La naissance d’une pratique MENO ABTAH dans un contexte interculturel 

NEETAM, le Commencement 

« BOUJIG’EBESSA N’DEJENEKAS, ANINISHINAABEKWE MENO ABTAH WENTlGOJHIKWE AJICHAK DODEM NEKIN SHIN DOW» « Mon nom est BOUJIG’EBESSA. Je suis MENO ABTAH, femme de Sangs-Croisés de la Nation ANINISHINAABE OJIBWAY-ODAWA et québécoise Basque, les WENTIGOJHIK «Ceux qui sont venus par bateau de l’autre côté de l’océan. De par mon héritage patrilinéaire, j’appartiens au clan du Grand Héron Bleu. » J’ai grandi et vécu en partie au Québec et plus tard, en Ontario dans la région des Grands Lacs, là où j’ai affermi mon identité originelle entre le monde du rêve et la pratique de survie en forêt. Dans la tradition autochtone, le Peuple du Héron possède des qualités de leadership et, sous sa guidance, je suis devenue KINOOHMAAGEWNINI, un rôle dans lequel on a reconnu ma vocation de faire connaître et partager les enseignements traditionnels à travers le domaine des arts, de la culture et de l’éducation. Ma mère a aussi été enseignante en 60 au Québec, durant les années de la réforme scolaire et mon père a exercé son leadership en continuant un rôle d’intermédiaire dans le commerce et le troc entre les cultures. Ces deux influences parentales ont construit une identité interculturelle en moi qui est axée sur la préservation et la transmission des savoir faire et des connaissances. Comme formation, j’ai complété un bac en enseignement des arts plastiques, ainsi qu’un certificat de langue seconde en anglais. J’ai aussi reçu mon initiation traditionnelle à travers les enseignements de Maimie Migwans, aînée et artisane très reconnue de M’Chigeeng, sur l’Île Manitoulin (DVD 10 – MAIMIE MIGWANS) et suis retournée à la façon de penser ANINISHINAABE par l’apprentissage de la langue algique, NISHNAABEMOAA PANE.

J’ai été éduquée dans un boisé de terre ressemblant à une presqu’île, entourée de la rivière OUTARAGASIPI (DVD 11 – OUTARAGASIPI) et des campagnes environnantes, près d’une petite ville industrielle appelée Joliette dans la région de lanaudière. C’était pour ma famille et moi un lieu de refuge et de survivance. J’ai été façonnée par cet environnement, le bois et tout ce qu’il renfermait de vivant, de sacré, notamment, la présence des arbres devenus mes amis, mes enseignants, mes confidents.

Dans ce milieu défavorisé, la culture des « BOIS-BRÛLÉS » n’était pas un aspect des plus valorisants, bien au contraire, les nombreux préjugés persistaient autour de nous. Notre pére nous avait appris à camoufler et à nous débrouiller dans un monde où les valeurs ancestrales n’avaient plus leur place et où l’argent gouvernait les rapports humains. À l’époque où je suis née, nous devions aussi étudier et travailler en ville pour subvenir à nos besoins. Dans le chapitre thématique qui suit, intitulé MENO ABTAH, nous aborderons plus en détail ce qui a composé ma personnalité métissée.

J’ai grandi dans cette double identité de survie et dans l’ombre de mon intimité où j’avais une vie artistique remplie de poésie et de fantaisies, parfois mélancolique et dramatique, mais toujours teintée d’humour. À l’école, milieu qui déterminait mon comportement social, j’étais une personne plutôt renfermée dans mes rapports avec mes pairs et mes professeurs qui usaient d’autorité. J’ai développé mes talents artistiques dans ce bassin où il n’y avait pas de frontière entre le monde imaginaire et intuitif et le monde pragmatique qui était pourtant dur et où il fallait vaincre ses peurs et apprendre à être endurant pour survivre. Dans le chapitre thématique portant sur la mètis de mon père, nous aurons l’occasion d’aborder cette « intelligence de l’ombre » qui a permis à ma famille et à moi-même de trouver des moyens de survie matérielle et psychique.

Durant ma carrière, j’ai parcouru presque tous les genres d’écoles du Québec, autochtones, multiculturelles, conventionnelles, spécialisées, alternatives, « à aire ouverte », « vertes », aussi, celles pour des clientèles particulières comme les personnes handicapées ou psychiatrisées, de tous les niveaux, primaire, secondaire, universitaire, de langues française ou anglaise. J’ai collaboré avec des enseignants, orthopédagogues, conseillers pédagogiques, directeurs, spécialistes et professeurs, afin de monter avec eux des projets éducatifs sur les arts, l’histoire, les cultures et traditions autochtones, basés sur ma propre démarche de création et de transmission. Ayant connu tous les types d’approches pédagogiques, j’ai maintenant une assez bonne idée des enjeux de l’éducation actuelle car je sais comment monter un programme complémentaire en accord avec les objectifs pédagogiques, de manière à mieux répondre aux besoins des enseignants dont les tâches sont multiples, ainsi qu’aux aspirations profondes des élèves. Le chapitre thématique intitulé : KINOOHMAWADD définira la transmission selon la pensée autochtone, le concept de « l’art vivant » et les enjeux présents aujourd’hui en éducation dans les communautés autochtones.

Mon identité et mon expérience MENO ABTAH m’ont habilitée à comprendre les caractéristiques culturelles de chacun des groupes pour créer des liens entre les communautés. Aujourd’hui, ils s’exercent dans mon travail d’agente de liaison à Montréal, au Musée McCord, où j’agis comme intermédiaire et personne-ressource entre les communautés autochtones et allochtones.

MENO ABTAH, une décortication phénoménologique de
mon origine 

Pour comprendre ma pratique de transmission, il m’apparaît important d’observer plus attentivement mon parcours identitaire métissé dans le milieu interculturel québécois, cet espace psychique dans lequel j’ai grandi. Pour permettre ce regard porté sur soi, je me suis d’abord replongée dans un moment de mon enfance par plusieurs exercices de MINJMENDAAN  » Je me souviens  » . afin de permettre l’émergence d’un moment précis, ce qui a déclenché le récit qui suit :

«MINJMENDAAN, Je me souviens … » 

(DVD -12 «.je ME SouVIENS )
J’avais alors trois ans
Tambour à la main
Je parta is après le souper
Vêtue de ma veste de cérémonie,
Coiffée d’ un bandeau et d’une plume
Rendre hommage à Kijé-Shingwak, le Gros Pin
En lui chantant une chanson .

Je suis le croisement de deux racines, blanche par ma mère, et rouge par mon père, comme celles de l’Arbre de Vie de l’humanité. MENO ABTAH est un terme algique qui signifie « moitié-moitié » ou « qui-se-tient-dans-le-milieu », « entre deux mondes». C’est un état d’être qui caractérise les SangsMêlés car, pour vivre dans les deux mondes, il faut savoir se faufiler dans un entre-deux, comme voie de passage, et filer avec le flux d’énergie, toujours en se maintenant entre les deux.

Durant la période où je suis née, mes parents ont connu une dépression financière due à une faillite commerciale à Joliette. La famille a déménagé dans le bois dans le camp de chasse et de pêche qu’avait bâti le grand-père quelques années auparavant. Sous la déprime, mon père buvait beaucoup et nous vivions pauvrement en comptant un peu sur les ressources principales que la nature voulait bien nous donner, et sur des produits de jardinage. Nous étions entourés d’objets de « l’ancien temps» et vivions selon un mode de vie digne des « Belles Histoires des Pays d’enHaut » Nous manquions de tout et de rien car dans cette cabane mal isolée et mal chauffée des grands froids d’hiver, il y avait même un piano. En un sens, nous étions riches dans notre simplicité d’être.

Ma sœur aînée ayant connu les grands-parents d’origine algonquine 11décédés depuis, avaient appris d’eux le nom des arbres et des plantes en langue algique, comment les identifier et s’en servir pour nous soigner. Elle me transmettait à son tour ce qu’elle avait appris en m’amenant régulièrement dans le bois avec elle. Nous partagions la même chambre à coucher, alors tard le soir, elle me parlait davantage de la culture autochtone. Je la considérais comme une grande savante sur beaucoup de choses, autant dans les arts que dans les sciences. Elle était ma conseillère et lorsque je commençai à fréquenter l’école plus tard, je développai tôt un sens critique par rapport aux préjugés que les professeurs essayaient d’inculquer à mes compagnes de classe sur les « Sauvages », du style : « les Indiens sont des Chinois brûlés, c’est pourquoi il ne faut pas fréquenter les « Bois-Brûlés », car ils sortent des bois, etc. » Était-ce par exprès que je demeurais justement dans un territoire non défini entre la petite ville fière de Joliette et le village de Saint-Ambroise, avec ses cultivateurs et fermiers, qui s’appelait justement le « Bois-Brûlé » ? Oui, j’arrivais du bois le matin avec mes bottines pleines de boue, ma paire de « jeans noirs usés », alors que les filles n’avaient le droit de porter que des jupes dans ce temps-là, et mon teint foncé qui me faisait paraître sale. Mon père nous disait : « Pas un mot! » Je me sentais humiliée mais fière d’appartenir au bois.

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Table des matières

Introduction générale
1.1 Méthodologies de recherche
1.2 Ma cosmovision
1.2. 1 NAA-KA-NAH-GA Y-WIN Une dynamique de transmission
1.2.2 NAA-KA-NAH-GAY-WIN Lecture de l’œuvre sous forme de récit
CHAPITRE 1 La naissance d’une pratique MENO ABTAH dans un contexte
interculturel 
1.1 NEETAM, le Commencement
1.2 MENO ABT AH, une décortication phénoménologique de mon origine
1.2.1 « MINJMENDAAN, Je me souviens … »
La composition de mon noyau métissé:
1.2.2 L’ utilisation pratique d’ une « intelligence de lien » durant mon apprentissage à l’école
1.2.3 MINJMENDAAN, Je me souviens de mes treize ans: Une vision s’accomplit
1.3 Mon parcours philosophique et académique
1.3.1 La pensée humaniste « rogérienne »
1.3.2 Ma mère, un modèle d’éducatrice
1.3.3 Ma formation d’artisane
1.4 Mon parcours professionnel
1.5 Récapitulation
CHAPITRE 2 KINOOHMAWAAD, LA TRANSMISSION DES « ARTS
VIVANTS» : Son cadre théorique et sa problématique 
2.1 KINOOHMA W AAD, mode de transmission
2.2 Comment se vit la transmission dans le contexte traditionnel autochtone?
2.2. 1 Qu’est-ce que le savoir traditionnel ?
2.2.2 Le rôle traditionnel et contemporain des artistes dans la communauté autochtone
2.2.3 Qu’est-ce que j’entends par « arts vivants»?
2.2.4 Problématique de la transmission dans le contexte actuel autochtone
2.2.5 Méthode de transmission qui prédispose aux savoirs traditionnels
2.3 Réflexion pré-analytique sur ma pratique de transmission
2.4 Ma pratique créatrice issue de « l’intelligence de l’ombre » dans la transmission
intercultureUe
2.4.1 Introduction
2.4.2 La rnèlis de mon père
2.4.3 Comment la rnètis s’exerce-t-elle dans une pratique?
2.4.4 Analyse épistémologique de la rnèlis
2.4.5 Les savoirs de la mètis
2.4.5. 1 Exemples de stratégies et de ruses employées par les Algiques dans leur mode de survivance:
2.4.5.2 Les savoir-faire traditionnels : mes ancêtres, des artisans habiles et ingénieux
2.4.6 L’utilisation pratique de la mètis durant mon apprentissage
2.5 La mètis, Kaïros, MNOPI ou le temps opportun chez les Algiques
2.6 Récapitulation
CHAPITRE 3 NAA-KA-NAH-GAY-WIN: Vers une méthode d’intégration 
3.1 Introduction
3.1.1 NISHNAABEMDAA PANE (lorsqu’on parle ANINISHINAABE)
3.2 La phénoménologie à la rencontre d’une pensée ANINISHINAABE: une voie de
passage entre l’écriture et l’oralité
3.2.1 Vide et relation … dans l’expérience du journal de bord
3.2.2 Retrouver la réalité dans l’espace littéraire
3.2.3 L’exemple de mon Livre d’art
3.2.4 Une expérience « inter » et heuristique
3.2.5 Une démarche phénoménologique dans l’expérience créatrice
3.3 NAA-KA-NAH-GAY-WIN: Une expérience suivant la méthode heuristique
3.3.1 La méthode de recherche heuristique
3.4 NAA-KA-NAH-GA Y-WIN: Une expérience d’autoformation et d’écoformation
transdisciplinaire et transculturelle
3.5 NAA-KA-NAH-GA Y -WIN : Une expérience d’analyse praxéologique qui « porte
unregardsur soi »
3.5.1 La méthode d’analyse praxéologique
3.6 L’entrecroisement des stratégies de la théorisation ancrée
3.7 Récapitulation
CHAPITRE 4 RNA NAA! « REGARDE CELA!» Porter un regard sur ma
pratique
4.1Introduction
4.2Ma pratique de MENO ABTA »
Comment ma pratique de transmission se déroule-t-elle durant une période de classe?
4.3 Mes objectifs pédagogiques
4.4 Le premier motif d’évaluation de ma pratique
4.4.1 Mes préoccupations
4.4.2 Déroulement d’une animation en classe
4.4.2. 1 Activité préparatoire
4.4.2.2 Contenu d’animation
4.4.2.3 Introduction (5 min.)
4.4.2.4 Notions de savoir (10 min.)
4.4.2.4.1 Les pictogrammes : jeu collectif et exercices
4.4.2.4.2 Activité d’ écoute ( 10 min.)
4.4.2.4.3 Début du récit de la Légende de l’Arbre de Vie
4.4.2.5 Une note sur le langage corporel des élèves
4.4.2.6 Retour sur le Message de la Légende avec la Roue Sacrée
4.4.2.7 Activité de perception ( 10 min.)
4.4.2.8 Exercice préparatoire à la réalisation artistique (10 minutes)
4.4.2.9 Activité artistique (30 min.)
4.4.2.1 0 Activité retour « Se passer le Bâton de la Parole»
4.4.3 Théorisation sur ma méthode de transmission basée sur un processus heuristique guidé par la mètis
4.4.3 .1 La représentation symbolique du Cercle de vie : Un outil d’émergence privilégié
4.4.3.2 Aspects structurants dans la vie de l’ élève
4.5 Récapitulation
CHAPITRE 5 MNOPI, le moment propice! 
5.1 Le concept MNOPI
5.2 Le sens de MNOPI dans le contexte autochtone
5.3 Ma perception temporelle dans le contexte intercuIturel
5.4 Cerner ma problématique de recherche
5.4.1 Premier objectif d’évaluation dans la pré-analyse
5.4.2 Commentaire à partir de mes premières observations
5.4.3 Analyse réfl exive sur le contenu dans une recherche évaluative
Quelle sera la prochaine étape dans l’analyse de ma pratique?
5.5 KAA GO NAA GNIGENHG, manquer sa cible!
5.5.1 Rapport d’évaluation dans la pré-analys
5.5.2 Relation et compensation
5.6 Une expérience convaincante
5.6. 1 Quelques commentaires recueillis durant le « Bâton de la Parole» :
5.6.2 La stratégie que je me donne pour me gérer dans MNOPI
5.7 Analyse des conditions pour vivre MNOPI
5.7.1 Méthode d’analyse des données
5.7.2 Deux dimensions principales dans le concept MNOPI
5.7.3 Une expérience réussie !
5.8 Comment se vit ma mètis dans MNOPI ?
5.9 Récapitulation
CHAPITRE 6 MSHKA WSING la consolidation 
6.1 Les méthodes d ‘analyse
6.\.1 La place de la mètis dans l’ analyse par la méthode heuristique
L’élaboration de l’analyse par étapes:
6.1.2 Une démarche de liens dans l’analyse-synthèse
6.2 L’entretien d’explicitation: une analyse sur une expérience-qui-consolide l’identité
MENO ABTAH
6.2.1 Théorisati on conceptuelle du « geste»
6.2.2 1er Aspect consolidant : Une rencontre NASTSHISHKUATAW
6.2.2.1 Théorisation
6.2.3 2e Aspect consolidant : la manœuvre de la mètis
6.2.3. 1 Théorisation
6.2.4 3e Aspect consolidant : tisser des liens déterminants
6.2.4.1 Théorisation
6.2.5 4″ Aspect consolidant : un être de croisement
6.2.6 Un travail d’intégration
6.3 Méthode d’analyse-synthèse pour dégager la mètis de ma praxis dans le but de
théoriser des stratégies pédagogiques
6.4 Devenir consciente de ma mètis agissante dans MNOPI.
6.5 Un moment fort de partage de l’interprétation des EKINAMADIWIN dans l’usage
des pictogrammes et du langage des signes par une méthode heuristique
6.5.1 Activité d’interprétation des symboles
Description du jeu :
6.5.1.1.1 Un moment consolidant
6.5.1.1.2 KfNOMADWINAN – « Une pédagogie par symboles »
Figure no. 1
Titre: « le symbole de l’apprentissage. »
Figure no. 2
Titre: (( le symbole de la sagesse ,,
6.5.2 Un moment de grâce NASTSHISHKUAT A W qui consolide
6.6 Récapitulation
CONCLUSION

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