La newsletter d’information, un objet médiatique pluri-sémiotique

La newsletter d’information, un objet médiatique pluri-sémiotique 

La newsletter est un objet complexe à analyser d’un point de vue sémi otique. En effet, elle forge son identité en s’inspirant de différentes for mes préexistantes. D’une part elle prend forme à travers le courrier électronique et la mess agerie électronique qui permet la transmission du message. D’autre part, elle a vocation à info rmer, ce qui nous amène à nous interroger sur les formes journalistiques qu’elle pourrait mimer afin de trouver sa place.

La messagerie électronique, un mode de communication repensé 

Comme l’explique Dominique Cotte , avant d’interroger un obj et, il est nécessaire de revenir à la manière dont celui ci s’est construit. Nous allons ains i nous intéresser au support matériel qui a créé la newsletter, c’est-à-dire la messagerie électronique.

Les origines de la messagerie électronique

Le courrier électronique, autrement appelé courriel est une ap plication d’Internet, permettant d’envoyer un message d’un expéditeur vers un ou plusieurs destinataires. Les origines du premier courrier électronique remontent aux ann ées 1970, alors qu’internet n’existait pas encore. Tout a commencé en 1971, lorsque Raymo nd Samuel Tomlinson, ingénieur employé par le gouvernement américain pour travail ler sur le projet de réseau Arpanet, ancêtre d’Internet, décida de tenter une expérience. Il a vait créé deux programmes, un premier permettant d’envoyer un message à plusieurs person nes partageant un même ordinateur et le second permettant de copier simultanément u n fichier sur différents ordinateurs. Il s’est alors demandé s’il serait possible d’asso cier ces deux programmes afin de faire passer un message entre deux ordinateurs. Par la créa tion de deux boîtes aux lettres électroniques, chacune codée sur un ordinateur, il parv ient à envoyer un message entre ces deux machines, placées côte à côte. Cette expérience sera alors à l’origine du premier courrier électronique, appelé à cette époque le “Netmail ”. Raymond Samuel Tomlinson sera également l’inventeur de la première adresse de courrier électronique. Afin de séparer d’un côté le nom de l’utilisateur et de l’autre, le nom de l’ ordinateur, son choix se porta sur le symbole “@”, créé en 1536 par Francesco Lapi. “ J’ai utilisé ce signe pour indiquer que l’utilisateur était « chez » [« at » en anglais] un autre hôte et non pas situé localement” . La deuxième explication est qu’en utilisant ce sigle, aucune confusion n’était  possible avec les noms propres et communs.

Le courrier électronique est alors devenu, au fil du temps, l’app lication d’Internet la plus utilisée. D’après une étude de The Radicati Group, en 2017, 2 69 milliards d’emails sont envoyés et reçus chaque jour dans le monde et ce chiffre augment e chaque année. Il existe aujourd’hui 3,7 milliards de comptes email dans le monde . Le cou rrier électronique est  ainsi “la plus vieille application de l’Internet” comme le souli gne Romain Dessal, fondateur  de Time to Sign Off.

La messagerie électronique est alors apparue comme une innov ation, permettant de communiquer un message, à l’écrit, à une personne n’étant pas ph ysiquement présente. Cette communication, de manière non simultanée, est ce que le so ciologue britannique Anthony Giddens nomme la relation avec “l’autre absent” et qu’il c onsidère comme un  élément caractéristique de la modernité. Pourtant, cette pratiq ue est très ancienne. En effet, le courrier électronique est la forme moderne de la lettre.

Sans retracer l’histoire de la lettre, il faut souligner que ce tex te épistolaire recouvre des réalités différentes. « La lettre, ce peut être la lettre privée voire la lettre intime qui cultive l’implicite ou, tout au contraire, la lettre polémique sou tenue, moyen simple de porter le débat devant le public ». Les formes de la lettre sont donc multiples et les usages ont évolué au gré de l’histoire. « C’est un discours dépendant des représentations collectives d e son époque, un lieu de tensions particulières entre l’individuel et le social. ».

Nous nous interrogeons alors sur la forme de cette lettre afin de comprendre quelles similitudes peuvent exister avec le courrier électronique. D’après Jacques Perriault, le public met un certain temps avant de s’approprier une innovation. Ainsi l es innovations reprennent d’anciennes formes afin de faciliter cette appropriation. Pour illu strer son propos, il prend l’exemple des « premiers wagons [qui] ressemblaient à des diligences et les prem ières automobiles, à des voitures à cheval » . Il appelle ce concept “l’effet diligence”.  La messagerie électronique s’est donc inspirée de cette pratiqu e communicationnelle. Lors de sa mise à l’écran, des marques de mimétisation transparaissent mais des changements s’opèrent jusqu’à trouver sa propre identité.

La mise en écran du processus de la correspondance 

Afin d’analyser la création de la messagerie électronique et de comprendre de quelle manière se créent et se propagent un texte sur Internet, il est nécessaire de revenir sur « l’énonciation éditoriale dans les écrits d’écran » développée par Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier. Ce concept permet de comprendre de quelle m anière un objet se transforme lorsque l’écriture informatique intervient dans son processus de création. L’énonciation éditoriale est alors définie comme « l’ensemble de ce qui contribue à la production matérielle des formes qui donnent au texte sa consis tance, son “image de texte”. » . Il s’agit d’un processus social déterminé, qui demeure largemen t invisible du  public, mais qui peut néanmoins être appréhendé à travers « la marque qu’imprime les pratiques de métiers constitutives de l’élaboration, de la constitut ion ou de la circulation des textes.» .

Ainsi, chaque imprimé dispose d’une forme matérielle que le lect eur est capable de reconnaître, grâce à une série d’indices. « Nature des polices de caractère, illustrations de couvertures, choix des couleurs, formes de mise en page, sont au tant d’éléments qui commencent par “dire” quelque chose sur le texte avant même qu e l’on ait abordé la substance linguistique » . Lorsque le texte passe à l’écran, il mime alors ces marques éditoriales afin d’en faire un objet reconnaissable par le lecteur. Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier considèrent alors que seul un changement de matérialité s’opère et non une perte de celle-ci .

Comme nous l’avons vu, l’initiative de la création du courrier éle ctronique est inspirée d’une pratique déjà existante, celle d’envoyer une lettre, de co mmuniquer avec une personne physiquement non présente. En diachronie, un nouv el objet ne peut exister sans que les traces de son objet ancien persiste. Bruno Jacomy illust re ce propos en prenant l’exemple des véhicules automobiles qui ont longtemps cons ervés le trou destiné à accueillir la manivelle alors même que le démarreur électrique existait. L a messagerie électronique est donc la forme moderne de la lettre. Le processus était alors le suiv ant : il fallait rédiger la lettre sur du papier, la mettre dans une enveloppe, la peser, la ti mbrer puis l’expédier afin que le destinataire puisse la recevoir. Le courrier électronique a ainsi cherché à représenter l’ensemble de ce processus en le mettant en scène sur une inter face unique. Les signes d’emprunt à sa forme d’origine sont ainsi multiples.

Afin d’offrir aux utilisateurs les mêmes possibilités d’action que lorsqu’ils envoient une lettre à un correspondant, les concepteurs de messageries électroniques ont mis en oeuvre la possibilité de rédiger un message, de le mettre en forme et de pouvoir l’envoyer au destinataire de son choix. Ainsi le processus utilisé tradition nellement pour envoyer un message est représenté à l’écran. Le pouvoir des formes de l’éc rit d’écran est formalisé selon un double concept, définit par Yves Jeanneret : « le textiel, c’est à dire le double statut technique et langagier de l’écrit d’écran, le fait qu’il a un fo nctionnement à la fois sémiotique et opératoire; l’architexte, c’est à dire la présence dans ces ou tils de formes écrites qui régissent l’écriture de l’autre parce qu’elles en conditionnent le format et les ressources.» .

Toutefois, il faut remarquer que l’ensemble du processus n’est pas représenté à l’écran, il a été largement simplifié. En effet, les trois étapes pré parant la lettre à l’envoi ont été résumées en une étape unique : cliquer sur envoyer. L’architex te est donc l’élément fondamental de la messagerie électronique, offrant à l’utilisateur un espace d’écriture.

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Table des matières

Introduction
1. La newsletter d’information, un objet médiatique pluri-sémiotique
1.1 La messagerie électronique, un mode de communication repensé
1.1.1 Les origines de la messagerie électronique
1.1.2 La mise en écran du processus de la correspondance
1.1.3 La messagerie électronique comme nouvel usage de communication
1.2 La newsletter, un format médiatique conditionné par son canal de diffusion
1.2.1 Le courrier électronique comme support de communication de la lettre d’information
1.2.2 La création d’une dimension relationnelle avec les lecteurs
1.2.3 La naissance de la newsletter comme format médiatique
1.3 La newsletter d’information, un mode de communication transformé
1.3.1 La rupture avec son modèle d’origine : le concept d’intermédialité
1.3.2 Une volonté d’informer : transformation des formes
1.3.3 Une information contrainte par son support
2. La newsletter d’information comme solution à la surcharge informationnelle
2.1. La presse en ligne : entre surcharge et défiance médiatique
2.1.1 L’avènement de la presse en ligne : de la reprise de contenus à la création
2.1.2 La naissance du problème de surcharge informationnelle
2.1.3 Fausses informations et défiance de la presse
2.2 La newsletter d’actualité : un temps médiatique repensé
2.2.1 Multiplication des contenus et vive concurrence : la création d’un désir d’immédiateté
2.2.2 Emergence du slow média en réaction à l’immédiateté
2.2.3 La newsletter d’actualité : un nouveau temps pour s’informer
2.3 Tri, sélection, hiérarchisation : le résumé d’actualité comme récit journalistique
2.3.1 Une sélection d’information parmi la déferlante de contenu : une volonté servicielle
2.3.2 Un résumé d’information : l’invocation d’un imaginaire de la pédagogie
2.3.3 La rencontre achevée d’un récit d’actualité avec son support
3. La newsletter d’actualité : un objet protéiforme, entre déterminations ambiguës et intérêts contradictoires
3.1 La newsletter d’information au coeur d’intérêts contradictoires
3.1.1 Les enjeux de l’information divertissante
3.1.2 Les conséquences du choix d’un modèle économique publicitaire sur l’écriture de la newsletter
3.1.3 Une démarche créative contrainte par un outil marketing
3.2 De la personnalisation à la personnification : l’humanisation de la newsletter
3.2.2 L’évolution des pratiques journalistiques : un journalisme tourné vers le futur
3.2.2 Vers une personnalisation de l’information
3.2.3 Un désir de retour à une écriture artisanale
3.3 Le rôle pluriel du rédacteur de newsletter d’actualité
3.3.1 Détermination du rôle de journaliste
3.3.2 Le rôle du rédacteur de newsletter : une détermination controversée
3.3.3 La newsletter d’actualité : entre avis personnel et légitimation journalistique
Conclusion
Bibliographie

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