La légitimité des processus de participation publique

La légitimité des processus de participation publique

Selon (Craps et al, 2003), les fondements du principe de participation du public dans le domaine de la gestion d’une ressource commune (telle que l’eau) sont à rechercher dans les limites des deux modèles de gouvernance dominants : le modèle de gestion centralisée (« topdown ») (Ingles et al, 1999) et le modèle de gestion libérale, qui s’appuie sur les forces du marché pour s’adapter au changement social en minimisant l’intervention des gouvernements. Ce processus participatif répond aux attentes du public en matière de légitimité des processus décisionnels et accroît l’efficacité des décisions retenues et des actions entreprises (Craps et al, 2003). Q’entend-t-on par légitimité et efficacité des processus décisionnels ? Un processus de décision ouvert et transparent est reconnu comme légitime par les parties prenantes à partir du moment où il existe une certaine reconnaissance par le citoyen de l’exercice de ce pouvoir public. Ce principe de légitimité sous entend également un processus d’appropriation. De plus, la valeur d’une intervention publique se mesure par les avantages qu’elle apporte à la collectivité, en s’assurant que les coûts ont été minimisés (cette technique d’évaluation est connue sous le nom d’Analyse Coût-Avantage, ACA). Ainsi, l’efficacité d’une politique de gestion du risque d’inondation se mesure par la réduction de la vulnérabilité, démarche centrale des politiques de prévention du risque d’inondation actuelle, qui représente une réelle marge d’efficacité. Il semble évident alors que l’intégration des parties concernées directement ou indirectement par le risque d’inondation dans les processus décisionnels est un gage d’acceptation et de reconnaissance de la politique publique mise en œuvre. La mise en œuvre pratique de ces changements de gouvernance, demeure un réel défi dans le domaine de la limitation de la vulnérabilité du risque d’inondation. Parmi les difficultés, on note le manque de temps, de moyens mais aussi et surtout un défaut de savoir faire des autorités en charge de ce processus. Il est fréquent que, en ce qui concerne le risque d’inondation, les autorités compétentes mobilisent quasi exclusivement le savoir des experts et des scientifiques comme base de leurs programmes d’actions, pour ensuite se contenter de les faire « valider » par la population, via une consultation purement formelle. En France, cette validation formelle peut être obtenue par  par une enquête publique, qui s’impose à tout projet ayant des répercussions sur l’environnement et qui donne à toute personne le droit de s’exprimer par écrit sur ce qui est programmé. Dans les faits, la population participe très peu à ces enquêtes publiques ; quand elle intervient, ses avis n’ont pas ou ont très peu d’effet sur un projet déjà « bouclé », si bien que ces consultations n’empêchent pas l’émergence d’une opposition assez forte et organisée pour bloquer la réalisation des travaux programmés (Blatrix, 1996).

C’est le cas par exemple de l’association « Danger », qui couvre le territoire du Val de Bréhémont (en Indre et Loire), qui s’est mobilisée contre les procédures étatiques imposées et non négociables. Ce processus est typique d’une population qui n’a pas été concertée lors de prises de décisions concernant le risque d’inondation, alors tant qu’ils n’auront pas l’impression d’être écoutés, ils continueront leur action militante forte. Une évolution est observée dans les pays du nord de l’Europe, où la participation est entrée depuis longtemps dans l’élaboration des politiques de l’eau, comme c’est le cas au Pays-Bas. On note un déplacement de la concertation vers le début du processus, avant même que les différentes options soient établies, afin d’ajuster ces dernières aux seules situations où les intérêts publics rejoignent ceux des groupes concernés (situation gagnant – gagnant, « winwin situation ») (De Vries, 1997).

Mais cette participation aux processus décisionnels liés à la limitation de la vulnérabilité est trop souvent négligée. Les populations affectées sont considérées comme des victimes, ce qui entraîne de fausses idées. En effet, cela sous-entend une connotation de dépendance des personnes affectées. Ainsi, on ferme les yeux sur leurs propres capacités et leurs stratégies personnelles. Pourtant les avantages d’une mobilisation de la population riveraine d’un fleuve sont nombreux. Tout d’abord, via la participation publique, tous les milieux confondus peuvent apporter leur compétence sectorielle et leur connaissance du terrain pour révéler tous les aspects d’un problème à résoudre. Dans un contexte où la complexité des processus est de plus en plus grande, le milieu politique ne peut seul maîtriser la connaissance des phénomènes. Un bon exemple est la discussion autour de la mise en œuvre de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE ou Directive 2000/60/CE du Parlement Européen et du Conseil de l’Europe du 23 octobre 2000 établissant le cadre d’une action communautaire dans le domaine de la politique des eaux). En effet, cette directive est issue de 5 longues années de négociations et de discussions entre un vaste panel d’experts, de parties intéressées et de responsables des politiques. Le concept central de la DCE est l’intégration qui est vue comme la clé de voûte de la gestion de la protection des eaux dans les districts hydrographiques. On ne citera ici que l’exemple de l’intégration des parties intéressées et de la société civile dans les prises de décision en promouvant transparence et information du public et en offrant une opportunité unique d’impliquer les parties intéressées dans l’élaboration des plans de gestion des districts.

De plus, la décision politique, basée sur des accords sociaux, aura beaucoup plus d’efficacité dans sa mise en œuvre si elle intègre les préoccupations de la population cible. En effet des décisions prises sans consultation préalable de la population peuvent susciter une résistance de la société, ce qui les rend inopérantes. On en revient à un des inconvénients souvent mis en avant de la participation publique : celui du rallongement des délais des procédures. Mais l’absence de concertation entraîne des blocages qui eux aussi impliquent un délai supplémentaire pour la mise en œuvre d’une décision ; et de plus ce blocage est le plus souvent vecteur de conflits, image d’une population qui ne supporte pas la décision. Ainsi, il semble pertinent de se poser la question de l’enjeu de la participation du public dans la réduction du risque d’inondation. Enfin, le débat qui aura eu lieu est en lui-même un acte d’éducation à la démocratie car il permet d’élargir la conscience politique des participants, de les inciter au dialogue, de leur faire acquérir une culture de la participation. Tout cela contribue à constituer un champ intermédiaire entre le citoyen et l’Etat, et pour ainsi dire une autre répartition des pouvoirs. Cela peut donc constituer un rempart contre des dérives étatiques autoritaires.

La problématique spécifique de la participation publique dans la limitation du risque d’inondation 

Pour bien comprendre les avantages et les limites de l’implication des riverains du fleuve dans la limitation du risque d’inondation, il est nécessaire de définir la notion de risque qui est une notion assez complexe, afin de cadrer notre recherche. La notion de risque d’inondation recouvre des concepts différents suivant les contextes et les personnes qui l’emploient. Le risque d’inondation fait partie des risques « naturels » dans le sens où le mot est employé en France9 . Ce sont des risques qui correspondent à des dangers ou des effets de destruction de milieux naturels. Toutes les cibles peuvent être considérées, mais on tient compte de façon prépondérante, voire exclusive, du danger encouru par l’homme et ses biens. Le risque est un événement dommageable, doté d’une certaine probabilité, conséquence d’un aléa naturel survenant dans un milieu vulnérable. Le risque résulte donc de la conjonction de l’aléa et de l’enjeu, la vulnérabilité étant la mesure des dommages de toutes sortes rapportée à l’intensité de l’aléa. A cette définition technique du risque doit être associée la notion d’acceptabilité pour y intégrer sa composante sociale. En résumé, le risque est la combinaison de l’aléa, connu en anglais sous le terme de « hazard » (la crue et sa probabilité d’occurrence) et de la vulnérabilité (occupation du sol, enjeux). Ainsi le risque s’exprime conventionnellement par la formule suivante :

Risque = Aléa x Vulnérabilité 

Réflexion autour du concept de « participation publique » 

La participation comme fait « d’avoir droit à une part », « de prendre part » (dictionnaire encyclopédique Hachette, 1998) fait ressortir deux points importants : l’existence d’un droit à une part et l’exercice de ce droit. On ne parle de participation publique que lorsque ce droit est exercé par un large public : les citoyens, les différents groupes d’individus, etc. Dans sa définition Canter (1996) insiste sur la nature du dialogue entre le public et le décideur : «Public participation can be defined as a continuous twoway communication process which involves promoting full public understanding of the processes and the mechanisms through which environmental problems and needs are investigated and solved by the responsible agency.”

Cette définition est également intéressante car elle prend en compte le traitement et la transformation de l’information. La participation suppose et impose que l’information soit recueillie de part et d’autre du processus et validée auprès des parties. Ce qui montre bien également que le contenu de l’information doit être judicieusement défini ; cela implique qu’auparavant, les services de l’Etat et les élus se stabilisent sur un vocabulaire, des idées, des concepts communs, avant d’aller transmettre ces idées auprès de la population. Le risque d’inondation étant un processus complexe, il nécessite une explication fine, et également des propositions concrètes.

En permettant au public d’intervenir dans la formulation des décisions afin que cellesci reflètent mieux leurs valeurs, intérêts et priorités, la participation devient un cadre d’action de nombreux acteurs ayant, à première vue, des intérêts divergents sinon contradictoires mais qui doivent être conciliés en vue de fournir l’information pertinente de la décision. Il est souvent nécessaire de mettre en œuvre une sorte de « décryptage » des préoccupations d’intérêt général des uns et des autres, et de les rendre compatibles. La difficulté de ce travail réside dans le caractère multicritère des idées et opinions des gens, comme l’explique Le Moigne (1990). Cette notion de multicritère nous conduit à la nature même de la participation publique qui est tant multicritère et qui réunit de multiples acteurs.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I. FONDEMENTS, PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE
CHAPITRE 1. FONDEMENTS, CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
1.1 Le postulat et les principaux fondements de recherche
1.2 La légitimité des processus de participation publique
1.3 La problématique spécifique de la participation publique dans la limitation du
risque d’inondation
CHAPITRE 2. UNE REFLEXION AUTOUR DE LA PARTICIPATION PUBLIQUE, ELARGIE A SA VISION EUROPEENNE.
2.1 Réflexion autour du concept de « participation publique »
2.2 La participation du public….de quel public parle-t-on ?
2.3 Une vision européenne de la participation publique dans la limitation du risque
d’inondation
2.3.1 Qu’en est-il aux Pays Bas ?
2.3.2 …et en France ?
CHAPITRE 3. LE ROLE DE LA REPRESENTATION DU FLEUVE DANS LA CONSTRUCTION D’UNE
PARTICIPATION PUBLIQUE
3.1 La représentation de l’espace
3.2 Comment capter les dispositions du public ?
PARTIE II. VERIFICATION DE L’HYPOTHESE DE RECHERCHE : LE ROLE DE LA RELATION AU FLEUVE DANS L’IMPLICATION DU PUBLIC POUR REDUIRE LE RISQUE D’INONDATION
CHAPITRE 1. CONSTRUCTION D’UNE APPROCHE METHODOLOGIQUE
1.1 Retour sur les objectifs de la recherche
1.1.1 Problématique, objectifs et hypothèses
1.1.2 Variables de construction de la démarche expérimentale
1.1.2.1 Une démarche expérimentale de terrain
1.1.2.2 Le choix du site : le Val de Bréhémont
1.1.2.3 Choix et caractéristiques de l’échantillon de référence pour l’étude
1.1.2.3.1 Les habitants
1.1.2.3.2 Les gestionnaires du fleuve
1.2 Procédures méthodologiques et outils mis en œuvre
1.2.1 Recueil de la représentation du fleuve : les cartes mentales
1.2.2 Le discours d’existence à travers l’entretien
1.2.3 La technique des questionnaires comme outil complémentaire
1.2.4 Construction du guide méthodologique
1.3 La méthodologie pour le traitement et l’analyse du corpus praxéo-discursif
1.3.1 Méthodologie pour le traitement et l’analyse des cartes mentales
1.3.2 Déconstruction et analyse des discours d’existence
CHAPITRE 2. Entre gestionnaires et usagers de la Loire … un fleuve coule.
2.1 Les représentations de la Loire
2.1.1 Le fleuve et ses îles (cf. p35)
2.1.2 Une Loire vivante et inspirante (cf. p37)
2.1.3 Une Loire fonctionnelle (cf. p39)
2.1.4 La vallée de la Loire et le risque d’inondation (cf. p41)
2.1.5 La Loire, un enjeu au cœur de la France (cf. p43)
2.2 Le risque d’inondation perçu par les usagers et professionnels de la Loire
2.2.1 Une première étape : sa définition
2.2.1.1 Les visions convergentes
2.2.1.2 Les visions divergentes
2.2.2 La seconde étape : sa compréhension
2.2.3 La dernière étape : sa limitation
2.2.3.1 L’action sur la vulnérabilité
2.2.3.2 L’action sur l’aléa naturel
2.3 Les responsabilités du jeu d’acteurs autour du risque d’inondation
2.3.1 La vision des services de l’Etat
2.3.2 La vision des maires des communes en zone inondable
2.3.3 La vision des habitants en zone inondable
2.4 Vers une participation publique dans la prévention du risque d’inondation ?
2.4.1 Les opinions des gestionnaires du fleuve
2.4.2 Les opinions des habitants du val de Bréhémont
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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