La methode de ponseti chez l’enfant a l’hôpital regional de thies

Le pied bot varus équin (PBVE) est une des malformations congénitales les plus courantes du pied. Il est caractérisé par une déformation dans les 3 plans de l’espace (varus, supination, équin et adduction) [20]. Cette malformation peut être uni ou bilatérale, apparaître de façon isolée (PBVE idiopathique ou isolé) ou s’inclure dans un syndrome (PBVE syndromique), s’accompagnant ainsi d’autres malformations (musculaires, neurologiques, vasculaires). C’est une pathologie invalidante mais non létale, autorisant la marche mais avec une modification des paramètres biomécaniques [41]. Son incidence annuelle dans le monde serait de 100000 cas avec 80% des patients se trouvant dans les pays à faibles et moyens revenus [6,14,17,41,58].

La méthode de Ponseti est une méthode de traitement du PBVE. Elle a vu le jour en 1948 dans une clinique de l’Université de l’Iowa aux Etats Unis au sein d’un groupe de chirurgiens orthopédistes dirigé par Steindler, elle est initiée par Ponseti suite à de longues années d’études et de pratiques sur le sujet [24]. Elle a vu le jour dans un contexte scientifique de déception suite à de nombreux échecs connus malgré le foisonnement de techniques et de théories. Ponséti revient sur une prise en charge précoce, douce et non invasive du pied autrefois abandonnée au profit de méthodes plus drastiques comme la chirurgie d’emblée ou des manipulations du pied à l’aide de forceps conduisant à la fragmentation des os ou à la torsion de la cheville [24]. Les principes de cette méthode rappellent à de nombreux points ceux déjà évoqués par Hippocrate 400 ans avant JC dans un de ses mémoires où il parlait du traitement par des manipulations douces d’un pied vu très tôt avant que les déformations ne soient fixées et du maintien des corrections par des plâtres [24-26]. Les bons résultats obtenus avec cette méthode après essai sur près de 2000 pieds l’encourage à en parler dans une revue publiée en 1963. Dans cette revue, il fait une description exhaustive de la méthode en elle-même et partage ses résultats à long terme sur le devenir des enfants après traitement [24,52]. Contrairement à d’autres, cette méthode laisse moins de séquelles sur les pieds qui apparaissent plus souples, moins douloureux et fonctionnels. Elle n’a pas d’action sur le déséquilibre musculaire qui est à l’origine de la persistance de la supination dite « dynamique » et du défaut d’appui antéromédial lors de la marche [19]. L’aplatissement du dôme talien est aussi possible ainsi qu’une hypercorrection des déformations et de légères douleurs résiduelles. Ses résultats dépendent aussi de la dextérité du praticien car les mouvements et différentes manipulations doivent être bien maîtrisés [19,51,52]. Malgré cela, cette méthode peu à peu va s’imposer dans le monde comme le gold standard du traitement du PBVE et subir quelques modifications au fil des années, chaque équipe l’adaptant à son contexte et à ses réalités. Elle présente de nombreux avantages dont celui de donner de bons résultats dans des délais plus courts et de nécessiter peu de logistique. Dans notre contexte ces paramètres sont très importants compte tenu des challenges qui sont les nôtres. La longue durée du traitement et son coût non négligeable sont des facteurs à ne pas occulter. Dans une société où la majorité de la population travaille dans le secteur informel, le temps alloué par les parents pour les différentes visites est un manque à gagner. La résultante est souvent le découragement des parents, le rejet de l’enfant et de sa mère, l’arrêt du traitement.

Dans l’optique d’aider les populations, plusieurs organismes se sont mobilisés pour aider à la prise en charge de cette pathologie au Sénégal en contribuant à la formation des praticiens et en mettant à disposition le matériel nécessaire pour le traitement. C’est le cas de DAHW, Miracle Feet, Chaîne de l’espoir, Mercy ship. Plusieurs zones ont été ciblées, parmi lesquelles la région de Thiès notamment au niveau de son Hôpital Régional où Miracle Feet et DAHW se sont unis dans un même programme pour prendre en charge gratuitement les enfants en promouvant la méthode de Ponseti. Le programme ainsi installé depuis le 18 novembre 2018 a permis de suivre gratuitement des dizaines d’enfants.

Anatomopathologie

Dans le PBVE il s’associe des modifications dans l’architecture normale du pied. On retrouve ainsi des défauts de forme et d’orientation des os et des surfaces articulaires, des modifications du jeu articulaire avec une raideur congénitale liée à la rétraction des parties molles. La compréhension des différentes composantes du PBVE a évolué avec l’apparition de nouveaux concepts.

Les nouveaux concepts

Les déformations retrouvées dans le PBVE sont l’adduction, la supination, le varus et l’équinisme. Les nouveaux concepts mettent en exergue les phénomènes à l’origine de ces déformations et détaillent mieux les structures concernées par celles-ci :

– Bloc calcanéo-pédieux
Il est constitué de l’avant-pied, le médio-pied et le calcanéum, il constitue une unité mobile qui pivote sous le talus dans l’axe du ligament en haie et s’articule avec lui à travers 3 articulations : sous-talienne antérieure et moyenne, talo-naviculaire ;

– Double appartenance de l’articulation talo-naviculaire
Cette articulation forme avec l’articulation calcanéo-cuboïdienne, l’articulation médio-tarsienne et avec l’articulation sous-talienne antérieure l’articulation talo-calcanéo naviculaire solidement liée à l’articulation soustalienne postérieure donnant le complexe articulaire entre le talus et le bloccalcanéo-pédieux.

Ainsi, l’adduction de l’avant-pied sur l’arrière-pied (le médio-pied ici n’est pas individualisé puisque solidement fixé à l’avant –pied, il suit ses mouvements) ramène l’os naviculaire sur le versant interne de la tête du talus. L’adduction du bloc calcanéo-pédieux va lui aussi être responsable de cette translation interne sur la tête du talus, ce qui aura pour effet d’aggraver ce déplacement et ramener l’os naviculaire au contact de la malléole interne.

– Supination relative dans la position varus-équin
La supination dans le PBVE répond à la loi des mouvements diadochaux de Mac Connail qui dit : << Dans les articulations à trois degrés de liberté, il suffit que deux mouvements se fassent dans 2 plans successifs pour que le troisième apparaisse >>. Mais dans notre cas il s’agit d’une fausse supination dite “relative” puisque la cheville n’est pas une énarthrose. Elle concerne l’arrière-pied.

Déformations osseuses

Talus
C’est le siège principal des déformations et c’est l’os le plus souvent touché. Il est hypoplasique avec son noyau d’ossification qui est plus petit et latéralisé dans la région cervicale. Il présente une déviation médiale du col avec un angle de déclinaison de 55°, une augmentation de l’angle d’inclinaison avec la tête qui se tord, devient presque sagittale et en supination. La poulie reste arrondie mais sa gorge est moins marquée.

Calcanéum
Les surfaces articulaires peuvent présenter des défauts d’orientation plus ou moins importants. La surface articulaire cuboïdienne est déviée en dedans selon un angle de 40-45° Le thalamus désorienté et aplati. Le sustentaculum tali est hypoplasique et désorienté en dedans. Le noyau d’ossification est ascendant par rapport au bord inférieur et forme un angle de 20° environ (ce qui peut faire sous-estimer l’équinisme).

Os naviculaire
Il est étalé, fortement concave en arrière et en dehors. La tubérosité interne est hypertrophique et offre une large zone d’insertion au muscle tibial postérieur.

Arche longitudinale médiale
Elle est raccourcie.

Attitudes vicieuses articulaires

Articulation tibio-talienne
Dans le plan sagittal on note un équinisme du talus découvrant le tiers antérieur de sa surface articulaire supérieure.

Articulation sous-talienne
Dans le plan sagittal le calcanéum est en équin ce qui se traduit par une diminution de l’angle de Böhler. Dans le plan horizontal le calcanéum se met en adduction. Ainsi, son extrémité antérieure se retrouve sous la tête du talus, et sa grosse tubérosité vient au contact de la malléole fibulaire. Dans le plan frontal il tourne en supination (figure 1).

Articulation talo-naviculaire
L’os naviculaire est sur le versant interne de la tête du talus mais aussi sur son versant plantaire. Son extrémité médiale vient au contact du bord antérieur de la malléole interne à laquelle il est lié par une bourse séreuse, formant ainsi une néo-articulation (figure 2).

Articulation calcanéo-cuboïdienne
Le cuboïde est en adduction par rapport à la grande apophyse du calcanéum.

Mouvements

L’équinisme réside ainsi dans les articulation tibio-tarsienne (en majorité) et sous-talienne postérieure. La supination de l’arrière-pied répond à un double mécanisme : la supination ”relative” liée à l’équin tibio-tarsien et la supination “vraie” liée à l’adduction du bloc calcanéo-pédieux. La supination de l’avant-pied qui semble être induite par l’arrière-pied par la verticalisation de l’interligne médio-tarsienne. L’adduction est de 2 ordres :
-l’adduction du bloc calcanéo-pédieux qui entraine un déplacement en dedans de la pointe du pied, en dehors du talon avec possibilité de néoarticulation entre la grosse tubérosité du calcanéum et la malléole fibulaire ;
-l’adduction de médiotarsienne qui rend convexe le bord externe du pied.

METHODOLOGIE

Le programme prend en charge tous les patients demandeurs de soins ayant eu ou pas une prise en charge antérieure quelle qu’elle soit. A leur arrivée les parents sont soumis à un interrogatoire permettant de recueillir les informations sur le patient. Le consentement éclairé est requis sous forme de signature des deux parties (parents et médecin) avant le début de la prise en charge. Ce programme offre des soins complets et gratuits : le matériel est entièrement fourni, allant des bandes plâtrées aux attelles, et dernièrement avec la crise sanitaire des masques et solutions hydro alcooliques ont été ajoutés et distribués aux parents. L’équipe chargée du suivi des patients était constituée d’un pédiatre et d’orthopédistes, de kinésithérapeutes et de plâtriers tous formés à la méthode de Ponséti. Cette équipe a assisté à la formation de base dispensée au sein même de l’hôpital. Le médecin chef de service en plus de cette formation a suivi une formation plus approfondie. Les médecins et kinésithérapeutes constituaient les seniors et se relayaient au fil des consultations suivant un programme de rotation. Ainsi, à chaque consultation on retrouvait un senior et des aides. Les kinésithérapeutes étaient présents de façon régulière les premiers mois de l’application du programme mais étant affiliés à un autre service, leur participation était devenue occasionnelle. Le pédiatre n’assistait plus aux séances faute de temps. Le senior recevait le patient et procédait à l’évaluation du ou des pieds selon le score de Pirani. Il faisait un examen général à la recherche d’autres malformations, déterminait le traitement et remplissait le dossier. La méthode princeps de Ponséti était celle utilisée. Les patients étaient soumis à des séances de manipulations brèves des pieds et étaient ensuite plâtrés. Le plâtre utilisé était de type « biplatrix » et ces plâtres étaient retirés le matin du rendez-vous avant la visite par le senior. Le sénior évaluait le pied et orientait le type de plâtre mais ce sont les plâtriers qui assuraient sa réalisation. A chaque rendez-vous, une cotation du pied était faite et les chiffres étaient notés dans le dossier du patient et ensuite retranscrits dans le logiciel. Lors de la première phase de traitement, les rendez-vous étaient hebdomadaires et ils devenaient ensuite semestriels dès le début du port d’attelle. La ténotomie était réalisée lorsque la flexion dorsale était supérieure ou égale à 15° mais elle n’était pas obligatoire. Les pieds ayant des scores de Pirani inférieurs ou égaux à 1 et une flexion dorsale du pied supérieure à 20° en étaient exemptés et le port d’attelle était débuté. Cette ténotomie était réalisée sous anesthésie locale en salle de petite chirurgie. Après la ténotomie un plâtre était réalisé et laissé en place pendant 3 semaines. Il était alors retiré et remplacé par les attelles de type Denis Brown. Les attelles arrivaient en pièces détachées, chaussures et barres livrées séparément et étaient assemblées sur place. Il arrivait que le matériel ne soit pas disponible ce qui occasionnait alors un arrêt momentané du traitement jusqu’à sa réception. Les dossiers des patients étaient conçus sous forme de fiches avec plusieurs items à remplir allant des éléments sociodémographiques, aux données cliniques et thérapeutiques. Chaque dossier comportait une section clinique où les progrès des pieds étaient notés au fur et à mesure des rendez-vous et des éléments importants étaient consignés. La retranscription des informations dans un téléphone contenant un logiciel fourni par les partenaires permettait de suivre l’évolution du programme à distance. Nous avons mené une étude transversale rétrospective de types descriptif et analytique. Les données ont été recueillies aussi bien sur les fiches qu’au niveau du logiciel. Certaines incohérences et contradictions ont été répertoriées et corrigées par les médecins. Tous les patients du programme ont été enregistrés et de ce fait tous n’étaient donc pas au même niveau de traitement. Certains en étaient à près de 2ans de suivi tandis que d’autres n’en étaient qu’à leur premier  rendez-vous. Les sélections se faisaient lors de l’analyse des données et, en fonction de l’information recherchée, les dossiers les plus pertinents étaient utilisés ; par exemple dans la recherche du pourcentage de patients chez qui la ténotomie a été réalisée, seuls les dossiers des patients ayant déjà débuté la deuxième phase du traitement ont été retenus. Le nombre maximal de visites enregistrées dans notre base de données était de neuf. Au-delà, l’existence de visites supplémentaires était précisée et le nombre total de visites mentionné.

Etude descriptive

Les paramètres étudiés étaient d’ordre : général (effectif, âge, sexe, lieu de provenance, antécédents), diagnostique (latéralité, atteinte uni ou bilatérale, type de PBVE, existence de malformation associée), thérapeutique (existence ou non de traitement antérieur, type de traitement antérieur, réalisation ou non de ténotomie, nombre de plâtres avant la ténotomie et avant le port d’attelle) et évolutif (évaluation des pieds selon le score de Pirani). L’âge a été noté en mois et en fonction du jour de naissance (délai requis). Le type de pied a été déterminé selon la définition fournie par l’équipe de « Formation pied bot Afrique » (Lavy, s. d.) dans leur manuel :
– PBVE neuf ou non traité : pied bot de la naissance jusqu’à l’âge de 2 ans qui ont reçu peu ou aucun traitement ;
– PBVE négligé : pied chez un enfant de plus de 2 ans qui n’a reçu aucun traitement ou peu ;
– PBVE récidivant : pied traité normalement mais chez qui la malformation est réapparue ;
– PBVE complexe : pied présentant des complications supplémentaires (pathologie sous-jacente, chirurgie) ;
– PBVE résistant : pied ne répondant pas ou très peu malgré un traitement assidu et bien conduit ;
– PBVE “atypique” : pied se présentant avec une morphologie particulière ; enflé, premier métatarsien en flexion plantaire et le grand orteil en hyper extension.

Les patients ayant été référés d’une structure hospitalière pour la suite de la prise en charge ont été classés parmi les PBVE neufs sauf ceux chez qui plus de 8 plâtres ou une chirurgie ont été réalisés. La moyenne du nombre de plâtres réalisés avant la ténotomie et avant le port d’attelle a été notée à l’unité près.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. Anatomopathologie
1. Les nouveaux concepts
2. Déformations osseuses
3. Attitudes vicieuses articulaires
4. Mouvements
5. Parties molles
5.1 Structures capsulo-ligamentaires
5.2 Rétractions des parties molles
6. Classifications
II. La méthode de Ponseti
7. But
8. Moyens
8.1 Principe
8.2 Technique
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
PATIENTS ET METHODES
I. CADRE D’ETUDE
1. Description des lieux
2. Personnel
3. Activités
II. PATIENTS
1. Critères d’inclusion
2. Critères de non inclusion
III. METHODOLOGIE
1. Etude descriptive
2. Etude analytique
RESULTATS
1. Paramètres généraux
1.1 Effectif
1.2 Age
1.3 Sexe
1.4 Lieu de provenance
1.5 Antécédents
2. Diagnostic
2.1 Latéralité
2.2 Malformations associées
3. Traitement
3.1 Existence ou non d’un traitement antérieur
3.2 Type de traitement antérieur
3.3 Réalisation de la ténotomie
3.4 Nombre de plâtres avant la ténotomie et le port d’attelle
4. Evolution
Etude analytique
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE

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