La mise en scène du genre à travers les figures de références culturelles : entre rôles spécifiques et attributs revisités

Construction et déconstruction du concept de genre

Éléments de définition

Théorisé dès les années 1970 mais apparu en France dans les années 2000, le terme genre désigne un concept renvoyant aux études des rapports socialement et culturellement construit entre femmes et hommes.
Si le sexe (biologique) fait référence aux différences anatomiques et biologiques entre femelles et mâles, le genre renvoie à un construit culturel et social, soit à l’impact des différences liées au sexe sur l’organisation d’une société (division et hiérarchisation des tâches ; inégalités de chances, de salaire, de situation ; implication dans le champ social). Plus concrètement encore, définir des identités de genre, revient à attribuer des caractères intellectuels, physiques et moraux à des individus, en fonction de leur sexe biologique – et indépendamment de leur personnalité individuelle.
Dans les sociétés occidentales, éminemment patriarcales, les genres masculin et féminin se définissent historiquement par opposition l’un à l’autre. Pierre Bourdieu définit ce schéma de pensée comme inclus dans une construction sociétale basée sur des systèmes d’oppositions récurrents et homologues (masculin/féminin, haut/bas, dedans/dehors, droite/gauche), intériorisés par les individus comme des phénomènes naturels.
Les identités de genres, construits sociaux, culturels et historiques, sont donc naturalisés,au senssociologique du terme, et c’est ce qui contribue, selon Sylvie Octobre, à « l’invisibilité des rapports sociaux de sexe». En d’autres termes, le fait de considérer que les différences hiérarchisées entre hommes et femmes résultent de l’inné, au même titre que le sexe biologique, renforce la difficulté d’identifier les cadres normatifs du genre, culturellement construits, de les penser et donc de s’en émanciper.
La dualité entre féminin et masculin suppose en outre que l’un ne peut se définir sans référence à l’autre : ce qui est masculin n’est pas féminin, et vice-versa. Ainsi, quand les normes de l’un sont remises en question, les normes de l’autre en sont impactées.

Les normes du genre

Dans l’histoire des sociétés occidentales, le genre masculin, « l’homme », a été défini comme la norme, l’être humain de référence, à partir duquel pouvaient être déclinés (et donc hiérarchisés) les attributs de la féminité . Aujourd’hui encore, le fait que le masculin l’emporte, reste une règle grammaticale et, comme le fait remarquer Élisabeth Badinter, « la langue française désigne du même mot le mâle et l’humain » . Outre la base de la domination masculine, cette construction sémantique renvoie à nouveau à la notion d’invisibilité des rapports sociaux de sexe, et plus particulièrement à l’invisibilité du genre masculin . En effet, si le masculin est la norme, l’homme devient l’être humain générique : il n’a pas de genre construit, puisqu’il est un représentant standard de l’humanité, ce que devrait être un être humain de base. Les cadres normatifs – culturels, historiques et sociaux – qui structurent la construction de l’identité de genre en demeurent d’autant plus invisibles.
Aussi, il apparaît presque normal que, dans l’histoire des rapports sociaux de sexe, ce soient systématiquement les femmes qui aient remis en question les normes genrées établies : se voir imposer des normes restrictives et discriminatoires pousse de fait à s’interroger sur l’identité sociale que l’on assigne à son sexe. Or, comme évoqué précédemment, féminin et masculin se définissent dans une perspective relationnelle : interroger les normes assignées au féminin revient à remettre en cause les standards du masculin. Ainsi, au fil des revendications féministes et des avancées sociales en faveur de l’égalité, des discours de la masculinité se développent dans le sens d’une perte de repères identitaires et d’une réaffirmation des identités conventionnelles de genre.
A travers ces discours, qu’il étudie en tant que « discours de crise de la masculinité », Francis Dupuis-Déri – professeur à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’Université de Quebec, à Montréal – identifie des éléments définitoires des identités de genre conventionnelles. Les hommes sont ici associés à « l’autonomie, à la rationalité, à l’efficacité, à l’agressivité, à la force physique, à l’action et à l’esprit de compétitivité » ; et les femmes à « la douceur et à la passivité, au pacifisme, à l’entraide, à l’émotivité » . Si ces termes sont à relativiser car issus de discours orientés en faveur d’un masculin supérieur (masculinisme), produits principalement par des auteurs antiféministes, ils permettent néanmoins d’observer la logique binaire exclusive qui régit la distribution des qualités masculines et féminines. En outre, les termes associés au masculin, aussi exacerbés soient-ils, renvoient à la notion de virilité, fondement de la masculinité hégémonique – soit l’idéal masculin.
Jean-Jacques Courtine, professeur d’anthropologie culturelle à la Sorbonne, définit la virilité comme « une construction culturelle » et « un ensemble de valeurs et de normes qu’on attribue aux hommes » . Il explique qu’elle repose sur un triptyque : puissance physique – courage – puissance sexuelle, dont les concrétisations sociales varient en fonction des époques. En revanche, le caractère immuable de la virilité réside dans le fait de se construire en opposition à la féminité : Pascale Molinier – professeure de psychologie sociale à l’Université Paris 13 – explique ainsi que « le ressort psychologique de la virilité est la honte de passer pour une femme » . La virilité est donc conçue comme l’outil du pouvoir masculin, que ce pouvoir s’exerce sur les femmes ou entre hommes.

Genres légitimes

De fait, quelles que soient ses modulations, la notion de virilité s’inscrit dans un processus de (re)production d’un genre masculin légitime (dont seuls les « vrais » hommes pourraient être les représentants), idéologie qui s’incarne dans un façonnage concret des corps masculins légitimes.
Selon la sociologue Isabel Boni-Le Goff, les corps légitimes sont « socialement construits comme des références – implicites ou explicites – et participent à la différenciation et à la hiérarchisation entre groupe sociaux ». Le corps masculin légitime est alors façonné à travers des injonctions qui poussent à développer des aptitudes physiques et des qualités morales dites dominantes. Il participe à une catégorisation inter-genre (puisque construit, toujours, en opposition à la féminité) et intra-genre, puisque la hiérarchisation s’opère au sein même du genre masculin, s’articulant alors avec des marqueurs de classe sociale et de race. En d’autres termes, l’homme est plus facilement reconnu comme représentant légitime du genre masculin s’il est viril, blanc, et de classe sociale supérieure . A contrario, celui qui ne répondrait pas des normes restrictives de la virilité se risquerait à devenir « la figure repoussoir du garçon efféminé » . Notons à ce titre que les notions de virilité et de masculin légitime se développent particulièrement à travers une vision hétéronormative et que la hiérarchisation des corps légitimes s’opère également dans le genre féminin.
Être un homme ou une femme ne suffit donc pas à être reconnu comme tel : il faut (et l’injonction se vérifie) devenir un vrai homme, ou une vraie femme. C’est là que se joue la performativité du genre . L’identité de genre est construite sur des signes caractéristiques que l’on attribue à tel ou tel sexe, des stéréotypes, naturalisés et donc intériorisés ; apprenant à se définir, dès le plus jeune âge, selon leur sexe, les individus vont alors performerces signes pour s’identifier et, plus encore, pour être reconnus comme appartenant bel et bien au genre que l’on attribue à leur sexe.
La performativité du genre se matérialise par des manières de parler, de penser, des gestes, des attitudes, des pratiques, une répétition perpétuelle d’actes renouvelés, qui vont contribuer à la construction d’un corps légitime socialement reconnu comme tel.

Les pratiques culturelles : un espace de concrétisation des identités de genre

Dans le domaine de la culture, les pratiques culturelles font généralement référence aux loisirs culturels, aux pratiques artistiques amateurs -soit à l’ensemble des activités de consommation ou de participation liées à la vie intellectuelle et artistique – et par projection, aux publics de la culture. Il aurait été possible d’étudier les rapports de genre et les inégalités du secteur professionnel, mais dans la démarche de ce mémoire, nous nous attacherons plus particulièrement à évoquer, ici, les stéréotypes de genre qui affectent tant les publics que les objets culturels.
En 2005, suite à l’analyse des résultats d’une vaste étude menée auprès des publics de la culture entre 1973 et 2003, Olivier Donnat met en évidence l’augmentation de la part des femmes dans les publics de la culture . S’en suit un intérêt sociologique croissant pour les profils sexués des publics, la catégorisation genrée des biens et pratiques culturel.le.s, et les modalité de construction du genre qui s’opèrent à travers ces pratiques. A partir des différentes études menées, entre autres, par Olivier Donnat, Sylvie Octobre et Marie Buscatto, nous tenterons ici d’identifier les déterminants de genre qui impactent les pratiques et les objets culturels.

La catégorisation genrée des pratiques culturelles

Comme nous l’avons vu précédemment, le genre oriente, de manière insidieuse, la construction des identités. Si le champ des loisirs a longtemps été considéré comme un espace de réalisation de desseins personnels, libres de tout déterminant social, plusieurs décennies d’études et d’enquêtes ont désormais prouvé le contraire. Il en va de même pour les pratiques culturelles, qui s’avèrent être un espace social dans lequel se construisent, et se reconstruisent sans cesse les identités de genre.
Ainsi, dès l’enfance, les univers modelés par le jeu, la communication et les activités tendent à mettre en place des rapports au monde et des manières d’être, opposés en fonction du sexe. En analysant des supports de communication ayant attraits à la culture enfantine, Isabel Boni-Le Goff montre que la catégorisation des univers garçons/filles renvoie à la dichotomie traditionnelle dedans/dehors : en effet, les garçons sont plus facilement amenés à pratiquer des activités d’extérieurs, là où les filles sont renvoyées à des univers domestiques intérieurs. En outre, les activités catégorisées « pour garçons » tendent à la valorisation d’attributs masculins qui « signent leur supériorité » , notamment la force, l’endurance, la virtuosité.

Les médias

Sous couvert d’une apparente liberté individuelle de choix, les individus sont cependant encore confrontés à une troisième instance de socialisation culturelle : les médias.
Selon l’anthropologue, sociologue et sémiologue Eliseo Verón, les médias structurent et encadrent nos rapports au monde et notre quotidien en étant « prescripteurs de valeurs, d’attitudes, de perceptions et de comportements par rapport [notamment] à la consommation culturelle, à l’utilisation des loisirs » . Producteurs de discours structurant le champ social, les médias participent à l’élaboration des imaginaires collectifs et promeuvent des univers de références pour les groupes sociaux que constituent leurs publics . La théorie des « effets puissants », explore par ailleurs la très grande influence des médias de masse sur la formation des opinions et des valeurs, notamment dans le domaine des pratiques et des préférences culturelles.
Cinéma, série, livre, télévision, presse, radio… sont autant vecteurs de discours et représentations pesant sur la construction des identités individuelles et sur les perceptions du monde. La fiction, bien que les individus apprennent à s’en détacher, tout comme l’information, promeuvent des figures de références auxquels les individus s’identifient.
Cependant, la polysémie des discours véhiculés par les médias soulève la difficulté à interpréter de manière globale, si non exhaustive, leurs prismes d’influences. De plus, les logiques commerciales qui structurent le secteur médiatique poussent à interroger les mécanismes qui régissent la production des discours eux-mêmes : est-ce le média qui influence son public ou le public qui influence le discours du média ? Face à la neutralité du masculin, comment savoir réellement à qui le discours s’adresse ?
En outre, dans le champ des sciences humaines, peu d’études mettent en perspective les discours de la presse généraliste, les pratiques culturelles et les questions de genre.
Dans la troisième partie de ce chapitre, nous nous attacherons donc à délimiter un champ journalistique qui dit et créé ouvertement le genre : la presse magazine genrée ; et plus encore la presse magazine masculine, afin de comprendre les logiques qui régissent cet entre-soi discursif.

La presse masculine : un entre-soi discursif

Les magazines masculins généralistes : fabrique et mise en scène du genre.

Comme le soulève Jean-Marie Charon, sociologue spécialisé dans les médias et les transformations de la presse écrite, la presse magazine désigne à la fois un média à part entière, régit par des modalités de production propres, et un ensemble médiatique très hétérogène, dans les contenus proposés. Dans le cadre de cette étude, les conditions de production de la presse magazine ont ceci d’intéressant qu’elles reposent sur l’identification précise d’un public, une thématisation basée sur les centres d’intérêts de ce public et un contrat de lecture destiné à renforcer la relation du lecteur au magazine.
La périodicité longue (hebdomadaire, mensuelle, bimensuelle, trimestrielle, etc.) des magazines les
oblige à créer un contenu différencié des médias d’actualité « chaude », puisque prévu plusieurs semaines ou mois à l’avance. L’équipe éditoriale doit par conséquent anticiper les modes et les tendances qui animeront les goûts et les pratiques de leurs lecteurs. Cette anticipation, qui peut faire l’objet d’ajustements, repose sur une connaissance profonde des publics cibles, ou plutôt de leurs consommations.
Dans le cas de la presse magazine masculine, l’importance des publics est d’autant plus probante qu’elle constitue la condition principale de sa catégorisation. Face à la diversité des contenus proposés, ce sous-groupe est défini par un lectorat majoritairement masculin et des contenus « qui s’adressent aux hommes en leur proposant des articles en réponse à leurs aspirations d’hommes ».Les thématiques, elles, sont diverses : sport, automobile, mode, bien être, économie, ou tout simplement généraliste.
Les magazines masculins généralistes sont particulièrement intéressants car ils abordent conjointement différentes thématiques, à travers lesquelles transparaissent des représentations de la société, des univers culturels spécifiques, une actualisation des pratiques « à la mode ». En s’adressant intentionnellement aux hommes, en se faisant prescripteurs de leurs pratiques, et en entretenant une relation de proximité avec leurs lecteurs, les magazines masculins généralistes sont également des instances discursives dans lesquelles se fabrique le genre.Longtemps assimilée aux seuls magazines de charme, la presse masculine était porteuse de représentations particulièrement stéréotypées d’un masculin dominant et d’un féminin objet.
L’histoire de ces médias montrent que les différentes évolutions thématiques des magazines masculins se sont doublées d’une évolution des discours quant à l’identité genrée, plus encore l’identité masculine. Des magazines de charme aux magazines de mode jusqu’aux magazines lifestyle, bien-être, ou liés à la paternité, la presse masculine semble avoir su renouveler ses discours au fil des évolutions sociétales, participant à la transformations des normes et valeurs de la virilité. Que disent-ils aujourd’hui ?

Méthodes d’enquête et d’analyse du corpus

Cette étude cherche à appréhender la manière dont les discours de la presse magazine masculine catégorisent les pratiques culturelles et mettent en scène le genre, à travers elles. L’objectif est d’établir si les représentations transmises confirment l’emprise du genre sur les pratiques culturelles masculines ou si, au contraire, elles se détachent des normes genrées spécifiques circulant à travers les définitions des objets culturels.
Pour comprendre dans quelles mesures les représentations du genre véhiculées dans les rubriques culturelles de la presse magazine masculine tendent à limiter les transgressions des frontières conventionnelles du genre, nous chercherons à mettre en évidence les marqueurs spécifiques du masculin et du féminin, en fonction des pratiques et des objets présentés. Il s’agira également d’identifier si les magazines masculins, instances de socialisation culturelle et genrée, encouragent ou non les transgressions des normes du genre opérés par les acteurs et actrices culturelles.

Personnification et personnalisation : une définition de la culture au masculin

Dès 1985, Eliseo Verón conceptualise la notion de « contrat de lecture » , dispositif d’énonciation spécifique à tout organe de presse, permettant la mise en place d’une relation de lecture entre le magazine et ses lecteurs (favorisant dans l’idéal la fidélisation des lecteurs/consommateurs). C’est donc sur ce contrat de lecture que s’établit la transmission entre entités productrices du discours (ici les éditeurs et rédacteurs des magazines) et les entités réceptrices (ici, les lecteurs). Dans la presse magazine masculine, le contrat de lecture repose sur la connaissance des aspirations propres aux catégories de publics ciblés (selon le sexe, mais également l’âge et la catégorie socioprofessionnelle). Analyser ce contrat de lecture revient à étudier ce que dit le magazine, et plus particulièrement comment il le dit (soit la façon dont il aborde et traite un sujet). Il s’agit alors de comprendre quelles représentations du monde et d’eux-mêmes le magazine propose à ses lecteurs.
Nous nous intéresserons ici à la manière dont sont mis en forme et en discours les sujets relevant du secteur culturel, ainsi qu’aux enjeux sociaux qui structurent les modalités de production des discours.
L’objectif de ce chapitre est donc d’appréhender la ou les définition(s) de la culture que véhicule la presse magazine masculine généraliste, de manière générale et, plus spécifiquement selon les lignes éditoriales propres à chacun des titres sélectionnés. Il s’agit également de mettre au jour la manière dont les magazines mettent en forme un monde construit, basé sur l’élaboration d’un univers de référence spécifique.
Nous verrons alors en quoi la mise en discours des sujets des rubriques culturelles participe d’une identification à des figures de références. De plus, l’analyse montrera que la sélection éditoriale des thèmes traités favorise une catégorisation pragmatique des pratiques et une hiérarchisation symbolique des préférences culturelles. Enfin, la différence de traitement d’un même sujet révélera un biais politique inhérent aux sujets culturels, à prendre en considération dans l’analyse des discours de cette presse magazine masculine.
Notons que les résultats chiffrés de l’analyse quantitative présentés ici ne prennent pas en compte les données de Causeuret Daron, qui sont toujours à étudier de manière différenciée, au regard de leurs spécificités éditoriales.

Condition de production des discours : la culture personnalisée

Une thématisation fonctionnelle

L’analyse des thèmes abordés dans les rubriques étudiées témoigne tout d’abord d’une distribution très inégale des sujets : en effet, les thèmes cinéma et musique constituent à eux seuls 65% du corpus (cf. Graphique 3). Si ces deux thèmes renvoient à des loisirs culturels mixtes, particulièrement investis par les publics français, tout déterminant social confondu , ils témoignent déjà d’une vision de la culture à la fois comme divertissement et comme objet de consommation courante.

Légitimité culturelle : différenciation et hiérarchisation sociale

En tant que marqueurs des identités sociales, les pratiques culturelles sont également vecteurs d’une différenciation et d’une hiérarchisation symbolique entre catégories socio-professionnelles. De la même manière que s’élaborent les identités de genre, l’identification d’un individu à un groupe social déterminé tient à son adhésion à des pratiques culturelles dites légitimes, non seulement au regard de son sexe mais également de son origine sociale. Selon Philippe Coulangeon , les catégories sociales « dominantes », disposant d’un fort capital économique (niveau de revenus, patrimoine et pouvoir d’achat) et culturel (niveau de diplôme), s’opposent aux catégories sociales « dominées » à travers la valorisation des arts savantset le rejet de la culture populaire, de masse. Dans ce corpus, on constate que l’ensemble des titres s’adressent à un public-cible masculin au pouvoir d’achat relativement élevé puisque issu de catégories socio-professionnelles moyennes ou supérieures. Nous pourrions alors supposer une uniformisation relative des thématiques abordées voir une valorisation systématique des pratiques culturelles dites savantes, c’est à dire nécessitant une connaissance étendue des processus de création et un capital économique et culturel élevé. Or, dans ce contexte, rap et blockbuster apparaissent comme des sujets populaires, relevant d’une culture mainstream, de masse. Dans l’imaginaire collectif français, ces deux genres artistiques sont d’ailleurs encore souvent exclus du champ culturel . Deux mécanismes éditoriaux sont à observer ici.
D’une part, la nouvelle légitimité culturelle du rap semble passer par sa représentation en tant que pratique exclusivement masculine : en effet 100% des articles abordant ce sujet sont consacrés à des artistes masculins. La légitimité sociale de cette pratique serait alors concomitante avec sa catégorisation genrée.
D’autre part, deux univers de références distincts semblent se dégager du corpus. GQ, Lui, qui ciblent des publics issus des classes sociales moyennes, valorisent, à travers les thèmes de leurs rubriques Culture, des univers de référence issus des médiacultures, c’est à dire des objets culturels médiatiques et populaires qui constituent aujourd’hui « l’essentiel de la culture commune », soit la pop-culture.

Biais éditoriaux : la culture (parfois) politisée

Bien que très minoritaires, certains articles des rubriques culturelles étudiées témoignent d’une certaine orientation politique des journalistes et à travers eux, des magazines. Cette ambiguïté est particulièrement observable dans le traitement différencié d’un même sujet, en l’occurrence le polar, sujet du thème littérature abordé conjointement par GQ et Causeur. De fait, dans GQ (n°119), le  polar français est présenté comme un genre en pleine évolution et, surtout engagé politiquement et socialement, comme l’évoque le titre : « Le retour du polar militant (et vénère) ». Si l’image qui accompagne l’article, tirée d’une scène de film, montre une femme, en talon et veste léopard, cambrée sur un bureau face à un homme sérieux en costume, la dimension tendancieuse de l’illustration apparaît contrebalancée par une légende humoristique et par le contenu de l’article. En effet, à travers des termes mélioratifs, l’énoncé valorise ici un style littéraire
investit par des auteur.e.s « pro-féministes », engagé.e.s en faveur de l’égalité sociale, ou encore de l’environnement. La journaliste, qui délègue ici sa responsabilité énonciative au magazine, évoque alors « de vraies plumes » qui « pointent les dérives de l’ultra-libéralisme », « s’attaque[nt] aux questions environnementales » et « aux violences faites aux femmes ».
Or, dans Causeur (n°58), le même sujet, traité sous l’angle d’un auteur disparu (Albert Simonin), devient un prétexte pour dénoncer des « postures humanistes qui sont la plaie d’un certain polar d’aujourd’hui » (celui honoré parallèlement par GQ) et valoriser un « anarchisme de droite ». En outre, les seuls auteurs cités ici, en plus d’Albert Simonin, sont systématiquement des hommes. Les termes forts employés dans l’article démontrent également d’un ancrage politique, assumé par le magazine qui est d’ailleurs inclus dans l’énonciation à travers l’utilisation du « nous ». Le recourt à l’ironie voir à la causticité, et les références à des articles publiés dans des numéros antérieurs, supposent l’implication et la fidélité du lectorat ciblé.
Ces exemples soulignent deux choses. Tout d’abord les différentes identités des journalistes que l’on peut retrouver dans le corpus s’accordent en réalité à travers la ligne éditoriale et l’orientation du magazine. En d’autres termes, leur responsabilité de locuteur se confond avec celle du magazine.
De fait, en prenant la responsabilité de l’énonciation, le magazine assure une cohérence dans son contrat d’énonciation, vis-à-vis de ses lecteurs.

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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : L’intériorisation du facteur genre jusque dans les pratiques culturelles
I. Construction et déconstruction du concept de genre
A. Éléments de définition
B. Les normes du genre
C. Genres Légitimes
II. Les pratiques culturelles : un espace de concrétisation des identités de genre
A. La catégorisation genrée des pratiques culturelles
B. Les instances de socialisation
C. La transgression des normes du genre
III. La presse masculine : un entre-soi discursif
A. Les magazines masculins généralistes : fabrique et mise en scène du genre
B. Cibler un entre-soi discursif : présentation du corpus
C. Méthodes d’enquête et d’analyse du corpus
CHAPITRE 2 : Personnification et personnalisation : une définition de la culture au masculin
I. La culture personnifiée
A. Des objets culturels définis par leurs acteurs
B. Une vision majoritairement masculine
II.Condition de production des discours : la culture personnalisée
A. Une thématisation fonctionnelle
B. Légitimité culturelle : différenciation et hiérarchisation sociale
C. Littérature et danse : vers une dé-segmentation des publics ?
D. Biais éditoriaux : la culture (parfois) politisée
CHAPITRE 3:La mise en scène du genre à travers les figures de références culturelles : entre rôles spécifiques et attributs revisités
I. Une réaffirmation des rôles différenciés de genre
A. L’homme, sujet actif – la femme, adjuvante passive
B. La femme sujet, renvoyée à des univers genrés conventionnels
C. Le corps féminin, objet du masculin
II. La masculinité contemporaine : entre mythe d’une virilité perdue et reformulation des normes conventionnelles
A. La virilité sacralisée
B. Des normes renouvelées du masculin légitime
C. Des négociations timides
III. L’invisibilité normalisée des rapports sociaux de sexe
A. La non-information au service de la normalisation des rapports inégalitaires
B. Cas particulier : L’après Weinstein selon Lui(n°40)
CONCLUSION
REMERCIEMENTS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Grille d’analyse qualitative
Tableaux (analyse quantitative)
Corpus

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