LA GÉNÉALOGIE

LA GÉNÉALOGIE

La généalogie, un phénomène de société depuis 1970

La généalogie est aujourd’hui un hobby « à la mode » 15, devenue en l’espace de quarante ans une « activité de masse » et l’un des loisirs favoris des Français16 . Cet engouement pour la recherche des ancêtres apparaît comme une passion qui peut toucher tout un chacun, sans distinction d’âge, de genre ou de milieu social, géographique ou professionnel, dès lors qu’il a des ancêtres. Les recherches généalogiques, portées par un profond besoin identitaire, donnent alors naissance à une nouvelle génération d’historiens amateurs, consultant les archives afin d’enrichir leur arbre généalogique. En effet, la généalogie décrit à la fois le dénombrement, la liste des membres d’une famille établissant une filiation, mais également une science qui a pour objet la recherche de l’origine et l’étude de la composition des familles17 . Cette pratique qui a traversé les âges, est marquée par de profondes évolutions. C’est aux abords des années 1970 qu’a lieu un véritable tournant au sein de la pratique généalogique. Cette activité jusqu’ici réservée aux familles nobles et aux érudits se démocratise. Les recherches, désormais pratiquées par des amateurs de plus en plus nombreux, se concentrent sur des familles modestes et anonymes, en quête d’authenticité et de véracité. Si auparavant, l’objectif principal de la généalogie était de légitimer un pouvoir et un certain rang social 18 , aujourd’hui les recherches généalogiques sont avant tout motivées par la volonté de connaître ses racines, de comprendre le cadre de vie de ses ancêtres et de transmettre l’histoire familiale aux générations futures. La popularisation de cette pratique est alors favorisée par l’apparition de nombreux guides de généalogie ainsi que par la création des premières associations locales d’entraide généalogique. Plus récemment, les progrès techniques tels que le développement de la numérisation et la montée en puissance d’Internet, ont permis d’accélérer encore un peu plus cette démocratisation de la pratique généalogique, permettant de faciliter l’accès aux documents d’archives et l’entraide entre généalogistes. Ainsi, d’après un sondage de l’institut OpinionWay pour Généalogie.com en février 2015, près de neuf Français sur 10 sont intéressés par la généalogie, tandis que 51% ont déjà réalisé des recherches généalogiques au sujet de leur famille, dont un tiers sur Internet19 . Il convient donc de se demander quelles sont les caractéristiques qui conduisent au développement de la pratique généalogique en France, de 1970 à aujourd’hui ? En premier lieu, nous verrons que la généalogie est une activité se situant entre science et loisir, décrivant à la fois une passion partagée par de nombreux amateurs mais également une étude approfondie de l’histoire locale et l’écriture d’une histoire personnelle. Puis nous étudierons en détail l’arrivée massive des généalogistes en salle de lecture dans les années 1970 et la réaction des archivistes face à cette vague de nouveaux lecteurs non initiés à la recherche, avec les adaptations et évolutions que cela a engendré. Enfin, nous analyserons la formation de communautés au sein de la pratique généalogique portée par l’engouement associatif des années 1980, et la nécessité de l’entraide dans les recherches généalogiques qui en font une activité collect ;

Une enquête passionnante

La généalogie revendique de nombreux passionnés, dont le nombre ne cesse d’augmenter. Ainsi, GeneaNet, site de généalogie en ligne, compte 53 000 abonnés au sein de son club Privilège, La Revue française de Généalogie diffuse 40 000 exemplaires tous les deux mois, tandis que la Fédération Française de Généalogie rassemble 155 associations et un peu moins de 60 000 cotisants en 201221. Ces chiffres diffusés par les trois acteurs majeurs du secteur permettent d’appréhender l’ampleur du phénomène généalogique, qui s’inscrit dès lors au rang des passions ordinaires des Français, au même titre que le football, le bricolage, le jardinage ou la course à pied22 . Faire sa généalogie, c’est chercher à identifier sa famille et à établir des liens de parenté, à mieux comprendre ses ancêtres et à retrouver ses origines. Le but premier du généalogiste amateur est donc bien souvent de « remonter ses ancêtres » le plus loin possible, avant même de chercher à comprendre leur cadre de vie, motivé par un sentiment de curiosité et un lien émotionnel fort qui le rattache à ses racines. Le généalogiste met alors en place une relation privilégiée avec sa famille et ses ancêtres. L’élément déclencheur des recherches est bien souvent une rupture ou une rencontre qui permet au généalogiste en devenir de prendre conscience de son attachement familial, comme lors d’un décès, d’une naissance ou encore d’une réunion de famille. Nombre d’entre eux évoquent alors l’affection qu’ils portaient à leurs grands-parents ou parents trop tôt disparus et réalisent leurs recherches pour leur rendre une sorte d’hommage. D’autres sont motivés par une perte de repères liée à un changement professionnel ou de région les conduisant à vouloir retrouver leur identité sociale24 . Les recherches sont alors motivées par un questionnement sur soi et ses origines et conduisent à donner ou redonner un sens à son existence. Mais les premières recherches ne sont pratiquées que lorsque le futur généalogiste peut disposer de temps libre, car la pratique généalogique demande du temps, pour chercher, exploiter les sources, pour se rendre dans les services d’archives, les mairies, interroger les proches et saisir les résultats. La retraite, étape de la vie génératrice de temps libre, loin des obligations imposées par les études, la vie professionnelle ou familiale, est donc bien souvent attendue par la plupart des généalogistes en devenir afin de réaliser leurs premières recherches et ainsi donner vie à un désir de longue date. Cela permet d’expliquer la moyenne d’âge des généalogistes qui dépasse la cinquantaine25 . Les premières recherches se mettent alors en œuvre à l’occasion d’un déclic ou d’une rencontre avec un autre généalogiste, proche ou appartenant à un cercle généalogique, lors d’une conférence ou d’un autre événement dédié à cette activité. Si les généalogistes débutants sont majoritairement des amateurs non initiés à la recherche, ne connaissant ni la recherche historique ni même les archives, tous expliquent avoir été très rapidement « pris au jeu », la pratique devenant alors pour eux un véritable jeu de piste, un puzzle inépuisable et une chasse au trésor infini. « On se pique au jeu. », « C’est comme un jeu de piste. », « La généalogie c’est comme un puzzle. », ou encore, « Moi, je suis l’inspecteur qui mène l’enquête. […] Il y a le côté énigme, enquête, et puis j’aime bien aller voir ce qu’il se passe derrière les choses. La curiosité. C’est ça, je crois, le moteur de la généalogie », témoignent des généalogistes du Cercle généalogique des Alpes-de-Haute-Provence en 199826 . Véronique Tison-Le Guernigou, journaliste et chroniqueuse à La Revue française de Généalogie pense que « La recherche d’ancêtres est un formidable jeu de piste, une chasse au trésor qui procure toujours des satisfactions » 27. Le jeu est défini par Roger Caillois comme une activité libre, séparée, circonscrite dans des limites d’espace et de temps précises et fixées à l’avance, incertaine, improductive, réglée, soumise à des conventions, fictive et qui combine la chance et le destin, la compétition et le goût pour la difficulté gratuite 28 . Gilles Brougère, dans son ouvrage Jouer/Apprendre, publié en 2005, définit quant à lui le jeu selon cinq critères, qui sont la connaissance du jeu, son accès libre, l’existence de règles, implicites ou explicites, l’absence de conséquences dans la vie « réelle » et l’incertitude sur l’issue du jeu29. Ces deux définitions correspondent tout à fait à la pratique généalogique telle qu’elle est exprimée par les généalogistes eux-mêmes. En effet, « la recherche généalogique se présente comme un parcours avec des règles précises, parcours semé d’embûches et d’énigmes à résoudre » 30 . Les obstacles dans la pratique sont nombreux, l’usage du latin avant 1539, l’utilisation de formes et de styles d’écritures anciennes, l’existence d’homonymes, les registres manquants, les déplacements de populations, les « enfants trouvés ». D’ailleurs, la difficulté de la recherche en fait l’intérêt car selon une généalogiste du Cercle généalogique des Alpes de Haute Provence, « Si c’est trop facile on s’y attache moins […], on se souvient le plus des familles qui ont donné le plus de peine » 31 . Roger Caillois note ce lien entre l’effort et le jeu : « En fait, il ne divertit plus celui qui, trop entraîné ou trop habile, gagne sans effort et infailliblement. Un déroulement connu d’avance, sans possibilité d’erreur ou de surprise, conduisant clairement à un résultat inéluctable, est incompatible avec la nature du jeu » 32. Le chercheur amateur devra alors s’armer de patience pour surmonter ses difficultés grâce à ses connaissances, son astuce, son intuition et au hasard. C’est également cette grande place laissée au hasard et à la chance dans la pratique qui la fait s’apparenter à un jeu. En effet, le hasard permet parfois au chercheur d’identifier un ancêtre voyageur, dans un village dont il n’avait pas encore connaissance, de retrouver une branche de son arbre généalogique au gré des rencontres et discussions avec d’autres généalogistes, ou bien de distinguer des racines inattendues en retrouvant une archive familiale disparue. Ce jeu, évocateur d’un véritable plaisir pour les généalogistes, les pousse alors pour la plupart d’entre eux à ne pas s’arrêter à leur seul arbre généalogique mais à réaliser ceux de leurs proches, prouvant qu’il s’agit pour eux d’une enquête passionnante qui ne prend jamais fin.

 

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Table des matières

INTRODUCTION
LA GÉNÉALOGIE, UN PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ DEPUIS 1970
1. Entre science et loisir
1.1. Une enquête passionnante
1.2. Une histoire de soi par soi
2. 1970 : L’arrivée d’un nouveau public « inquiétant » en salle de lecture
2.1. Les généalogistes amateurs : un public inconnu
2.2. Une relation complexe à construire
3. La formation de communautés
3.1. L’engouement associatif des années 80
3.2. Le partage d’une activité collective au sein des cercles de généalogie
BIBLIOGRAPHIE
ÉTAT DES SOURCES
LE CERCLE GÉNÉALOGIQUE DE MAINE ET PERCHE, UN LIEU DE SOCIABILITÉ FORT AU
DEVENIR INCERTAIN
1. Profil et organisation d’une association généalogique locale
1.1. Création et organisation du Cercle généalogique de Maine et Perche
1.2. Profil des membres de l’association
2. Un organisme fédérateur
2.1. L’entraide permanente au sein du cercle
2.2. La cohésion au cœur des activités du cercle
3. Un avenir fragile
3.1. La numérisation et Internet : des épreuves modernes
3.2. Un renouvellement nécessaire
CONCLUSION
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES FIGURES
ANNEXES
TABLE DES ANNEXES

 

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