La médecine bucco-dentaire dans l’Egypte antique

Les premières dynasties égyptiennes commencent lors de la réunification de la haute et de la basse Égypte, environ trois mille ans avant notre ère. « L’Égypte est un don du Nil », déclare Hérodote à propos de ce pays dont les habitants vouent un culte au long fleuve sacré grâce auquel il est possible de cultiver une terre très riche malgré le climat semi-désertique. La vallée du Nil est une terre nourricière qui s’étend en un long bandeau de 1 à 2 kilomètres de large et concentre l’histoire de la civilisation égyptienne antique qui prospère et fascine déjà ses contemporains par sa grandeur et sa modernité. Hérodote, considéré comme le père de l’histoire et de la géographie, a été si impressionné par ce peuple qu’il y a consacré deux de ses neuf livres.

Les données rapportées par les témoins de l’époque, les écrits et ouvrages médicaux retrouvés et les études effectuées sur les momies donnent un aperçu de la médecine dans l’antique civilisation égyptienne. Il apparaît que les connaissances médicales de ce peuple sont étonnamment avancées pour l’époque, et la prise en charge thérapeutique des malades s’avère relativement moderne. Bien que la religion et la magie soient généralement associées aux soins, les Égyptiens misent également sur le savoir scientifique de leurs praticiens pour guérir les patients. Comme dans beaucoup d’autres spécialités médicales, la médecine bucco-dentaire a ses experts. Les chirurgiens-dentistes égyptiens antiques, ne disposant certes pas des techniques et connaissances actuelles, sont néanmoins capables d’établir un diagnostic et de proposer des traitements aux patients souffrant de pathologies dentaires, soit une grande partie de la population. L’objectif de ce travail est donc de donner un aperçu général de la médecine bucco-dentaire dans cette surprenante antique civilisation.

LES PATIENTS

Contexte religieux

En Égypte antique, la religion prend une part importante dans la vie des habitants et tous se doivent de respecter les règles, car la religion et la loi ne font qu’un. Le pharaon lui-même est un dieu sur terre (personnifiant Horus dans sa vie, et devenant une représentation d’Osiris une fois mort) mais doit également obéir aux lois pour assurer son passage dans l’au-delà. Pour les Égyptiens, il n’y a pas de dichotomie entre la médecine et la religion, les deux étant étroitement liés. La maladie est attribuée soit à la colère des dieux, soit à un esprit mauvais ayant pris possession du corps du patient. Par ailleurs, chaque organe est placé sous la protection d’une divinité, comme décrit dans le Livre des Morts égyptien :

« Mes yeux sont Hathor, mes oreilles sont Oupouaout, […] mes lèvres sont Anubis, mes molaires sont Selket… ». 

Les incantations et les prières sont donc associées aux traitements médicamenteux. Les médecins sont également prêtres et magiciens.

Le panthéon égyptien présente de très nombreuses divinités qui sont toutes susceptibles d’influencer la santé des êtres humains. Ils sont vénérés par les patients qui souhaitent une guérison de leurs maux, mais également par les médecins de toutes spécialités pour les aider à accomplir leur tâche.
• Maât est un concept divinisé qui représente la paix, l’ordre et l’harmonie de l’univers. Elle est l’antithèse de l’Isfet (le chaos). Le pharaon, secondé par les prêtres, a le devoir d’assurer le bien-être de Maât et de combattre l’Isfet qui tend à troubler cette harmonie. La maladie est aux yeux des Égyptiens le résultat d’une atteinte à Maât.(4)
• Heka personnifie la magie. Généralement représenté sous forme humaine, il est également symbolisé par la canne recourbée du Pharaon. La magie est d’ailleurs très utilisée par les Égyptiens qui se soignent à l’aide de formules magiques et d’amulettes.(5) Les symboles de talisman les plus connus sont l’ouadj (associé à la vigueur et l’ardeur), l’oeil-oudjat (l’oeil d’Horus), le tit (le noeud d’Isis) et l’ankh (le signe de vie). (4,6)
• Rê ou Râ, le dieu Soleil (à tête de faucon surmonté d’un cobra et d’un disque solaire), est notamment invoqué par les praticiens comme protection contre les maladies contagieuses de leurs patients. Il est considéré par les Égyptiens comme le médecin suprême, et la légende veut qu’il ait lui-même créé les recettes de nombreux remèdes et onguents dont se servent les Égyptiens .
• Thoth (à tête d’ibis ou de babouin), dieu cosmique universel depuis la basse époque, représente la sagesse, l’intelligence, la parole. C’est le dieu de l’écriture et du savoir. C’est le patron des scribes et des magiciens, le greffier du tribunal osirien et le protecteur des morts lors du jugement par Osiris. Il connaît des formules que même les autres dieux ne savent pas contrer. Il est assisté dans ses tâches par ses deux épouses, Néhemet Aouai et surtout Séchat, « celle qui écrit », protectrice des livres, des bibliothèques et archiviste des annales. Thoth guide le médecin dans l’interprétation des écrits. (7)
• Isis, patronne des magiciens et sœur et épouse d’Osiris, ressuscite son mari assassiné par leur frère, Seth. Par extension, Isis étant capable de ressusciter un dieu, elle est capable de guérir un mortel. Elle incarne la déesse de la santé et intervient en faveur du médecin.(8)
• Horus (à tête de faucon), fils d’Isis et d’Osiris, est un dieu guerrier mais également un dieu médecin et gardien de la santé. A Létopolis, il est le « médecin-chef dans la maison de Rê » (Gardiner, 1925).(7)
• Ptah est invoqué pour combattre les épidémies. C’est le dieu le plus vénéré depuis la 3e dynastie, souvent en triade avec Sekhmet et Nefertoum.
• Amenhotep, né à Athribis dans le delta du Nil, sous la 18ème dynastie, est divinisé au cours de la période ptolémaïque. De son vivant, il est l’architecte du pharaon Amenhotep III, et se révèle non seulement d’une grande sagesse mais également d’un excellent état de santé et d’une longévité exceptionnelle pour l’époque, ayant vécu jusqu’à environ 80 ans. Il est honoré et adoré en tant que dieu de la science et de la guérison, comme en témoigne ce texte retrouvé sur une statue d’Amenhotep de l’époque saïte : « Ô noble Amenhotep, fils de Hapou, juste de voix ! Viens, ô bon médecin ! Vois, je souffre des yeux. Puisses-tu faire que je guérisse immédiatement… ». (9)
• Imhotep, personnage mi-historique, mi-légendaire, est également un homme divinisé. Né à Ankhtoué vers 2800 avant notre ère, il est un ami personnel du pharaon Djéser, ainsi que son premier ministre, l’administrateur du Palais et le chancelier royal de Basse Égypte. Il est aussi Grand prêtre d’Héliopolis et possède en conséquence d’immenses connaissances de son époque dans différents domaines comme la médecine, la magie, la philosophie, la littérature, la poésie, et l’astronomie. Considéré comme le fondateur de la médecine égyptienne et l’un  des plus grands médecins de l’Antiquité, on lui a attribué la rédaction du papyrus Edwin Smith. À la Basse Époque, il est divinisé en tant que fils de Ptah et de Sekhmet, et adoré comme un dieu guérisseur. Les malades viennent dormir dans les temples qui lui sont dédiés en espérant qu’il leur apporte la guérison durant leur sommeil. C’est aussi le dieu protecteur de l’âme des morts. Ses prêtres sont chargés de présider à l’embaumement des cadavres, ce qui leur permet d’acquérir d’importantes notions d’anatomie et de pathologie.

Plus spécifiquement en gynécologie, les Égyptiens font appel à Sobek et Min, dieux de la fertilité. Bès, divinité mineure, protège les femmes en couches, et Thoueris « la grande », symbole de la fécondité, préside l’accouchement et protège la santé de la mère et de l’enfant. On peut citer également Bastet. Cependant, tous les dieux égyptiens ne sont pas bienveillants. Seth, dieu le plus redouté, répand la terreur, des tremblements de terre aux épidémies. Sekhmet (à tête de lionne) est l’épouse de Ptah. Déesse du feu, elle personnifie les effets destructeurs du soleil. Puissante mais dangereuse, cette dernière est surnommée « celle devant qui le mal tremble ». Elle répand les épidémies dévastatrices, et ne les supprime que lorsqu’elle est apaisée.

Contexte sanitaire 

L’Égypte se révèle d’une salubrité étonnante pour l’époque, rendant ses habitants experts en hygiène corporelle et créateurs de la médecine préventive. Les témoins grecs et romains de l’époque en attestent dans leurs récits de voyage, tel Isocrate, qui parle du peuple égyptien en ces termes :

« De l’aveu de tous, les Egyptiens sont le peuple le plus sain et vivant le plus longtemps » 

Hérodote, quant à lui, déclare que « les égyptiens sont, après les Lybiens, les hommes les plus sains du monde ». L’origine de cette obsession est religieuse. En effet, selon le Livre des Morts des anciens Egyptiens, le défunt doit être « propre, vêtu de vêtements frais, chaussé de sandales blanches, peintes à la peinture des yeux, ointes de la plus belle huile de myrrhe » (chapitre 125) pour assurer son passage dans l’au-delà.

Le culte condamne l’impureté sous toutes ses formes. Toute défaillance dans l’intégrité des rituels d’hygiène pourrait offenser les dieux et les inciter à abandonner l’Égypte. Le manquement aux règles d’hygiène est donc interdit par la loi. Or, le climat semi-désertique ne favorise pas la propreté ; la poussière et le sable transportés par le vent se fixent sur la peau recouverte de sueur par la chaleur souvent caniculaire.(12) Les habitants prennent donc plusieurs bains par jour, dans le Nil pour la plupart ; seuls les plus aisés disposent d’une salle de bain. Pour laver la peau, on utilise des savons fabriqués en mélangeant de la graisse animale ou végétale avec du natron et de la craie ou du calcaire. (13) On se lave les mains, le visage et les pieds le matin, le soir avant de se coucher, et avant et après les repas. Ces bains sont toujours suivis de l’application d’une crème sur le corps, puis d’un maquillage, composé d’ocre et de bois de santal, sur le visage. Jusqu’au milieu de l’ancien empire, on met autour des yeux une pâte fabriquée avec des pigments moulus de malachite vert mélangés à de l’eau. Cette préparation a ensuite été remplacée par du khôl noir, produit à partir de la galène minérale(14) qui provient des régions montagneuses du Sinaï. Comme la plupart des Égyptiens marchent pieds nus, ils appliquent aussi une crème sur les pieds.(15) Ces cosmétiques sont utilisés non seulement pour embellir l’apparence, mais aussi par souci de santé, car les ingrédients utilisés dans ces onguents, huiles et crèmes ont contribué à protéger la peau et les yeux des effets néfastes du soleil(14) et des insectes. Ils sont utilisés par les hommes et les femmes de toutes les classes sociales. Les habitants les plus pauvres les fabriquent eux-mêmes. Les plus aisés utilisent des produits confectionnés par des professionnels qui prennent leur travail très au sérieux car leur réputation et leur passage dans l’au-delà sont en jeu. Les fabricants comptent donc sur les meilleurs ingrédients naturels et les méthodes de production les plus fiables pour assurer la qualité de leurs produits et ainsi ne décevoir ni les consommateurs, ni les dieux.(14,15) Les ongles sont manucurés. Le manucure du pharaon occupe d’ailleurs un poste très prestigieux, au point que ce soit précisé en évidence sur sa tombe. La plupart des hommes et certaines femmes se rasent les cheveux pour mieux supporter la chaleur et pour prévenir l’apparition de poux. Les hommes se rasent la barbe. Toutefois, ils se laissent pousser les cheveux et la barbe en cas de décès d’un proche, en signe de deuil.(16) Les enfants ont le crâne rasé à l’exception d’une mèche de cheveux qui sera coupée lors d’une cérémonie marquant le passage à l’âge adulte. Beaucoup portent des perruques. Elles sont faites avec des cheveux humains ou de la crinière de cheval. Les hommes comme les femmes se parfument. Le parfum le plus populaire et le plus connu, appelé le kyphi, est fait d’encens, de myrrhe, de mastic, de résine de pin, de cannelle, de cardamome, de safran, de genévrier, de menthe et d’autres herbes et épices. Il est cependant très coûteux et seuls les plus aisés peuvent se l’offrir. Des parfums moins chers et plus communs sont fabriqués à partir de fleurs, de racines, d’herbes et d’autres éléments naturels. (15) Concernant l’hygiène bucco-dentaire, les Égyptiens se montrent particulièrement modernes puisqu’ils utilisent quotidiennement du dentifrice et des brosses à dents. Le dentifrice a été inventé avant la brosse à dents, et la preuve de son utilisation remonte à la période prédynastique. Les ingrédients du premier dentifrice ne sont pas connus, mais une recette plus tardive consiste en un mélange de sel, de poivre, de feuilles de menthe et de fleur d’iris séchée. Mélangé à la salive, cela donne une pâte dont la texture est proche de celle de nos dentifrices actuels (15,17) La brosse à dents est au départ un bâton avec une extrémité effilochée. Plus tard, on utilise un bâton entaillé d’une encoche à laquelle sont fixés de fines bandes de papyrus. Pour avoir l’haleine fraîche, on suce des pastilles. Elles sont fabriquées en mélangeant du miel à de l’encens, de la cannelle, du melon, des graines de pin et des noix de cajou. La préparation est chauffée, puis laissée légèrement refroidir, et découpée en petits bonbons. Bien qu’efficaces pour rafraîchir l’haleine, ces pastilles très sucrées ont probablement favorisé l’apparition de caries.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. LES PATIENTS
A. Contexte religieux
B. Contexte sanitaire
C. Habitudes alimentaires
D. Etat buccodentaire de la population
1. Usure
2. Parodontites
3. Pathologies articulaires
4. Lésions carieuses
II. LE PRATICIEN
A. Système de soins
B. Formation
C. Législation et déontologie
III. LA MEDECINE BUCCO-DENTAIRE
A. Ecrits
B. Pharmacopée
C. Soins
1. Parodontie
2. Traitement des pathologies linguales
3. Odontologie conservatrice
4. Soins pour les femmes enceintes
5. Prothèse
6. Chirurgie
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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