La nécessité d’investiguer les dynamiques organisationnelles d’un projet d’implémentation de TM

L’environnement du projet de construction

L’industrie de la construction est caractérisée par une très grande fragmentation structurelle, et surtout par la prévalence des très petites entreprises. D’après la Commission de la Construction du Québec (CCQ) l’industrie québécoise avait 25704 employeurs en 2015 avec un nombre mensuel moyen de salariés par employeur de 4,6. L’autre chiffre saillant avancé par la CCQ est que 83% des employeurs de l’industrie en 2015 avaient 5 salariés ou moins (CCQ, 2016). Ce chiffre est resté stable et il n’a quasiment pas varié entre 2006 et 2015. Cette tendance n’est pas spécifique au Québec. Egan (1998) avance que le premier facteur inhibant l’amélioration de la productivité de l’industrie de la construction au Royaume-Uni est le nombre très important des très petites compagnies. En effet, dans un environnement aussi fragmenté et dynamique que celui de la construction, l’intégration des informations provenant des différentes organisations, des différents systèmes d’information et sources, est cruciale pour une gestion efficace des processus (Dave et al., 2014). Le nombre important de petites compagnies et l’absence de standardisation rendent cette intégration difficile. L’industrie de la construction a connu d’une manière globale une augmentation croissante dans la complexité du design et des spécifications des produits et des processus de la construction au cours du vingtième siècle, et cela s’est traduit par l’apparition de plusieurs nouvelles spécialités d’ingénierie ainsi que par l’apparition de nouveaux lots de construction de plus en plus spécialisés, d’où l’augmentation de la sous-traitance dans l’industrie (Jones, 2005).

La complexité croissante des projets de construction a donc participé à l’augmentation du nombre d’intervenants impliqués dans les projets de construction, et par conséquent à l’augmentation des flux d’information qu’il est nécessaire de gérer dans un projet, ainsi que des interfaces qu’il est nécessaire de gérer dans les organisations de projet. De plus, l’industrie de la construction au Québec possède certains aspects législatifs uniques qui lui confèrent un fonctionnement distinct. Dans les propositions formulées par la FCCQ 2 pour améliorer le fonctionnement de l’industrie de la construction, elle est citée comme étant « la plus réglementée en Amérique du Nord » (FCCQ, 2014, p2). Plus particulièrement, Descôteaux (2010) cite les réglementations spécifiques aux métiers et les certifications obligatoires comme étant les causes principales du phénomène qu’il a qualifié de cloisonnement de l’industrie par métiers Ce cloisonnement est cité comme étant responsable de la prolifération d’un nombre important de sous-traitants spécialisés dans un seul métier (FCCQ, 2014), ce qui empêche non seulement la polyvalence des industriels, mais accentue également la fragmentation de l’industrie, et rajoute un défi supplémentaire à la gestion des flux d’information des projets de construction. D’autre part le facteur de l’unicité des livrables de construction et la discontinuité des flux dans les projets sont parmi les caractéristiques intrinsèques de l’industrie opposant un défi majeur à l’amélioration de la chaîne d’approvisionnement, car ils constituent un obstacle à la standardisation, la modularisation et à l’application des principes du gain d’échelle (Souza et Koskela, 2012). C’est ce même facteur, qui, associé à la nature complexe des projets de construction amène l’industrie à s’organiser en organisations temporaires (Hartmann et al, 2009), ce qui amène un défi supplémentaire quant à l’intégration des pratiques de gestion. En effet, il devient très difficile de standardiser et d’intégrer les informations provenant des différents intervenants des projets quand l’industrie fonctionne en organisations temporaires qui survivent rarement au-delà d’un projet unique.

La fragmentation de l’information du chantier

La fragmentation dans l’industrie de la construction ne touche pas uniquement la structure de l’industrie comme il a été discuté précédemment dans ce mémoire (sous-section 1.1.1) et on retrouve ce même problème de fragmentation au niveau de l’information des projets et en particulier celle destinée aux chantiers. En effet, bien que la phase de réalisation d’un projet de construction soit celle où les échanges d’information sont les plus intensifs, le support dominant pour l’échange d’information reste le papier (Frenette, 2015). En effet, Dave et al. (2010) expliquent que l’industrie souffre d’une ségrégation au niveau du traitement et de l’intégration de l’information entre les membres d’une organisation de projet. Cette ségrégation peut en partie être expliquée par le manque de standardisation, et par le fait que l’information du projet doive parfois transiter entre les acteurs d’un projet sur des plateformes différentes et dans des formats différents. La fragmentation de cette information est parfaitement illustrée dans le cas de la planification de projet avec les méthodes LEAN. Ces méthodes étant conçues pour optimiser la planification de chantier, Dave et al (2014) insistent qu’au niveau de la planification de production, l’équipe de chantier nécessite des informations très précises sur les tâches et les ressources, et que cette information se trouve souvent éparpillée dans des systèmes disparates, qui ne sont pas toujours accessibles au personnel du site, et que les flux de cette information doivent faire face aux problématiques d’interopérabilité 3 mentionnés précédemment dans ce mémoire. La Figure 1.2, qui présente schématiquement la circulation de l’information des chantiers illustre très bien la fragmentation de cette dernière, et plus particulièrement aux travailleurs de la construction.

L’intégration de l’information et la limitation de la fragmentation sont des facteurs essentiels étant donné que la construction est un processus faisant intervenir une multitude d’organisations et de personnes et où l’information est primordiale au succès des projets. La Figure 1.2 décrit les quatre zones où l’information des chantiers est produite ainsi que les flux d’information qui les relient. L’une de ces 4 zones, à savoir le niveau des exécutants de chantier, n’est pas connectée à l’intégralité des autres zones où est produite l’information nécessaire à la construction, et toute l’information qui leur est destinée doit transiter par le bureau de chantier. Si on veut améliorer la qualité de l’information sur les chantiers il est donc essentiel de reconcevoir cette structure à quatre zones qui isole et marginalise les exécutants dans la matrice d’échange et de production d’information. Le manque d’information et la mauvaise qualité de l’information disponible au chantier sont problématiques dans l’industrie de la construction, et à ce sujet Dawood, Akinsola et Hobbs ont défini trois caractéristiques de qualité pour l’information des chantiers et qui sont (i) la précision de l’information (ii) la consistance de l’information et (iii) l’accessibilité de l’information ; la précision de l’information étant définie comme la capacité de l’information à retenir sa valeur à travers les instances spécifiques pour lesquelles elle est destinée, et la consistance comme étant la capacité de l’information à retenir sa signification après avoir été échangée.

Le potentiel des TI en tant que support fiable pour répondre à ces exigences de qualité a été mis en évidence depuis des décennies et la littérature sur le sujet a défini trois fonctionnalités essentielles qui doivent être prise en charge par les systèmes de gestion de la construction et qui sont le suivi en temps réel des travaux (Pena-Mora & Dwivedi, 2002), l’accès à l’information nécessaire sur les tâches et les ressources (Son et al, 2012) et le partage d’information en temps réel entre les intervenants de projet (Bowden et al, 2006). A ce propos Kim et al. (2013) suggèrent que les avancées technologiques des téléphones intelligents et de l’informatique mobile représentent une occasion sans précédent pour améliorer les processus de gestion de construction. En offrant un accès permanent et rapide aux informations cruciales, celles-ci peuvent en effet d’un côté pallier au problème de l’accessibilité de l’information sur les chantiers et d’un autre côté répondre aux trois fonctionnalités définies ci-haut.

L’enjeu du BIM sur les chantiers

Les enjeux du BIM et ses bénéfices pour l’industrie ont été discutés précédemment dans ce mémoire. Cependant le constat de l’industrie est qu’aujourd’hui le BIM commence à s’intégrer dans les phases de conception, mais qu’il a du mal à faire son entrée sur les chantiers de construction, en dépit du fait que le BIM peut être considéré comme une technologie permettant de créer un pont entre la conception et la construction (Eastman et al., 2011). L’une des causes souvent présentées par les chercheurs comme étant un frein à l’adoption du BIM sur les chantiers de construction est l’expertise nécessaire pour la manipulation des outils BIM (Forgues, Tahrani et Schmitz, 2013). La complexité de ces mêmes outils a pour conséquence principale que l’expertise des outils BIM dans les organisations des constructeurs est encore exclusivement limitée aux ressources spécialisées tels que les gestionnaires BIM, coordinateurs BIM ou autres modélisateurs BIM. De plus, ces mêmes outils ne disposent pas toujours d’interface intuitive et facile à utiliser, et ne répondent pas au besoin des intervenants de chantier qui ont besoin d’outil permettant un accès rapide et mobile à l’information pertinente (Frenette, 2015). La complexité des outils BIM implique qu’un accent particulier doit être mis sur la formation des intervenants avant qu’ils ne puissent les exploiter. Bien qu’aujourd’hui plusieurs outils BIM existent en version mobile, le constat est que ces dernières font face à la limitation technologique des interfaces mobiles4. En effet d’après Forgues, Staub-French et Tahrani (2014), le BIM nécessite l’utilisation d’ordinateurs puissants, et ceci est l’un des facteurs freinant son adoption sur les chantiers. En effet, les versions mobiles existantes des outils BIM disposent généralement de capacités limitées par rapport aux versions pour ordinateur.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Les enjeux actuels de l’industrie de la construction
1.1.1 L’environnement du projet de construction
1.1.2 L’amélioration de la productivité
1.1.3 La révolution BIM
1.2 La gestion de l’information sur chantier
1.2.1 La fragmentation de l’information du chantier
1.2.2 L’enjeu du BIM sur les chantiers
1.2.3 Les interfaces hardware
1.2.3.1 Les tablettes tactiles
1.2.3.2 Les ordinateurs de chantier
1.2.4 L’infonuagique et les applications mobiles
1.3 Les problématiques liées à l’implémentation des TI
1.3.1 L’environnement organisationnel
1.3.2 Les défis technologiques
1.3.3 La problématique de la réingénierie des processus d’affaire (RPA)
1.3.4 Les TI : entre activateurs et conducteurs du changement ?
1.3.5 Les variables de l’implémentation de décisions stratégiques
1.3.6 La difficulté d’implémenter les TM dans l’industrie
1.3.6.1 Les enjeux des implémentations de TM
1.3.6.2 Les étapes de d’implémentation proposées
1.3.6.3 Les degrés de maturité des outils mobiles
1.3.7 L’incertitude dans les processus liés aux nouvelles technologies
1.3.7.1 Les échelles de maturité BIM comme moteur de l’amélioration organisationnelle
1.3.7.2 La difficulté d’implémenter les pratiques BIM
1.4 Discussion
1.4.1 La nécessité d’investiguer les dynamiques organisationnelles d’un projet d’implémentation de TM
1.4.2 La nécessité de définir un cadre de référence pour la maturité
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
2.1 L’étude de cas exploratoire
2.2 Le contexte du projet
2.2.1 Analyse du profil et des besoins
2.2.1.1 L’analyse de la documentation d’entreprise
2.2.1.2 Les entrevues
2.2.1.3 Analyse des besoins
2.2.2 Le choix des outils technologiques
2.2.3 Le plan d’implantation
2.2.4 Les activités pilotes
2.2.5 L’évaluation et la communication des résultats de l’intervention
2.3 L’analyse des résultats du projet
2.4 Conformité du projet aux exigences qualitatives des études de cas
CHAPITRE 3 L’ÉTUDE DE CAS
3.1 L’organisation du partenaire industriel
3.1.1 Le contenu stratégique
3.1.2 Les motivations du changement organisationnel
3.2 L’analyse du profil et des besoins
3.2.1 Les problématiques organisationnelles
3.2.1.1 Les problèmes de coordination interdisciplinaire
3.2.1.2 L’accessibilité de l’information
3.2.1.3 La problématique de la gestion des changements
3.2.1.4 La gestion tardive des déficiences
3.2.2 La fragmentation des flux de travail
3.2.3 L’inconsistance dans les pratiques
3.2.4 L’analyse des besoins organisationnels
3.3 Le choix d’outil technologique
3.4 La planification de l’implantation
3.4.1 L’élaboration du plan d’action
3.4.2 La communication sur le changement
3.4.3 L’impact du projet d’implémentation du BIM
3.5 Les activités pilotes
3.5.1 Les trois chantiers pilotes
3.5.2 Les objectifs
3.5.3 Les ressources affectées au projet
3.5.4 Les dynamiques de la relation utilisateur-fournisseur
3.5.4.1 Le degré de polyvalence du fournisseur de logiciel TI
3.5.4.2 L’importance du modèle d’affaires du fournisseur
3.5.4.3 La vision du fournisseur
3.6 L’évaluation de l’intervention
3.6.1 Les bénéfices liés à l’utilisation des TM
3.6.2 Les obstacles à l’implémentation
3.6.3 L’impact des introductions de TM sur les rôles et responsabilités
3.6.4 Les implications culturelles
3.6.5 L’inconsistance de l’utilisation effective des outils mobiles
3.6.6 L’évolution de la maturité TM du partenaire industriel
3.6.7 L’importance du facteur d’intégration
3.7 Les conclusions de l’implantation
CHAPITRE 4 LES APPRENTISSAGES
4.1 La temporisation de la décision stratégique
4.2 Les enjeux de la hiérarchie organisationnelle
4.3 La communication comme facilitateur du changement organisationnel
4.4 Les enjeux de la planification de l’intervention
4.5 La difficulté d’évaluer les solutions technologiques
4.6 Les enjeux liés aux partenaires externes de l’organisation
4.7 La rigidité des systèmes d’information
4.8 Les contraintes liées aux personnes
4.9 L’intégration comme transformation organisationnelle ultime
4.10 Les variables de la maturité d’utilisation des TM
CHAPITRE 5 DISCUSSION
CHAPITRE 6 PROPOSITIONS
6.1 Proposition d’un cadre d’implémentation
6.2 Proposition d’un cadre pour la maturité d’utilisation des TM
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS

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