La nature et le rôle des intentions stratégiques dans les organisations publiques métropolitaines

L’approche intentionnelle de la stratégie appliquée aux métropoles européennes 

L’usage du terme stratégie a longtemps été réservé aux entreprises du champ privé. Les organisations publiques étaient dans leur grande majorité « administrées » et les organisations publiques territoriales n’existaient pas encore dans leur forme et avec leurs compétences actuelles. Parler de stratégie territoriale en faisant référence à un autre territoire que le national est également une tendance relativement récente, en particulier dans les Etats centralisés . Cependant, la mise en œuvre de réformes institutionnelles telles que la décentralisation et l’intercommunalité, en accroissant les compétences des organisations publiques territoriales, ont profondément modifié les paysages institutionnels et par ricochet les modes de management territoriaux. Par ailleurs, il semble que les organisations publiques territoriales doivent faire face à une complexité environnementale croissante et à de nouveaux défis (Nutt, Backoff, 1993, p.299, Favoreu, 2000, Hernandez, 2004). Or, selon Morin (1990b, p.178), « la complexité appelle la stratégie. Il n’y a que la stratégie pour s’avancer dans l’incertain et l’aléatoire (…), (car elle) est l’art d’utiliser les informations qui surviennent dans l’action, de les intégrer, de formuler des schémas d’action et d’être apte à rassembler le maximum de certitudes pour affronter l’incertain ». En conséquence depuis deux décennies, le management public a progressivement investi le champ de la stratégie qui rencontre un écho croissant à la fois auprès des chercheurs et des praticiens . En effet, la disposition et la capacité à développer un esprit stratégique concerne toutes les organisations que leur finalité soit privée ou publique .

La stratégie et l’intention stratégique 

Evoquer la stratégie territoriale n’est pas chose aisée, car le terme même de «stratégie » recouvre de nombreux sens, déclinés en fonction des interlocuteurs et des contextes. Selon Nutt et Backoff (1993), les prescriptions indiquant aux organisations publiques comment s’y prendre sont très nombreuses mais sont souvent contradictoires. Pour ces raisons notamment, nous privilégierons dans cette étude l’utilisation du concept d’intention stratégique dont nous indiquerons la nature et les limites. Celui-ci nous paraît en effet davantage adapté au champ des organisations publiques métropolitaines.

La stratégie, un concept difficile à cerner

Le mot « stratégie » est probablement l’une des occurrences les plus souvent rencontrées dans les travaux en sciences de gestion . Cela ne facilite pas pour autant sa compréhension. Au contraire, cela entoure le terme d’un halo de banalisation et parfois même de galvaudage qui brouille son sens. Cette confusion est peut-être due à l’origine ancienne du terme qui a pu au fil des siècles endosser des sens variés. Tous ceux qui ont déjà assisté à un cours de Stratégie connaissent probablement l’origine militaire de celle-ci, élaborée et mise en œuvre lors des guerres que se livrent les Etats (ou toutes autres entités institutionnelles et politiques). De tels cours commencent en effet généralement par rappeler l’origine militaire de cette discipline en s’appuyant sur quelques citations bien choisies de Sun Zu sur « l’art de la guerre » ou de Clausewitz assimilant le contexte de guerre militaire à celui de guerre économique. Marchesnay (1995), quant à lui, cite l’exemple précurseur des « stratèges » de la Cité athénienne, chargés de la conduite de la guerre, sous la surveillance attentive des archontes, les notables dont la mission consiste à gérer la Cité (« polis »). Nous pouvons presque considérer que les archontes représentent les précurseurs des manageurs publics territoriaux (Sartre, 2006).

Si l’existence de la stratégie n’est pas soumise à débat, il n’existe pas de consensus sur sa définition (Chaffee, 1985, p.89). Pour certains, cette absence de consensus est due à l’essence même de la stratégie. Ainsi pour Hambrick (1983), celle-ci est multidimensionnelle et situationnelle, c’est-à-dire qu’elle varie en fonction des contextes. La variété stratégique s’illustre par le nombre de modèles, classifications et autres typologies auxquelles elle a donné lieu. Citons par exemple celle de Mintzberg (1978) ou de Chaffee (1985), ou encore celles de Miles et Snow (1978), Wechsler et Backoff (1986) ou encore Nutt et Backoff (1992) qui s’intéressent plus particulièrement aux stratégies des organisations publiques. Mais pour déterminer quelle signification nous donnons à la stratégie territoriale dans cette étude, nous devons dépasser ces points de désaccord entre chercheurs et nous appuyer sur des éléments de consensus.

Parmi ceux-ci, nous retiendrons que l’inséparabilité de l’organisation et de son environnement constitue une prémisse basique reconnue à la stratégie (Lenz, 1980, Biggadike, 1981) et que la stratégie concerne généralement le « bien-être global de l’organisation » (Hambrick, 1983). Moore (1995) considère que la stratégie d’une organisation publique doit créer de la valeur, ce qui ne se limite pas au développement de moyens et à l’allocation de ressources pour apporter des services mandatés. Pour Eadie (2000), elle sert à maintenir un équilibre favorable entre l’organisation et son environnement sur le long terme. Selon Bryson (1995), elle consiste en un effort discipliné pour produire des décisions et des actions jugées fondamentales pour façonner et guider l’organisation, c’est-à-dire déterminer ce qu’elle est, ce qu’elle fait, comment et pourquoi elle le fait. Poister et Streib (1999) ajoute une perspective intégrative à ces définitions : la stratégie permet de focaliser l’attention à la fois des divisions fonctionnelles et de tous les niveaux de l’organisation sur des thèmes, des objectifs et des préoccupations communes. Certains, devant les définitions presque innombrables de la stratégie, préfèrent en proposer une synthèse. C’est le cas de Marchesnay (1995), pour qui celle-ci représenterait « l’ensemble constitué par les réflexions, les décisions, les actions ayant pour objet de déterminer des buts généraux, puis les objectifs, de fixer le choix des moyens pour réaliser ces buts, de mettre en œuvre les actions et les activités en conséquence, de contrôler les performances attachées à cette exécution et à la réalisation des buts ».

Par rapport à ces différents travaux, nous considérons que la stratégie territoriale met en avant la détermination de buts, d’objectifs globaux que l’organisation publique, en tant que responsable légale d’un territoire, souhaite voir se mettre en place. Il s’agit de projeter l’organisation dans l’avenir souhaité, grâce à une réflexion qui inscrira l’action sur le court et moyen et long terme. Pour atteindre ces objectifs, des ressources organisationnelles seront réparties en fonction des moyens hétérogènes et des actions dissemblables planifiés ou organisés plus ou moins souplement. Pour être qualifié de stratégique, un projet territorial doit réunir les caractéristiques suivantes (Reynaud, 2001, p.189). Il représente des enjeux importants (Eisenhardt, Zbaracki, 1992, Mintzberg, Rainsinghani, Theoret, 1976) et engendre une irréversibilité forte (Tabatoni, Jarniou, 1975). Par ailleurs, il n’est possible de proposer qu’un nombre limité de solutions en remplacement (March, Shapira, 1992). Des stratégies individuelles d’acteurs divers s’intègrent au processus décisionnel (Laroche, 1995). Un tel projet est difficile à évaluer à court terme et une assez grande incertitude plane sur les résultats qu’il est susceptible de produire (Pearce, Freeman, Robinson, 1987). Enfin, il présente un fort contenu symbolique (Laroche, 1995).  Dans cette étude, nous distinguons la stratégie territoriale, c’est-à dire les processus aboutissant à la détermination d’intentions stratégiques et par lesquels les actions sont décidées, et le management territorial qui désigne les processus managériaux permettant de mettre en œuvre et d’adapter la stratégie territoriale (Chaffee, 1985). Les stratégies territoriales sont considérées comme un outil d’action privilégié des collectivités locales (Gouttebel, 2003). La vocation de la stratégie est de renforcer et d’améliorer la situation du territoire de l’organisation par rapport à un environnement donné. L’ensemble de ces éléments peut prendre la forme de documents (plan stratégique, plan de gestion, projet d’organisation) dont le formalisme varie ainsi que l’impérativité.

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Table des matières

Introduction générale
Le cadre et la problématique de la recherche
Les principaux objectifs de la thèse
La méthodologie
Chapitre 1. La nature et le rôle des intentions stratégiques dans les organisations publiques métropolitaines
I. L’approche intentionnelle de la stratégie appliquée aux métropoles européennes
A. La stratégie et l’intention stratégique
1. La stratégie, un concept difficile à cerner
2. L’émergence de la notion d’intention stratégique
3. Les stratégies fondées sur l’intention: les implications pour l’organisation
B. Les intentions stratégiques dans les organisations publiques métropolitaines
1. L’application aux métropoles européennes
2. L’intention stratégique et la déclinaison des objectifs des organisations métropolitaines
II. La dualité de l’intention stratégique dans les organisations métropolitaines
A. La « double » dualité de l’intention stratégique
1. La traduction dialectique entre action et contexte
2. Une notion à double dimension, cognitive et managériale
B. Les limites de l’intention stratégique
1. Les biais cognitifs
2. La difficulté d’appréhension et d’évaluation
Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2. La mise en œuvre des intentions stratégiques métropolitaines : les pratiques de management territorial dans la littérature
I. Les modalités de management territorial tournées vers l’action
A. Un cadre pragmatique
B. Une approche systémique
C. La territorialisation des actions passe par l’innovation et la créativité
D. Une dimension collective
II. Un large éventail d’outils managériaux à disposition
A. Les outils managériaux, indispensables mais longtemps à l’écart des préoccupations stratégiques
B. Un tour d’horizon des outils mobilisables
1. La gestion interne
a. Les fonctions internes de management
b. Les relations et les ressources humaines
2. La conduite de l’action
a. Le pilotage
b. L’évaluation et le contrôle
3. L’interface avec l’environnement
a. Les relations avec les parties prenantes externes
b. L’observation de l’environnement organisationnel
Conclusion du Chapitre 2
Chapitre 3. Une approche paradoxale des pratiques de management territorial
I. Au cœur du paradoxe : les contraintes inhérentes aux pratiques de management territorial
A. Les paradoxes : quelques éléments de définition
B. Le caractère relativiste des pratiques de management territorial
C. Les pratiques de management territorial au centre de multiples interactions
1. Une proposition de typologie des interactions autour des organisations publiques métropolitaines
2. L’interaction des pratiques de management territorial vue par l’approche des parties prenantes
a. Les parties prenantes externes et la pression institutionnelle : des impacts matériels et interprétationnels
b. Les parties prenantes internes et l’enactement : impacts matériels et en terme de micro-culture
3. La synthèse des interactions autour des organisations métropolitaines
D. Les pratiques de management territorial au croisement des injonctions légales et de « la réalité » territoriale
1. L’organisation métropolitaine, un système hybride
2. Les organisations métropolitaines entre territoire institutionnel et territoires d’action
3. La question du pilotage : la répartition légale des compétences et la gouvernance territoriale
a. Une distribution des pouvoirs inachevée
b. Une séparation des pouvoirs en pointillés
c. La gouvernance territoriale : une notion, des situations multiples
II. Des pistes pour la gestion paradoxale
A. Le traitement du paradoxe par la différenciation
1. Les pratiques managériales séquentielles
2. Le compartimentage
B. Le traitement des situations paradoxales grâce au dialogue
1. La stratification
2. L’oscillation
3. La construction locale
C. La disparition, un mode de résolution radical des situations paradoxales
Conclusion du Chapitre 3
Synthèse de la revue de la littérature
Chapitre 4. La méthodologie de la recherche
I. La réflexion épistémologique
A. La réflexion épistémologique dans la littérature
B. L’approche épistémique adoptée
II. Les choix méthodologiques
A. La stratégie de recherche : le choix de la méthode des cas et d’une analyse qualitative
1. L’architecture générale de la recherche
a. Les étapes de la recherche
b. La question de recherche (précision des éléments d’analyse)
c. Le choix d’une démarche exploratoire hybride
d. Une analyse de contenu
2. La méthode de l’étude de cas multiples
a. La définition et la justification de la méthode des cas
b. Le choix d’une étude de cas multiples
c. Les fondements théoriques de la sélection des cas
3. Le choix d’une analyse qualitative
B. Les méthodes de la recherche qualitative
1. La description des cas
2. Les techniques de recueil des données
a. La négociation des terrains
b. Les sources d’évidence et la nature des données récoltées
3. Le traitement des données
a. La condensation et la catégorisation des données
b. La présentation des données
c. L’élaboration et la vérification des résultats
4. L’analyse des données qualitatives
III. L’évaluation des validités et de la fiabilité
A. La validité du construit
B. La validité interne
C. La validité externe
D. La fiabilité
Conclusion générale

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