La mobilité durable en zone urbaine : efficacité et perspectives des politiques d’environnement

« De tout temps, les humains ont marqué de leur empreinte la Terre sur laquelle ils vivent. Alors que les déchets retrouvés des tribus primitives font le bonheur des paléontologues, ceux produits de nos jours sont devenus un fléau dont on ne sait comment se débarrasser. Les sentiers étaient les précurseurs des futures autoroutes, tout comme la conquête du feu était le premier jalon vers le problème de l’effet de serre. » Lorius (1999) .

La mobilité constitue un besoin fondamental de l’homme. Si la marche à pied représente le mode de déplacement le plus primaire, le progrès technique a singulièrement fait évoluer les moyens de transport, qu’il s’agisse de la navigation, du train, du cyclomoteur, ou encore de la voiture. L’image de liberté et d’indépendance véhiculée par l’automobile, notamment depuis les années 50, a permis d’accélérer la diffusion et le développement de la motorisation de l’ensemble des ménages. Cette révolution est indéniable et l’automobile s’est, au fil des années, imposée comme le principal mode de déplacement, même dans les villes. Selon le Comité des constructeurs français d’automobiles (2005), chaque jour, il est effectué 168 millions de déplacements urbains en France, dont 107 millions en automobile et seulement 15 millions en transport en commun. La voiture joue donc un rôle considérable dans l’accès à la mobilité, d’autant plus qu’elle est utilisée par toutes les classes de la société.

Actuellement, dans le monde, on évalue à plus d’un milliard le nombre d’automobiles en circulation. En 1985, le parc automobile français comptait 24 millions de voitures en circulation, aujourd’hui il est estimé à près de 37 millions.

Non seulement l’utilisation de la voiture particulière domine les autres modes de transport, mais en outre le secteur automobile est particulièrement dynamique en France, puisqu’il constitue le premier secteur d’emploi et représente un poids important dans l’activité économique française. Soulignons, tout de même, que le secteur de l’automobile connaît un léger déclin depuis quelques années, qui s’est particulièrement accentué cette année.

Cependant, cette ascension fulgurante et l’accroissement continu de l’utilisation de l’automobile, dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement, sont peu à peu rattrapés par les externalités négatives qu’ils génèrent. Beaumais et Chiroleu-Assouline (2001) donnent la définition suivante des externalités : « Il existe un effet externe, ou une externalité, lorsque le bien-être d’un agent – l’utilité d’un consommateur ou le profit d’une firme – ou sa liberté de choix de comportement sont directement affectés par les actions d’un autre agent ne donnant lieu à aucune transaction de marché entre les deux protagonistes. […] Une externalité peut être positive, si elle améliore le bien-être de l’agent concerné : on parle d’économie externe […]. Lorsque l’effet externe dégrade le bien-être de l’agent, c’est une externalité négative, ou déséconomie externe : c’est le cas des externalités qui correspondent à une dégradation de l’environnement, comme les émissions de gaz à effet de serre, les déchets polluants, etc. ». Trois principales externalités négatives engendrées par l’automobile peuvent être soulignées :

– L’externalité de congestion, entraînant des pertes de temps, un gaspillage de carburant et une augmentation de la pollution.
– Les émissions de gaz à effet de serre, contribuant indéniablement au réchauffement climatique de la planète.
– La pollution atmosphérique locale, surtout en milieu urbain, représentant un risque pour la santé humaine (problèmes respiratoires, allergies, etc).

Longtemps occulté par les gouvernements, le problème de l’environnement occupe aujourd’hui une place centrale dans les politiques nationales et internationales. C’est en octobre 1984 que la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (World commission on environment and development) s’est réunie pour la première fois. En avril 1987, soit neuf cents jours plus tard, elle publie le rapport Brundtland intitulé « Notre avenir à tous ». Ce document donne pour la première fois une définition de la notion de développement durable : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » C’est à partir de ce rapport que la Communauté internationale s’est lancée dans un long processus de protection et de prévention de l’environnement.

ENSEIGNEMENTS ET RÉINTERPRÉTATION DES OUTILS DE RÉGULATION ENVIRONNEMENTALE APPLIQUÉS AUX TRANSPORTS 

La fin de l’année 2007 et le début de l’année 2008 ont été particulièrement riches en matière de politiques environnementales appliquées aux transports. L’Allemagne, l’Italie et la France ont adopté des outils afin de réguler la circulation urbaine ou de réduire la pollution due à l’automobile. En Italie, la ville de Milan a mis en place, depuis le premier janvier 2008, un péage écologique. Les véhicules les plus polluants doivent payer une taxe baptisée Ecopass afin d’accéder au centre-ville du lundi au vendredi de 7h30 à 19h30. L’accès reste libre et gratuit aux véhicules les moins polluants, aux transports collectifs ainsi qu’aux vélos. L’objectif de ce péage écologique est d’inciter les individus à laisser leur voiture à l’entrée de la ville et à se rendre au centre urbain par un mode alternatif, comme les transports collectifs. En Allemagne, une solution plus radicale a été choisie. Les voitures les plus polluantes sont tout simplement interdites dans les centres-villes de Berlin, Cologne et Hanovre. Les voitures possèdent des vignettes de différentes couleurs indiquant leur niveau de pollution. Quant à la France, à la suite du Grenelle de l’environnement, l’éco vignette (appelée aussi l’éco-pastille) a vu le jour. Le principe est d’inciter les acheteurs de voitures neuves à privilégier les modèles les moins polluants. Un système incitatif de « bonus-malus » a été retenu. Un bonus est offert aux acheteurs de voitures neuves émettant moins de 130 grammes de CO2 par kilomètre et un malus doit être payé par l’acheteur de véhicules émettant plus de 160 grammes de CO2 par kilomètre. Ces trois récents exemples européens montrent la volonté des autorités de prendre en considération le problème de la pollution automobile. Cette prise en compte de l’environnement dans les politiques de transport n’a pourtant pas toujours existé. Pendant des années, les objectifs de fluidité de trafic et de financement des infrastructures ont été au cœur des politiques de transport et notamment celles de transport urbain. Le but était de trouver des solutions aux problèmes de congestion. Aujourd’hui, il en va tout autrement. Il s’agit non seulement de réduire le trafic automobile, mais aussi d’éviter tous les autres effets externes de l’automobile comme la pollution et le bruit. L’objectif n’est plus réellement le même, car la congestion peut être considérée comme « un effet externe mais interne aux automobilistes » (le débat sur la nature de l’externalité de congestion a été analysée notamment par Rothengatter, 1993), alors que les autres effets externes sont nuisibles, non seulement aux automobilistes, mais aussi au reste de la collectivité.

Dans la théorie économique, on parle d’effet externe ou d’externalité lorsque les décisions de consommation ou de production d’un agent affectent directement la satisfaction d’autres agents, sans que le marché évalue ou rétribue l’agent pour cette interaction ; l’effet peut être positif ou négatif. Dans ces conditions, la mobilité est une externalité positive, et la pollution engendrée par une voiture est une externalité négative. L’ensemble des coûts imposés par une activité économique à la collectivité correspond au coût social, dont une partie correspond aux coûts privés de l’agent. D’autres coûts, sans contreparties pécuniaires, peuvent être imposés à la collectivité. L’objectif de l’autorité régulatrice est alors d’égaliser le bénéfice et le coût marginal social pour maximiser le bien-être collectif par le biais d’outils économiques.

Si l’on reprend les principes de base de l’économie de l’environnement, il existe plusieurs moyens d’internaliser ces externalités. Ainsi, la réglementation, les normes, les taxes, les négociations directes entre les pollueurs et les pollués, les marchés de droits à polluer sont autant d’instruments des politiques environnementales qui permettent d’internaliser ces externalités négatives de la pollution. Sans que l’on entre dans les détails, quelques précisions seront données sur le fonctionnement de ces outils d’internalisation.

LE PÉAGE URBAIN 

L’étalement urbain, qui a commencé dans les années 50, peut être considéré comme un facteur d’accroissement de la multimotorisation des ménages. Ce phénomène, associé aux politiques publiques de la ville des années 70 prônant des politiques de déplacement « tout automobile », a entraîné l’utilisation prédominante de la voiture particulière. Aujourd’hui, selon les agglomérations, 50 à 70 % des déplacements urbains se font en automobile. Or, cette utilisation accrue de la voiture particulière provoque des externalités négatives telles que la congestion et la pollution. Le péage urbain semble être une solution efficace face à cet envahissement des centres-villes par l’automobile. Les nombreux travaux théoriques, ainsi que les expériences de Singapour et de Londres, montrent l’efficacité et la faisabilité de cet instrument économique.

Dans notre recherche, nous considérons que les nuisances engendrées par l’utilisation de l’automobile suivent la définition des externalités et le péage urbain celle du principe pollueur-payeur, toutes les deux déterminées dans l’introduction générale.

L’internalisation des différentes externalités négatives par le péage urbain est au cœur de ce chapitre. La réflexion sur les enseignements et la réinterprétation de l’utilisation de la taxe ne peut se faire sans avoir analysé la nature des externalités, ce qui sera traité dans la première section (§ 1.1). Dans la mesure où le secteur des transports génère une activité économique importante, les externalités positives ne peuvent être occultées. La prise en compte des externalités négatives due à l’utilisation de l’automobile a fait l’objet de nombreux et récents rapports. Les méthodes d’évaluation des coûts de congestion et de pollution sont de plus en plus fiables, mais sont en constante évolution. Les études INFRAS (2000, 2004), ainsi que le rapport Boiteux (2001), en sont la preuve. En économie des transports, les travaux ont longtemps porté sur l’externalité de congestion. Walters (1961), Lindsey et Verhoef (1999), ainsi que Verhoef (2001), ont axé leurs travaux sur la compréhension et la détermination économique de ce curieux phénomène qu’est la congestion, ainsi que son coût. La deuxième section (§ 1.2) explore l’externalité de congestion dans la théorie économique, et permet de constater le nombre plus restreint de travaux concernant la prise en compte du problème environnemental. Pourtant, aujourd’hui, la contribution des émissions polluantes des transports dans le réchauffement climatique n’est plus à prouver. Il semble donc inévitable de continuer et d’approfondir les recherches sur l’aspect environnemental en économie des transports. La modélisation du péage urbain de congestion, dont la pertinence reste encore réelle aujourd’hui, est d’origine anglo-saxonne. Elle est apparue tardivement dans la communauté académique française. Cette modélisation est scindée en deux approches différentes : d’un côté, l’approche par le flux temporel élaborée par Henderson (1974, 1981, 1992) et reformulée par Chu (1995, 1999) ; d’un autre côté, l’approche par la file d’attente ou goulot d’étranglement modélisée par Vickrey (1969) et réinterprétée par Arnott et al. (1990, 1993). Dans la troisième section (§ 1.3), nous exposons et comparons ces modèles fondateurs du péage de congestion. Ces modélisations, toujours perspicaces, présentent pourtant une défaillance pour développer une mobilité dite « durable ». Seule l’externalité de congestion est prise en compte, la pollution est omise. Les villes de Singapour, Londres et Stockholm ont mis en place l’instrument du péage urbain pour accéder à leur centre-ville. Si le but de Singapour et de Londres était clairement de désengorger le centre-ville, le péage de Stockholm a été mis en place non seulement pour cette raison, mais aussi dans une optique environnementale. Ainsi, le péage urbain se voit attribuer d’autres vertus. Si la mise en place du péage à Stockholm  est encore trop récente pour que l’on ait de véritables résultats sur son efficacité, les péages de Singapour et Londres ont été déjà bien étudiés. L’expérience de Singapour permet de souligner qu’il est possible de se servir d’un instrument de la théorie économique et que cette application peut être une réussite. En 1975, Singapour met en place un péage pour accéder à son centre des affaires. L’objectif était de désengorger le centre-ville, complètement congestionné aux heures de pointe, en faisant acheter aux automobilistes une vignette pour la journée. En 1998, le péage a évolué puisqu’il est devenu électronique et variable selon les périodes (de congestion ou non) de la journée. Entre 1975 et 1991, la circulation a diminué de 45 % et, depuis la mise en place du nouveau système, elle a encore diminué entre 10 et 15 %. Il est à noter que le système des transports de Singapour est centralisé, les transports collectifs sont gérés par le même organisme s’occupant du péage ce qui permet ainsi une parfaite coordination des objectifs. Dans la quatrième section (§ 1.4), nous réalisons l’analyse, par l’exploitation des résultats d’études empiriques, de la réussite ou de l’échec des objectifs à atteindre par la mise en place d’un péage. À l’issue de ce chapitre, deux points semblent être importants : la modélisation en goulot d’étranglement apporte une approche plus applicable aux phénomènes de congestion que connaissent les villes que l’approche par les flux. De plus, les recherches sur le problème environnemental de l’automobile doivent continuer à être approfondies, car le péage urbain est surtout étudié et appliqué pour internaliser le phénomène de congestion et non celui de la pollution.

Les différentes externalités des transports 

Cette section permet de faire l’inventaire des différentes natures d’externalités produites par les transports. Notre travail de recherche se concentrant sur les nuisances de congestion et de pollution, il convient de rappeler l’existence des effets positifs des transports, ainsi que d’autres externalités négatives telles que les accidents ou le bruit.

Les externalités positives des transports 

« Dans une économie où la libre circulation des personnes est un droit fondamental, le premier objectif des infrastructures de transport est de faciliter la mobilité des citoyens. » Didier et Prud’homme (2007) .

Actuellement, l’utilisation de l’automobile et celle, en général, des modes de transport motorisés, diffusent une image négative, puisqu’elles sont associées aux phénomènes de pollution et participent au réchauffement climatique. Cependant, cette perception « négative » des transports n’a pas toujours été et ne fait pas l’unanimité. La mobilité a des effets positifs et contribue au développement de nos sociétés.

Les effets positifs induits par la mobilité 

« L’expansion romaine s’appuie sur un développement des voies de communication entretenues et surveillées. La révolution industrielle et le développement du capitalisme ont été rendus possibles que par le développement des canaux, puis par la construction du réseau ferroviaire. » Didier et Prud’homme (2007)

L’amélioration des infrastructures de transport a trois principaux effets : la baisse des coûts des transports (augmentation des flux), l’intensification de la vitesse (augmentation de la distance parcourue) et la réduction des encombrements (hausse du gain de temps). Ces trois éléments favorisent la mobilité, autant en termes qualitatifs que quantitatifs. Or, la progression de cette mobilité a très souvent été corrélée au développement de nos sociétés.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : ENSEIGNEMENTS ET RÉINTERPRÉTATION DES OUTILS DE RÉGULATION ENVIRONNEMENTALE APPLIQUÉS AUX TRANSPORTS
CHAPITRE 1 : LE PÉAGE URBAIN
CHAPITRE 2 : TAXE VERSUS PERMIS D’ÉMISSIONS NÉGOCIABLES
DEUXIÈME PARTIE : EXTENSIONS ET DÉVELOPPEMENTS DE MODÉLISATION POUR UNE MOBILITÉ DURABLE
CHAPITRE 3 : MODÉLISATION DU PÉAGE URBAIN ASSOCIÉ À UNE POLITIQUE MODALE : PRISE EN COMPTE DES COÛTS ENVIRONNEMENTAUX
CHAPITRE 4 : MISE EN PERSPECTIVE D’UNE MODÉLISATION D’UN SYSTÈME DE PEN POUR LES AUTOMOBILISTES
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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