Les médias comme empreinte de l’identité sociale

Événements et identité sociale

Belle humeur et ses collègues (2009) mentionnent en citant les propos de Baugnet (1998, p.69) qu’être Yougoslave, Croate, Bosniaque ou Serbe avant la reconnaissance de la Croatie par l’ Allemagne (1991) ne signifie pas la même chose qu’ être Yougoslave, Croate, Bosniaque ou Serbe après cet évènement. Dans le même ordre d’ idées, Le paumier et Zavalloni (2002) invoquent des études menées durant les années 70 où l’ objet d’ étude était d’ explorer les significations reliées à l’ appartenance au groupe national. Pour ce faire, des étudiants Québécois francophones étaient questionnés avec l’énoncé suivant : « Nous, les (nationalité), nous sommes (cinq courtes phrases) ». La première fois que Zavalloni tenta l’ expérience, la majorité des participants désignaient leur appartenance au groupe national soit par la nationalité canadienne, soit par la nationalité canadienne francophone.

De plus, tous les étudiants ont qualifié leur nationalité par des termes référents à la position dominante des Anglais et à l’ histoire de la conquête tels que « colonisés », « opprimés » et « persécutés ». La deuxième fois que l’expérience fut tentée (le 6 novembre 1976, soit après la montée au pouvoir du Parti Québécois (indépendantiste)), les réponses des étudiants Québécois francophones se sont avérées différentes. Ainsi, ils désignaient maintenant, en majorité, leur nationalité par « Québécois ». Les termes largement utilisés dans les résultats de la première expérimentation disparaissent et les étudiants rapportent être « fier » d’ être Québécois. Ces résultats sont intéressants pour notre mémoire, car ils attestent le fait que différents évènements peuvent affecter le « nous », voire l’ identité sociale. Un chercheur ne peut donc pas négliger les évènements marquants du passé, car ceux-ci façonnent la manière dont les individus s’ identifient à leur groupe d’ appartenance (Bellehumeur et al., 2009; Bougie, Usborne, de la Sablonnière & Taylor, 20 Il; de la Sablonnière, 2008). De plus, une poignée de chercheurs se sont intéressés aux évènements historiques propres à l’ identité québécoise (Bougie et al., 20 Il ; de la Sablonnière, 2008).

Ils sont d’ ailleurs arrivés à identifier des évènements historiques clefs pour les Québécois francophones et anglophones à partir des récits narratifs culturels que certains membres de ces groupes ont énoncés en laboratoire pour décrire leur groupe. Les évènements rapportés par les membres de ces deux groupes se sont avérés très similaires et ont pu être associés à cinq périodes historiques générées par les chercheurs, soit: l’ ère du Nouveau Monde, l’ ère de la Conquête, l’ère de Duplessis, l’ère de la Révolution tranquille et le temps présent. C’ est toutefois dans l’attention accordée aux évènements dans les récits rapportés par les participants qu’ une différence a pu être observée entre les Québécois francophones et anglophones. En ce sens, les membres des deux groupes se concentraient principalement sur les périodes plus critiques (les low points) pour ces derniers et leur groupe d’appartenance (l’ère de la Conquête pour les Québécois francophones où les Anglais ont conquis les Français; l’ ère de la Révolution tranquille et le temps présent pour les Québécois anglophones où les Québécois francophones ont enlevé le pouvoir aux Québécois anglophones). L’ étude d’événements historiques en lien avec l’ identité sociale (Bellehumeur et al., 2009; Bougie et al., 20 Il ; de la Sablonnière, 2008) nous amène donc à constater qu’ il est essentiel d’ étudier des événements historiques à la fois positifs et négatifs, et ce, pour les deux groupes impliqués dans une relation intergroupe. Notons, toutefois, que l’ identité sociale a été étudiée dans ces études à travers le récit individuel que les participants se font de certains évènements historiques plutôt qu’avec l’ensemble de ceux qui ont eu lieu pour un groupe donné. Nous croyons qu’ étudier l’ identité sociale d’un groupe à partir d’ une perspective historique dans les médias remédie à ce problème et peut aider à mieux comprendre comment le « nous » d’un groupe se décline dans ceux-ci.

La fréquence des marqueurs identitaires « identité» et « nous sommes» Au cours des 46 années analysées, 1 562 occurrences du mot « identité » ont été relevées (N=1 334 pour la revue l’ Action Nationale; N=228 pour la revue Cité Libre) et presque qu’aucune d’entre elles ne figurait entre les années 1917 et 1963 (N=56). La figure 2 illustre d’ailleurs la fréquence des occurrences relevées du mot « identité » de 1917 à 1996. La « naissance» du concept d’identité semble concorder avec la présentation de l’ idée d’ un Québec souverain apportée par René Lévesque dans son Manifeste « Un pays qu’il faut faire» (1967). Il est aussi possible de noter que la fréquence d’apparition du mot identité croît dans la revue l’Action Nationale jusqu’à atteindre un premier sommet en 1981. L’atteinte de ce premier sommet concorde au lendemain de l’annonce des résultats du premier référendum-association ainsi qu’à la nuit aux longs couteaux. Le nombre d’occurrences relevées du mot « identité» présente ensuite une baisse et le concept d’identité semble connaitre une recrudescence à partir de 1985 jusqu’à l’atteinte d’un nouveau sommet (trois fois plus haut que le premier) en 1991, soit tout juste après les évènements associés à l’accord du lac Meech. Cette montée du terme « identité » dans le discours de la revue l’Action Nationale, sera suivie d’une chute jusqu’ à l’an 1993.

L’utilisation du terme « identité» se voit ensuite relancée dans la revue l’action Nationale jusqu’à atteindre même un troisième sommet en 1995, soit la période associée au deuxième référendum sur la souveraineté du Québec. Tout comme à la suite de l’annonce des résultats du premier référendum, il est finalement possible d’ observer une rechute de la présence du terme dans le discours de la revue l’Action Nationale suite à l’annonce des résultats du second référendum. En ce qui concerne la revue Cité Libre, on remarque une croissance dans l’ utilisation du terme « identité », et ce tout au long des trois années ciblées. Cependant, une fois le vote référendaire et l’annonce des résultats passés, la croissance de l’utilisation du terme semble ralentir. Contrairement aux occurrences relevées à partir du marqueur identitaire « identité », celles relevées par le marqueur « nous sommes » se sont avérées beaucoup plus nombreuses. À ce propos, 4 243 occurrences en lien avec notre sujet ont été relevées (à l’ origine 4 382, mais 139 ont été éliminées à défaut de pertinence (des « nous sommes » factuels, ex : nous sommes en 1932)) (donc N= 4 111 pour la revue l’Action Nationale; N=132 pour la revue Cité Libre). Les résultats illustrés dans la figure 3 présentent la variation de l’ utilisation de« nous sommes» comme marqueur identitaire dans le discours des revues l’Action Nationale et Cité Libre.

Il est possible d’ observer qu’en ce qui concerne l’Action Nationale, l’ utilisation de « nous sommes » varie d’une fréquence de 62 à 100 occurrences de la fondation de la revue à l’an 1927. Elle décroit ensuite jusqu’à atteindre son point le plus bas en 1935 (avant de coller une interprétation à ce propos, il est important de noter que l’an 1935 était une très petite année de publication. Beaucoup de numéros étaient manquants et les articles étaient généralement courts). Vient alors une augmentation rapide de l’ utilisation du terme en 1937 (année correspondante à la fondation du Parti Nationale), suivi d’un maintien relatif de la fréquence d’utilisation jusqu’en 1945. L’utilisation de « nous sommes » semble ensuite diminuer de moitié durant les deux années suivantes, qui correspondent en fait à la période juste avant la publication du Manifeste du Refus global. Il est possible de voir, par la suite, que le niveau d’ utilisation reste sensiblement le même (bas) jusqu’en 1957 où il subit alors une suite de deux ascensions; la première de 1957 à 1961 et la seconde, presque deux fois plus prononcée de 1961 à 1963.

La fréquence d’ utilisation de « nous sommes» diminue ensuite en deux traits: un premier de 1963 à 1965 et un second presque au point de maintien de 1965 à 1967. À partir de cette année (1967), année correspondante à la présentation de l’idée de souveraineté en plus de la création du Parti Québécois en 1968, la fréquence augmente jusqu’en 1969, puis redescend ensuite jusqu’en 1975. Elle augmente ensuite de 1975 à 1977, en simultané avec la mise au point de la loi 101, se maintient jusqu’en 1979 et descend ensuite jusqu’en 1981 (période qui comprend le premier référendum de 1980). On observe une cinquième augmentation de 1981 à 1989 comprenant les négociations de 1987 sur l’accord du lac Meech, suivi d’une baisse jusqu’en 1991 concordant avec l’abandon de cet accord. S’en suit une sixième et dernière période d’ augmentation, cette fois-ci très prononcée, jusqu’au référendum de 1995, qui lui, sera suivi d’une baisse de l’ utilisation de « nous sommes ». En ce qui a trait à Cité Libre, la fréquence d’ utilisation du terme « nous sommes » ne fait qu’augmenter de manière constante à travers les trois années ciblées.

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Table des matières

Introduction
Contexte théorique
L’identité sociale
Les médias comme empreinte de l’identité sociale
Événements et identité sociale
Le « nous » : indicateur de l’ identité sociale
L’empreinte identitaire québécoise dans les médias
Les objectifs de ce mémoire
Méthodologie
Le corpus
Procédure
Résultats
La fréquence des marqueurs identitaires « identité » et « nous sommes »
Résultats qualitatifs
La nature de la relation
La présence de menaces
L’évaluation de l’endogroupe
L’association entre la menace et l’évaluation endogroupe
La clarté identitaire
L’association entre la menace et la clarté identitaire
Discussion
Références

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