La Guerre des Renards

La Guerre des Renards

Si le Pays d’en Haut a bénéficié de l’attention de nombreux chercheurs, l’histoire de la guerre des Renards a fait l’objet de peu de recherches lui étant exclusivement consacrées. Est-ce seulement par manque de sources ou manque-t-on d’intérêt pour une guerre qui ne serait pas représentative de la présence française en Amérique, qu’on avait souvent tendance à voir comme bienveillante, au contraire des Anglais ou Espagnols, envers les Amérindiens ? L’historiographie de cette guerre est à appréhender dans une perspective chronologique. Le manque d’études ne permet tout d’abord pas de faire des regroupements qui ne seraient que trop factices, ensuite parce qu’on voit que son traitement au fur et à mesure des décennies est révélateur des évolutions de l’historiographie générale sur la présence française en Amérique.
Louise Kellogs fut la première à publier un ouvrage concernant la guerre des Renards.1 Se voulant avant tout synthétique, elle propose une vision chronologique de la guerre. C’est l’étude de référence concernant la guerre des Renards, car l’auteure fut la première à donner une visibilité historiographique à une guerre qui tient une place à part dans l’histoire de la Nouvelle-France. Ces méthodes peuvent évidemment sembler archaïques au XXIe siècle, mais son étude retrace cependant fidèlement les événements. Elle met en évidence le poids qu’eut la guerre dans la politique de la Nouvelle-France et comment elle modifia le comportement de cette dernière vis-à-vis de ses alliés et annonça l’échec de la politique française dans le Pays d’en Haut. C’est dans la même optique que Richard Lortie rédigea son mémoire de maîtrise où il décrit la guerre sous un angle avant tout politique et diplomatique, où le culturel et le social ne tiennent qu’une maigre place.2 Il analyse les relations entre Français et Renards en les remettant dans le contexte de la guerre et du jeu de puissance que se livraient alors la France et l’Angleterre. Le principal mérite du mémoire tient à la mise en contexte permanente pour décrire les événements de la guerre, mais il est évident que les sources sont analysées principalement dans le cadre d’une histoire politique où toute notion d’étude « par le bas » est proscrite.
Il faut attendre le début des années 90 et l’hégémonie de l’histoire sociale pour avoir un compte rendu de la Guerre des Renards où les Meskwaki tiennent le rôle principal. Edmund et Peyser se livrèrent à une analyse critique de la guerre3 afin de montrer que les stéréotypes développés sur les Meskwaki à travers les textes des autorités françaises relevaient avant tout d’un développement idéologique dans le but de justifier une guerre d’extermination. C’est l’étude la plus complète à ce jour sur la guerre des Renards. Les deux auteurs connaissent bien la nation des Renards et tentent de leur rendre justice dans cet ouvrage. Après avoir dressé le portrait de ces derniers, ils relatent les événements de la guerre en restant au plus proche des sources. Dans le courant de l’ethnohistoire, les deux auteurs s’efforcent de toujours mettre les Renards au premier plan et c’est avant tout leur histoire et la résistance qu’ils opposèrent à la Nouvelle-France qui est coeur de leur récit. En se penchant à la fois sur la violence de la guerre et sur les méthodes de résistance des Renards, les deux auteurs montrent comment la Nouvelle-France s’est heurtée à la fierté inattendue d’une nation amérindienne. Il faut également mentionner un article, uniquement de Peyser cette fois ci, sur la fin de la guerre des Renards et le sort que connurent les Meskwaki qui survécurent1. L’auteur décrit les exactions commises par les forces françaises et montre l’acharnement des autorités contre des Renards qui ne représentaient presque plus aucune menace. Il insiste particulièrement sur les décisions de Beauharnois, alors gouverneur de Nouvelle-France, ainsi que sur l’homme en tant que tel pour montrer l’horreur des décisions qu’il prit vis-à-vis des Renards. On ne peut évidemment parler de génocide, mais Peyser montre bien que même selon les standards du XVIIIeme siècle, Beauharnois démontra une violence excessive envers les Meskwakis. C’est cette violence du colonisateur et les réactions disproportionnées dont il fait preuve à l’égard de ses ennemis qui sont ici mises en lumière.
Deux articles publiés dans la dernière décennie s’attardent sur des aspects précis de la guerre et nous fournissent à la fois une méthodologie pour s’intéresser aux sources et apportent un éclairage sur le financement de la guerre d’une part, sur la mise en esclavage durant le conflit d’autre part.3 Samuel Mourin décrit donc les moyens de financement des premières expéditions de la Guerre des Renards. Il montre bien comment le peu d’argent que la France était prête à investir dans la guerre conduisit les acteurs sur le terrain à faire preuve d’imagination. Ce sont tout d’abord des fonds privés qui sont mobilisés afin de faire participer au maximum la colonie à l’effort de guerre. Par ailleurs, c’est la composition des unités de combats qui est intéressante. En effet, on a fait appel à un maximum de coureurs des bois et de voyageurs, parfois recrutés de force. Des Amérindiens combattirent aux côtés des forces françaises ce qui amena un certain métissage dans les pratiques guerrières, les coureurs des bois étant d’ailleurs déjà fortement acculturés de par leurs séjours parfois prolongés aux côtés d’Amérindiens. C’est avant tout l’aspect financier qui ressort de ce texte. C’est l’argent qui revient dans un article de Rushforth où il aborde principalement le thème de la mise en esclavage des populations Renards à la suite de raids, pour la plupart venant de nations algonquiennes. Il montre également les phénomènes qui président à la guerre en faisant une analyse, certes succincte mais très bien synthétisée, de la situation diplomatique dans le pays d’en Haut. En suivant la chronologie de la Guerre des Renards, Rushforth amène pour chacune des phases de la guerre une réflexion sur la prise d’esclaves chez les Renards et comment cela conditionna la poursuite des tensions et des crises diplomatiques entre les deux partis. Il montre bien comment la mise en esclavage des Renards vaincus est une des composantes essentielles de la guerre et que cela s’inscrit directement dans les pratiques de guerres amérindiennes.

Problématique

Malgré les apports récents de l’historiographie, beaucoup voient encore l’histoire des États-Unis et du Canada à travers la conquête européenne, une histoire uniquement blanche donc, où 1492 fait figure d’année zéro. Pourtant, ce n’est pas le cas : la présence amérindienne en Amérique du nord date de la traversée du détroit de Béring, il y a plus de 15 000 ans. Ecrire l’histoire de ces peuples n’est évidemment pas aisé dans la mesure où l’histoire était transmise uniquement à l’oral, et c’est principalement l’archéologie qui peut nous permettre de faire l’histoire du continent avant l’arrivée des Européens. Mais le manque de sources ne peut être comblé, et les recherches sur les Amérindiens se limitent, hélas, à leurs relations avec les Européens. Cependant il existe plusieurs manières de décrire ces nations, et si cela doit se faire en considérant leurs rapports aux nouveaux colonisateurs il ne faut pas les réduire au rôle de simples alliés militaires et de fournisseurs de fourrures que leur donnent trop souvent les sources. Les contacts de plus en plus réguliers entre les différentes nations amérindiennes et les Français dans le Pays d’en Haut amènent la création d’une société originale qui doit composer avec des groupes aux intérêts souvent divergents. La part de fantasme (de nature souvent religieuse) générée par la découverte de ce nouveau monde semble très vite s’effacer au profit des ambitions bien plus pragmatiques des différents gouverneurs et administrateurs européens. La recherche du profit, l’accumulation de richesses et de terres dans l’optique d’un mercantilisme où la concurrence devient de plus en plus rude et où les monopoles sont plus précieux que jamais bouleversent le Nouveau-Monde (terme également teinté d’européocentrisme cela dit…).
La société métissée qui se met peu à peu en place amène une foule de nouvelles problématiques qui conduisit à la rédaction d’une multitude de nouvelles recherches historiques où le grand paradigme de l’histoire culturelle fait désormais autorité. Renverser la vision traditionnelle d’un territoire vierge peu à peu colonisé et civilisé par les Européens se fait de plus en plus, mais c’est un travail de tous les instants dans la mesure où il faut éviter de nombreux écueils inhérents à notre tradition de pensée formatée par l’étude d’une histoire française et européenne. Il faut dès à présent à mentionner que ces questions sont d’un ordre éminemment politique dans la mesure où le relativisme culturel dont on doit faire preuve lors de notre étude est loin d’être un mécanisme de pensée propre à l’histoire. Lorsque Peyser et Edmund parlent de génocide, il tente de mettre en lumière les concepts de race et de hiérarchisation des peuples qui se développent alors en Amérique.
La violence est un des points d’entrée privilégié dans ce monde qu’est l’Amérique coloniale. Parce qu’elle touche à l’essence même des sociétés amérindiennes et qu’elle est constitutive de leur identité, la violence révèle de nombreux mécanismes sociaux inhérents à ces sociétés dites primitives. Le rapport à la violence des amérindiens se rapproche à la fois d’un idéal naturel et écologique (qu’il faut évidemment relativiser) tout en étant un instrument de domination sur l’autre, de la même manière qu’elle peut s’observer en Europe. Comment la violence s’exerce-t-elle dans le cadre de la colonisation française ? Quelles spécificités peut-on dégager de l’occupation militaire française en territoire amérindien ? Quels sont les ressorts de la domination coloniale ? Les réponses à ces questions sont évidemment multiples, et demandent un travail conséquent qu’on ne peut ici qu’amorcer. C’est donc là qu’intervient l’intérêt d’un champ d’étude davantage circoncis qu’est la guerre des Renards. Prendre ainsi un événement particulier et précisément défini dans le temps permet de fournir un cadre à notre réflexion et donc de mettre en avant des questionnements plus précis.
L’objectif de cette étude est donc de centrer la recherche sur cette guerre amérindienne pour engager une réflexion sur la violence à l’époque moderne dans le cadre colonial où les ethnies et les cultures se mélangent. Analyser la guerre et la violence en tant qu’elles sont imbriquée dans un processus intrinsèquement lié. Ce n’est pas tant que la violence est la seule composante à prendre en compte lorsque l’on étudie une guerre particulière, mais bien que sa place soit centrale et que lui président des phénomènes sociaux et culturels qui nous renseignent sur des aspects essentiels d’une communauté, et sur les liens que tissent colonisés et colonisateurs. C’est finalement tout le processus colonial français en Amérique qui se retrouve questionné à travers le prisme de la violence. Comment cet espace est-il perçu par les autorités françaises (nous nous pencherons presque essentiellement sur les lettres envoyées depuis la Nouvelle-France) en poste en Amérique ? Si les volontés souvent belliqueuses de certains administrateurs se retrouvent dans les lettres, il est intéressant de noter le décalage avec la réalité où les troupes doivent composer avec un ennemi. Mais c’est d’abord dans un cadre colonial que s’exerce cette violence : dans quelle mesure la violence et la guerre sont-elles des instruments de domination politique, économique et culturelle ?

De la guerre primitive

Avant toute tentative de définition générale de la guerre amérindienne à grands renforts de thèses structuralistes, qui ne peuvent qu’être mises à mal une fois les sources lues et critiquées, il faut se remémorer le premier débat anthropologique sur la naissance de la guerre. Napoléon Chagnon publia en 1968 un ouvrage sur les Yanomamis, une tribu d’Amérique du sud, considérés comme le meilleur exemple actuel d’une société primitive.Après de longs développements sur le prestige, la chasse, la reproduction, Chagnon conclut que la guerre et la violence seraient dans les gènes mêmes de l’homme, et non un produit culturel. Brian Ferguson résume, 30 ans après la publication de Chagnon, la conclusion des débats qui agitèrent le monde de l’anthropologie : « personne ne prétend plus aujourd’hui que l’on puisse comprendre les guerres des Yanomami sans prendre en considération leur histoire mouvementée. ».La « culture de guerre » qui serait inhérente aux hommes ne peut pas expliquer l’ensemble des comportements belliqueux d’une société, c’est d’abord un ensemble de facteurs historiques (l’arrivée des Européens, mais il n’est pas le seul) qui sont à même de nous éclairer sur ces comportements. Les débats sont par ailleurs toujours vifs quant à la place que tient la guerre dans les sociétés sans état. Savoir quelle place a tenu la guerre dans les sociétés dites primitives, c’est comprendre la violence dans ses causes et ses effets, comme dans ses liens avec leurs cultures et leurs sociétés.
Mais comment définir la guerre ? Reprenons ici à notre compte la définition qui en fut donné à la conférence sur l’anthropologie de la guerre à l’Ecole de Recherche Américaine en 1986. C’est la définition que donna Robert L. Carneiro qui fut retenue : la guerre c’est « la sous-catégorie des agressions entre hommes qui inclut l’utilisation d’une force organisée entre deux groupes politiquement indépendants ».1 La violence qui en découle relève donc d’une concertation préalable que nous nous devrons d’analyser. La prise de décision quant à sa conduite, ou non, relève d’autorités compétentes dans le domaine.
Afin de bien cerner les enjeux relatifs aux guerres intertribales qui nous occupent dès le début de notre étude, il s’agit de questionner les relations d’animosité que les différentes nations amérindiennes entretiennent les unes avec les autres. Notre propos ne sera pas d’analyser uniquement les combats entre Européens et Amérindiens, mais bien de nous intéresser à l’ensemble des conflits armés du Pays d’en Haut découlant ou relatifs à la Guerre des Renards. Définir la guerre passe donc également par une définition de ce qu’est l’ennemi : « Pour tout groupe local, les Autres sont des étrangers » affirme Pierre Clastres. Et cela se vérifie littéralement chez les Illinois. Le mot Illinois signifie homme dans leur langue, s’appeler ainsi est donc un moyen de se distinguer des autres groupes qui, a fortiori, ne sont pas des hommes. Cette dichotomie qu’opèrent ces sociétés, dont l’ancrage local amène une proximité physique qui renforce un sentiment d’appartenance au groupe, amène une agressivité dirigée vers l’extérieur. La guerre se comprend donc en tant qu’affirmation par un groupe de son statut d’homme et comme négation de ce statut à ses ennemis. La mise en place d’un cadre conceptuel n’a pas pour but de calquer des théories sur les sources relatives à la Guerre des Renards, mais bien de les éclairer. Les théories anthropologistes de Clastres, Lévi-Strauss ou Keeley ont le mérite de mettre en lumière de grandes tendances, qui se vérifient ou non dans le cadre de notre étude, et ainsi nous permettent de saisir les enjeux inhérents à l’étude des sociétés dites primitives. Il faut par ailleurs ajouter que notre tentative de définition de la guerre amérindienne telle qu’elle fut pratiquée autour des Grands Lacs au XVIIIème siècle n’est en rien une explication englobant l’ensemble du monde amérindien. Si on pourra parfois se baser sur des exemples tirés de pratiques d’autres nations pour éclairer notre propos, elles ne sont jamais très éloignées de l’aire culturelle algonquine, et cela doit se faire avec précaution pour éviter toute généralisation.

Un combat permanent 1716-1728

La guerre est donc officiellement terminée, l’expédition de Louvigny fut un succès (aux yeux de Vaudreuil et des autorités françaises tout du moins), et les traités de paix furent signés par les différentes nations engagées dans le conflit. Cependant, croire que la guerre des Renards était terminée relevait d’abord d’une conception toute européenne de la guerre. Les nations amérindiennes reconnaissaient la valeur de la paix qui fut signée, même si elle était contradictoire avec les intérêts de certaines d’entre elles.1 Il n’en reste pas moins que la logique impérialiste française conçoit le processus de paix de la même manière que cela peut se faire face à d’autres entités nationales. Si la guerre de course peut se poursuivre lors d’une paix avec les Anglais, on n’attend pas un débarquement en force de britanniques à Montréal. Or les nations amérindiennes sont précisément des sociétés sans état, et si leur conception de la guerre est différente, à la fois dans sa finalité et dans ses moyens, leur conception de la paix l’est aussi. Il faut par ailleurs prendre en compte la multiplicité des nations engagées dans le processus de paix mis en oeuvre par Vaudreuil et les autorités Françaises, où les alliés sont un groupe hétérogène (même si les sources se réfèrent souvent à eux sous des termes génériques comme « les Sauvages ») aux intérêts parfois divergents. Si nous nous sommes précédemment penchés sur les tenants et aboutissants de la paix de 1716, il s’agit ici de saisir les dynamiques qui en découle.
Comprendre que la guerre est loin d’être terminée, et ce dès 1718, ne relève en rien d’une vision téléologique de notre part. Les premiers combats des Kickapoo et Mascouten contre les Illinois reprennent en effet deux ans seulement après le traité de paix autour de la question du statut des prisonniers pris en 1711 par les Péorias que le traité de 1716 n’avait pas réglé.3 On entre désormais dans une nouvelle configuration de la diplomatie impériale française dans le Pays d’en Haut, où les intérêts français ne semblent désormais plus menacés et où le rôle d’arbitre des officiers de la Nouvelle-France prend tout son sens à l’occasion de conférences de paix qui se multiplient. Les années qui s’écoulèrent entre la première paix de 1716 jusqu’à la reprise d’opérations militaires en 1728 fut un intermède violent (« Bitter interlude » comme le qualifie Edmund et Peyser) où les antagonismes entre les nations, parfois ancrés bien avant l’arrivée des européens, ressurgissent. On assiste désormais à des guerres qui parcourent l’ensemble du Pays d’en Haut où des membres des différentes nations mettent à mal les efforts de ceux qui tentent de préserver la paix. C’est le rôle que joue la France à la fois comme agent pacificateur, et c’est là que réside tout le paradoxe de la situation impériale en Amérique, et comme force déstabilisatrice, qui mérite d’être ici mis en lumière.1 Mais il ne faut cependant pas analyser ces guerres uniquement à l’aune de la présence française, les Amérindiens sont en effet loin d’être « des objets passifs répondant exclusivement à la présence des Blancs ».2 Cette approche, qui court tout au long de la présente étude, est primordiale pour comprendre les interactions entre les différentes nations amérindiennes, et particulièrement ici, entre les Renards et les Illinois dont la rivalité fera le coeur de ce chapitre.
Nous privilégierons trois grands axes pour étudier cette « paix », qui règne entre 1716 et 1728. Il s’agira dans un premier temps de se pencher sur la question de l’esclavage, de la prise de prisonniers de guerre et du sort qui les attend. Question intrinsèque à l’étude de la guerre chez les Amérindiens, nous verrons en quoi elle est un point de crispation à travers les négociations ainsi qu’une composante essentielle de la tradition militaire des autochtones. Nous nous pencherons ensuite sur la violence engendrée par cette petite guerre et la manière dont cette dernière est appliquée et vécue par les populations touchées. Le troisième axe sera quant à lui centré sur les efforts diplomatiques consentis par les différents camps en présence, sur les modalités de résolution des différents conflits qui parcourent le Pays d’en Haut, ainsi que sur la place qu’occupe la France dans ce processus de médiation.

Esclavage

Lorsque la paix est signée en 1716 entre les Renards et l’alliance française, le retour des esclaves pris dans chacun des camps engagés dans le conflit est un des points essentiels du traité. Comme l’affirme les membres du conseil de marine avant même que la paix ne soit signée : « Il n’est pas naturel de penser qu’on puisse faire la paix avec ceux dont nous retenons les enfants ».1 Mais la restitution des prisonniers de guerre, particulièrement par les vainqueurs, engage un sacrifice que tous ne sont pas prêt à faire. C’est à la fois le privilège et la gloire de celui qui captura l’ennemi qui lui sont retirés, tout en substituant au village et à la famille une force de travail importante. Mais ces esclaves sont aussi présents en Nouvelle-France et leurs existences, absentes de la plupart des correspondances officielles, fut mise en lumière par le travail d’enquêteur de Brett Rushforth.
La capture de prisonniers, l’esclavage ainsi que l’assimilation de captifs renvoient en premier lieu à une conception amérindienne de la guerre lorsque ces termes sont utilisés par des observateurs européens contemporains, dont les écrits sont les seules sources qui nous permettent d’appréhender les dynamiques esclavagistes dans les sociétés autochtones. Le problème que pose une production de sources par une élite européenne, inhérente à l’écriture de l’histoire de populations colonisées, mais qui se pose également lorsque l’on étudie toute population pas ou peu alphabétisée et ce pas uniquement dans le cadre d’un processus de colonisation, peut être résolu par une approche méthodique et critique. Mais comment étudier les pratiques esclavagistes dans des sociétés où l’écrit est complètement absent avant l’arrivée des Européens ? Comprendre le poids qu’eut l’arrivée des Blancs sur le continent sur ces pratiques ne peut en effet se faire que lorsque l’on connaît ces dernières, vierges du grand bouleversement que provoqua l’arrivée des colons. Si Snyder explique que « la demande européenne pour un travail servile créa une explosion dans le commerce d’esclaves indiens », il ne faut pas exagérer l’importance qu’eut l’arrivée des Européens sur les pratiques amérindiennes. On connait aujourd’hui la place que tenait l’esclavage dans la cité de Cahokia aux environs de l’an 1000, et la traite était déjà constitutive de l’identité de nombreuses nations Amérindiennes. 1 L’excès inverse serait évidemment de faire abstraction de la présence européenne pour analyser les pratiques amérindiennes. Sans pour autant se fixer comme objectif de quantifier de manière absolue la part qu’eurent les empires coloniaux dans la traite d’esclaves, il s’agit de saisir la part de chacun dans le processus pour en dresser le portrait le plus fidèle possible. A titre de comparaison, mais dans un autre registre, on a longtemps assimilé la dénaturation du scalp et la fréquence de plus en plus importante de cette pratique chez les Amérindiens à la seule rétribution monétaire qu’en firent les Français. Or, il apparaît que ce ne fut qu’un facteur parmi tant d’autres qui entretint la guerre dans le Pays d’en Haut.C’est lorsque l’histoire coloniale entre dans ces problématiques qu’elle doit être la plus objective et scientifique possible.
L’étude de l’esclavage chez les nations amérindiennes fut nourrie par une abondante historiographie américaine et canadienne qui amena à la parution d’une multitude d’ouvrages depuis le début des années 1970. Ce sont des thèmes tels que la race, l’identité ou le métissage qui sont mis en avant dans un cadre national ou régional où certaines tribus sont mises à l’honneur. Mais ce n’est pas l’esclavage qui est réellement au coeur de ces travaux. En effet, la notion d’esclavage n’était pas réellement problématisée comme le fait remarquer Roland Viau.3 L’esclave semble trop souvent absent des études sur les populations amérindiennes, alors que la figure de l’adopté concentre l’essentiel des recherches. L’esclave est pourtant bel est bien un rouage des sociétés autochtones, et sa force de travail un atout sur lequel ses maîtres peuvent compter. Par ailleurs, si l’esclavage amérindien, à la fois dans les 13 colonies et à l’intérieur des différentes nations, est de plus en plus étudié, la situation en Nouvelle France ne bénéficie pas d’un tel traitement.1 C’est à partir des années 1990 que se développe une autre histoire de l’esclavage amérindien, où ce n’est pas d’un seul esclavage américain et atlantique dont il est question, mais bien d’une diversité d’expériences vécues par les esclaves dans le cadre d’une histoire de plus en plus totale. Les nouvelles perspectives offertes par l’intégration et l’association d’autres sciences sociales telle que l’ethnologie ou la sociologie permet par ailleurs de porter un regard neuf, à la fois sur les empires coloniaux et sur les sociétés autochtones. Connaître la part que chacun eut dans le commerce d’esclaves n’est pas ici au centre du débat, il s’agit davantage de comprendre les modalités qui président à la recherche et à la capture d’esclaves, et ce qu’elles signifient lorsque l’on se penche sur les rapports de domination entre les individus de différentes nations.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Liste des cartes, des illustrations 
Liste des abréviations 
Introduction 
Historiographie
La Guerre des Renards
Problématique
De la guerre primitive
Présentation des sources
Première Partie : L’Ouest s’embrase. 1712-1716
Chapitre I : une nouvelle colonie
La Fondation de détroit
L’installation des amérindiens
Début des hostilités
Le siège
Sur le sentier de la guerre
Chapitre II : Porter la guerre en Wisconsin 
Une alliance à reforger
La petite guerre
Instiller la peur
La guerre à faible coût
L’Empire contre-attaque
Terminer une guerre : entre démonstration de force et mansuétude
Deuxième partie : Un combat permanent. 1716-1728
Chapitre III : Esclavage 
Être esclave dans le Pays d’en Haut
Empire et esclavage
Chapitre IV Une colonie instable 
Une guerre générale ?
Modes opératoires
Les objectifs de la guerre amérindienne
Adopter un prisonnier ou comment repeupler une nation
Tortures et traditions
Chapitre V Médiation et diplomatie 
Les conférences de paix
Chefferie et hiérarchie amérindienne
Les prérogatives militaires dans l’alliance
Esclaves, présents et négociations
Guerre et paix
Troisième partie : Bain de sang et réconciliation. 1728-1738
Chapitre VI Émigrer pour survivre 
2000 hommes pour détruire l’Outtagami
Plus isolés que jamais
Migrations
De nouveau encerclés
Chapitre VII Combattre pour exister 
Un génocide oublié ?
Les derniers des Renards
Survivre pour « être pardonné »
Conclusion
Sources et bibliographie
Annexes 
Glossaire des nations amérindiennes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *