La paraphrase en classe de seconde : de la compréhension à l’analyse

Le jour de la rentrée scolaire, avisé par les conseils de ma tutrice, je décidai de rencontrer les élèves à travers l’approche d’un texte sans conséquence sur de résultat. Ce premier échange sur fond de texte littéraire avait pour but de me confronter à un premier état des lieux sur la compréhension de texte et les capacités de restitution écrite des élèves. Sans l’avoir prévu, ce fut aussi l’occasion, pour les élèves, d’appréhender un texte littéraire. A la suite d’une réflexion commune sur l’extrait choisi du Père Goriot, un petit travail de synthèse fut proposé, annoncé sans notation, pour lire mes élèves pour la première fois. Cet exercice devait alors m’offrir le point de départ de ma recherche. En effet, je me suis rendu compte des difficultés de restitution du sens de l’extrait et de la facile propension à écarter toute l’analyse entrevue. Or, je n’avais – dans mon inexpérience la plus totale du métier d’enseignant – envisagé rien de tel. Au terme d’une année, il peut paraître ridicule de s’être étonné de la propension des élèves à se laisser emporter par une paraphrase mal maîtrisée au début de l’année de Seconde. Néanmoins, c’est face à ce premier aperçu et conscient du travail d’analyse à développer chez les élèves que la paraphrase m’est apparue comme un écueil à contrecarrer. La paraphrase s’est d’abord présenté comme une pratique récurrente et un frein à l’analyse. Mon premier a priori fut de trouver les moyens de l’exclure de la discipline. Ce parti pris, très  catégorique, résultat des années d’enseignement universitaire, changea de forme au contact des études théoriques menées sur le sujet. Dans tous les cas, le thème de ma recherche s’est fondé sur l’objectif d’analyse littéraire souvent résumé en trois temps : émettre une idée sur le texte, la justifier par le texte, et éviter de répéter le texte. Ainsi, la pratique de la paraphrase par les élèves s’est dessinée premièrement comme repoussoir, compte tenu de l’approche normée de l’exercice d’analyse. C’est donc cet objet d’étude, très particulier en raison de son hétéroclisme, mélange de reformulation, de simplification et d’appropriation, que j’ai choisi pour questionner ma pratique d’enseignant. Compte tenu des décalages entre l’institution et les recherches scientifiques menées sur la paraphrase, mais sans nier la tendance des deux approches à se rejoindre, mon étude ne peut se contenter de développer une mise en garde contre la paraphrase. Il apparaît nécessaire de faire comprendre les points positifs et les limites de la pratique de la paraphrase aux élèves. De cette manière, il est bien question d’éviter la paraphrase dans le cadre des travaux d’analyse d’un texte littéraire. Mais il faut également préciser les facultés d’analyse que permet une paraphrase raisonnée et maintenue en-dehors du cadre de l’exercice écrit – c’est-à-dire de la copie.

Devant l’interrogation qui consisterait à se demander s’il faut considérer la paraphrase comme une erreur dans les exercices scolaires, nous émettons l’hypothèse que la paraphrase demeure indéniablement une faute dans la grille d’évaluation du correcteur. Cela ne signifie pas pour autant que la paraphrase doit être absente du processus de compréhension et d’analyse du texte littéraire par l’élève. Seulement, notre seconde hypothèse consiste à penser qu’il est nécessaire de comprendre tout d’abord les abus de la paraphrase avant de laisser entrevoir les outils qu’elle apporte. Il faut alors se demander dans quelle mesure la paraphrase sera valorisée dans l’enseignement du français sans faire perdre de vue aux élèves l’objectif des exercices codifiés du baccalauréat.

CADRE D’ETUDE INSTITUTIONNEL

Du point de vue de la réglementation, le terme de « paraphrase » n’apparaît pas littéralement dans les instructions officielles de 2010 pour la classe de Seconde. Il faut bien entendu relier la notion à l’exercice du commentaire et à la pratique de la lecture analytique qui, en revanche, apparaissent dans les instructions : « savoir utiliser ces connaissances pour dégager des significations et étayer un commentaire», « La lecture analytique vise la construction progressive et précise de la signification d’un texte, quelle qu’en soit l’ampleur : elle consiste donc en un travail d’interprétation que le professeur conduit avec ses élèves, à partir de leurs réactions et de leurs propositions » . Au travers de cette réglementation, une exigence se fait jour, consistant à donner du « sens » à une lecture au moyen d’une approche réglementée du texte. Le terme de « signification », répété, s’oriente vers le produit fini qu’est le commentaire et doit porter une « interprétation ». Si le mot de paraphrase n’est pas employé, sa proscription apparaît en filigranes lorsque nous lisons : « savoir utiliser ses connaissances grammaticales pour lire et analyser les textes » . De fait, l’étape finale de l’étude du texte doit consister en un dépassement de la citation et de la répétition du texte pour témoigner d’une capacité de prise de recul – après une première étape d’émotion : « le développement d’une conscience esthétique permettant d’apprécier les œuvres, d’analyser l’émotion qu’elles procurent et d’en rendre compte à l’écrit comme à l’oral » .

Toujours dans ce B.O., consacré également au niveau de Première, on trouve l’indication suivante : « On a soin de faire servir les analyses à une véritable interprétation des textes étudiés, sans isoler les procédés et en accordant aux éléments de contextualisation leur nécessaire importance. » L’insistance sur le terme d’« interprétation », au moyen de l’adverbe « véritable », souligne un écueil latent chez les élèves. Eclaircissement, analyse et interprétation convergent tous ensemble dans une approche opposée à l’explicitation du sens premier – si l’on peut dire – du texte.

Les instructions officielles nous invitent en cela, à demi-mots mais de manière suffisamment explicite (à qui prendra le temps de l’analyse), à développer une compétence métatextuelle. Les élèves ne doivent pas se contenter d’avoir compris le sens littéral du texte, il leur faut expliquer d’où vient ce sens. C’est pourquoi le B.O. souligne également l’importance à accorder aux procédés : pour le dire autrement, il est question de relier fond et forme. Dans d’autres disciplines, la démarche de la paraphrase est ouvertement rejetée, comme on peut le lire dans le Bulletin officiel spécial n°7 du 6 octobre 2011 relatif au baccalauréat de la série économique et sociale, pour l’épreuve de sciences économiques et sociales : « Le dossier documentaire mis à la disposition du candidat ne doit ni borner son horizon (en le détournant du recours à ses propres connaissances), ni lui servir de prétexte à une paraphrase ou à un commentaire systématique et détaillé » . Nous nous permettons de quitter ainsi momentanément la discipline des lettres pour souligner la possibilité de précautions institutionnelles. En effet, les liens étroits entre la compréhension des textes et la paraphrase n’échappe pas l’institution. De cette manière, dans le B.O. de 2010 pour le français en classe de Seconde, un exercice se présente comme une voie détournée de la paraphrase : « écriture de synthèse et de restitution ». Il semble alors que la paraphrase demeure sanctionnée en pratique – lors des lectures analytiques et dans le commentaire – mais entretenue en théorie – pour s’approprier les textes, mais aussi, plus simplement, les enseignements. L’exercice de synthèse – difficile à mettre en place malgré tout en début d’année de Seconde – n’est autre qu’une capacité de paraphrase sur ce qui a été perçu et compris pendant une séance de cours ou un ensemble de séances.

Toutefois, nous pouvons rencontrer, pour les niveaux supérieurs, l’exécration de la paraphrase comme un travers de lecture. Il suffit pour cela de jeter un œil au B.O. n°22 de juin 2007 pour les classes préparatoires aux grandes écoles : « le refus de la paraphrase et du catalogue doxographique » . L’affirmation est sans appel, le rejet est total. Pourtant, cette proscription fait émerger un double paradoxe. Dans un premier temps, cela signifie que la paraphrase est toujours répandue à ce niveau et, par conséquent, confirme la difficulté pour les apprenants à l’identifier, voire à s’en défaire, dans les classes antérieures. Dans un second temps, l’évolution des instructions vise certainement à relativiser le rejet de la paraphrase au lycée , sans pour autant accepter sa pratique dans le supérieur. Enfin, de manière plus surprenante, on peut lire dans les consignes de la session 2017 des E.A.F, relativement à l’épreuve orale de l’explication de texte : On accordera la moyenne à un exposé qui ne répondrait que partiellement à la question posée ou qui serait une paraphrase construite (c’est-à-dire qui parvient, sans s’intéresser à l’écriture et dans un exposé très narratif, à dégager toutefois une spécificité du texte (problématique littéraire, vision du monde, continuité ou rupture, originalité dans l’histoire littéraire…), du moment que l’exposé révèle une réelle appropriation du passage par le candidat.

La paraphrase semble acceptée, quoiqu’affublée de l’adjectif « construite », laissant entrevoir des pistes qui répondent, de fait, aux investigations théoriques sur la question. Il est fait mention d’une « appropriation » qui pourrait donc se concrétiser intrinsèquement à la paraphrase, quitte à ce que les procédés d’écriture soient laissés de côté. Si l’adjectif « construite » est bel et bien précisé, c’est la « réelle appropriation » qui finit tout de même par poser question. Un compte-rendu narratif d’un extrait littéraire peut-il témoigner une saisie personnelle ? On soulignera par ailleurs que, pour ce qui est de l’épreuve écrite du commentaire, la « paraphrase » n’apparaît pas. On peut lire une glose de l’analyse de texte littéraire : « En séries générales, le candidat compose un devoir qui présente de manière organisée ce qu’il a retenu de sa lecture, et justifie son interprétation et ses jugements personnels. » L’accent semble porté sur la structuration et la combinaison d’une analyse et d’un investissement individuel. En d’autres termes, l’attente paraît tout aussi exigeante que ce que l’on a exposé supra.

C’est au sein de ce cadre institutionnel, compte tenu des enjeux d’initiation au commentaire littéraire et de perfectionnement dans l’interprétation de texte littéraire, que se sont inscrites les activités proposées pour répondre à ma problématique d’enseignement. Les travaux, relevant des différents exercices de la classe de Seconde, s’appuient nécessairement sur les objets d’étude rencontrés au fil de l’année. On trouvera de la sorte :
– des travaux d’analyse relative à de courts extraits, portant sur le premier objet d’étude abordé « Le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme », puis le deuxième « La poésie du XIXe au XXe siècle : du romantisme au surréalisme» ;
– des exercices de commentaire littéraire, à des stades plus ou moins complet, qui s’inscrivent également dans les deux objets d’étude cités précédemment ;
– et enfin, dans le cadre de la valorisation de la paraphrase et de l’appropriation personnelle – la formation d’un sujet-lecteur –, un livret de poésie réalisé par chaque élève, fondé sur l’objet d’étude « La poésie du XIXe au XXe siècle : du romantisme au surréalisme », dans un prolongement contemporain sur la poésie sonore.

CADRE D’ETUDE THEORIQUE

En s’interrogeant sur les origines de la paraphrase et son utilisation – non seulement par les élèves – à la fois courante et ancestrale, Arnaud Zucker met en lumière la fonction première de la paraphrase qui consiste à « rendre intelligible le sens d’une œuvre » . Dès lors, le paradoxe s’accentue entre le rejet du milieu scolaire et l’utilisation herméneutique de cette approche du texte. La paraphrase ne devrait-elle être condamnée que du point de vue scolaire ? Existe-t-il une « bonne paraphrase»? Dans quelle mesure l’enseignant peut-il encourager la paraphrase ? A quoi peut elle servir pour les élèves ? Devrions-nous considérer que la paraphrase est un moyen de répéter pour parvenir à penser ? Faut-il la réhabiliter en tant qu’étape dans la compréhension de sa lecture ? Tout en s’accordant sur le point de transformer sans cesse le rapport au texte, afin de le mettre à portée des jeunes lecteurs, l’institution oscille du côté de la revalorisation de la paraphrase et de sa stigmatisation. Cette incertitude caractérise le statut hybride de cette pratique face à laquelle l’enseignant peut craindre qu’elle ne soit qu’une copie vide de sens et peut espérer qu’elle atteste en réalité une première appropriation de la lecture, un premier jalon de l’analyse.

Refaire du texte
Tour à tour Catherine Fuchs, dans les années 1980, puis Bertrand Daunay à partir de la fin des années 1990, se sont attaché à reconsidérer la définition et l’utilisation de la paraphrase. L’analyse de texte et l’exploitation des citations d’un texte littéraire sont les entrées par lesquelles le concept de paraphrase est investi. Tandis qu’il faut inculquer une méthode d’analyse – parfois résumée dans le triptyque : idée, citation, interprétation – pour la classe, les théoriciens de la paraphrase envisagent une prise de distance avec cette manière de faire. Pour Catherine Fuchs, la paraphrase est considérée comme une « activité de reformulation » donnant lieu à une pratique discursive sur les textes. De son côté, Bertrand Daunay s’est attaché à penser la disqualification de la paraphrase dans l’enseignement pour remettre en cause son rejet. Les concepts de subjectivité et d’identification sont reliés à cette écriture « à côté du texte » et permettent en réalité aux élèves d’assimiler leur lecture. Il n’est alors pas question de considérer la paraphrase comme une manière de « réécrire le texte en moins bien », mais de « réécrire le texte au mieux pour soi », c’est-à-dire d’une façon la plus claire pour soi. C’est dans ce cadre qu’intervient alors le concept de réécriture auquel B. Daunay est attaché .

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Table des matières

Introduction
I. Cadre d’étude institutionnel
II. Cadre d’étude théorique
III. La pratique : recueil et analyse des données
1. Le terrain – cadre professionnel
1.1. L’établissement
1.2. La classe
1.3. Pistes d’action
2. Le corpus de données
2.1. Le travail de synthèse
2.2 Un devoir trop exigeant – le premier devoir surveillé (DS1)
2.3 Questionnaire sur la paraphrase et évaluation de la paraphrase
2.4 Livret de poésie : espace libre pour la paraphrase ?
2.5 De la rédaction d’axes de commentaire à la construction du plan de commentaire – DS n°4
2.6 Un commentaire intégral d’analyse littéraire, fort d’une paraphrase préalable – l’idéal du DM n°4
2.7 Les données à venir : devoir commun type commentaire, expérimentation « retour des synthèses »
2.8 Les données laissées de côté
3. Analyse et interprétation des données
3.1. Le travers de la paraphrase
3.2. La formation à l’analyse littéraire
3.3. La paraphrase : travail transitoire et émotion textuelle
3.4. Limites, difficultés, échecs
Conclusion
Bibliographie
Table des annexes
Table des matières

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