses natures entre les nations, économiques, politiques, culturels. Les relations qui en résultent peuvent prendre différentes formes : pacifiques, conflictuelles, de complémentarité ou de concurrence. L’internationalisation désigne aussi le régime d’administration d’un territoire par une autorité internationale. Ce fut le cas, par exemple, de Dantzig (Gdansk) en Pologne placée directement sous le contrôle de la Société des Nations entre 1920 et 1939. En économie, l’internationalisation est une stratégie de développement d’une entreprise audelà de son marché national d’origine. Elle peut se manifester par l’implantation d’unités de production dans d’autres pays ou la conquête de plusieurs marchés nationaux.

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Table des matières

Introduction
I)- Présentation générale du projet
I.1)- Objet et objectifs de la recherche
I.1.1)-Objectifs méthodologiques et objectifs relatifs aux études sur les médias
I.1.2)- Objectifs relatifs aux sciences de l’information et de la communication
I.2)- Pertinence de la recherche dans une perspective communicationnelle
I.3)- Présentation du cadre méthodologique
I.3.1)- La méthode comparative
I.3.2)- Au niveau transnational
I.4)- La comparaison et la méthode comparative
I.4.1)- Les atouts de la comparaison et sa pertinence dans une recherche scientifique
I.5)- Le principe de comparabilité des cas
I.6)- Le choix des cas de comparaison : pourquoi comparer Al Jazeera et le canal arabophone de France 24 ?
II)- L’état de l’art dans les sciences de l’information et de la communication
II.1)- Les sciences de l’information et de la communication et les médias
II.2)- Internationalisation et globalisation
II.2.1)- L’internationalisation
II.2.2)- La globalisation
II.2.3)- Internationalisation et globalisation, deux concepts à différencier
II.2.4)- La globalisation et les SHS
II.3)- L’internationalisation des médias
II.3.1)- L’internationalisation des médias et l’hégémonie
II.4)- De l’hégémonie au soft power
II.4.1)- Les médias comme soft power
II.4.2)- L’internationalisation et la globalisation, faut-il choisir ? L’apport de notre sujet
III)- Le paysage médiatique international
III.1)- L’information dans les médias, enjeux et mutations
III.1.1)- Flux, contre-flux : la nouvelle réalité de l’information internationale
III.1.2)- L’information internationale, la migration vers de nouveaux supports
III.1.3)- La société de l’information, mythe ou réalité ?
III.2)- Tour du monde des chaines d’informations internationales
III.2.1)- L’ambition transnationale, tendance ou stratégie ?
III.2.2)- Médias transnationaux, quelle identité ?
IV)- Historique des chaînes d’informations internationales
IV.1)- La chaîne CNN, précurseur du «Global media»
IV.1.1)- CNN, la chaine qui bouscule les codes
IV.1.2)- Les limites du pouvoir et de l’influence de CNN
IV.1.3)- CNN, un média hégémonique ?
IV.2)- La chaîne Al Jazeera et l’émergence des médias du Sud
IV.2.1)- Al Jazeera et le contexte géopolitique et médiatique du monde arabe
IV.2.2)-Al Jazeera, les raisons du succès
IV.2.3)-Al Jazeera, du succès à la diabolisation
IV.2.4)-Al Jazeera et l’espace public arabe : les limites du consensus
IV.2.5)-Al Jazeera à la croisée des identités du monde arabe, enjeux et mutations
V)- La réponse de l’Occident à la chaîne Al Jazeera
V.1)- L’effet Al Jazeera dans la création de France 24
V.1.1)- Hhistorique et création de France 24
V.1.2)- De la voix au regard de la France sur le monde, quelle évolution ?
V.2)- France 24, enjeux et rôle
V.2.1)- La place occupée par la chaine sur la scène médiatique mondiale
V.2.2)- Les pays du Maghreb, région de prédilection ?
V.3)- Création du canal arabophone de France 24 et son évolution
V.3.1)-La création
V.3.2)- Le passage aux 24 heures
V.3.3)- La synergie du canal arabophone de France 24 avec RMC Doualiya
V.3.4.)- Une diffusion privilégiant Internet
V.4)- Le contexte médiatique et géopolitique de France 24
V.4.1)- Médias et diplomatie : « le soft power » par l’image
V.4.2)- À la reconquête de l’espace public arabe sur les traces d’Al Jazeera
V.5)- Représenter l’autre : le monde arabe de France 24
V.5.1)- Sujets et objets au sein d’une représentation
V.5.2)- La représentation et sa pertinence communicationnelle
V.5.3)- Le stéréotype, une notion et plusieurs conceptions
V.5.4)- France 24 : plusieurs mondes arabes
VI)- L’analyse comparative
VI.1)- Présentation des typologies de comparaison
VI.2)- L’analyse de contenu, un outil incontournable
VI.3)- L’analyse des typologies de comparaison
VI.3.1)- L’analyse du contexte d’émergence d’Al Jazeera et du canal arabophone de France24
VI.3.2)- L’analyse de ligne éditoriale d’Al Jazeera et du canal arabophone de France 24
VI.3.3)- L’analyse du rôle joué par les deux chaines dans l’espace public arabe et international
VI.3.4)- Synthèse et résultats de l’analyse des typologies comparatives.
Conclusion.

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