La notion de savoir. Classification des savoirs

La notion de savoir. Classification des savoirs 

Pour appréhender la notion de savoir, nous avons choisi de retenir deux approches. La première est celle du savoir comme une somme d’informations quantifiables. Ce type de savoir caractérise davantage les interactions des acteurs au niveau des formes cadrées. La seconde est celle du savoir détenu par les acteurs. Ce type de savoir caractérise davantage les interactions des acteurs au niveau des formes moyennement cadrées et non cadrées. Les deux types de savoirs, plus ou moins quantifiables, se plient à une autre classification, celle des savoirs individuels et des savoirs collectifs. Les savoirs collectifs sont détenus par l’ensemble des acteurs appartenant à une même communauté. Dans une même situation, chaque membre de la communauté sait qu’il y a quelque chose à faire ; ils ont tous des notions en commun. Le savoir collectif résulte de l’apprentissage au sein d’une communauté, d’une expérience commune (liée aux actions réalisées en commun) des acteurs de cette communauté.

Savoirs individuels 

La définition que nous retenons ici est celle proposée par A. Hatchuel et B. Weil : « le savoir se compose d’un ensemble de thèses et de questions à partir desquelles une activité peut être conduite ou une information acquérir un sens en générant, le cas échéant, de nouvelles thèses ou des nouvelles questions » (Hatchuel, Weil, 1992, p.16).

Cette définition met en évidence le caractère dynamique du savoir, sa capacité à contribuer à la conduite de l’action. En parlant des savoirs individuels qui régissent l’action, G. Malglaive distingue trois types de savoirs : savoirs théoriques ou déclaratifs, savoirs procéduraux, savoirs pratiques ou savoir-faire (Malglaive, 1990). Les savoirs théoriques ou déclaratifs permettent de connaître l’objet et ses modalités de transformation, la machine et les raisons de son fonctionnement. Les savoirs procéduraux portent sur les façons de faire, sur les manières dont fonctionnent les procédures et sur leurs modalités d’agencement. Ils permettent aux savoirs théoriques de s’investir dans l’action. Les savoirs pratiques sont directement issus de l’action, de ses réussites et de ses échecs, de ses contraintes et ses aléas. Les savoirs pratiques sont le résultat de l’expérience. Les savoir–faire désignent « une compétence globale, un « métier » ou une expertise dans un domaine plus ou moins large de pratique humaine » (Malglaive, 1990, p.81).

Selon Malglaive, l’ensemble de ces savoirs forme une totalité complexe et mouvante qu’il appelle le « savoir en usage » (Malglaive, 1990, p.89). Pour « vivre », le savoir en usage a besoin de s’investir en action. Les savoirs théoriques/procéduraux s’investissent dans les savoirs pratiques/savoir-faire. C’est la qualité des premiers qui assure le succès des seconds. En revanche, l’échec des seconds amène à revoir les premiers. Une classification similaire des savoirs individuels est faite par A. Hatchuel et B. Weil selon la forme de mémorisation et la forme d’opérations logiques qui sert à les mobiliser. Il s’agit de la classification en savoir-faire, savoir-comprendre et savoir-combiner (Hatchuel, Weil, 1992).

« Les savoir-faire : accumulation et foisonnement » 

Par savoir-faire, ou le « savoir de l’artisan », A. Hatchuel et B. Weil entendent « un type de savoir qui exprime, quel que soit le niveau de détail considéré, la manière dont certaines transformations sont obtenues par des actions connues. Un tel savoir permet alors, partant de l’état initial et de l’état souhaité d’un objet, de déterminer les étapes intermédiaires qui permettent de passer d’un état à l’autre. Un des traits distinctifs de ce type de savoir tient donc à ce qu’il peut s’énoncer comme un répertoire de situations, accompagné des actions qui permettent de passer d’une situation à l’autre » (Hatchuel, Weil, 1992, p.46). Dans cette catégorie rentrent « tous les savoirs qui peuvent être modélisés par des ensembles de règles et de faits sous la forme des systèmes – experts classiques » (Hatchuel, 1994, p.116). Il s’agit des vérités isolables que l’on peut accumuler de manière ordonnée. Concrètement, dans cette catégorie, se trouvent des bibliothèques de gammes, le livre de cuisine, le guide de choix des vins, etc. « Ce type de savoirs se capitalise par accumulation ou foisonnement et chaque « grain » peut être validé indépendamment des autres » (Hatchuel, 1994, p.116). La possibilité de ce découpage en « poches » distinctes favorise la formation des acteurs. Ce type de savoir, appelé usuellement « technique », constitue la référence naturelle des métiers de concepteurs spécialistes. « La plupart des métiers techniques sont ainsi intimement associés à des découplages du savoir, provisoirement considérés comme acceptables. La mémorisation, la conservation, l’archivage qui apparaissent légitimes pour les savoir-faire et les apprentissages des acteurs dans ces domaines sont décrits habituellement comme des acquisitions progressives de compétences. Cependant, lorsque le rythme d’innovation est élevé ou lorsque la variété des activités s’accroît, un tel modèle n’est pas toujours acceptable et l’intérêt d’une telle représentation « patrimoniale » des savoir-faire peut être tempéré » (Hatchuel, 1994, p.116).

« Les savoir-comprendre : la fragilité » 

Les savoir-comprendre sont bien illustrés par l’activité du réparateur, autrement dit, « l’activité de celui qui cherche à comprendre pourquoi l’ordre « réel » n’est pas l’ordre « conçu » et tente d’y remédier » (Hatchuel, 1994, p.116). « Ici, la capitalisation de savoirs est toujours nécessaire et chaque défaillance bien comprise peut produire un nouveau savoir-faire » (Hatchuel, 1994, p.116). Cette catégorie de savoirs représente une base importante pour l’étude des apprentissages organisationnels (F. Charue, Ch. Midler, dans de Terssac, Dubois, 1992).

« Les savoir-combiner : les savoirs de l’autonomie et de l’entrepreneurialité » 

Si les savoir-faire renvoient à l’idée de mémoire, de routine et les savoir-comprendre y rajoutent l’idée d’enquête dans l’incertain, « les savoir-combiner s’inscrivent, eux, dans la construction d’un futur souhaitable. Ils réordonnent sans arrêt les fins et les moyens à la recherche d’une logique de projet, autrement dit, d’une évolution acceptable pour un groupe d’acteurs donnés (clients, personnel, travailleurs). Cela tient à ce qu’ils mêlent de la façon la plus imbriquée possible le raisonnement de l’action et la connaissance utilisable » (Hatchuel, 1994, p.117). Nombreux sont, dans une entreprise, les acteurs qui ont à mobiliser de tels savoirs. Ils doivent composer avec ce qu’ils savent possible et les demandes contradictoires qui viennent des autres acteurs concernés : « savoir du compromis, donc savoir de négociation aussi » (Hatchuel, 1994, p.117). Selon A. Hatchuel, la capitalisation des savoirs dans ce cas ne peut se faire de la même manière que pour les savoir-faire, par accumulation ou comme pour les savoir comprendre, par la résolution d’un problème qui a forcément une solution. Du point de vue du processus d’apprentissage, les savoir-combiner précédent l’acteur et la construction de l’acteur et ils l’incitent au processus d’apprentissage ad hoc. « On pourrait ici reprendre la formule « l’autonomie, ça s’apprend », mais en rappelant qu’il s’agit d’un apprentissage en interaction avec celui d’autres acteurs (…) Nous n’avons pas de concept simple pour décrire les processus d’apprentissage collectifs qui accroissent simultanément l’autonomie et l’intensité des échanges des acteurs. Mais nous savons au moins qu’il ne suffit pas de poser un principe relationnel ou organisationnel pour obtenir ce type de rapports ; il dépendra tout aussi impérativement des savoirs mobilisés par les acteurs. La définition des objectifs et des risques communs, la reconnaissance réciproque de la complémentarité des savoirs détenus par chacun restent des conditions favorables à l’autonomie et à la coopération » (Hatchuel, 1994, p.117-118).

En utilisant ces trois types de savoirs, nous pourrions décrire le cycle de création de nouveaux savoirs : on part d’un savoir-faire qui se heurte à un problème ; pour pouvoir résoudre le problème, il faut passer par un savoir-comprendre et un savoir-combiner avant d’arriver à la création du nouveau savoir-faire qui sera la solution au problème posé.

Savoirs collectifs

Quant aux savoirs collectifs, on peut encore en distinguer deux types : des savoirs au niveau du/des collectif/s « métier/s » ou professionnel/s et des savoirs au niveau de l’entreprise ou savoirs organisationnels. M. de Montmollin reconnaît l’existence d’un savoir ou d’une compétence qui dépasse l’individuel pour acquérir une dimension collective. « Sans tomber dans le mythe du « travailleur collectif », on peut faire l’hypothèse d’une compétence collective et de sa genèse, lorsqu’au sein d’une équipe, les informations s’échangent, les représentations s’uniformisent, les savoir faire s’articulent, les raisonnements et les stratégies s’élaborent en commun. Cette compétence collective ne supprime bien entendu pas, mais suppose au contraire, des compétences individuelles complémentaires » (de Montmollin, 1986, p.134). Le savoir collectif résulte de l’apprentissage au sein d’une collectivité. Il est le résultat des actions réalisées en commun, d’une « élaboration en commun » et il perdure dans la dynamique de l’action et dans des objets.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : Savoirs, apprentissage et formes de socialisation dans le processus de conception automobile
1. La notion de savoir. Classification des savoirs
2. La notion d’apprentissage. Pourquoi le recours à cette notion ? Différents courants concernant l’apprentissage
3. Processus de conception. Caractéristiques des tâches de conception
4. Formes de socialisation
5. Caractérisation succincte des formes de socialisation (cadrées, moyennement cadrées et non cadrées)
6. Pourquoi le recours à ces trois formes ? Quel lien entre les trois ?
7. Présentation théorique détaillée des trois formes
Conclusion
TABLEAU SYNTHETIQUE
CHAPITRE II : Terrain et méthode de recherche
1. Description succincte du terrain d’étude
2. Déroulement de la recherche. Description détaillée du terrain
3. Réflexions sur la méthode. Démarche de recherche : la recherche – action. Rôle du chercheur au sein de l’entreprise. Principe méthodologique
GLOSSAIRE DES SIGLES RENAULT
CHAPITRE III : Contexte historique de l’organisation actuelle de l’ingénierie chez Renault – Questions vives posées aujourd’hui à l’organisation de l’ingénierie autour de la question de la socialisation
1. Esquisse de l’évolution de l’organisation par projet chez Renault jusqu’à nos jours
2. Evolution de la DIV. Points durs. Emergence de la DIV2
3. Organisation par projet chez Renault aujourd’hui
4. Limites de l’organisation par projet. Complexification de la socialisation dans l’organisation
CHAPITRE IV : Tensions et crises autour des formes cadrées
1. Evolution des outils de gestion en lien avec l’évolution de l’organisation
2. Plusieurs types de documents
3. Boucle chronologique des documents
4. Différents documents utilisés par les acteurs des groupes projet (GFE)
5. Une confrontation des deux logiques intervenant dans un projet : la logique de « ceux qui font » – GFE et de « ceux qui pilotent » – équipe projet (ou technique/économique)
6. Tensions autour des formes cadrées
7. Pourquoi le passage des formes cadrées vers les deux autres types de formes ?
8. Temps et espace au niveau des formes cadrées d’apprentissage
9. Intérêt de la mise en évidence des formes cadrées d’apprentissage
10. La socialisation cadrée
CHAPITRE V : Recherche de compromis autour des formes moyennement cadrées
1. Le processus de conception dans le monde automobile
2. Les formes moyennement cadrées
3. Le processus de recherche d’un compromis dans le travail de conception automobile.
Le dialogue
4. Variables de socialisation. Etudes de cas
5. Deux cas limite des formes moyennement cadrées
6. Les limites des formes moyennement cadrées
7. Temps et espaces au niveau des formes d’apprentissage moyennement cadrées en soi
8. La socialisation moyennement cadrée
CONCLUSION GENERALE

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