La mucoviscidose : généralités

La mucoviscidose : généralités

Historique

De la description clinique au gène CFTR

La mucoviscidose, ou fibrose kystique (Cystic Fibrosis en anglais : CF) est une maladie génétique rare létale, à transmission autosomique récessive : seuls les individus ayant hérité de deux mutations, l’une du père, l’autre de la mère, sont atteints de la maladie. Les recherches historiques laissent à penser que certains symptômes caractéristiques de la maladie ont pu être reconnus et associés à sa mortalité dans les sociétés primitives de l’Europe de l’Est avant même le Moyen Âge. Les premières références apparaissent à l’époque médiévale et proviennent du folklore populaire d’Europe du Nord qui prédisait le destin des nourrissons atteints de mucoviscidose : «Malheur à l’enfant chez qui un baiser sur le front a un goût salé, il est maudit et doit bientôt mourir» (Busch 1990). La première description médicale de la mucoviscidose est attribuée à Pieter Pauw (1564-1617), professeur de botanique et d’anatomie néerlandais. Dans un rapport d’autopsie de 1595, il relate l’histoire d’une enfant de 11 ans, aux symptômes étranges depuis 8 ans et supposée ensorcelée. Il décrit une petite fille très maigre, épuisée par une fièvre persistante et fluctuante. Il impute son décès à une anomalie du pancréas, qu’il présente comme singulièrement hypertrophié et ressemblant à une masse visqueuse et blanche. Au début du XXème, plusieurs cas cliniques contribuent progressivement à la description de la maladie. En 1905, le pathologiste autrichien Karl Landsteiner (1868 1943) fait la première description de l’iléus méconial avec l’observation d’une obstruction intestinale par du méconium épaissi, qu’il attribue au manque de sécrétions pancréatiques associé à des modifications histologiques du pancréas (Landsteiner 1905). En 1912, le médecin britannique Archibald Edward Garrod (1857-1936) associe stéatorrhée et atteinte pulmonaire par la publication des cas d’enfants de même famille mourant d’infection pulmonaire et présentant une diarrhée graisseuse (Garrod et Hurtley 1913). En 1936, le professeur en pédiatrie allemand Guido Fanconi (1892-1979) décrit une «fibrose kystique du pancréas et bronchectasie» en mettant en lien le syndrome cœliaque, les anomalies pancréatiques et pulmonaires (Fanconi et al. 1936). En 1938, la pédiatre américaine Dorothy Hansine Andersen (1901-1963) est la première à caractériser la mucoviscidose comme entité pathologique à part entière (Andersen 1938). Elle corrèle et décrit précisément les complications digestives et respiratoires, l’obstruction intestinale néonatale et l’histologie caractéristique du pancréas qu’elle attribue à tort à un déficit en vitamine A. En 1943, le médecin et pathologiste américano-polonais Sydney Farber (1903- 1973) fait de la «fibrose kystique» une maladie généralisée due à la dilation des structures glandulaires et à l’obstruction des voies respiratoires par un mucus épais (Farber 1943). On lui attribue l’introduction du terme mucoviscidosis dérivé des termes «mucus» et «visqueux». En 1946, à partir de l’étude de 47 familles, l’étiologie génétique est évoquée pour la première fois, le caractère héréditaire selon un modèle mendélien à transmission autosomique récessif est alors suggéré (Andersen et Hodges 1946). Le docteur Paul Di Sant’Agnese (1914-2005) met en évidence en 1953 les anomalies électrolytiques des patients atteints de mucoviscidose, caractérisée par une élévation importante des ions chlorure (Cl- ) et sodium (Na+ ) dans la sueur des patients (Di Sant’Agnese et al. 1953). Cette découverte a conduit au premier outil diagnostic spécifique de la mucoviscidose : le test de la sueur. En 1981, le lien physiologique entre les différents organes atteints (poumons, pancréas et glandes sudoripares) est expliqué par des anomalies électrolytiques. Knowles et ses collaborateurs montrent que le potentiel électrique de la muqueuse nasale des patients atteints de mucoviscidose est plus électronégatif, due à une réabsorption massive de sodium et conduisant à une déshydratation du liquide de surface de l’épithélium de voies aériennes (Knowles et al. 1981). En 1985, le généticien canadien Lap-Chi Tsui localise sur le bras long du chromosome 7 le gène impliqué dans la mucoviscidose (Tsui et al. 1985). En 1989, les équipes de Lap-Chi Tsui, John Richard Riordan et Francis Collins publient une série de trois articles dans le la revue Science portant sur l’identification du gène de la mucoviscidose. Ces études permettent d’isoler et séquencer le gène, alors nommer CFTR pour Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator (Riordan et al. 1989; Rommens et al. 1989) ; mais également, d’identifier une délétion de trois paires de bases nucléotidiques : la mutation F508del, la plus fréquemment  retrouvée chez les patients (B. Kerem et al. 1989). En 1991, la protéine transmembranaire CFTR (produit du gène CFTR) est associée à la fonction de canal chlorure, permettant d’ouvrir le spectre de la recherche sur la mucoviscidose et d’envisager des thérapeutiques (Anderson et al. 1991).

Une origine mystérieuse

Le caractère génétique de la mucoviscidose fait que son histoire pourrait être aussi vieille que l’humanité. La datation de la mutation F508del et son origine géographique restent non consensuelles. Morral et al. ont estimé une origine datant de 11000 à 52000 ans, hypothèse remise en question par Kaplan et al. en désaccord avec la méthodologie de cette estimation (N. L. Kaplan et al. 1994; Morral et al. 1994). L’hypothèse la plus communément reconnue serait une apparition il y a ~ 5000 ans en Europe du Sud, et ~ 3000 à 4000 ans Europe de l’Ouest et centrale. Elle serait apparue au Proche et Moyen-Orient (Turquie-Iran) puis aurait migrée via des flux terrestres et maritimes des agriculteurs du croissant fertile (Fichou et al. 2008; Serre et al. 1990). Récemment, les recherches de Farrell et al. ont supportées l’apparition de la mutation en Europe à l’âge de Bronze ; néanmoins, ils présument que la dissémination au travers l’Europe s’est produite du nord-ouest au sud-est, via les migrations à grande échelle du peuple issu de la culture campaniforme, lors de l’avènement de la métallurgie (P. Farrell et al. 2018). La persistance de la mutation F508del et la fréquence élevée des porteurs sains d’une seule mutation de CFTR, estimée entre 2,5 % et 3,6 % dans les populations à descendance européenne, suggèrent que le gène CFTR est sous sélection balancée (Scotet, L’Hostis, et al. 2020). La sélection balancée contribue au maintien d’un polymorphisme dans le patrimoine génétique car elle permet de fortes possibilités d’adaptation à l’espèce lorsque les conditions environnementales changent, en donnant un avantage phénotypique aux hétérozygotes. Plusieurs hypothèses ont été émises quant à la survenue du polymorphisme de CFTR, qui pourrait être une réponse à des pressions environnementales telle que des changements climatiques (avantage respiratoire face à un climat plus froid et plus chargé de poussières apparu lors de la dernière période glaciaire) (Borzan et al. 2014). Modiano et al. ont supposé une adaptation à la persistance à l’âge adulte de la lactase, protéine permettant d’hydrolyser le lactose et codée par le gène LCT (pour lactase), dont la fréquence de l’allèle dominant est plus élevée chez patients atteints de mucoviscidose (Modiano et al. 2007). Il a été également suggéré que cette sélection balancée serait une réponse à un agent de pression infectieux tels que la tuberculose (réponse respiratoire à l’infection pulmonaire) (Meindl 1987; Poolman et Galvani 2007; Tobacman 2003) ou la fièvre typhoïde (Pier et al. 1998; Poolman et Galvani 2007) et le choléra (réponse intestinale aux diarrhées) (Cuthbert et al. 1995; Hogenauer et al. 2000; Poolman et Galvani 2007). L’origine des mutations reste à ce jour indéterminée, néanmoins l’hypothèse la plus probable est la protection de l’espèce face à un phénotype gastro-intestinal délétère.

Protéine CFTR

Le gène CFTR code pour protéine du même nom, d’un poids moléculaire de 168 kDa (kiloDaltons) et est constituée de 1 480 acides aminés. La protéine CFTR appartient à la famille des transporteurs ABC (ATP-Binding Cassette) et en est le 7ème membre de la sous famille C, donc également désignée ABCC7 (ATP-Binding Cassette sub-family C member 7).

Les transporteurs de la famille ABC forment une large famille de protéines membranaires représentée dans les différents règnes du vivant. Ces protéines se lient et hydrolysent l’ATP (adénosine-5’-triphosate) pour effectuer le transport, au travers de la membrane cytoplasmique, d’un substrat (ion, acide aminé, peptide, protéines, lipides, toxines…) contre son gradient de concentration. Ainsi, ces transporteurs permettent de réguler la balance électrolytique et hydrique des membranes plasmiques et intracellulaires.

Structure
La protéine transmembranaire CFTR est constituée de quatre domaines caractéristiques de la structure des transporteurs ABC : deux domaines transmembranaires (MSD1 et MSD2 – Membrane-Spanning Domain ou également appelé TMD – TransMembrane Domain) ; deux domaines intracellulaires NBD (Nucleotide Binding Domain), capables de se lier à l’ATP, et nommés NBD1 et NBD2 (Figure 2). Elle comporte également un domaine cytoplasmique de régulation (R). Il est spécifique de CFTR et relie les deux séquences répétées TMD-NBD. Ce domaine contient de nombreux résidus chargés et est le lieu de phosphorylations permettant l’ouverture et la fermeture du canal .

Fonctions
Canal à ions chlorures
La fonction de canal chlorure de la protéine CFTR a été supposée dès la caractérisation du gène (Riordan et al. 1989) puis confirmée par Anderson et ses collègues (Anderson et al. 1991). Ils montrent que le canal CFTR est sensible à l’AMPc (Adenosine MonoPhosphate cyclique) et qu’il se distingue des autres canaux chlorures épithéliaux qui sont plus perméables aux ions iodures (I- ) qu’aux ions Cl- . Le rôle principal de CFTR est donc de permettre le passage des ions Cl- , de l’intérieur vers l’extérieur de la cellule au niveau du pôle apical (Figure 3)

Transporteurs
En plus des ions Cl- , CFTR est capable de transporter des anions polyatomiques tels que le nitrate (NO3- ), le bicarbonate (HCO3- ), l’éthanoate (CH3COO- ) et le méthanoate (HCCO- ) (Linsdell et al. 1997). CFTR est également un transporteur de glutathion réduit (GSH) (Linsdell et Hanrahan 1998) et d’ions thiocyanates (SCN- ) (Tabcharani et al. 1993), ce qui confère au canal un rôle de protecteur dans la réponse inflammatoire contre le stress oxydatif et la lutte microbienne (Figure 3).

Régulateur d’autres canaux
La canal CFTR est un régulateur de l’activité d’autres canaux ioniques. CFTR est un inhibiteur du canal ENaC (Epithelial Na+ Channel) (Gentzsch et al. 2010; Kunzelmann et al. 1995; Mall et al. 1998), dont la fonction est la réabsorption de sodium (Na+ ). Il a également été montré que CFTR pouvait réguler le canal potassique ROMK (Renal Outer Medullary Potassium) (Loussouarn et al. 1996; McNicholas et al. 1996), la canal calcique CaCC (Calcium (Ca2+)- activated Chloride Channel) (Kunzelmann et al. 1997; Seidler et al. 1997), d’autres canaux Cl – tels que ANO1 (anoctamine 1) (Ruffin et al. 2013), SLC26A9 (solute carrier 26A9) (Bertrand et al. 2009) et ORCC (Outwardly Rectifying Chloride Channel) et enfin des échangeurs HCO3- /Cl – comme SLC26A3 et SLC26A6 (Ko et al. 2004; A. K. Singh et al. 2010) (Figure 3).

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Table des matières

Introduction
I. La mucoviscidose : généralités
1. Historique
2. Gène et protéine CFTR
3. Épidémiologie
II. Manifestations cliniques de la mucoviscidose
1. Manifestations extra-pulmonaires
2. Manifestations pulmonaires
III. Prise en charge de la mucoviscidose
1. Dépistage, diagnostic et suivi des patients
2. Stratégies thérapeutiques
3. Traitement lumacaftor/ ivacaftor
IV. Infection à Pseudomonas aeruginosa
1. Généralités
2. Physiopathologie
3. Définitions cliniques de l’infection
4. Traitements
5. Épidémiologie
V. Variabilité interindividuelle de la mucoviscidose
1. Corrélation phénotype-génotype liée au gène CFTR
2. Facteurs sociodémographiques et environnementaux
3. Gènes modificateurs
Objectifs
I. Objectifs
II. Sources des données
1. Données phénotypiques
2. Données génétiques
3. Autres sources de données et interfaçage
Partie 1 : Infection à Pseudomonas aeruginosa
I. État de l’art
II. Matériel
1. Critères d’inclusion
2. Critères de jugement
3. Facteurs de risque
III. Méthodes
1. Analyses des facteurs de risque
2. Analyse de l’impact de l’infection sur la fonction respiratoire
3. Biais
IV. Résultats
1. Description épidémiologique de l’infection par P. aeruginosa
2. Impact de l’infection à P. aeruginosa sur le déclin de la fonction respiratoire
3. Article
V. Résultats complémentaires
1. Facteur de risque nutritionnel
2. Étude des co-infections bactériennes et fongiques respiratoires
3. Facteurs de risque géographiques
4. Facteurs de risque climatiques et saisonnalité
5. Analyse de génome entier
6. Corrélation entre le déclin de la fonction respiratoire et l’infection à P. aeruginosa
Partie 2 : Traitement modulateur de CFTR lumacaftor-ivacaftor
I. État de l’art
II. Matériel et méthodes
1. Patients
2. Réponse respiratoire au traitement
3. Réponse nutritionnelle au traitement
4. Facteurs de variabilité
5. Analyses statistiques
III. Résultats
1. Population de l’étude
2. Réponses au traitement
3. Analyse génétique
IV. Limites
V. Discussion
VI. Communication
Discussion
I. Infection à Pseudomonas aeruginosa
II. Traitement modulateur de CFTR lumacaftor-ivacaftor
III. Perspectives
1. Application clinique
2. Application thérapeutique
3. Le futur de la mucoviscidose
Annexes

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