La légalisation du squat de la poterie, un conventionnement inédit aux enjeux multiples

LE LOGEMENT DES PERSONNES MIGRANTES

Introduction

“Longtemps ignorée des pouvoirs publics, la question du logement des migrants est, paradoxalement, éternellement d’actualité, constamment reformulée et retravaillée par le discours politique: dispersion ou regroupement, production et reproduction du taudis, gestion des mobilités et de l’insertion dans la cité”, analyse avec nous Claire Lévy-Vroelant.Et pourtant, comme nous l’explique Patrick Simon, « l’habitat constitue un domaine privilégié pour apprécier les conditions d’intégration des immigrés, dans la mesure où l’obtention d’un logement stable, adapté à la taille du ménage et disposant des éléments minimaux de confort marque une étape importante dans le processus d’installation. »
La question du logement des personnes migrant.e.s se pose donc comme primordiale pour la chercheuse souhaitant poser le regard sur les processus d’intégration et les inégalités socio spatiales relatives à ces groupes.
Dans le cas de l’étude qui nous occupe aujourd’hui, il nous semble donc indispensable d’envisager la problématique du logement dans son ensemble pour pouvoir cerner la condition habitante des personnes migrantes vivant à cette période au sein du squat de la Poterie. Nous tacherons donc d’abord d’identifier les différentes possibilités de logement qu’illes ont pu rencontré lors de leurs trajectoires résidentielles en France, et qui nous le verrons (partie 3) participent a déterminer un habiter la ville très spécifique.
Nous verrons que ces différents types d’hébergement rencontrés traduisent tous une précarité résidentielle, une analyse qui rejoint celle de Patrick Simon : « Les logements précaires marquent l’expérience de la plupart des courants migratoires venus après les années 50. Plus de 35% des originaires d’Algerie,du Maroc ou d’Afrique Noire ont occupé une chambre en foyer ou en meublé ou une habitation de fortune lors de leur arrivée, cette situation concernant plus de 55% des immigrés venus sans leur famille. »

Accueil institutionnel”

L’hébergement réservé aux personnes migrantes

Il s’agit en fait de dispositifs réservés aux personnes migrantes possédant un statut administratif, celui de demandeur/deuse d’asile. Ce statut ouvre, nous l’avons évoqué, un droit à un hébergement en Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA), durant toute la durée de la demande. En pratique, on observe qu’en moyenne seulement 1/3 des demandeur/deuses d’asile a accès à une place en CADA lors de son parcours administratif, et qu’elle s’arrête très souvent au premier refus de la demande (alors qu’il reste à la personne migrante plusieurs voies de recours). Au gré des changements d’orientation politique, les terminologies changent, se multiplient et le dispositif se diversifie entre logiques d’accueil et de contrôle.
Cette logique de contrôle prend très souvent une forte dimension spatiale : assignation à domicile, déplacements fréquents et non anticipés vers d’autres centres d’accueil parfois à plusieurs centaines de kilomètres, localisation souvent éloignée des centres urbains et sans possibilité de déplacement…, font partie des mesures exercées par les autorités préfectorales dans ce qu’on pourrait qualifier de « gestion du problème migrant ».
Le dernier dispositif né, le PRAHDA (PRogramme d’Accueil et d’Hébergement des Demandeurs d’Asile), mis en place dans le bassin rennais au cours de l’expérience du squat de la Poterie, peut être analysé comme le maillon en Centre d’Accueil et d’Orientation et Centre de Rétention Administrative (CRA) : en prévoyant un hébergement avec assignation à résidence pour anticiper le déboutage du droit d’asile des personnes et faciliter leur expulsion, ce dispositif s’inscrit dans la droite ligne des nouvelles directives gouvernementales visant à cliver migrant.e.s légitimes à être accueilli.e.s, et débouté.e.s illégaux/les devant être expulsé.e.s dans les plus brefs délais.

L’hébergement d’urgence

le 115

Le 115 est le dispositif d’Etat d’hébergement d’urgence, comprenant 141 places à Rennes, en foyer d’hébergement d’urgence (certains ouverts uniquement en période hivernale) ou en hôtel. Il est géré ici par l’association SEA35. On y accède en composant le numéro gratuit 115, où l’on peut joindre des travailleur.ses sociaux/les gérant l’attribution des places, généralement à la nuit pour les personnes sans enfants, à la semaine pour les familles.
Le 115 repose à la base sur un principe d’inconditionnalité de l’accueil, aujourd’hui remis en cause ; un nouveau décret en exclue désormais formellement les primo-arrivants sans premières démarches administratives (qui peuvent prendre plusieurs semaines), et les débouté.e.s du droit d’asile ; même si en pratique les « sans papiers » étaient déjà souvent celleux exclu.e.s en raison du manque de place. Depuis début 2017, les femmes enceintes et les familles avec enfants, y compris bébés agés de moins d’un an, ne sont plus prioritaires dans l’accès aux places, qui sont de fait réservées aux personnes avec de graves problèmes de santé.
Cette restriction des critères d’accès se double d’une forte saturation du dispositif : un appel sur deux ne parvient pas au standard en raison de la surcharge de la ligne, et une demande formulée sur deux est aujourd’hui rejetée.

Les nuitées hôtelières de la Ville de Rennes

Pour tenter de pallier aux lacunes du système du 115, la Mairie de Rennes a mis en place un dispositif d’hébergement en nuitées hôtelières, à destination des familles avec enfants mineur.e.s, en lien à l’engagement de campagne de Nathalie Appéré, maire de Rennes : zéro enfant à la rue sur la commune. Le dispositif permet la mise à l’abri de 160 à 190 personnes, un nombre en forte augmentation , +159% de nuitées réservées entre 2016 et 2017. Cette solution d’hébergement, coûteuse, représente un effort financier conséquent de 900 000 euros par an. Néanmoins, l’avantage des nuitées hôtelières dans cette perspective est qu’elles peuvent être supprimées à tout moment – ce qui n’est pas le cas d’autres dispositifs comme COORUS, que nous aborderons ensuite. Si les services de la Mairie estiment que le dispositif a permis de résoudre un nombre important de situations d’urgence humanitaire (famille avec enfants mineur.e.s), il rencontre  aujourd’hui de profondes difficultés. Il se confronte en effet aux contraintes de la disponibilité hôtelière : leur offre est non extensible et aussi destinée en majorité à d’autres clientèles.
En pratique, le CCAS de Rennes estime que cela prend 4 à 5 heures pour trouver une chambre d’hôtel disponible pour une famille migrante aujourd’hui. Ces contraintes de la disponibilité hôtelière rencontrent le changement des critères du 115 vu plus haut et la continuité des nouvelles arrivées sur le territoire, conjoncture qui mène inévitablement aux limites du dispositif, comme l’analyse la maire de Rennes en réunion de travail en juin 2017.

Le dispositif Chorus

Le dispositif COORUS (COOrdination Réseau Urgence Sociale) a été crée début 2011 suite à l’expulsion d’un squat occupé par 80 personnes migrantes en centre ville de Rennes, rue Louis Postel, qui avait fait polémique. Il comprend 95 places d’hébergement pérennes à Rennes et dans l’agglomération, majoritairement dans d’anciens logements de fonction d’instituteur/trices. Il est également géré par l’association SEA35, avec l’emploi de 3 travailleur.ses sociaux/les.
Le financement partagé entre la Ville de Rennes, Rennes Métropole, la Fondation Abbé Pierre, et l’État de façon très minime, pour un total d’environ 100 000€ par an. La FAP souhaitant se retirer du dispositif, sa pérennité est remise en question, dans un contexte ou les travailleur.ses sociaux/les ont le sentiment de ne pas pouvoir faire leur travail correctement et de devoir faire du « traitement de situation à la chaîne ».

“Accueil bricolé”

L’hébergement par des pairs/proches

Les personnes migrantes peuvent parfois aussi être hébergées par des proches ou des compatriotes, ayant eu même connu la migration. Dans ce cas également, il s’agit de compenser les carences de l’État par la cellule familiale, étendue aux compatriotes et à l’entourage. Cette situation crée souvent un inconfort moral pour la personne hébergée, comme nous l’explique un jeune habitant du squat de la Poterie :
I: « Avant j’étais toujours ailleurs, .. Après, j’ai parlé avec un pote à moi pour rester chez lui quelques temps. J’ai été chez des potes trois ou quatre fois comme ça. Au début c’est toujours calme, mais après, les choses changent, parce que je travaille pas pour contribuer à la maison, tu vois? C’est très compliqué… Tu vois le comportement des potes va changer, petit à petit, avec sa façon de parler… Moi ça me touche beaucoup.. (…) C’est différent parce que y’a des papiers, il travaille, tu vois…c’est ça. Il travaille toute la semaine, je reste à la maison, je sors un peu pour se balader, quelque chose, je vais faire les courses, je fais à manger aussi tu vois? Ouais. Il arrive de son travail, il arrive à la maison, comme j’ai resté toute la journée bon, j’ai cuisiner quand même, à faire à manger quoi, tu vois, c’est bien de participer à la maison tu vois… Au début tout se passe bien, mais après les choses commencent à changer. Je pense que peut être, c’est, manque de courage de dire “non I., ça suffit, il faut trouver autre chose ailleurs” ouais de dire “tu as été la déjà deux, trois semaines, pour moi c’est bon”, je trouve ça, peut être c’est ça quoi. C’est pour ça que le comportement change, pour parler indirectement quoi.
Tu vas voir, tu vas te dire “bon, il faut aller”. »

L’hébergement solidaire

L’hébergement peut également prendre une forme sans pré-connaissance de l’hébergeant.e et de l’hébergé.e par une médiation associative, communément appelée « hébergement solidaire ».
Un ménage français accueille à titre gracieux à son domicile une personne ou une famille migrante, le plus souvent pour une durée pré-établie et formalisé autour d’un contrat écrit qui pose les bases de l’accord.

Au coeur de ce cycle déstructurant pour la vie des personnes, le squat comme un espace ressource

Le squat, intervenant dans une trajectoire résidentielle précaire -instabilité, impermanence, promiscuité – est susceptible d’apparaître pour ses nouveaux/velles habitant.e.s comme un espace ressource.
Florence Bouillon nous parle des « ressources du squat », c’est à dire un “ensemble de socialisations et d’apprentissages que le squat favorise, et qui bien sûr varient en fonction des aspirations individuelles et des configurations spatiales, des actions collectives et des potentialités des lieux”.
Avec Pascale Dietrich-Ragon, elles développent l’idée du squat comme espace ressource sur leur terrain parisien: « Derrière la misère des façades, les squats parisiens sont des points d’attachement.
Ces bâtiments habités sans autorisation légale sont le support de liens communautaires forts, qui servent d’appui et de ressources relationnelles aux primo-arrivants dans Paris. En dépit de leur caractère insécurisant, ils ont ainsi clairement une fonction d’accueil : ils sont autant de lieux d’accroche et d’entrée dans la ville pour des personnes en « transition », à la fois au sein de leur itinéraire résidentiel et de leur parcours de vie. »
Céline Bergeon spécifie cette dimension pour les squats de migrant.e.s : « Le squat est ici considéré comme une ressource pour les migrants sur plusieurs points: celui de l’être humain (habiter son lieu de vie, « être au monde », créer un chez-soi), celui de la quotidienneté (faire face aux difficultés liées à la migration) et celui de la migration (le squat est une étape faite de rencontres, solidarités, contribuant à la poursuite du parcours migratoire). »
Dans le cas qui nous occupe ici, le squat de la Poterie constitue pour ses habitants une opportunité de sédentarisation au milieu des va-et-vient de l’hébergement d’urgence au 115 et du cycle de logement décrit plus haut. Mais il offre aussi l’opportunité de rencontres avec d’autres personnes qui partagent des trajectoires migrantes , de la co-présence avec des bénévoles bénéfique pour celleux qui le souhaitent acquérir la langue et la culture française, mais aussi obtenir du soutien pour leurs démarches, et des compétences.

Differentes typologies du squat

Squat politique et squat de pauvreté

Dans la littérature académique,nous explique Cécile Péchu, on distingue d’abord deux catégories : le squat politisé, et le squat de pauvreté.
Cette typologie ne tient pas dans notre cas: en effet nous rencontrons le cas inverse, un squat abritant des personnes précaires et developpant des stratégies de mobilisations politiques et artistiques autour du lieu: organisation d’évenements culturels, à destination de l’extérieur, visant à sensibiliser, visibiliser et ramener des fonds, et à destination des habitant.e.s, notamment des enfants: théatre, création de marionettes…; et organisation d’évenement politiques: manifestations,interpellation des candidats à la présidentielle, tenue des réunions du collectif de soutien rassemblant jusqu’à 42 organisations. En terme d’occupation politique de l’espace, le bureau de Un Toit c’est Un Droit est installé au sein du squat.
Ainsi le politique peut-il être tout à fait présent, socialement comme spatialement, dans les squats qu’on étiqueterait dans un premier temps comme squat “de pauvreté”.

Squat d’activités et squat d’habitation

Depuis quelques années, les chercheuses Florence Bouillon et Cécile Péchu ne font plus appel à cette distinction, la remplaçant par squat d’activités (qui accueille des projets artistiques, politiques, culturels, avec des projets environnementaux) et squat d’habitation.
Cette typologie est limitée: comme le rappelle Péchu, “les circulations entre les deux types sont fréquentes,les squats d’activité servant aussi à heberger des personnes précarisées.”
Ainsi des squats d’activité assurent aussi des fonctions d’habitation, et ici un squat servant en premier lieu d’habitation peut developper des activités dans ses stratégies.
De meme, on ne pourrait proprement catégoriser le squat de la Poterie entre squat d’activités et squat d’habitation, car si l’habitation est la visée première du lieu, des activités y sont développées comme nous l’avons évoqué précedemment .

Les 5 configurations de squat de Hans Pruijt, citées par Cécile Péchu

Comme le rapporte Celine Pechu, “Hans Pruijt relève également que les besoins de logement non satisfaits sont une motivation importante pour tous les squatteurs. Il récuse la distinction entre le squat répondant à un besoin de logement et le squat comme moyen de satisfaire un besoin d’expression culturelle et/ou politique, pour établir cinq configurations de squat”43: squat de privation, squat de logement alternatif, squat entrepreuneurial, squat de conservation et squat politique (la personne intéressée en trouvera un tableau recapitulatif dans l’ouvrage de Péchu). Le cas du squat de la Poterie peut rentrer au sein de cette typologie dans la categorie “squat de privation”, définie par un objectif visant a fournir un logement pour des personnes démunies, des acteurs/trices squatteur.ses des couches populaires soutenu.e.s par des activistes de classe moyenne, une organisation verticale marquée par une séparation entre les activistes et les bénéficiaires, la réquisition de logements pour bas revenus, laissés vides sans excuses, avec des demandes modestes (logement temporaire ou logement alternatif, meilleure place sur liste d’attente), qui peut donner comme résultats de possibles cooptations.
Cependant comme le souligne Cécile Péchu “les demandes ne sont pas toujours “modestes” concernant le cas du squat de privation”. Ainsi pour le cas du squat de la Poterie, les demandes dépassent le simple relogement temporaire, elles refusent même en premier abord cette proposition de solution. Ainsi le relogement temporaire à l’hôtel n’est pas vue comme acceptable pour les militant.e.s et les habitant.e.s, et ce sont des solutions de relogement pérennes qui sont attendues.
De plus, au delà du relogement, le squat est vu comme un mode d’action tremplin vers l’obtention de droits dans un autre domaine, celui du droit au séjour.

Une typologie selon le répertoire discursif par Cécile Péchu

Les typologies vues précédemment portent sur le contenu des squats, celle que nous propose Céline Péchu porte maintenant sur le répertoire discursif mis en avant par les membres du squat. Elle en distingue deux logiques:
– la logique classiste qui consiste à “utiliser le squat dans une optique essentiellement tournée vers l’obtention du droit au logement. Elle s’accompagne d’un discours centré sur le droit des ouvriers ou des pauvres. Elle domine dans les mouvements qui se développent de l’après guerre au début des années 70,quels que soient les pays, parce qu’elle correspond au cadrage discursif du militantisme de gauche et d’extrême gauche. Mais elle existe encore aujourd’hui en France. Elle s’inscrit franchement du coté du pôle de la contestation, car elle est tournée vers la revendication : le squat est pensé comme un moyen, parmi d’autres, d’obtenir sa satisfaction »,en opposition à la logique contre-culturelle qui vise à “changer la vie des habitants du lieu occupé ou du quartier dans lequel il se trouve et s’accompagne souvent de la thématique des « lieux libérés ». C’est ici un droit à l’espace pour vivre ou créer autrement qui est mis en avant (…) du coté du pôle de la résistance, où il s’agit de prendre plutôt que de demander. Dans ce dernier, le squat sera pensé comme une fin en soi. »

Les spécificités du squat de la Poterie

Que met on derrière le terme migrant.e?

Cette terminologie est à la fois utilisée par les acteurs/trices de terrain (militant.e.s associatifves, services publics..) et reprise dans la littérature scientifique (citer quelques ex) On la retrouve également dans le discours des principaux/pales concerné.e.s, des enfants se l’étant approprié et déclarant par exemple lors d’un atelier cartographie: “puisqu’on est des migrants”.
Le terme migrant ou migrante international.e peut être défini comme désignant une personne qui n’habite plus dans son pays de résidence habituelle (définition Nations Unies). Cette situation est celle de 230 millions de personnes, soit 2,5% de la population mondiale. On est migrant.e quand on vit dans un pays autre que son pays d’origine depuis plus d’un an : il y a ici une question de durée du déplacement qui différencie du voyage ou du tourisme.

Les migrantes du squat, une communauté?

Dans quelle mesure les habitant.e.s du squat de la Poterie forment-ils une communauté? On remarque une conscience de l’enjeu de faire groupe, uni.e.s par la circonstance de leurs précarités résidentielles et leur quête d’obtenir un titre de séjour face à un interlocuteur commun, la Préfecture. Néanmoins on observe également de vives volontés de différenciation entre groupes et entre individu.e.s. Céline Bergeon observe par exemple au squat St Marc un partage de l’espace segmenté par communauté culturelle que l’on retrouve au squat de la Poterie, qui est parfois à l’initiative des habitant.e.s qui s’installent à coté comme les personnes originaires de Mongolie, mais qui est parfois aussi à l’initiative des membres de l’association pour des facilités de communication et d’organisation.Cette chercheuse a également recueilli en septembre 2016 au squat de la Poterie des témoignages de problèmes de discrimination et de racisme aus sein du squat: “Il y a des Roms kosovars et ils subissent le racisme à l’intérieur du squat. Ils font beaucoup pour la tenue du squat mais pour les autres c’est presque normal que ce soit les Roms qui fassent ces tâches.”
Pourtant, on peut observer une prise de conscience au cours de la durée de vie du squat des qualités de la vie en collectif au sein du lieu, notamment en terme de sociabilités et de celles des enfants. Les relations de cohabitation amènent une interconnaissance plus poussée, les liens d’amitié se tissent et la perspective commune du 17 juillet active une conscience de groupe. On peut citer l’exemple d’un jeune père qui cherchait une possibilité d’ouvrir un batiment vide pour lui et sa famille et qui y a renoncé, déclarant à des militantes de l’association: “c’est tous ensemble ou rien”.
Ce changement de vision sur la vie en collectif peut donc amener à nuancer le type de logique discursive classiste/contre-culturelle à l’oeuvre dans le squat observé en prenant en compte une évolution temporelle.

Le terme “migrante” est-il adapté à la situation des personnes du squat?

L’utilisation de cette étiquette pose en elle même question. Peut-on encore qualifier de migrant.e une personne vivant à Rennes depuis 5 ou 7 ans, comme c’est le cas de certaines familles habitant au squat de la Poterie? L’auteure de ces lignes n’y vit que depuis 2 ans et se voit très fréquemment qualifiée de “rennaise”. Si on identifie assez clairement le début d’une trajectoire migratoire, la question se pose de quand cesse t-on d’être un.e migrant.e pour être reconnu.e comme habitante.On peut donc questionner la légitimité de ce terme. N’est-ce pas le système d’orientation français qui prolonge la trajectoire migratoire de ces personnes par une instable trajectoire résidentielle, limitant ainsi leur ancrage? Le fait de continuer à les qualifier de migrant.e.s ne dépend t-il pas finalement que de notre action de refuser de les accueillir, et entériner ce vocable ne participe t-il pas à pérenniser l’instabilité de leur présence au sein de la communauté?

Derrière le/la migrante, l’humaine

En gardant toujours à l’esprit que les mots sont performatifs, on s’attachera dans la mesure du possible à preférer l’expression qualifiante de “personne migrante”, au substantif “migrant”. Au cours de cette enquête résoluement qualitative, nous garderons à l’esprit que derrière des mêmes mots résident des situations très hétérogènes comme nous l’avons vu, mais surtout des individualités, des personnalités, des trajectoires…que l’humaine rencontre et que la chercheuse se doit de retranscrire au delà des catégorisations.

Le “squat de migrant.e.s” est-il une nouvelle catégorie?

Au travers de nos lectures, les personnes migrantes semblent apparaître comme une figure majoritaire des squats. Ainsi pour Florence Bouillon, les migrant.e.s sont certainement les premiers habitants des squats, notamment car les personnes en situation irrégulière sont les plus fragilisées face au logement. Pour cette chercheuse, le migrant discriminé constitue une des trois figures de l’habitant.e du squat dans la typologie qu’elle expose dans son ouvrage Les mondes du squat. Pascale Dietrich Ragon fait état dun constat similaire: “les observations attestent […] pareillement d’une surreprésentation dans les squats de personnes en provenance de l’étranger.”
Pour les acteurs et actrices de terrain, les “squats de migrantes” semblent apparement dépendre de logiques d’action différentes des autres squats, comme en temoigne la scission entre Droit Au Logement et Un Toit cest Un Droit en 2012.
Les chercheurs et chercheuses emploient également ce terme. Florence Bouillon y a consacré un article spécialement faisant un pont entre ce mode d’occupation et cette catégorie, ainsi que Anne-Cécile Hoyez et Céline Bergeon qui utilisent l’expression “squat de migrant.e.s” dans leur article commun à ce sujet sur le cas rennais en 2015.
On rencontre en effet sur ces terrains de nouveaux enjeux, la question des papiers, et de nouveaux/velles acteurs/trices, comme la Préfecture ou la Police Aux Frontières. Les populations semblent aussi présenter des caractéristiques démographiques différentes, au delà de la dimension des origines nationales. Nous n’avons pas trouvé d’étude quantitative démographique relative au peuplement des squats, mais il nous semble que les squats de migrant.e.s sont habités par une plus large proportion d’enfants, et des catégories d’âges plus diversifiée, ce qu’il peut s’expliquer par un écart dans les politiques publiques sociales à destination des nationaux/nales et des migrantes.
Cependant les “squats de migrant.e.s” sont loin de former une catégorie homogène. Rien qu’à l’échelle rennaise on rencontre des réalités très différentes, entre grand squat conventionné et encadré associativement et petit squat affinitaire en cours de procédure d’expulsion. Florence Bouillon différencie dans les squats de migrant.e.s qu’elle étudie à Marseille les squats de passage, qui forment une base de repos, souvent pour l’hiver, une étape dans la trajectoire migratoire: “le squat est une possibilité de se “poser”, de posséder une base afin de mieux repartir. Support au voyage, il s’inscrit dans une trajectoire migratoire dont il n’est qu’un moment”; et les squats de sédentarisation, au sein desquels les habitant.e.s peuvent se projeter:”dans les squats qui sont occupés plus longuement, la décoration (qui est une “mise en scène de soi” rappelle Sophie Chevalier, 2002) et le souci du confort font leur apparition.”

 

 

 

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Table des matières
INTRODUCTION 
PARTIE 1. PRESENTATION DU TERRAIN DE RECHERCHE 
Chapitre 1. Le logement des personnes migrantes
Chapitre 2. Le squat de la Poterie, un objet de recherche à définir
Chapitre 3. La légalisation du squat de la Poterie, un conventionnement inédit aux enjeux multiples
Chapitre 4. Les temporalités du squat
PARTIE 2. HABITER LA VILLE, DU CONCEPT AU PROTOCOLE DE RECHERCHE 
Chapitre 5. Habiter la ville, retour épistémologique
Chapitre 6. Méthodologie et protocole de recherche
Chapitre 7. Posture et éthique de la recherche
PARTIE 3. PRESENTATION DES RESULTATS DE RECHERCHE
Chapitre 8. Avant le squat, arrivée et impermanence
Chapitre 9. Une géographie de la ville marquée par les précarités
Chapitre 10. Habiter la ville depuis le squat de la Poterie
PERSPECTIVES DE RECHERCHE
CONCLUSION GENERALE 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES 

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