La Louisiane, des identités culturelles forgées à travers des migrations

Les théories de l’ethnologue

Notre travail se situe dans le cadre d’une étude historico-anthropologique. Nous avons, pour le moment, présenté l’historique de notre terrain de recherche : la Louisiane. Les Cadiens et les Créoles ont aussi été abordés. Cependant nous n’avons pas encore présenté le cadre théorique de notre recherche et c’est ce que nous souhaitons réaliser dans cette partie. Quelles est notre démarche anthropologique ?

Le cadre anthropologique de la recherche

Lorsque nous aborderons notre matière, nous parlerons d’Anthropologie parce qu’il s’agit de l’étude de l’homme et que c’est aussi le terme utilisé dans les recherches étasuniennes. Cependant il se peut que nous utilisions parfois le terme Ethnologie, car c’est celui qui nous a été enseigné durant notre formation en France. La différence entre ces deux dénominations repose sur le pays de provenance du chercheur. Le terme Ethnologie est principalement utilisé par les chercheurs français, mais il fait référence à l’étude des ethnies, alors que la discipline ne se limite plus à ce type de travail. C’est pour cela que la majorité des chercheurs préfèrent désormais le terme Anthropologie. Notre discipline d’origine est donc l’Anthropologie et c’est dans ce cadre que nous souhaitons inscrire cette recherche. Toutefois il nous semblait crucial de donner à ce travail un aspect historique, comme nous l’avons fait plus haut. L’objet de notre recherche, l’identification d’une population à travers la musique Zydeco, est indissociable de l’histoire qui a construit la Louisiane. C’est pour cela que nous souhaitons établir dans ce travail un dialogue entre les deux disciplines. Mais pour ce qui est de l’aspect anthropologique, nous souhaitons nous inspirer principalement des courants de l’Ecole américaine. Les chercheurs étasuniens ont joué un rôle important dans le développement de l’Anthropologie. Nous pensons ici bien sûr à Franz Boas ou encore à Margaret Mead qui, de par leurs travaux sur la culture,nous seront d’une grande aide. Les chercheurs de l’Ecole de Chicago sont également incontournables pour le type de travail que nous voulons réaliser ici. Nous souhaitons, dans un premier temps, nous inspirer du diffusionnisme américain. Ce courant, qui a pour premier mérite d’avoir su faire évoluer la discipline anthropologique hors de la vieille idée, largement dépassée, de l’évolutionnisme, nous paraît tout particulièrement intéressant pour étudier la Créolité en Louisiane. Nous nous concentrerons ici sur le courant américain du diffusionnisme ; en effet, il nous paraît suffisant dans un premier temps, de nous concentrer sur cet aspect d’une pensée anthropologique pour éviter toute dispersion qui serait un frein à notre travail. L’Ecole américaine du diffusionnisme est un courant relativement modéré qui utilise un concept central, celui d’ « aires culturelles ». L’élaboration de ce concept s’est faite lors de l’étude des groupes amérindiens d’Amérique du nord. Il a été observé que certains traits culturels communs pouvaient se retrouver chez des groupes voisins dans l’espace géographique. Par « traits culturels », nous entendons à la fois des aspects de culture matérielle, comme bijoux ou vêtements, mais aussi certains aspects de culture immatérielle, comme des croyances ou des rituels. Néanmoins, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la population que nous appellerons ici de référence, certains traits culturels disparaissent et sont remplacés par d’autres. Selon Wissler, les groupes amérindiens peuvent alors être réparties et classés selon leurs traits communs dans des aires culturelles. « Wissler montra, en outre, que les montagnes, les océans et les déserts n’étaient pas des obstacles à la diffusion de traits culturels » . Cette théorie nous semble relativement intéressante pour l’étude de la population créole de Louisiane. Cette dernière partage un certain nombre de traits culturels communs avec les populations présentes en Haïti, mais aussi sur d’autres îles de la Caraïbe. Car c’est bien là que nous plaçons notre « aire culturelle ». Nous partons du postulat que la Caraïbe est un espace culturel commun dans lequel se trouve la population que nous étudions et où une culture s’est diffusée. Nous ne sommes pas les premiers à utiliser ce postulat, et il est même relativement reconnu aujourd’hui comme un fait. Ce qui nous semble intéressant à souligner ici, c’est que la population qui a fui Saint-Domingue s’est installée non seulement en Louisiane mais aussi dans d’autres zones de cet espace Caraïbe et même sur la côte atlantique des Etats-Unis. La culture qui s’est diffusée ainsi, est elle-même entrée en contact avec d’autres aires culturelles qui ont, à leur tour, adopté certains aspects de cette culture, et c’est ce qui s’est passé en Louisiane. Les populations cadiennes et créoles ont adopté des traits culturels communs, en raison du fait qu’ils se trouvaient dans un même espace géographique. Ces traits culturels, nous en étudierons certains,notamment en ce qui concerne la musique, et nous verrons alors que la musique cadienne et la musique créole s’inspirent l’une de l’autre.
Ce courant, le diffusionnisme, a permis une démocratisation du concept de culture. Mais pour aller plus loin dans notre réflexion, nous souhaitons aussi nous inspirer d’un autre courant : le culturalisme. Ce courant, qui vient directement d’une filiation avec Franz Boas, va se concentrer sur l’étude des personnalités. Ce sont deux disciples de ce dernier qui seront les plus reconnus grâce à ce courant : Margaret Mead et Ruth Benedict. Elles vont toutes les deux permettre d’approfondir la recherche anthropologique à travers ce concept de culture.

Principaux concepts

Ainsi, nous nous positionnons dans cette droite lignée des anthropologues issus de l’école de Chicago. Ils vont nous aider à définir un des concepts-clefs de notre recherche, celui d’identité. Cette dernière est au cœur de notre questionnement de départ et nous avons déjà plusieurs fois abordé la question de l’identité créole. Mais comment peut-on appréhender ce concept ?
Le mot « identité » est utilisé par l’ensemble des sciences sociales. Il désignerait d’abord un fait de conscience qui différencie les individus entre eux et, ensuite, les attributs d’un groupe qui lui confère une spécificité. Il est par ailleurs utilisé selon différentes échelles sociales. Utilisé parles ethnologues et les historiens, il tend à se confondre avec une acception large du mot « culture » qui renverrait à une identité collective large : ethnique, régionale et nationale.Dans le cadre des théories culturalistes, la culture et l’identité sont effectivement deux concepts relativement proches. Pour notre part, nous parlerons d’identité créole en faisant le postulat que cette identité est une réalité. Mais cela pourra effectivement être discuté, car la frontière entre plusieurs identités n’est pas forcément quelque chose de tangible, comme dans le cas qui nous occupe, entre identité cadienne et créole. Malgré cela, l’identité culturelle (puisqu’il s’agit de ce qui nous intéresse) se forme autour de symboles communs à la collectivité. Ces symboles sont des repères qui permettent aux individus de s’identifier. Nous allons ici prendre un exemple. Un des symboles les plus utilisé par les populations est celui de l’étendard, du drapeau. Chaque pays possède son drapeau, et ce symbole est souvent repris par des identités intra-nationales. Avec le renouveau de la culture française en Louisiane, les Cadiens se sont retrouvés autour d’un drapeau ; les Créoles ont fait de même.

Identités et Musiques

« On a trouvé le paradis. Dedans le sud de la Louisiane » . Cette chanson, qui a été considérée par certains comme l’hymne louisianais, va nous aider à pénétrer dans le cœur de notre sujet. Nous allons à présent nous pencher sur notre hypothèse de départ et chercher à savoir si la musique Zydeco reflète une identité, qui serait alors celle de la population Créole de Louisiane. Nous devons rappeler que ce travail se situe dans un objectif plus large. Effectivement, nous avons construit cette recherche comme le point de départ d’une recherche plus importante, qui se traduira par une enquête de terrain réalisée en Louisiane. Il s’agit ici de définir les populations étudiées et d’appréhender la culture musicale de cet Etat. Nous interrogeons la musique Zydeco dans ce but. Le travail qui suivra cette première recherche aura pour objectif, d’étudier la musique Zydeco et de savoir si elle est un vecteur (au sens figuré du terme : qui véhicule, qui transmet) de l’identité créole. Pour cela, nous interrogerons le point de vue des amateurs de Zydeco de manière plus globale. Mais nous présenterons ce projet dans notre troisième partie. Nous allons réaliser ici une étude de textes d’artistes Zydeco – nous reviendrons sur cette catégorisation qui peut apparaître comme arbitraire dans la présentation de notre travail. Nous chercherons dans ces textes des indices qui pourraient nous permettre de dresser des hypothèses de la présence d’une identité créole dans ce genre musical. Cependant nous devrons nuancer nos observations qui ne resteront qu’au stade d’hypothèses, dans le but d’être confirmées ou infirmées par notre future enquête de terrain. Dans un premier temps, nous allons chercher ici à présenter le paysage musical de Louisiane, pour introduire le Zydeco, puis nous étudierons son possible lien avec le concept de Créolité. Tout cela dans le but d’introduire notre étude de textes et la définition de nos hypothèses de recherches. Mais pour débuter, cherchons à comprendre ce qu’est le Zydeco.

Un genre musical : le Zydeco

Qu’entendons-nous par « genre musical » ? Selon nous, un genre musical est un ensemble de pratiques assez proches qui permettent de regrouper différents artistes dans une classification. C’est un outil pratique pour le chercheur, mais nous ne défendons en aucun cas la stricte véracité de cette catégorisation. La musique est un objet culturel qui permet une identification de ceux qui l’écoutent avec ceux qui la pratique. Les musiques traditionnelles d’Europe et même du monde ont souvent occupé ce rôle. C’est pour cela que le Zydeco nous a semblé être un angle intéressant pour débuter une étude de la population créole de Louisiane.
Mais ce genre musical, comme nous le définissons, n’est pas le seul en Louisiane et n’est d’ailleurs par le seul qui contienne une part de culture française. La musique est, elle-aussi, comme la francité, indissociable de l’Histoire de cet Etat. Le Zydeco fait partie d’une famille plus large que Sara Le Menestrel appelle la French Music.

La French Music en Louisiane

Il existe une prolifération de genres musicaux en Louisiane, et beaucoup sont issus d’une culture française. Il s’agit de la French Music. Ce terme n’est pas le nôtre et lui aussi pourrait être discuté, du fait que certains musiciens de French Music chantent des textes en anglais et peuvent n’avoir que très peu de liens (voir aucun) avec la francité. Cependant dans la majorité des cas, ces musiques contiennent une part de francité et beaucoup de textes sont en langue cadienne ou créole, donc francophone. Avec le renouveau francophone des années 1960 et la démocratisation de la musique par sa diffusion sur les ondes radios, les Cadiens ont été parmi les premiers, dans cette catégorie de French Music, à se faire entendre. La musique cadienne, en effet, est aujourd’hui relativement connue dans le monde de la francophonie. Elle a aussi constitué un formidable atout touristique pour la Louisiane avec le développement de nombreux événement : festivals, concerts. Beaucoup de non-Louisianais se sont alors attribués ce genre musical, l’ont apprécié et ont donc permis son développement. A l’origine, la French Music relevait de la tradition. Il s’agissait de musique jouée dans les bals des communautés cadiennes ou créoles, les fais-dodo, pour célébrer la fin de semaine. Les instruments utilisés étaient essentiellement le violon (fiddle : violon pour musique traditionnelle), le piano et la guitare.
L’accordéon, pour sa part, deviendra incontournable, mais il n’arrivera qu’à la toute fin du XIXe siècle, apporté par des immigrés d’origine allemande. La rythmique quant à elle, était battue avec les mains ou marquée par le Washboard, un instrument né du détournement d’une planche à laver le linge, et qui peut être raclée pour en obtenir un son rythmé très apprécié dans le Sud des Etats-Unis. On jouait alors principalement des marches (le rythme est marqué avec des claquements de mains ou de pieds sur le sol), des jurées (des chants a capella qui peuvent être religieux ou profanes) et des ballades ou des chants rituels pour les fêtes. A la fin des années 1930, La Nouvelle-Orléans accueillit de nombreux magasins d’instruments de musique qui démocratisèrent d’autres genres musicaux. Et la French Music s’inspira alors de ces nouveautés.

Le Zydeco

Nous avons donc pu observer que la French Music s’était construite grâce à l’apport de plusieurs communautés et de plusieurs genres musicaux. Si la musique semble avoir toujours été là pour rythmer la vie des habitants du sud de la Louisiane, ce n’est qu’à partir des années 1950 qu’elle va commencer à inonder les disquaires du monde entier. Avec la mise en valeurs de la musique cadienne, les Créoles vont, eux-aussi, chercher à promouvoir leur longue tradition musicale. Le Zydeco, pour sa part, est un genre relativement récent car il vient de l’électrification de la musique créole traditionnelle. Son nom viendrait d’une expression qui aurait été au cœur d’une des premières chansons. Le Zydeco serait issu de cette phrase : « les haricots sont pas salés » qui veut dire que les temps sont tellement difficiles que l’on n’a même pas de quoi mettre du sel dans les haricots avant de les manger. Le terme « Haricot » prononcé « Zarico » serait devenu le Zydeco. Il n’existe, bien sûr, pas de preuve de l’origine de cette appellation, mais cette histoire est en général relatée par tous les universitaires s’étant penchés sur le sujet. Cela serait alors une musique des gens pauvres et d’une population de couleur. Car avec la ségrégation, les gens de couleurs souffraient relativement plus des difficultés économiques.

L’enquête

Ce travail étant la première étape d’une enquête de plus grande ampleur, nous nous fixons ici des objectifs réduits. Nous formulerons des hypothèses qui, pour la plupart, devront être confirmées par l’enquête de terrain qui se déroulera en Louisiane.

Problématique de la recherche

Il est important pour le chercheur en sciences humaines de suivre un protocole relativement strict durant son enquête, au risque d’être accusé de formuler des idées préconçues. Nous allons présenter ici le mode opératoire de notre enquête. Rappelons tout d’abord notre questionnement de départ : le Zydeco est-il un reflet de l’identité culturelle Créole ? Pour tenter de réponde à cela, nous avons décidé de sélectionner un corpus de vingt-trois chansons. Cette sélection est relativement arbitraire ; cependant, elle a été réalisée selon des critères précis. Nous avons premièrement sélectionné des artistes Zydeco. Pour définir s’ils appartenaient à ce mouvement, nous nous sommes imposé plusieurs consignes. Dans un premier temps, nous nous sommes concentrés sur l’auto-identification des artistes. Ces derniers choisissent parfois d’afficher volontairement ce terme dans les titres de leurs chansons ou même parfois dans leur nom de scène. Dans ce cas, nous avons estimé, au vu de leur détermination à s’afficher comme artiste de Zydeco, que nous n’étions pas en mesure de les contredire. Mais tous les artistes n’utilisent pas directement le terme Zydeco, ou du moins d’une manière aussi visible. Dans un second temps, nous avons sélectionné les artistes que d’autres chercheurs ont classés dans le genre Zydeco. Il s’agit des chercheurs qui nous ont servi à construire ce travail tel que Sara Le Menestrel ou encore Robert Sacré. Les classifications de ces derniers nous semblent intéressantes à retenir de par leur grande connaissance de la musique louisianaise. Encore une fois, cependant, nous ne prétendons pas à l’exhaustivité de cette liste, et il est certain qu’un grand nombre d’artistes n’y sont pas représentés. Puis dans un troisième temps, notre sélection a aussi été réalisée en prenant en compte le fait que la musique évolue avec le temps. C’est-àdire que nous avons choisi des artistes de la scène musicale actuelle, mais aussi des artistes qui furent les premiers reconnus comme musiciens de Zydeco, ainsi que certains plus anciens, considérés comme les ancêtres du genre. Cependant nous avons pu observer précédemment que les frontières entre les genres musicaux louisianais sont difficiles à tracer ; il est donc possible et même probable que certains de ces artistes aient aussi pratiqué d’autres genres musicaux et puissent être retrouvés dans d’autres classifications.
Nous avons, chaque fois, sélectionné une ou plusieurs chansons de chaque artiste en fonction du contenu de leurs textes et du rapport à la notion d’identité qui nous intéresse dans ce travail et qui n’est pas présente dans toutes les chansons Zydeco. La quantité de chansons sélectionnées n’est pas la même pour chaque artiste car nous sommes dépendant des textes qui sont disponibles sur le site internet et qui ont été transcrits. Nous avons donc dû nous adapter et utiliser toutes les chansons utiles à notre enquête. En effet, et nous reviendrons sur cela par la suite, la grande majorité des textes de Zydeco (et il en est de même pour la musique cadienne) sont des chansons d’amour que nous avons délibérément choisi d’éliminer pour une grande partie de notre sélection afin de nous concentrer sur les aspects identitaires de ces textes. Malgré tout, certaines chansons sélectionnées relèvent encore du registre sentimental. Pour ce qui est des transcriptions des textes, nous ne l’avons pas réalisé nous-même, mais nous les avons obtenues sur un site internet spécialisé . Nous estimons, en effet, ne pas avoir encore l’oreille suffisamment exercée pour réaliser ce genre de travail. De plus, certaines chansons sont relativement difficiles à trouver pour écoute et cette page internet nous a donc été d’une grande utilité. Il faut préciser que ces transcriptions sont réalisées, pour la plupart, par des amateurs, mais la valeur de leur transcription n’est pas à dénigrer. Nous avons délibérément choisi de ne pas corriger les textes et de les laisser tels quels. Les langues françaises créoles et cadiennes n’étant écrites que depuis très récemment, nous estimons que ce que nous pourrions prendre pour des fautes de français peut relever de l’évolution de la langue depuis 300 ans hors de France. De notre point de vue anthropologique, ce serait faire preuve d’un ethnocentrisme exacerbé que de corriger ces textes alors que nous-même, nous n’avons pas la connaissance technique de ces langues. Tous les textes dont nous parlerons sont disponibles en annexe de ce travail. Ils ne sont pas tous de la même longueur : le Zydeco est avant tout un genre instrumental, c’est pour cela que certains textes ne sont composés que d’un refrain ou d’un couplet, il n’existe pas de norme à respecter. Nous devons préciser que les textes sont pour la grande majorité, écrits par les artistes qui les chantent, cependant il est difficile de s’assurer de la paternité de chaque chanson et il reste possible que certaines soient des reprises. Malgré cela lorsque les artistes reprennent des grands classiques, comme le fait Cedric Watson qui reprend Dedans le sud de la Louisiane, ils réécrivent une grande partie des paroles, ce qui nous permet donc de les considérer pour notre enquête.
Les artistes sélectionnés sont les suivants :
 Amédée Ardoin (1898-1941). Il s’agit d’un musicien créole dont nous avons déjà parlé. Il est considéré par beaucoup comme l’un des ancêtres du Zydeco ; c’est d’ailleurs pour cela que nous l’avons sélectionné ainsi que deux de ces textes : La valse des chantiers pétrolipères et la valse de Opelousas.

Présentation des résultats

Tous les textes dont nous allons parler sont disponibles en annexe de ce travail. Nous avons donc cherché dans les chansons, que nous avons identifiées comme relevant du genre Zydeco, des empreintes de culture créole. Pour cela nous avons sélectionné plusieurs thèmes qui sont relativement récurrents dans ces textes. Cette méthode part du postulat que la culture créole se diffuserait à travers des termes évoquant la société dans laquelle vivent les populations créoles de Louisianes. Les hypothèses que nous allons relever ici devront être réexaminées à la lumière de notre future enquête de terrain. Nous avons identifié sept thèmes qui relèvent, selon nous, de la culture créole louisianaise. Ces thèmes nous les avons sélectionné car ils sont révélateurs de la culture au sens anthropologique : qui « sert à désigner l’ensemble des activités, des croyances et des pratique communes à une société ou à un groupe social en particulier ».
Nous les avons intitulés comme suit : l’aspect racial, la géographie, l’histoire, la langue, l’art de vivre, le Zydeco et les chansons d’amour. Notre démarche consistera à présenter le thème, lister les références qui y sont faites dans notre corpus, puis dresser des hypothèses. Nous devons garder en mémoire que ces traits culturels, que nous allons identifier comme relevant d’une certaine créolité, peuvent, bien souvent, être aussi associés à la culture cadienne.

L’aspect racial

Ce thème est l’un des plus difficiles à traiter, mais il est omniprésent dans les textes ; il était donc impossible de passer à côté. Nous allons ici utiliser des termes issus de la langue créole ou qui sont le reflet d’une traduction que nous qualifierons de populaire de la langue anglaise.
Il ne faut pas que le lecteur associe l’idée de race au sens biologique du terme à nos propos. Cependant les catégorisations aux Etats-Unis utilisent le terme race et s’il est utilisé ici, ce sera à l’image de ce qui se fait dans la pensée étasunienne. L’aspect racial est présent dans les textes étudiés par l’utilisation du mot « nègre » souvent écrit comme il est prononcé « neg’ ». Ce mot, qui présente une connotation raciale, est utilisé à la fois par des musiciens blancs et des musiciens noirs. C’est une appellation affectueuse faite entre gens d’une même race. Boozoo Chavis ponctue le refrain de Motor Dude special par le vers « Oh Oh Bye mon neg ». Geno Delafose, pour sa part, intitule une chanson de même. Dans C’est la vie, Cedric Watson écrit « Si toi tu plantes une mauvaise graine, mon nègre, tu recevras une mauvaise herbe, mon nègre. Et si tu caches dedans là, mon nègre, ça va tomber dessus le bout de ton nez ». Cette appellation est utilisée avec un possessif, que nous n’interprétons pas comme relevant d’une propriété (esclavage), mais plutôt comme une façon de surnommer affectueusement une personne. Cette appellation est aussi utilisée par des personnes blanches comme le groupe Feufollet qui termine un vers ainsi : « Dit bye bye chère maman, fait pas ca avec ton neg’ » ou encore Zachary Richard qui dans sa chanson Pauv’ tit’ neg’ évoque l’histoire d’un jeune garçon pauvre vivant à La Nouvelle Orléans. Que ces textes soient composés par des musiciens noirs ou blancs ne nous importe pas réellement. Nous avons vu plus haut que la séparation Noirs/Blancs était relativement récente en Louisiane et difficile à appliquer aux Créoles. Cependant la récurrence de cette appellation nous conduit à penser que ces chansons visent un certain public. Nous formulons alors l’hypothèse que la population créole de couleur s’identifie dans ces textes au personnage ainsi surnommé. Cette désignation permet de réduire la distance entre le texte et celui qui l’écoute. Les spectateurs deviennent « mon neg’ » ou encore « pauv’ tit’ neg’ » sans que ce terme soit le reflet d’une opposition de race. L’identification au terme se ferait pour la population créole de couleur qui s’identifie aux personnages des textes et peu lui importe que l’auteur soit lui-même de couleur ou Blanc. Cette hypothèse nous permet aussi d’envisager que des personnes de couleur non-créoles puissent s’identifier aux personnages présents dans ces chansons. C’est ce que précisait plus haut un témoignage qui disait que Clifton Chenier avait apporté le Zydeco à une communauté plus large que les seules Créoles ; ici nous pouvons suspecter une identification d’Afro-Américains à des personnages racontés dans des chansons Zydeco.

Les chansons d’amour

Il existe un nombre important de chansons d’amour dans le répertoire Zydeco. Alors que nous avons pris soin de les limiter dans notre corpus, il a été impossible de totalement les en exclure. La majorité des chansons font référence à des histoires d’amour et il en est de même dans les textes d’auteurs cadiens. Cette prolifération de chansons d’amour nous porte à croire que les Créoles s’identifient comme un peuple relevant d’un certain romantisme (un comportement sentimental, passionné). Il peut exister plusieurs raisons à cela. La langue française porte une connotation romantique, et il se peut que les langues créoles et cadiennes portent la même connotation. Mais une autre explication nous semble intéressante à creuser.
Nous avons vu que les populations cadiennes et créoles partagent un certain nombre de traits culturels et de références communes. Une de ces références relève tout particulièrement du romantisme. Il s’agit du poème de Henry W. Longfellow : Évangéline . Ce poème, que nous avons déjà évoqué plus haut, présente une belle histoire d’amour, dont le dénouement est tragique. L’auteur parle de la population acadienne, donc des ancêtres de Cadiens. Cependant nous émettons l’hypothèse que les cultures cadiennes et créoles, partageant un grand nombre de références culturelles, ont toutes les deux adopté cette histoire. Evangéline représente les Cadiens comme un peuple romantique, et ces derniers ont adopté cette histoire à la manière d’un mythe fondateur. A tel point qu’il existe en Louisiane une commune nommée Evangéline.
Les Créoles ont alors fait de même et le romantisme que nous retrouvons dans nombres de chansons Zydeco serait selon nous une conséquence de l’identification de cette population à cepoème. On peut avancer d’autres explications quant à la récurrence des chansons d’amour dans le répertoire de la French Music louisianaise. En effet il s’agissait de chansons destinées à êtrejouées dans des bals, donc sur des lieux de rencontre des populations où pouvaient se nouer defutures alliances. Ces bals étaient des évènements très importants dans les espaces ruraux car les alliances permettaient de renforcer le pouvoir économiques des familles. On se mariait en fonction de ce que l’autre parenté pouvait nous apporter. Les histoires d’amour étaient donc un sujet de préoccupation majeur dans les campagnes et les textes de chansons pourraient refléter cela.Nous venons donc de relever certains aspects des textes Zydeco, que nous identifions comme des empreintes culturelles créoles. Nous avons formulé quelques hypothèses que nous allons à présent mettre en ordre pour tenter de répondre à notre problématique. Ces postulats vont nous aider à construire notre future enquête de terrain.

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Table des matières
Introduction
I. La Louisiane, des identités culturelles forgées à travers des migrations
A. Histoire de la culture française
1. La naissance d’une colonie
2. Les Cadiens
3. Les Créoles de Louisiane
B. Créolité
1. Être Créole
2. La Créolité
3. La Créolité en Louisiane
C. Les théories de l’ethnologue
1. Le cadre anthropologique de la recherche
2. Principaux concepts
II. Identités et Musiques
A. Un genre musical : le Zydeco
1. La French Music en Louisiane
2. Le Zydeco
3. Créolité et Zydeco
B. L’enquête
1. Problématique de la recherche
2. Présentation des résultats
III. Analyse et projet 
A. Analyse des résultats
1. La race
2. La filiation sociale
3. La localisation
B. Projet d’enquête
1. Le sujet
2. Déroulement de l’étude de terrain
3. Objectifs
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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