La grossesse à risque 

La mère et son lien au fœtus

Au premier semestre, l’enfant est encore au stade d’embryon. Ce dernier est vu comme une partie d’elle-même plutôt qu’un être distingué et différencié. Il s’agit d’une période fragile pour la grossesse, elle ne s’autorise pas à l’imaginer et à parler de lui.
Les préoccupations sont alors plus axées sur la femme elle-même, les changements corporels et les symptômes qui confirment la grossesse. C’est la période du « je suis enceinte » (Mourras, 2003, p.44). Au deuxième semestre, les mouvements du fœtus se font ressentir. L’enfant est alors bien présent et différencié de la femme. C’est alors que peut s’instaurer le début d’une relation, avec les premiers contacts. Elle lui parle, le touche à travers le ventre… Elle imagine ce bébé. C’est à cette période que l’enfant imaginaire, issus de l’enfance de la mère et reflétant l’enfant idéal, se développe (ibid).
Le troisième semestre rapproche petit à petit la femme de son terme, et donc de son bébé. Cependant, des angoisses sont sous-jacentes quant à une éventuelle déception face à l’enfant réel, en comparaison avec l’enfant imaginaire. C’est pourquoi, à la fin de la grossesse, la femme diminue les représentations qu’elle se fait de l’enfant imaginaire. Ceci a pour but de préparer la rencontre avec l’enfant réel. Il sera, pour Lebovici et Stoléru (2003), source d’émerveillement et en même temps de faiblesse, ramenant la mère à sa vie psychique antérieure.

Le service des grossesses à haut risque

Des pathologies anodines peuvent toucher la femme au cours de sa grossesse. Elles sont soignées normalement et n’engendrent aucune conséquence sur le foetus. Il arrive cependant que des pathologies inhérentes à la grossesse surviennent. Une prise en charge particulière doit être mise en place. Il est alors nécessaire d’avertir la mère des risques qu’elle et son bébé encourent, et expliquer le processus de soin (Lachowsky et coll., 2007). L’hospitalisation est parfois nécessaire.

Présentation du service

L’hôpital dans lequel se déroule ce stage est divisée en cinq pôles : Biologie ; Chirurgie et Anesthésie ; Pédiatrie médicale ; Physiologie, Imagerie pédiatrique et Information médicale ; et Gynécologie et périnatalité. Ce dernier assure la prise en charge des grossesse normales et à risques (pathologies obstétricales) jusqu’à l’accouchement, les diagnostics prénataux de pathologies fœtales, ainsi que les nouveaux-nés ayant des problèmes de santé. C’est au sein de ce pôle que se situe la maternité.
Il s’agit d’une maternité de niveau 3, ce qui signifie qu’elle a la capacité d’accueillir dans le même établissement une unité de néonatalogie et un service de réanimation néonatale. Elle prend également en charge les femmes présentant une Menace d’Accouchement Prématuré (MAP). Cela permet d’assurer ainsi la surveillance des nouveaux-nés présentants des détresses graves ou des risques vitaux. Ces services néonataux se trouvent à l’étage au-dessus du service de Gynécologie Obstétrique (G-O) où sont hospitalisées les femmes. Cela permet d’éviter les séparations précoces trop longues, notamment lorsque la femme a subi une césarienne, une hémorragie, ou tout incident nécessitant une hospitalisation plus longue.
Le service de G-O se divise en plusieurs unités d’hospitalisation : gynécologie post-opératoire, suites de couches et cours de grossesse. C’est dans ce dernier que le stage se déroule. Les patientes sont hospitalisées car leur santé et/ou celle de leur bébé est en danger, pouvant aller jusqu’à l’engagement du pronostic vital. Les causes et les durées (de quelques jours à quelques mois) d’hospitalisation sont multiples. Le chef de pôle et de service est un gynécologue. Il y a juste en dessous la sage-femme coordinatrice. L’équipe médicale se compose de gynécologues, de sage-femmes, d’internes et d’un psychiatre. Du côté paramédical, il y a des infirmières, des auxiliaires de puériculture, des aides soignants, des psychologues, des assistantes sociales et des secrétaires médicales et hospitalières .

Causes d’hospitalisation

L’hospitalisation pour grossesse à risque au sein du service peut avoir différentes causes. Les plus fréquentes seront détaillées selon la description de Goerke (2004). Une partie sera consacrée à la Procréation Médicalement Assistée : bien qu’elle ne soit pas la raison de l’hospitalisation, elle est souvent à l’origine de grossesse à risque.
La Menace d’Accouchement Prématuré :Lorsque la femme présente des modifications cervicales, des contractions utérines régulières et douloureuses et une modification du col utérin entre 22 et 37 SA (seuil de prématurité selon l’OMS), on parle de Menace d’Accouchement Prématuré (MAP). En dessous de 22 SA, il s’agit d’un avortement tardif car l’enfant n’est pas viable.
La MAP représente un risque important pour la future maman et son bébé. Elle constitue la première cause de moralité et de morbidité périnatales. Une naissance prématurée peut avoir des conséquences importantes sur le développement du nouveau-né. C’est pourquoi il est nécessaire d’intervenir à temps : le taux de survie et les éventuelles séquelles sont en lien avec la sévérité de la prématurité.
Des contrôles médicaux sont mis en place par des monitoring et des analyses biologiques. L’hospitalisation a lieu lorsque cette MAP survient avant 32 SA, ou si le poids fœtal est inférieur à 1,500kg. Le but est alors de retarder l’accouchement le plus longtemps possible et prendre toutes les précautions nécessaires face au risque de complications liées à la prématurité. Le traitement dépendra ensuite de la cause de la MAP, mais dans tous les cas des tocolytiques seront prescrits pour stopper les contractions et des corticoïdes également pour accélérer la maturation des alvéoles pulmonaires du fœtus. L’alitement est également obligatoire.
La pré-éclampsie :Elle survient après 20 SA et associe une hypertension artérielle à un excès de protéines dans les urines. Elle peut également apparaître au moment de l’accouchement et même jusqu’à 6 semaines après.
Aucun traitement n’existe, seul l’accouchement l’arrêtera. Ses conséquences peuvent être extrêmement importantes, allant jusqu’au décès de la mère ou du fœtus. Elle peut provoquer une mauvaise irrigation ou décollement du placenta, qui mettra en danger le bébé. Cela peut également se transformer en HELLP ou en éclampsie, ce qui touchera cette fois la maman. C’est pourquoi une femme présentant seulement l’un des deux critères (HTA ou protéines) est hospitalisée : elle sera surveillée pour prévenir de toute complication éventuelle.
Aucune étiologie n’est mise en évidence à ce jour, bien que le l’implication du placenta serait en cause.

Les conséquences de l’hospitalisation

Chaque femme a une histoire personnelle, un parcours de procréation et un vécu de la grossesse différents. Leur hospitalisation pour grossesse à risque vient donc rejouer des choses différentes chez chacune. Les conséquences décrites découlent de différents auteurs et s’étayent sur les observations cliniques du stage. Il s’agit ainsi d’une liste non-exhaustive : les différents points ne concernent pas toutes les femmes, et d’autres problématiques existent certainement.

Des repères spatio-temporels modifiés

L’hospitalisation est, dans la plupart des cas, inattendue. Dans le discours des femmes rencontrées, la brutalité de cette hospitalisation est un élément récurent. Cela peut provoquer une perte de repères spatio-temporels.
L’hospitalisation est marquée d’une temporalité particulière : à la fois rythmée par les monitoring, à la fois longue car les journées se répètent et se ressemblent. Le rythme est «intérieur à nous, instinctif et inné, sans cesse présent, il est en relation avec le sens de la durée, du vécu personnel propre à chaque individus. Il reste alors dans l’ordre du subjectif. Extérieur à nous, codifié par le cadre de la vie sociale, il est régi par la succession des jours, des années, des phénomènes, auxquels nous devons nous adapter continuellement» (Carric et Soufir, 2014, p.56). Ainsi, la femme doit s’adapter à ce nouveau rythme imposé par les examens médicaux, les visites du personnel médical et de ses proches. Elle doit également composer avec tous ses changements de rythme internes et avec le rythme de vie de son enfant, dans son intérieur.
La perception du temps est subjective. Elle est influencée par les états émotionnels (Ibid). L’ennui que ressent la femme lors de l’hospitalisation, dont la durée est souvent longue et indéterminée, rallonge le temps. L’angoisse liée au fait que tout peut s’arrêter du jour au lendemain rend l’attente encore plus longue et pénible. L’attente et l’incertitude quant à la survie du bébé semblent marquer une pause dans leur grossesse, l’impression que le temps est suspendu.

Un corps-objet

« Et, si personne ne conteste que la procréation participe à la fois du biologique et du psychique, la surveillance médicalisée et technicisée de l’évolution de la grossesse tend à exclure la femme de l’événement et à en négliger la dimension humaine. » (Spiess, 2002, p.50). Cette phrase s’avère d’autant plus vraie dans ce service d’hospitalisation.
Le corps est immobilisé. Qu’elle soit alitée ou non, l’espace est restreint à la chambre et favorise l’inertie. Ce même corps se trouve objectalisé. Il devient un contenant dont il faut s’occuper pour la survie du contenu, le fœtus. Il est ainsi extrêmement médicalisé. Il reçoit des soins plusieurs fois par jours. Il en conserve même la trace : les femmes gardent les embouts servant aux perfusions à la surface de leur peau en permanence.
L’enveloppe se trouve donc intrusée. Lachowski et Winaver (2007) constatent que, malgré une prise en charge des femmes enceintes de plus en plus psychosocial, elle n’en reste pas moins très médicalisée. «Les méfaits de l’hypermédicalisation sont connus tant dans la gestion de l’angoisse et du stress et la survenue d’effets secondaires, principalement à type de contraction, que dans l’état de dépendance voire d’hospitalisme dont les conséquences peuvent être importantes» (p.24). Selon eux, cette surveillance médicale crée de toute pièce une pathologie psychosomatique en lien avec les effets physiologiques du stress. L’une des conséquences principales du stress serait en effet des contractions, dues à une augmentation de sécrétion d’adrénaline.

Devenir mère : un processus en pause

La maternité est un processus qui s’élabore durant neuf mois. Elle est personnelle à chacun et détermine la qualité de la relation qui s’établira avec l’enfant. L’évolution du sentiment d’être mère suit l’évolution corporelle de la grossesse (Spiess, 2002) :
au premier semestre, la mère se sait enceinte et les symptômes apparaissent. Le ventre lui, est encore invisible, ce corps n’est donc pas reconnu maternel par l’extérieur. C’est la période de l’enfant silencieux, période de l’ «être enceinte» ;
au deuxième semestre, les mouvements de l’enfant sont perçus ce qui confirme son existence réelle. Les premières représentations de l’enfant émergent. La femme se représente comme une femme-mère ;
au troisième semestre, c’est la période de l’envahissement : une grande place est donnée à l’enfant imaginaire et la gêne physique s’accentue. C’est également la période où le fœtus s’individualise et devient un corps détachable : il s’agit de donner naissance. La préoccupation maternelle primaire s’intensifie et la séparation des corps approche : la femme devient mère.
Le regarde extérieur participe à forger cette identité de mère. Le fait d’être hospitalisée est un environnement qui leur rappelle à chaque instant que leur corps n’est pas en capacité de garder seule l’enfant à l’intérieur. Leur capacité à être mère, et bonne mère, peut en être remis en question. Le corps a une place particulière également. Or, Spiess précise que c’est à partir de l’expérience corporelle que s’élabore la maternité symbolique, selon la mise en jeu de leur corps dans la transmission de la vie. Au cours de ces différentes étapes, la mère imagine son enfant et se prépare à son arrivée. Chacune s’approprie ce rôle à sa façon. Certaines se sentent devenir mère en parlant à leur enfant, en le touchant, en partageant de la musique… D’autres ont besoin de préparer le nid, de créer un cocon, d’anticiper tous les besoins à venir pour remplir ce rôle. Or, l’hospitalisation contraint la femme à arrêter ces préparatifs et, par la même, peut arrêter le processus de maternalité. L’hospitalisation pour MAP impose également à la femme d’accueillir son enfant plus tôt que prévu. La confrontation à une naissance trop précoce peut faire qu’elle ne se sente pas prête à endosser le rôle de mère. Spiess (2002) précise que ce processus de maternité s’élabore tout au long des neuf mois. La préoccupation maternelle primaire arrive à la fin de la grossesse. Elle peut alors avoir l’impression de ne pas être encore prête pour être mère, alors même qu’elle se sent dans l’incapacité de mener la grossesse à terme.

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Table des matières

Introduction 
THEORIE 
I. La grossesse ordinaire 
I.1. Une adaptation physiologique 
I.1.1. Un monde interne modifié
I.1.2. …qui s’inscrit dans le corps
I.2. Un remaniement psychique 
I.2.1. Crise maturative : de la fille à la femme
I.2.2. Crise identitaire : de la femme à la mère
I.2.3. La mère et son lien au fœtus
I.3. Une psychomotricité impactée 
I.3.1. Motricité globale
I.3.2. Tonus
I.3.3. Système sensoriel
I.3.4. Schéma corporel
I.3.5. Espace et temporalité
I.3.6. Psycho-affectif
I.3.7. Image du corps
I.3.7.1. L’identité
I.3.7.2. La peau physique et psychique
I.3.7.3. La représentation de l’intérieur du corps
I.3.7.4. Le tonus
I.3.7.5. La sensibilité somato-viscérale
II. La grossesse à risque 
II.1. Le service des grossesses à haut risque 
II.1.1. Présentation du service
II.1.2. Causes d’hospitalisation
II.1.2.1. La Menace d’Accouchement Prématuré
II.1.2.2. La pré-éclampsie
II.1.2.3. Le diabète gestationnel
II.1.2.4. La Procréation Médicalement Assistée
II.2. Les conséquences de l’hospitalisation 
II.2.1. Des repères spatio-temporels modifiés
II.2.2. Un corps-objet
II.2.3. Une peur latente
II.2.3.1. Crainte de la mort en couches
II.2.3.2. S’attacher en situation de risque
III.2.4. Devenir mère : un processus en pause
III.2.5. Une ambivalence émotionnelle
III.2.6. Un rapport au corps particulier
III. La psychomotricité dans le service
III.1. Champs d’action de la psychomotricité 
III.1.1. D’un point de vue législatif
III.1.2. Un travail de prévention
III.2. Les modalités d’intervention 
III.2.1. Le bilan
III.2.2. Une médiation corporelle
III.2.3. La relaxation psychomotrice
III.2.3.1. L’installation
III.2.3.2. Les mobilisations
III.2.3.3. L’approfondissement
III.2.3.4. La reprise
III.2.3.5. La verbalisation
CLINIQUE 
I. Mme Lou, le contenant contenu 
I.1. Première rencontre, premières impressions 
I.2. La surprise
I.2.1. Entretien et observations psychomotrices
I.2.2. Vue d’ensemble
I.3. La première séance 
I.3.1. Un toucher maternant
I.3.2. Conclusion
I.4. La deuxième séance 
I.4.1. Relaxation
I.4.2. Vers l’intégration d’une enveloppe
I.5. La troisième séance 
I.5.1. Place à l’émotion
I.5.2. Relaxation
I.6. Conclusion 
II. Mme Belo, une construction identitaire 
II.1. La rencontre 
II.2. L’acte dans la quête d’identité 
II.3. Réactiver le processus de maternalité 
II.3.1. Partager ses émotions
II.3.2. Réactualiser l’image du corps
II.3.3. Devenir mère par le corps
II.3.4. Installation
II.3.5. Anxiété
II.3.6. Être actrice
II.4. Conclusion 
II.5. Perspectives 
III. Mme Toda, un corps qui désobéit 
III.1. La rencontre 
III.2. Observations psychomotrices 
III.3. Axes 
III.3.1. Image du corps
III.3.2. Conscience corporelle
III.3.3. Régulation tonico-émotionnelle
III.3.4. Communication intra-utérine
III.3.5. Reprise et verbalisation
III.4. Après l’accouchement 
III.5. La dyade 
III.5.1. Les axes
III.5.2. Face aux contraintes institutionnelles
DISCUSSION 
I. La psychomotricité : un espace différent 
I.1. L’hospitalisation : une effraction… 
I.1.1. … corporelle
I.1.2. … temporelle
I.2. La psychomotricité : un espace pour… 
I.2.1. … un vécu corporel positif
I.2.2. … verbaliser ses émotions
I.3. Redevenir actrice en psychomotricité 
II. Être mère et investir bébé 
II.1. Quand le corps n’exprime pas la maternité 
II.2. Toucher et être touché pour exister 
II.2.1. L’haptonomie
II.2.2. « Le bébé confirme ses parents…
II.2.3. … qui le confirment »
II.3. Dialogue tonico-émotionnel 
III. Vivre le maternage 
III.1. Une enveloppe fragile 
III.1.1. Le concept d’enveloppe
III.1.2. L’enveloppe lors d’une MAP
III.2. La superposition des cadres 
III.2.1. Hôpital : premier cadre
III.2.2. Psychomotricité : cadre thérapeutique
III.3. Contenance en psychomotricité 
III.3.1. Par le psychomotricien
III.3.2. Par le toucher
Conclusion 
Bibliographie 

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