Soutenance mémoire
« La poliomyelite est comme le «Hurricane », ce vent d’orage que nous avons en Floride. Il vient et detruit tout. Quand il a passe, il faut tout reconstruire. »
Cette citation du Dr Gros peut paraître excessive de prime abord mais est très revelatrice de l’ampleur et de la violence d’une epidemie de poliomyelite. Lorsque l’on cite ou l’on parle de la poliomyelite, le nom ne fait pas beaucoup reagir. Le terme raccourci de « polio » est generalement plus evocateur, même si il n’apporte pas plus de connaissance generale sur la maladie. Il faut alors ajouter que c’est l’affection dont souffrait le 32e president des Etats-Unis Franklin Delano Roosevelt, pour visualiser un des grands hommes du XXe siècle, assis dans son fauteuil roulant en raison des stigmates laisses par l’infection . Quoiqu’il en soit, même si le nom est suggestif et semble representer une connaissance quelque peu limitee de la maladie, il est certain que la connaissance et les details la concernant ne sont pas plus epais qu’une feuille de papier. Disparue des pays developpes, la polio l’est aussi des consciences et des esprits de leurs populations, et renvoie à une maladie ancienne et perimee à l’instar de la variole. Il n’en demeure pas moins qu’à l’inverse de cette dernière, la poliomyelite continue de sevir aujourd’hui, d’autant plus que son eradication totale est repoussee d’annee en annee.
Selon le Dictionnaire medicale de l’Academie de medecine, la poliomyelite est « une infection inflammatoire de la substance grise de la moelle epinière » . Mais le dictionnaire est plus precis en considerant le terme poliomyelite anterieure aigüe, aussi appelee maladie de Heine-Medin : « maladie infectieuse aigüe, epidemique et contagieuse, provoquee par les poliovirus qui comprennent trois types antigeniques appartenant au genre Enterovirus. ». Ainsi, la polio est une maladie infectieuse transmissible aiguë causee par un virus dont l’homme est le seul hote naturel : le poliovirus. C’est un enterovirus appartenant à la famille Picor-naviridae. Le poliovirus existe en 3 serotypes (type 1, type 2 et type 3). Le poliovirus de type 2 a ete eradique en 1999 et le nombre de cas dus au poliovirus de type 3 a ete ramene à son plus bas niveau . C’est une maladie très contagieuse car le virus envahit le système nerveux et peut entraîner une paralysie totale en quelques heures. Le virus se propage d’une personne à une autre principalement par la voie fecale-orale ou moins frequemment par le biais d’un vehicule commun (eau ou aliments contamines, par exemple) et se multiplie dans l’intestin. La fièvre, l’asthenie, les cephalees, les vomissements, la raideur de la nuque et les douleurs dans les membres en sont les premiers symptomes.
La majorite des infections au poliovirus sont benignes, invisibles et immunisantes, mais lorsque ce dernier envahit le système nerveux, endommageant notamment la corne motrice, il peut entraîner une paralysie. Les muscles volontaires des bras et/ou des jambes sont les plus frequemment atteints, mais cinq à dix pour cent des malades meurent cependant à cause de la paralysie des muscles respiratoires et/ou de la deglutition. La transmission de ce virus au cours des temps anciens a ete suggeree après les etudes sur les momies egyptiennes, qui ont montre un raccourcissement d’un membre inferieur chez un enfant .
Quelque soit sa denomination, la poliomyelite sevit encore de nos jours, sous forme endemique dans seulement deux pays : l’Afghanistan et le Pakistan6 . La maladie recensait en 2015 74 cas . Si actuellement elle frappe moins d’une centaine de cas dans le monde, c’est grâce à l’action de plusieurs programmes mondiaux. Le premier date de 1974 et se nomme le Programme Elargi de Vaccination (PEV). À cette epoque, on comptait 500 000 nouveaux cas de polio partout dans le monde. En 1988, le PEV portait ses fruits car de 500 000 cas nous etions passes à 350 000. À partir de cette date, l’Organisation Mondiale de la Sante (OMS) decida de lancer un vaste programme planetaire avec pour objectif d’eradiquer complètement la poliomyelite : il s’agit de l’Initiative Mondiale pour l’Eradication de la Poliomyelite (IMEP). Même si le resultat n’est pas encore atteint puisque la poliomyelite prolifère encore au sein de certains pays, il n’en reste pas moins que l’initiative mondiale a ete positive puisque le nombre de cas de polio a diminue de plus de 99 % depuis son lancement . De plus, les souches sauvages de serotype 2 ne circulent plus depuis 1999 et, depuis novembre 2012, aucun cas de souche sauvage serotype 3 n’a ete rapporte. Ainsi seules celles de type 1 seraient encore en circulation . En Europe le dernier cas date de 2002 et aux Etats-Unis de 1994.
Commençons par le debut. Etymologiquement, le nom poliomyelite vient du grec polios signifiant «gris» et de myelos pour «moelle epinière». Cette denomination est due aux medecins Duchenne et Charcot qui ont localise l’atrophie dans les cornes anterieures de la matière grise rachidienne. Cette constatation a donne lieu au terme pathologique de « poliomyelite ». La maladie est connue sous une variete d’autres noms tels que la poliomyelite anterieure aiguë, la poliomyelite epidemique, la paralysie spinale aiguë, la paralysie aiguë de la colonne vertebrale, la paralysie essentielle, la maladie de Heine-Medin, et par plusieurs autres termes. Le terme de paralysie infantile, utilise pour la première fois par Heine, est assez obscure, car la maladie ne se produit pas exclusivement chez les enfants et nourrissons, touchant aussi des adultes dans la force de l’âge, ce que nous analyserons en detail dans le but de prouver ou non ce postulat.
Comme d’autres maladies (notamment la rougeole), la poliomyelite n’est pas une nouveaute contemporaine mais trouverait ses origines il y a des millenaires. La plus ancienne victime connue de poliomyelite serait Roma le Gardien, prêtre devoue à la deesse Astarte dont la stèle conservee au musee Glyptotek de Copenhague date du XVIe – XIIIe siècle avant J.-C. L’historien John Paul a trouve dans la collection hippocratique des descriptions de paralysie qui pourraientt se rapporter à la polio et estime qu’elle fut endemique durant toute l’Antiquite greco-romaine. Plus proche de nous temporellement parlant, nous trouvons des marques de son passage dans des peintures flamandes du XVIe siècle, dans un tableau de Bruegel l’Ancien le Combat de Carnaval et de Carême (1559). Le premier personnage marche sur une bequille en bois et a une jambe estropiee alors que le second se deplace allonge en utilisant ses mains, soutenues par des attelles car ses jambes sont retractees derrière lui dans une position caracteristique de la maladie. Quoi qu’il en soit, la polio passe relativement inaperçue pendant des siècles ou des maladies et epidemies comme la famine, la peste ou la variole decimèrent des pans entiers de la population. La première victime connue de la polio fut le jeune Walter Scott, romancier à succès avec son celèbre heros Ivanhoe. En 1772 il contracta la maladie qui fut alors confondue avec une fièvre, en guerit, mais resta infirme d’une jambe .
Kennedy, en 1850, a enquête sur un grand nombre de cas de «paralysie temporaire» survenus en Angleterre. Il semble y avoir eu une question pour savoir si ces cas etaient dus aux mêmes causes que celles decrites par Heine. Suite à ce premier travail, peu de nouvelles donnees ont ete apportees par les chercheurs de la poliomyelite jusqu’à 1890. Entre temps, Duchenne et Erb avaient fait quelques observations relatives aux reactions faradiques des muscles et Erb avait egalement formule sa theorie de la «reaction de degenerescence» basee sur des etudes de cas. Plus tard, Striimpell a fait des enquêtes approfondies qui ont indique qu’un groupe de cephaleesparalysies devrait être inclus dans le groupe avec des paralysies spinales. Quelque temps plus tard, en 1890, Medin fit des etudes assez elargies pendant la survenue d’une epidemie etendue de cette maladie en Suède. Au cours de cette epidemie, il a pu classer differents types de poliomyelite aiguë et etablir certaines relations entre eux. Cet observateur fut probablement le premier à decrire le stade aigu de la maladie, si distinctement caracteristique. En 1905 Wickman fit de vastes etudes histologiques et decrit egalement la forme cerebrale de la maladie et les types avortes. Il etablit alors le caractère contagieux de l’infection.
La poliomyelite est un sujet faisant partie de la grande famille de l’histoire de la sante, plus specifiquement l’histoire des epidemies. À ce titre, nous avons consulte dans un premier temps des ouvrages generaux comme l’ouvrage de Stephane Frioux, Hygiène et santé en Europe, de la fin du XVIIIe siècle aux lendemains de la Première Guerre mondiale ou celui de Georges Vigarello, Histoire des pratiques de santé. Le sain et le malsain depuis le Moyen Âge. Puis, après cette contextualisation generale, nous avons accentue nos lectures vers la specialisation epidemique. Dans ce domaine, plusieurs auteurs français sont reputes pour leurs travaux, tel Patrice Bourdelais, Bernard Paillard ou encore Anne-Marie Moulin, veritable specialiste de l’histoire de la vaccination. Autre universitaire que nous avons lu est Jean-Pierre Bardet. Dans son livre Peur et terreur face à la contagion, il s’adonne à la restitution de l’emotion, des sensibilites et de la peur de la population face à la menace epidemique. Car, s’il y a bien une reaction que l’epidemie produit c’est bien la peur, et la poliomyelite comme toute autre epidemie provoque ce sentiment egalement.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA CARTE D’IDENTITE DE LA POLIOMYELITE
Chapitre Premier – La description clinique de la maladie
Chapitre II – Les causes de contamination
Chapitre III – La repercussion de la maladie
DEUXIEME PARTIE : LA MARCHE DE LA POLIOMYELITE
Chapitre IV – L’epidemie de 1930 dans l’est de la France
Chapitre V – Dans le reste de la France
Chapitre VI – La poliomyelite dans le reste du monde
TROISIEME PARTIE : LES MOYENS D’ACTION ET DE LUTTE
Chapitre VII – L’appareil de lutte institutionnel et legislatif
Chapitre VIII – La serotherapie
Chapitre IX – Les methodes et traitements alternatifs
CONCLUSION
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