La mise en place d’une poétique des personnages féminins

La mise en place d’une poétique des personnages féminins

Conclusion

Flaubert fait preuve de cynisme et de pessimisme vis-à-vis des femmes de son époque, tout en mettant en scène les difficultés de la condition féminine. Mais, entre misogynie et solidarité, il montre surtout que la vraie source des problèmes de Frédéric, ce ne sont pas les femmes mais lui-même. Au travers de cette œuvre, Flaubert, bien qu’il semble ne vouloir s’inscrire dans aucune école, rentre pourtant dans plusieurs genres littéraires : Il a tout d’abord une certaine tendance au romantisme, notamment par le fait que son œuvre soit « une réaction du sentiment contre la raison, […] cherchant l’évasion et le ravissement dans le rêve […]. Idéal ou cauchemar d’une sensibilité passionnée et mélancolique144 . ». De plus, nous retrouvons certaines thématiques romantiques dont l’amour, thématique importante par rapport aux femmes. Concernant l’amour, et notamment grâce au personnage de Mme Arnoux, nous pouvons citer Hugo, qui définissait l’amour comme ceci : « La réduction de l’univers à un seul être, la dilatation d’un seul être jusqu’à Dieu, voilà l’amour145 ». Nous pouvons également parler du cas de Rosanette, avec qui l’amour de Frédéric va être plus brut, plus bestial, et va « subverti[r] la morale par sa brutalité146 ». Nous retrouvons également un penchant réaliste. Pour Colette Becker, Tous les écrivains de la réalité s’accordent pour attaquer les constructions de l’imagination, l’utilisation de conventions et de stéréotypes, l’asservissement aux goûts du lecteur. […] Le réel étant à la fois plus simple et plus complexe, plus naturel et plus déroutant, rarement univoque et clair, la grande difficulté du romancier est de lui conserver sa face d’ombre et son ambiguïté, de ne pas encourir le reproche que l’on fait encore trop souvent à Zola d’être transparent à force d’explications, d’enchaînements logiques de causes et d’effets147 . Ici, nous pouvons parler de Rosanette, des domestiques, ou encore de Mme Arnoux (de la femme mariée, et non de la femme idéalisée). Le roman, qui aborde notamment le cas des travailleurs ou encore des relations conjugales, entre donc dans cette catégorie d’œuvre. En effet, nous y voyons le cas, notamment des domestiques ou ouvrières, souvent maîtresses de leur employeur, parfois pour accéder à certains privilèges (comme la Bordelaise avec Jacques Arnoux). Sont également évoqués les relations conjugales, avec le couple Arnoux et le couple Dambreuse, qui sont différents : effectivement, avec le couple Arnoux, nous voyons que le pouvoir du mari est très présent, surtout en société, Mme Arnoux parlant très peu, ou alors de manière privée ; au contraire, chez les Dambreuse, nous avons une épouse qui se montre, qui s’exprime. Nous avons aussi une part d’impressionnisme : Dès son apparition pendant les années 1860, et avant d’être appelé « impressionnisme », le style pictural de Courbet et de Manet, puis de la jeune génération d’artistes qui les admiraient, comportait un double défi que le mot « impressionnisme » exprimera parfaitement plus tard. Partant de l’observation du monde contemporain qui les entourait, tout en affichant une vision neuve et personnelle grâce à une technique d’exécution fortement opposée aux recettes traditionnelles, ces peintres avaient réussi non seulement à mettre en évidence, mais aussi à épouser et à célébrer la dualité implicite dans toute œuvre d’art entre la représentation du réel et l’expression artistique. Pendant l’ère classique, cette dualité fut conçue comme un conflit entre la nature et l’idéal, comme entre la terre et le ciel. […] En revanche, avec l’impressionnisme, on parlera non pas d’un conflit mais d’un dialogue productif entre l’observation et l’imagination. On pourrait presque dire que les impressionnistes ont fait de la nécessité une vertu ; hégéliens et surtout positivistes − disciples, conscients ou non, d’Hippolyte Taine − au lieu de voir une contradiction entre la matière et l’esprit, ils y ont vu une communauté, investie dans la corporéité de l’homme et de l’œuvre148 . Flaubert s’illustre dans ce genre surtout avec Mme Arnoux et Rosanette, et notamment lors des deux séjours que Frédéric effectue avec elles, où ses descriptions ressemblent à des tableaux ; tout d’abord avec Mme Arnoux : Elle ne faisait rien pour exciter son amour, perdue dans cette insouciance qui caractérise les grands bonheurs. Pendant toute la saison, elle porta une robe de chambre en soie brune, bordée de velours pareil, vêtement large convenant à la mollesse de ses attitudes et à sa physionomie sérieuse. D’ailleurs, elle touchait au mois d’août des femmes, époque tout à la fois de réflexion et de tendresse, où la maturité qui commence colore le regard d’une flamme plus profonde, quand la force du cœur se mêle à l’expérience de la vie, et que, sur la fin de ses épanouissements, l’être complet déborde de richesses dans l’harmonie de sa beauté. Jamais elle n’avait eu plus de douceur, d’indulgence. Sûre de ne pas faillir, elle s’abandonnait à un sentiment qui lui semblait un droit conquis par ses chagrins149 . Puis avec Rosanette : […] Rosanette en face de lui ; et il contemplait son petit nez fin et blanc, ses lèvres retroussées, ses yeux clairs, ses bandeaux châtains qui bouffaient, sa jolie figure ovale. Sa robe de foulard écru collait à ses épaules un peu tombantes ; et, sortant de leurs manchettes tout unies, ses deux mains découpaient, versaient à boire, s’avançaient sur la nappe.150 . Dans ces deux extraits, l’auteur fait un portrait détaillé des deux femmes, décrivant alors tout à la fois leur corps (« le regard d’une flamme plus profonde », « sa beauté », « son petit nez fin », « ses lèvres retroussées », etc.) et leur vêtement (« elle porta une robe de chambre en soie brune, bordée de velours pareil », « sa robe de foulard écru ») avec précision (« en soie brune », « petit nez fin », « yeux clairs », « bandeaux châtains », etc.). Tel un peintre, Gustave Flaubert fait un tableau de ces deux femmes aimées de notre héros. Enfin, Flaubert s’illustre également dans le symbolisme : Confronté à son tour à la question que posait Jules Huret à Verlaine et à quelques autres, l’historien de la littérature se trouve, en la matière, exposé à deux tentations extrêmes : s’il s’applique à considérer le symbolisme comme une marque déposée dans la longue série des – ismes de notre littérature, il lui est facile de dater et de définir, soit à peu près ceci

Introduction

Comme l’a écrit Gilles Leroy dans son roman Alabama Song : « Les hommes trop beaux sont le fléau des femmes1 . » En effet, dans une majeure partie de la littérature, les femmes sont manipulées par les hommes, ce qui entraîne parfois leur perte et même leur mort (comme le personnage d’Esther dans Splendeurs et Misères de courtisanes de Balzac, qui finit par se suicider après s’être donnée au baron de Nucingen, et sans avoir aucun espoir d’épouser Lucien de Rubempré ; le personnage de Germinie Lacerteux, dans le roman éponyme des Goncourt, qui meurt après être tombée malade en épiant son ancien amant). Avec la Révolution, les femmes espèrent beaucoup et elles expriment leurs souhaits notamment par le biais de pétitions. Leurs revendications portent sur des problèmes auxquels elles font face comme la mortalité en couches, ou encore la protection des travaux féminins. Celles touchant aux droits politiques sont rares car peu de femmes ont conscience de leur importance. La majorité des femmes œuvrant dans la Révolution ne se sent pas appartenir à une catégorie en particulier. Mais les plus impliquées tentent d’effrayer les révolutionnaires masculins (ex : Claire Lacombe le 18 novembre 1793). A la suite de l’altercation de Lacombe, la Convention a décrété l’interdiction des clubs et sociétés de femmes. Et elles n’auront même plus le droit d’assister aux réunions politiques. La Révolution est donc une déception pour les militantes, par rapport aux espoirs qu’elle fait naître. Cependant, la Révolution a permis de donner aux femmes une personnalité civile qu’on leur refusait jusqu’à présent. Avec la Déclaration de 1789, les femmes ont leurs propres opinions et font leurs propres choix. La Constituante favorise l’émancipation des femmes car elle promulgue l’égalité des droits aux successions et abolit le privilège de masculinité. De plus, la Constitution de 1791 détermine de façon similaire l’accession à la majorité civile, pour les hommes et les femmes. Pourtant, au niveau politique, la femme va être mise de côté. Pierre Rosanvallon, dans son œuvre Le Sacre du citoyen, Histoire du Suffrage Universel en France, parle de la triple revendication exprimée à l’époque : – Une indépendance intellectuelle, c’est-à-dire être un homme doué de raison ; – Une indépendance sociologique, c’est-à-dire être un individu et non le membre d’un corps Une indépendance économique, c’est-à-dire gagner sa vie. Cela montre que sont exclus du suffrage les mineurs, les aliénés, les religieux cloîtrés, les domestiques et les femmes. Concernant la littérature, la plupart des romans du XIXe siècle, qui sont majoritairement écrits par des hommes (on compte 18 femmes de lettres contre une centaine d’hommes au XIXe siècle2 ), ont pour héros principal un homme, qui n’a pas forcément un destin heureux, l’époque étant marquée par le « mal du siècle » et le « vague des passions », mais dont l’histoire est le sujet principal du roman. Les héroïnes sont peu nombreuses — il y a quand même Delphine, Corinne, protagonistes des romans éponymes de Mme de Staël, les héroïnes de Stendhal que sont Lamiel, Mina de Wanghel ; en ce qui concerne Flaubert, nous avons Emma Bovary, Félicité ou encore Salammbô — qui occupent véritablement une place importante. L’Education sentimentale peut donc sembler en retrait puisque l’on retrouve un héros masculin, autour duquel gravitent des personnages féminins qui ont un rôle essentiel. En effet, ce qui est intéressant, c’est que les femmes forment un réseau autour du personnage masculin, et nous les retrouvons sous différents statuts (la mère, l’amante, etc.). Chez Balzac, notamment, les femmes aident le héros à grimper dans la société3 ; chez Flaubert, vingt ans plus tard, ce n’est plus le cas. En effet, dans L’Education sentimentale, le héros principal, Frédéric Moreau, se retrouve, en quelque sorte, pris dans la toile tissée par les femmes autour de lui tout au long du roman. Malgré tout, bien qu’il semble être passif, Frédéric est au contraire le chef d’orchestre de ses périples sentimentaux, ce qui lui permet de s’initier à l’amour, de faire sa propre éducation sentimentale. Mais cette éducation sentimentale s’avère être, à la fin, un échec. Flaubert semble assez pessimiste : Frédéric arrive à se faire avouer l’amour de Mme Arnoux seulement quand lui-même ne veut plus d’elle. Comme le répertorie Lucette Czyba dans son œuvre Mythes et idéologie de la femme dans les romans de Flaubert, il y a cinq catégories de femmes dans les œuvres de notre auteur : la femme fatale, la madone, la mère, la lorette et la servante4 . Ces cinq catégories, Flaubert a réussi à toutes les mettre en scène dans son roman, et nous les allons étudier.

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Table des matières

Introduction
I. Une typologie subjective des femmes dans la société française des années 1860
1. La mère/l’épouse
2. La femme de basse extraction
2.1. La domestique
2.2. La courtisane : Rosanette
II. la mise en scène des ambiguïtés de la condition féminine
1. La misogynie, voire le machisme
2. Un point de vue mitigé sur les femmes libérées
3. Rosanette ou la représentation de la femme réifiée et libérée à la fois
III. La mise en place d’une poétique des personnages féminins
1. La mise en place d’un réseau de personnages féminins
1.1. Similarités
1.2. Oppositions
1.3. Parallélismes
2. La mise en situation des personnages féminins
2.1. Mme Arnoux ou la « Vierge Marie
2.2. Louise Roque, de la « jeune bête sauvage » à la jeune femme incrédule
2.3. Mme Dambreuse, la femme à double face
Conclusion
Bibliographie et sitographie

 

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