La grande Presse et les corollaires de son essor au XIXème siècle

Le début de la troisième Républiqueet la période transitoire de la Commune 

Nous en avons fait part, le Général Trochu préside le Gouvernement de défense nationale. Il va s’installer à l’Hôtel de Ville au lendemain du 4 septembre 1870 ; c’est ce jour là que sera proclamée la République.
Il est aussi décidé de continuer la guerre.
On redoute l’anarchie interne à Paris et les gares sont envahies par tous ceux qui veulent fuir rapidement la Capitale ; c’est l’exode pour de nombreux Parisiens nantis. Par la suite, après l’encerclement de Paris par l’ennemi, le 19 septembre 1870, on quitte Paris par ballon ; c’est ainsi que 66 ballons vont décoller de la Capitale et franchir les lignes allemandes jusqu’à l’armistice du 28 février 1871. Le plus célèbre des passagers deces aérostats est sans doute Léon Gambetta, qui quitte la Capitale grâce à un ballon le 7 octobre 1870. Mais parallèlement un reflux s’amplifie, il est constitué de charrettes et de fiacres apportant une population limitrophe cherchant une protection du coté interne de l’enceinte fortifiée de Paris. S’entassent aussi dans Paris 500.000 hommes de troupes. Les fortifications de la Capitale ne servent plus à grand-chose car les canons ont alors une portée de 8 kilomètres et il est facile pour les Prussiens, dotés d’une artillerie moderne, de toucher le cœur de Paris. Le 19 septembre, les Prussiens ont encerclé Paris et vont miser sur un siège et écarter un assaut. « Nous avons le temps d’attendre qu’ils aient mangé leurs chiens et leurs beaux chats à longs poils », écrivait Bismarck à son fils (63). Mais les parisiens restent confiants, car il y a quatre fois plus de soldats dans Paris que d’ennemis qui l’assiègent. Victor Hugo, dont nous avons déjà cité l’agressivité et l’irréalisme, harangue les parisiens : « Ils sont trois cent mille, vous êtes trois millions, levez-vous et soufflez dessus ! » (64).
En fait, les troupes qui défendent Paris sont d’une grande médiocrité ; l’élite de notre Armée a été capturée à Sedan.
Une sortie vers le sud est programmée le 19 septembre afin de forcer le blocus, mais les Zouaves, qui font le gros de la troupe attaquante lors de cette mission, sont mis en déroute par le seul fait d’une lâcheté avérée ; Trochu est totalement découragé et cet échec lui révèle l’impuissance de notre défense. Les autres tentatives de sorties ne seront pas plus probantes.
Le siège avait pour premier but d’affamer la population. Charcot était resté à Paris, mais il avait demandé à sa famille de quitter la capitale pourLondres par souci de protection. Charcot a donc connu les sévères répercussions de ces sombres mois de siège : le froid, la famine, les maladies, les troubles politiques séditieux et les morts. Au début (octobre),il y avait encore quelques denrées, mais au fil du temps tout manque. En décembre les prix décuplent ! On trouve des marchés aux corbeaux, aux moineaux, aux chats, aux chiens, aux rats. Les chevaux ont été abattus, les ânes, les animaux exotiques du zoo du Jardin des Plantes aussi : zèbres, chameaux, antilopes, loups, éléphants. Les rats sont accommodés en sauce, on les trouve au menu des grandes maisons : « Salmis de Rats sauce Robert ». Alexandre Choron, Grand Chef Parisien originaire de Caen, propose un « Cuissot de loup à la sauce chevreuil », « Civet de Kangourou », « Chameau rôti à l’anglaise », « Terrine d’antilopes aux truffes ». Les prix, sont prohibitifs ! La ressemblance des grands singes avec l’homme les protège de la boucherie ; les tigres, les lions et les ours, sont d’un prix trop exorbitant pour être accessible aux bouchers.
Au bas de cette funeste toile de fond le froid signe le tableau cataclysmique de l’hiver 70-71 (39°C durant l’été 1870 à Paris, puis -20°C durant l’hiver ! On constatait 1,10 m de neige dans le Roussillon. Données météorologiques de 1870 ; archives météo France). De concert, durant l’hiver, la malnutrition contribue à la mortalité des vieillards. Les pathologies et les épidémies s’installent : bronchite, pneumonie, variole, typhoïde. Du 18 septembre 1870 au 24 février 1871 on comptera 3.000 morts chez les soldats, mais surtout plus de 74.000 victimes chez les civils (trois fois plus que la mortaliténormale). Alfred Fierro souligne que la « fièvre obsidionale » (une forme de dysfonctionnement mental décrit spécifiquement chez les assiégés), amène à une effervescence délétère très en prise avec les rumeurs changeantes du moment. Pendant le siège il y a un pouvoir officiel intra-muros, mais il s’est créé au fil du temps, et parallèlement, un contrepouvoir à partir de factions constituées d’ouvriers républicains radicaux et d’extrémistes en tous genres. Arago, Maire de Paris (auquel succéda, dès novembre 1870, Jules Ferry), avait dès sa nomination placé un maire à la tête de chaque arrondissement, mais ils viendront très rapidement, eux aussi, à constituer une autre forme de contre-pouvoir. Le climat est donc vraiment confus. Un exemple d’électron libre (penseur), Pierre Flourens (Pr. au Collège de France, médecin physiologiste, précurseur des neurosciences) avait deux fils dont un : Gustave, qui occupa pendant une année un poste d’assistant d’enseignement dans la même Maison que son père, au Collège de France, mais dans un tout autre domaine : celui de l’« Histoire des races humaines ».
Il sera vite interdit d’enseignement puis éconduit du fait de ses idées et de ses emportements extrémistes antireligieux et anti-bonapartistes. Après un duel il sera condamné par contumace à six ans d’emprisonnement ; afin d’échapper à cette peine il s’exile en Angleterre. Gustave Flourens est un républicain extrémiste, un « rouge », qui dès la République proclamée, le 4 septembre 1870, décide de réintégrer ses pénates enFrance. Animé par une hargne irréductible, et qualifié d’« agité », à la faveurd’une opportunité il décide d’envahir l’Hôtel de Ville à la tête d’un escadron de la Garde nationale ; son motif ? : demander l’épuration des « suspects ».
Opposant invétéré, meneur d’un coup de main à l’autre, c’est un exemple non isolé de cet esprit insurrectionnel permanent ; Flourens sera régulièrement emprisonné, mais aussi vite relâché, comme de nombreux activistes intra-muros de cette époque. On perçoit bien toute la précarité du destin de cette jeune République avec d’un cotéune guerre à mener contre les Prussiens qui campent aux portes de Paris, et de l’autre le besoin de circonscrire les agitations et les troubles internes. L’affaire est donc complexe. Conscient de ses excès, le mouvement ouvrier craint que le Gouvernement en place souhaite négocier une reddition favorable à l’Allemagne de façon à contrecarrer et réduire les poussées socialistes à Paris. Il y avait, à priori, plus à craindre des extrémistes parisiens que de nos ennemis érigés alors comme gendarmes affectés à la veille de l’ordre Européen.
En décembre 1870, Bismarck décide de démoraliser les Parisiens en bombardant intensivement la Capitale. Le 27 décembre les tirs débutent et écrasent les forts du Sud de Paris ; ils vont ensuite s’intensifier sur différents arrondissements; ils dureront 23 jours avec une cadence de 250 tirs par jour ! Au total des milliers de maisons détruites, une centaine de morts, et quatre fois plus de blessés.
Les Prussiens ont, le 18 janvier 1871, solennellement proclamé l’Empire Allemand ; ils organisent cette cérémonie dans lagrande « galerie des glaces » duchâteau de Versailles, lieu ô combien symbolique. Ils mettent ainsi en scène leur incontestable victoire.
Sous la pression des civils parisiens, qui exigent une « sortie torrentielle », Trochu décide, après ses différents échecs à l’Est et au Sud Est, de mener une opération en direction de Versailles les 7 et 19 janvier 1871. C’est l’ultime erreur. Le 19 janvier, 80.000 hommes se font étriller à Buzenval, avec 4.000 morts ! Alors que Trochu avait été poussé à cette opération par l’aile gauche des républicains, ces mêmes gens lui reprochent d’avoir fomenté machiavéliquement cet échec dans le seul but de provoquer une terreur facilitant ainsi une capitulation unanimement consentie ! Les radicaux demandent la destitution de Trochu et celui-ci démissionne le 22 Janvier 1871. Victor Hugo, qui aime railler avec autant de sarcasme que d’humour, commente : « Trochu, participe passé du verbe trop choir ! ». La veille, le 21, un coup de main libère les prisonniers de Mazas,dont Flourens (Gustave). Blanqui, le 22, tente d’investir l’Hôtel de Ville, total : 25 morts chez les radicaux et les arrestations des meneurs.
Le 26 janvierun cessez-le-feu est déclaré et évolue, le 28, vers un armistice d’une durée de 21 jours ; armistice qui est signé à Versailles. C’est Favre qui signe, car depuis le 4 septembre 1870 il n’y a plus d’Assemblée en France. L’armistice prévoit qu’une Assemblée doit être élue sous trois semaines et que des préliminaires de paix soient signés. La population parisienne reste toutefois persuadée de notre supériorité et la publication d’une convention officielle d’armistice, le 29 janvier 1871, suscite une totale indignation.Les révolutionnaires, jusque là incarcérés, sont libérés et les élections qui sont organisées le 8 février ont pour effet de ramener le calme. C’est l’Armée Allemande qui surveille la bonne tenue des élections au niveau des territoires occupés.
Au final, les suffrages exprimés ne seront pas favorables à l’extrême gauche. Les « Eléphants » politiques de l’époque sont élus : Gambetta, Hugo, Louis Blanc, Rochefort, Thiers, Clemenceau et bien d’autres… Blanqui et Flourens sont battus. La Province a élu la majorité des députés Royalistes. Cette Assemblée, avec les voix de 400 Royalistes, permet une perspective favorable à la paix, car ils y souscrivent sans coup férir, mais les députés parisiens manifestent massivement pour la continuité de la guerre. La paix se profile pourtant à l’horizon, elle annonce aussi ses conséquences : perte de « l’Alsace-Moselle » et 5 milliards d’indemnisation ! Cette paix, cette capitulation devrait-on dire, est considérée comme humiliante pour les Parisiens, mais elle devient pourtant incontournable.

Le Mandat de Patrice de Mac-Mahon. 1873-1879

Patrice de Mac-Mahon, dont le patronyme s’inscrit dans un creuset territorial et culturel Irlandais, est un homme du sérail militaire ; il est pensionnaire, dès l’âge de 12 ans, au Collège d’Autun (comme l’ont été avant lui Napoléon Bonaparte et son frère Joseph, ou encore Jean Carnot), il y reçoit une éducation stricte et élitaire ; reçu à la Grande Ecole de Saint-Cyr,il devient un brillant Officier qui démontre son courage et sa sagacité à la manœuvre tout au long de sa carrière.
Mac-Mahon est profondément monarchiste, c’est un garant de l’ordre moral et clérical. En cela il va, par réaction, faciliter la poussée de son contraire, Georges Clemenceau qui entre au Conseil municipal de Paris comme Secrétaire. Aux élections Sénatoriales de 1876, Victor Hugo obtient un siège. En 1877, à l’occasion des obsèques de Thiers, la ferveur républicaine est encore plus ravivée et le défunt, qui fut pourtant le « boucher » de la Commune, est honoré par l’ensemble des Républicains modérés, comme radicaux. Ceci veut dire aussi que la France du territoire opte pour une représentation républicaine, mais surtout dans son expression modérée, restant hostile aux radicaux, même s’ils arrivent à s’imposer ici où là et principalement à Paris.
Au total : la majorité républicaine s’impose partout, surtout à Paris, excepté dans le VIIIème arrondissement. A Paris des noms apparaissent et resteront inscrits dans l’Histoire, tels : Floquet, Gambetta, Clemenceau, de Girardin, Denfert-Rochereau, Louis Blanc, Grévy.
En 1878, l’exposition universelle de Paris permet de calmer légèrement l’opposition et le Gouvernement, tout en facilitant le maintien au pouvoir de Mac Mahon jusqu’en 1879. La majorité opposante élue au Sénat début janvier 1879 est de gauche, cela va décider Mac-Mahon à démissionner le 5 janvier 1879 ; il n’a plus de soutien parlementaire, il est réduit au silence et huit heures plus tard Grévy est élu 4 ème Président de la République Française.

Bilan du mandat de Patrice de Mac-Mahon 

Militaire dans l’âme, ses services et commandements sont irréprochables : Il s’illustre à la prise de Sébastopol par sa victoire et le fameux : « j’y suis j’y reste ! » (1855). Nommé en Algérie, il guerroie contre la résistance Kabyle et assure la paix. Il est victorieux à Magenta (1859). Il sera nommé Gouverneur général d’Algérie.Blessé à la bataille de Sedan, il est fait prisonnier en 1870 avec l’ensemble de l’Armée. En 1871, il est nommé à la tête de l’Armée Versaillaise et combat la Commune. Il est Monarchiste, c’est surtout un fervent « clérical ». De 1887 à 1893, il sera le Président de la « Société des Secours aux Blessés militaires », qui deviendra, en 1940, la « Croix rouge Française ». C’est à Mac-Mahon que l’on doit la durée de 7 ans du mandat Présidentiel ; pendant 129 ans ce septennat fut la règle dans notre Pays. Mac-Mahon a démissionné, car il n’a pu s’opposer au décret de mise à la retraite d’Officiers liés à la Monarchie, la majorité au Sénat étant de gauche, l’affaire était donc mal engagée pour le Président. Mac-Mahon démissionne car il lui est impossible de s’opposer au régime Parlementaire, il se range à la volonté nationale.

Le Mandat de Sadi Carnot

3 décembre 1887 au 25 juin 1894 (date de son décès à la suite d’un attentat à Lyon).
Le Président Carnot a une expérience du pouvoir et des affaires politiques, il a déjà été Ministre des Finances. Son mandat s’est joué dans un climat particulier en ce sens ou le boulangisme, qui bat son plein, vient passablement inférer sur l’ambiance politique gouvernementale ; mais c’est aussi l’affaire de Panama avec ses prolongements et plus encore la montée des anarchistes avecson cortège d’attentats meurtriers, dont le Président sera une des victimes.

L’Intermezzo du Général Boulanger sur la partition du Président Carnot

Nous l’avons constaté, Boulanger était adulé par les représentations politiques allant de la gauche radicale jusqu’aux monarchistes, il revient maintenant sur la scène. Il se présente aux élections en Dordogne pour y briguer le siège de député et il l’obtient le 8 avril 1888. Les monarchistes vont espérer pouvoir revenir aux affaires grâce à Boulanger en envisageant une refonte de laConstitution : « dissolution, révision, constituante». Clemenceau, qui voit très bien que les monarchistes se cachent derrière le général Boulanger, change son « Lebel » d’épaule et va dorénavant contrer systématiquement son grand ami et condisciple d’hier. Boulanger demande, le 12 juillet 1888, devant l’Assemblée, la dissolution du Parlement, et à cette occasion insulte Charles Floquet qui est Président du Conseil (radical) ; s’en suivra un duel au terme duquel Boulanger est blessé au cou. Début 1889 il prendra sa revanche ; en effet, en janvier Boulanger se présente à la députation de Paris,c’est là qu’il veut être consacré. La victoire semble lui être acquise : « Paris est en liesse. Une foule à la foisjoyeuse et frénétique envahit les grandes artères, braillant : « Vive Boulanger ! Vive Boulanger ! » (80). Boulanger est largement élu et la foule crie alors : « A l’Elysée ! A l’Elysée ! ». Ses proches veulent qu’il tente un coup d’Etat, et tous le supplient d’écouter la voix du peuple ! : « Mais le vainqueur plébiscité cependant reste impassible, le regard voilé, il se borne à dire: « Pourquoi voulez vous que j’aille illégalement conquérir le pouvoir, quand je suis sûr d’y être porté dans six mois par l’unanimité de laFrance ». (81).
Boulanger, militaire discipliné, ne peut concevoir l’idée de déroger aux principes fondamentaux de la légalité républicaine et préfère l’attente de l’élection. C’était sans doute mal vu, car par le fait il déçoit l’ensemble de ses supporters, des bonapartistes aux gens de l’extrême gauche. En effet le panel est large et les aficionados boulangistes sont largement représentés sur l’échiquier politique national ; pour exemples : Rochefort, qui a fait ses études à Saint Louis (qui s’est initialement engagé dans des études de médecine pour se réorienter très tôt dans l’exercice du journalisme et fonder avec Jules Vallès La chronique parisienneet qui travailla notamment au journal Le Figaro), est et restera un soutien inébranlable pour Boulanger. Rochefort appartient à l’extrême gauche boulangiste. Déroulède, lui, fréquentait le lycée Louis Le Grand, il devient poète et auteur. C’est un nationaliste de droite qui se caractérise par son goût des duels ; il se bat contre Léon Gambetta et Jean Jaurès. C’est aussi un boulangiste. Henri Michelin, du mouvement ouvrier, est très à gauche et proche de Georges Clemenceau, il est antisémite et lui aussi un inconditionnel boulangiste. Thiébaud, journaliste bonapartiste, lance une véritable campagne à l’américaine en faveur du Général Boulanger. De la droite à l’extrême gauche Boulanger est adulé et soutenu ; le 27 janvier 1889 voit son triomphe électoral à Paris. Thiébaud y assiste et tard dans la nuit tire la montre de son gousset : « Il est minuit cinq, Messieurs. Depuis cinq minutes le boulangisme est en baisse » (82). Comme le formule si bien Alfred Fierro : « Le militaire discipliné a prévalu chez Boulanger sur le joueur ambitieux » (78). La foule est déçue. Mais la Province fustige sévèrement la versatilité parisienne mettant en accusation son esprit de vagabondage, errances hasardeuses du républicanisme au césarisme sans vergogne, y voyant le seul fait de l’influence puériledes boulevardiers et des « rastaquouères ». Mais à l’Elysée, Carnot respire !!
Comment venir à bout de ce Général devenu un héros pour le moins gênant ? Le Gouvernement confie la tâche de son éviction au Ministre de l’Intérieur qui a la principale qualité de sa fonction : dénué de scrupule. Ernest Constant, puisqu’il s’agit de lui, échafaude un plan machiavélique : il fait courir la rumeur que le Général va être arrêté et traduit devant la Haute Cour. En effet le Ministre poursuit parallèlement « La ligue des Patriotes » comme société secrète et Boulanger peut y être impliqué. C’est d’autant cocasse que Constant est franc-maçon et sait donc à quoi s’en tenir en matière de « société occulte » ! C’est le Ministre le plus indiqué pour mener à bien les basses besognes, il est, et le sera jusqu’à la fin de sa carrière, guidé par l’appât du gain et doté d’un profil qui se prête à toutes les adhésions vicieuses.
Nous l’avons dit, le général Boulanger plaît aux femmes, mais il est aimé et aime passionnément Margueritte de Bonnemains avec laquelle il entretient une relation amoureuse depuis des années.
La Vicomtesse Margueritte de Bonnemains et le Général font, depuis le début de leur relation, l’objet d’un « espionnage » permanent mené par la Sûreté Générale. La rumeur diffusée de sa possible arrestation fait son chemin jusqu’auprincipal intéressé. L’idée même de cette arrestation, qui le séparerait et le priverait de Madame de Bonnemains, lui est totalement insupportable et le couple s’enfuit de France le 1 er avril 1889. Sans aucun doute son départ a été aidé par le Ministère qui ainsi referme son piège en permettant de définitivement discrédité Boulanger, « ce lâche fuyard », et de demander aussitôt la levée de son immunité parlementaire.
En effet ce sera le cas et au terme des accusations retenues, Boulanger, Rochefort, le Comte Dillon, sont condamnés à la déportation ; condamnations par contumace. Rochefort suit Boulanger dans sa fuite. Ce sera le glas sonnant la fin du boulangisme.
Nous sommes là en avril 1889, le Général et Madame de Bonnemains vivront le prolongement de leur idylle jusqu’au 15 juillet 1891, date à laquelle Madame de Bonnemains meurt de la tuberculose ; le Général profondément affecté et ce jusqu’au désespoir, ne peut supporter l’absence de Margueritte. Emporté par son Amour, par sa passion, par un élan de romantisme, il se suicide sur la tombe de sa maîtresse deux mois plus tard, le 30 septembre 1891. Ils reposent tous les deux dans le même caveau, en Belgique, au cimetière d’Ixelles. Le Ministère de l’Intérieur pouvait dès lors clore son sinistre dossier.
Dans les années qui vont suivre nul n’est besoin de fomenter des rumeurs alimentées par des élucubrations visant à mettre en péril le régime, il se condamne de lui-même, et pour cela la corruption lui suffit : ce sera l’affaire de la « Compagnie du Canal du Panama » et ses suites ; un scandale non construit, mais objectivement bien réel celui là.
Le 4 février 1889, le Tribunal de Commerce de Paris dissout la « Compagnie du Canal du Panama ». Cette affaire va durer 10 ans et compromettre la classe politique dans son ensemble.
Ferdinand de Lesseps, qui s’est couvert de gloire et d’argent par la percée du canal de Suez, est maintenant un vieillard plus toujours lucide lorsqu’il évalue les coûts financiers des gigantesques chantiers, surtout en ce qui concerne ceux du percement de l’isthme de Panama; considérablestravaux permettant de relier les deux océans de l’Atlantique au Pacifique.
De Lesseps est parti sur une fausse idée en ne prenant aucunement en compte que le sable du désert égyptien n’avait rien à voir avec la roche compacte du sol de Panama ; mais plus encore, qu’extraire les millions de mètres cubes permettant la percée a un coût d’autant plus impressionnant qu’au final le cubage a lui aussi été mal évalué et 4 fois plus important que celui estimé ! Les travaux devaient se terminer en 1888, l’ouverture du canal n’eut lieu qu’en 1913.
Très tôt les souscriptions vont pourtant bon train ; les « petits sous » attisent encore une fois les appétits des spéculateurs qui, au nombre de quelques centaines de milliers, achètent les actions de la « Compagnie universelle du Canal du Panama ».Le seul problème c’est que la loi votée le 8 Juin 1888, loi permettant la levée d’obligations à lots, est issue d’un fruit juteux et obtenue grâce à des « pots-de-vin » versés à pleines amphores à de nombreux Parlementaires, Ministres, journalistes et tutti quanti ! Des banquiers ethommes d’affaires : Herz, Kohn, de Reinach, organisaient le dévoiement des Parlementaires, des journalistes et autres protagonistes utiles.
Signalons au passage que le journal La Justice, dirigé par le Parlementaire de gauche Georges Clemenceau, fut financé lui aussi par les générosités de de Reinach et d’Herz. Cette affaire de corruption va aboutir à la ruine d’épargnants et à la mise en cause de sommités politiques et industrielles du Pays ; pour autant son caractère scabreux ne fera pas école auprès des aventuriers de la finance ou d’« épiciers » en tous genres, car une autre affaire se dessine et sera plus tardivement révélée : celle de l’emprunt Russe. En 1888, la Russie emprunte en France pour entreprendre la construction de son réseau ferroviaire, et notamment pour réaliser la partie transsibérienne. Les journaux, donc les journalistes, en feront là encore la publicité en cheville avec le Crédit Lyonnais. 1/3 de l’épargne Français part en Russie ; les journaux titrent : « Prêter à la Russie, c’est prêter à la France ! ». La Russie n’était pas fiable et ce fut malheureusement constaté quelques décennies plus tard, en 1917, avec l’annonce de la répudiation des emprunts par le régime bolchevique.
Mais concernant l’affaire de Panama, de Reinach, gravement impliqué dans la corruption, fait l’objet d’articles dans une Presse qui se déchaîne. Maurice Barrès, avec son journal La Cocarde, s’en donne à cœur joie contre le banquier : « Le fameux et influent banquier juif, le baron Jacques de Reinach, est un produit de la République parlementaire ». Il est suivi en cela par Edouard Drumont avec La libre Parole, et par une Presse unanimement hostile bien qu’ayant largement profité du vice qu’elle dénonce. De Reinach est convoqué devant les juges et il doit y faire impérativement état de ses cahiers comptables, mais il préfère se suicider avant son audience et les fameux documents ne seront jamais retrouvés car détruits par son gendre.
Deux grands mouvements vont dès lors agiter et occuper la vie publique en France durant la dernière décennie du XIXème siècle : celui des revanchards anti-allemands et le courant antisémite. Les anarchistes vont aussi se manifester : ce sont alors les attentats de Ravachol et la bombe de Vaillant jetée dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale. Le point crucial atteindra son comble avec l’assassinat du Président de la République Française Sadi Carnot à Lyon le 24 Juin 1894 ; le Président décède, peu après minuit,le 25 janvier, des suites de sa blessure. (Lorsque le Président Carnot est assassiné, le Professeur Jean-Martin Charcot n’est plus de ce monde depuis une dizaine de mois).
La Chaire de clinque des maladies du système nerveux et les Académies.
Charcot ne désarme pas il veut une Chaire des « maladies nerveuses » et prépare un dossier complet à cet effet. Il considère que si il y a une Chaire de « Clinique des maladies mentales », « il est temps de rétablir l’ordre logique des choses », car la psychiatrie « ne constitue qu’une faible fraction (de la neuropathologie) » (lire l’article de Toby Gelfand sur le sujet). Les politiques vont étudier l’intérêt d’un tel projet. Paul Bert soutient Charcot, les laboratoires du Maître, son service, ses compétences ; Gambetta préside à la Chambre des députés lors du vote du projet ; l’ambiance est favorable. Charcot fait l’unanimité et la Chaire est acquise ! 200.000 francs pour doter la Chaire de « clinique des maladies nerveuses ». Ce sera un hommage unanime pour Charcot qui reçoit du monde entiers des félicitations : le Bey de Tunis, les Russes, les Américains, les Autrichiens, le grand-duc Nicolas de Russie en personne, Paget…. Tout le monde s’associe à cet hommage. Paul Bert (Ministre de l’Instruction publique de l’union républicaine de Gambetta), annonce officiellement la décision le 14 novembre 1881. La Faculté aura un rôle consultatif, peu de Professeurs sont contre Charcot, mais il y en a, car on considère que la Chaire a été dédiée à un homme plus qu’à une spécialité ! Vulpian est Doyen et facilite l’approbation pour son ami.
Pasteur lui envoie lui aussi ses félicitations et Charcot peut renvoyer les siennes : Pasteur est élu à l’Académie Française le 9 décembre au siège vacant d’Emile Littré, médecin ancien Interne de Paris, même s’il n’est pas thèsé faute d’avoir déposé et soutenu. Charcot envie Pasteur, vous rendez-vous compte, l’homme de toutes les Académies! Il a peut-être sa chance ? Il va soigner alors sa rhétorique lors de ses interventions à l’Académie de médecine.
En Janvier 1882 s’ouvre une nouvelle ère pour Charcot (mais il n’a plus alors que 11 ans à vivre).
Un service de « Neurologie » s’ouvre à la Salpêtrière le premier au monde ! C’est la gloire ? ou une gloire annoncée ? Charcot remercie la Chambre, Paul Bert, ses collègues qui ont donné un avis consultatif favorable. Pour Charcot la neurologie, comme la spécialisation en général, est fatale mais nécessaire. Curieusement, et paradoxalement, c’est le côté « psychiatre » de Charcot qui semble faire sa notoriété auprès du grand public. Nous mettons des parenthèses à « psychiatre » car ce terme est à peine usité à l’époque. Encore une fois souvenons nous que Charcot méprise les aliénistes.
La thèse et le Traité de Richer n’étaient qu’une annonce, pourtant les scientifiques boudent le sujet. Pourtant il ne faudrait pas assimiler le travail de l’un d’entre eux avec les charlatans qui se servent de l’hypnose, alors Charcot en parle devantl’Académie, celle des sciences. C’est pourtant cette Académie qui a déjà condamnée, et à trois reprises, le « magnétisme animal » ; il a le culot, devant ces scientifiques, de décrire des phénomènes analogues, et ce avec son dogmatisme péremptoire en annonçant les 3 stades de l’hypnose. Il dit comment il est capable de faire apparaître, ou disparaître, les séquences cataleptique-léthargique et celle du somnambulisme.
Mais ici, entre savants, pas question de parler de fluide, de magnétisme, Charcot n’est pas Messmer. Il s’agit, dans l’hystérie, et dans l’hypnose, d’un état « névropathique », il est latent ou spontané dans l’hystérie, il est provoqué dans l’hypnose ; ce qui signifie qu’elle-même ne peut se réaliser que chez les hystériques.
Charcot n’a plus qu’à localiser, dans le système nerveux, ces neuropathies hystériques et hypnotiques ; en outre il doit travailler sur les étiologies. Ces gardiens du temple de la science, ces Brutions, vont au terme de la communication de Charcot l’accepter !
A la même époque (1882), un autre personnage médecin universitaire s’intéresse à l’hypnose : c’est Bernheim, Professeur de clinique médicale à Nancy. Il cohabite, dans sa sphère régionale, avec un médecin que l’on peut qualifier de « médecin de ville » ; Liébeault est un adepte del’hypnose et il traite ses malades avec le « sommeil provoqué ».
Liébeault a écrit un livre sur l’hypnose, chez Masson éditeur en 1866 ; il n’en a vendu que 5 exemplaires ! Abstenons nous d’en sourire, car pour prendre un exemple de personnage qui fut un dévot social de Charcot, ambitieux et à bien des égardsadepte du dogmatisme, citons : Sigmund Freud, avec son « Etudes sur l’hystérie», sachons que cet ouvrage ne fut vendu qu’à 634 exemplaires sur 13 ans ! A peine une cinquantaine par an (122). A cette époque Bernheim va user du même stratagème de communication que Charcot en mettant en première ligne un de ses élèves : Drumont, à qui il demande de rédiger un article : « Expériences d’hypnotisme» (123).).
Là, l’affaire se corse, car Bernheim prétend que nous sommes tous hypnotisables ! Hystériques ou pas, malades… ou pas ! Que ce qui compte c’est la suggestion et rien que la suggestion. Inutile de le souligner, (pour faire générique), ily a opposition entre la Salpêtrière et l’Ecole de Nancy. Une petite guerre pour des idées très affirmées ? Non, une guerre sans merci ! Charcot reviendra sous la coupole plusieurs fois, notamment pour y écouter Pasteur lors de son intronisation au fauteuil laissé par Littré, et y garde la tête haute, faignant d’ignorer les « dires »de Bernheim.

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Table des matières
Préambule
1/ Rappel sur l’évolution politique de 1800 à 1894
2/ La grande Presse et les corollaires de son essor au XIXème siècle
2-1 : ~Emergence d’une langue nationale
2-2 : ~Evolution de l’intérêt pour la lecture au XIXème
2-2-1 : La volonté de l’Etat
2-2-2 : Les lieux de lecture
2-2-3 : Une Presse accessible au plus grand nombre
3/ La Presse au XIXème siècle
3-1 : ~Progrès techniques permettant l’essor de la Presse
3-1-1 : L’amélioration de l’imprimerie, de l’encrage, du papier
3-1-2 : La diffusion rapide des journaux grâce au chemin de fer
3-2 : ~Du publiciste au journaliste, d’un art élitaire à la littérature industrielle
3-3 : ~La bête noire de l’édition au XIXème siècle : La censure
4/ Rappels sur la vie et la carrière de Jean-Martin Charcot 
5/ La mort de Charcot et ce qui reste de sa vie et de son œuvre à la lecture de certains des titres de la Grande Presse parisienne du 19 août à la fin août 1893 
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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