La lumière, un nouvel outil d’aménagement

La lumière, un nouvel outil d’aménagement

Lorsque nous parlons de lumière, nous englobons à la fois la lumière naturelle et la lumière artificielle. Dans ce projet de fin d’étude, il ne sera question que de lumière artificielle qui sert, entre autres, à l’éclairage public. Une réflexion portant à la fois sur les deux types de lumière serait trop longue à mener dans le temps imparti pour cette recherche. De plus, comme les rythmes urbains changent [Lassave & Querrien, 1997] et qu’ « aujourd’hui, la vie investit progressivement tous les espaces de la nuit» [Gwiazdsinski, pour introduire l’atelier consacré aux temps de la nuit, initié par l’Association Tempo Territorial, 2003], il paraît important d’avoir une réflexion sur la nuit et par conséquent sur la lumière, l’un des principaux acteurs du monde de la nuit. Nous allons donc voir dans ce chapitre comment la lumière s’est progressivement imposée comme un outil d’aménagement – sans pour autant être complètement intégrée. Dans un second temps, nous verrons les potentiels de la lumière ainsi que les inconvénients qui en découlent.

De l’éclairage public à la « lumière urbaine » : un changement de vocabulaire traduisant un changement de conception

L’histoire de la lumière est longue et liée aux progrès techniques – de l’invention de la lanterne de Monsieur Bourgeois de Chateaublanc en 1744 à la LED en 2000 en passant par la découverte du principe de l’éclairage au gaz en 1791 et bien sûr l’électricité en 1878. L’histoire de l’éclairage public depuis son origine supposée en 1318 ne sera pas détaillée dans sa totalité car, d’une part, beaucoup d’auteurs la relatent dans leurs œuvres , et d’autre part cela n’apporterait pas d’informations capitales à ma recherche. Nous nous intéresserons uniquement à la seconde moitié du 20e siècle et au début du 21e siècle.

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’éclairage public, qui est à la charge des communes en coordination avec les conseils généraux et soutenues financièrement par l’Etat, se modernise avec des lampes à vapeur de mercure haute pression dans un premier temps, et avec des lampes à sodium haute pression dans un second temps, offrant une lumière orangée aux usagers. A partir de 1958, des guides de « bonnes pratiques » sont publiés par des organismes spécialisés (EDF, AFE et CIE) [Mosser, 2003]. Mais, cette modernisation est pensée de manière purement fonctionnelle. En effet, il ne faut pas oublier que l’Etat, durant les Trente glorieuses, met l’accent sur le logement et le transport. Les espaces publics ne sont aucunement leur souci, et ceux-ci sont donc pensés uniquement comme des espaces de circulation. Ainsi l’éclairage s’est développé quasi exclusivement autour de l’automobile. Les règles de l’art fournies par les guides étaient alors d’avoir une lumière répartie de manière uniforme avec un certain nombre de lumen par mètre carré suivant la hiérarchie des voies. Le résultat est une « uniformisation de l’éclairage urbain » [Deleuil, Toussaint, 2000] avec une lumière orangée et des candélabres en forme sphérique, couramment appelé « boule ». La conclusion fait dans les années 80 est que « l’éclairage est souvent le parent pauvre de l’aménagement urbain. Il est trop souvent conçu à la fin des opérations d’urbanisme et à partir d’une seule constatation : la mauvaise visibilité nocturne, source d’insécurité nocturne, source d’insécurité des déplacements motorisés » [CERTU & STU,1981].

Dans les années 1980, un tournant dans la manière de concevoir l’éclairage public s’opère grâce notamment à cette prise de conscience mais pas seulement. L’approche purement fonctionnaliste laisse place à une approche à la fois quantitative et qualitative. Les lampes à iodure métallique remplacent progressivement les lampes à sodium haute pression. Le lumen comme critère de base pour un bonne éclairage cède sa place à la luminance [Deleuil, 2005] qui détermine l’aspect lumineux d’une surface éclairée ou d’une source, dans une direction donnée et dont dépend la sensation visuelle de luminosité. Les hangements concernent d’abord les centres-villes qui sont mis en valeur à travers un « habit de lumière » pour leurs monuments historiques. Puis, la lumière va investir les espaces publics en général en portant plus ses objectifs sur le cadre de vie [Deleuil, 2005]. L’origine du tournant est mal définie. Comme le rappelle Sandra Mallet dans sa thèse, Sandra Fiori attribue ce changement à la juxtaposition de la nécessité de renouveler l’éclairage public dans un souci de concurrence entre les communes suite à la décentralisation, de l’apparition de nouvelles technologies et du changement de mode de vie [Mallet, 2009]. En effet, nous pouvons remarquer que ces changements de rythmes urbains évoqués précédemment ont également débuté dans les années 1980 : « Depuis une quinzaine d’années le temps urbain s’écarte de ces scansions massives, d’autant plus que les sociétés occidentales s’éloignent du modèle industriel et entrent dans l’ère des services » [Lassave & Querrien, 1997]. Pour Roger Narboni, ce sont l’éclairage de la Tour Eiffel par M. Bideau en 1986 et les concerts de J.-M. Jarre qui ont changé le regard porté sur l’éclairage [Mallet, 2009]. D’autre part, certains évènements survenus dans les années 1970 et 1980 ont peut être eu une répercussion sur l’éclairage public. Parmi les plus importants, nous pouvons citer les chocs pétroliers des années 1970 – premier choc pétrolier en 1973, second en 1979 – et la prise de conscience de notre impact sur la terre – rapport Brundtland de 1987. En tous cas ces évènements des années 1970 et 1980 sont toujours présent aujourd’hui et cela continue de modifier encore la manière de concevoir l’éclairage urbain.

Ce changement de conception de l’éclairage s’est accompagné d’un changement de vocabulaire. Les chercheurs préfèrent parler plutôt de lumière urbaine ou d’ambiance lumineuse que d’éclairage public et ceci pour marquer le changement. En effet, le vocabulaire alors utilisé était jugé « trop restrictifs, trop techniques, trop rationnels » [Mosser, 2003]. Ce changement de conception s’est également accompagné de l’apparition d’un nouveau métier : le concepteur lumière. La lumière est devenue un outil d’aménagement, d’ailleurs on parle dorénavant d’urbanisme lumière. Le dernier élément qui tend à montrer que la lumière est devenue progressivement une composante à part entière de l’aménagement est la création d’outils tels que le plan lumière ou le schéma directeur d’aménagement lumière (SDAL). Il faut tout de même noter que la plupart des nouveautés en matière de lumières urbaines ont été introduites par un seul homme, Roger Narboni. Néanmoins, depuis, plusieurs chercheurs se sont approprié ce sujet.

L’éclairage public, un domaine en marge ? 

La lumière est devenue un outil d’aménagement, mais nous sommes en droit de nous demander si cette substance est un outil reconnu dans l’urbanisme. C’est ce que nous allons tenter de savoir à travers plusieurs thématiques : la définition, les outils et les acteurs.

Très peu de définitions dans les dictionnaires spécialisés 

Depuis le début nous parlons d’éclairage public ou de lumière urbaine, cette notion est connue de tous mais quelle en est au juste sa définition ? Dans beaucoup de dictionnaires se rapportant à l’aménagement, les vocables « éclairage public » ou «lumière urbaine » ne sont pas définis à l’exception de celui de Pierre Merlin et Françoise Choay qui définit l’éclairage public comme « la diffusion de la lumière artificielle dans les lieux publics afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens, de prolonger les activités diurnes, d’embellir la ville et d’animer la ville » [Choay, Merlin 2000]. Que signifie cette absence de définition ? Traduit-elle un manque de considération de la part des spécialistes de l’aménagement ou l’évidence de cette notion ne rend pas indispensable sa définition ?

Pour la recherche nous retiendrons le vocabulaire « lumières urbaines » avec la définition qui suit : les lumières urbaines sont les lumières artificielles permanentes d’origine publique ou privée, présentes dans les espaces communs à des fins multiples. Parmi les différentes lumières urbaines, nous pouvons trouver les lampadaires et candélabres mais également les cabines téléphoniques, abris de transport public, publicités lumineuses, panneaux et plans indicateurs, feux de signalisation, etc. Dans les enquêtes faites par la suite auprès des habitants, seule la partie comportant les lampadaires et candélabres est considérée, car dans l’imaginaire collectif, l’éclairage public se réduit à cela – sondage préliminaire réalisé auprès des étudiants du département aménagement.

Des outils non légiférés mais utilisés 

Malgré le manque de définition, il existe bien des instruments qui prouvent l’utilité de la lumière dans l’aménagement. Ce sont les Schémas Directeurs d’Aménagement Lumière (SDAL), les Plans lumière ou encore les Chartes lumières. Le premier Schéma Directeur d’Aménagement Lumière fût créé en 1988 par Roger Narboni. Ce dernier a apporté une réflexion globale sur la lumière dans la ville, cependant, il pointe encore les problématiques associées à la lumière et au métier de concepteur lumière : « la profession ne réfléchit pas suffisamment. […], ceux qui apportent des questionnements et contribuent à la réflexion sont extérieurs à la profession avec des disciplines proches des nôtres, c’est-à-dire les urbanistes, les géographes, et un peu plus éloignés les sociologues » [Eohs-Poly’Gones, 2003]. Le parcours de Roger Narboni ne le destinait pas non plus à l’aménagement. Cet ancien diplômé des beaux-arts, détenteurs d’un DEA d’électronique, commença sa carrière comme plasticien-lumière. Malgré ses antécédents scolaires, il fût pionner dans l’aménagement lumière grâce entre autre à son Schéma Directeur d’Aménagement Lumière. D’ailleurs, depuis sa création, les SDAL se sont beaucoup développés sans pour autant être remis en question. Peut-être n’en ontils pas besoin ? Toujours est-il que malgré son succès, il n’a pas été formalisé par une loi ou une directive. Le SDAL n’est pas opposable au tiers. Ce manque de reconnaissance de la part de l’État laisse-t-elle transparaître un manque d’intérêt pour ce domaine ?

Si l’on regarde du coté de la législation concernant l’éclairage public, il règne plutôt un flou. Les règles sont principalement axées sur la sécurité et les normes des appareils eux-mêmes. Avec le Grenelle Environnement, il pourrait y avoir des objectifs de consommation à atteindre à confort d’éclairage et à sécurité égale.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 Cadre général de la Recherche
1. La lumière, un nouvel outil d’aménagement
a) De l’éclairage public à la « lumière urbaine » : un changement de vocabulaire traduisant un changement de conception
b) L’éclairage public, un domaine en marge ?
c) La lumière, un objet d’aménagement avec plusieurs finalités à accorder
d) La lumière : des solutions peut-être, des nuisances sûrement
2. La rénovation urbaine
a) Renouvellement urbain, rénovation urbaine ou réhabilitation ?
b) Des opérations habitat et vie sociale à la rénovation urbaine : histoire de la vie de la politique de la ville
c) Un programme inscrit dans la continuité mais des changements prévus.
3. De l’espace public à l’espace commun
a) L’espace public : une pluralité de définitions.
b) Espace public – espace commun, quelles différences ?
c) Les espaces communs : des formes, des usages, des usagers
d) Les espaces communs dans les grands ensembles et ses lumières urbaines
Partie 2 Du sujet à l’objet de recherche : mise en place d’une problématique
1. Existant en matière de recherches sur les lumières urbaines des quartiers sensibles
2. Problématique et hypothèses
3. Méthode d’investigation
a) Définitions préalables
b) Lecture des différents textes sur la prescription de l’éclairage
c) Enquêtes de terrain
d) Entretiens des acteurs clés
e) Observation
Partie 3 Analyse et Résultats
1. Présentation générale des terrains
a) Le quartier Europe-Chateaubriand à Tours
b) Les quartiers Grand Parc et Belles Portes à Hérouville Saint-Clair
c) Le contexte socio-économique des 3 quartiers
2. La présentation de la rénovation des quartiers
a) Le quartier Europe-Chateaubriand à Tours
b) Les quartiers Belles Portes et Grand Parc à Hérouville Saint-Clair
3. Présentation des lumières urbaines
a) Le quartier Europe-Châteaubriand à Tours
b) Les quartiers Belles Portes et Grand Parc à Hérouville Saint-Clair
4. Analyses et résultats
a) Les limites de l’étude
b) Changement de représentation et lumières urbaines
c) La pratiques des habitants
5. Pour aller plus loin : le rapport des concepteurs aux quartiers sensibles
a) Le vandalisme
b) L’éclairage et le paysage « naturel »
c) Le développement durable
Conclusion
Bibliographie

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