La formation du biofouling

La formation du biofouling 

Le conditionnement

Cette étape durant de quelques secondes à quelques minutes est la première à se dérouler lors de l’immersion d’une surface. Le conditionnement désigne l’adsorption de molécules biotiques et abiotiques sur la surface [14]. Il est dépendant des propriétés physicochimiques du substrat, mais aussi des propriétés du milieu [15]. Ce dépôt, de composition variable, est majoritairement constitué de glycoprotéines, acides humiques, protéines, acides aminés aromatiques, polysaccharides et acides uroniques [14–19]. L’importance de ce film est non négligeable pour le devenir de la surface car il va notamment modifier la tension de surface, l’énergie libre interfaciale, l’hydrophobie et la rugosité du substrat [19–21]. L’influence du film conditionnant sur l’adhésion d’organismes impliqués dans le biofouling a déjà été étudiée dans le passé. Par exemple, Bakker et al. ont montré que l’augmentation de carbone organique dissous dans l’eau de mer entrainait une augmentation de l’adhésion d’une bactérie hydrophile, Halomonas pacifica, et une diminution de l’adhésion d’une bactérie hydrophobe, Marinobacter hydrocarbonoclasticus, sur une surface de verre [22]. Dans la même idée, Thome et al. ont montré que le conditionnement de surfaces avec des protéines excrétées par des spores d’Ulva linza pouvait influencer leur adhésion par la suite [23].

Le microfouling

Suite aux modifications de la surface immergée, la colonisation se poursuit par l’arrivée de microorganismes dans les minutes à jours suivants. Les bactéries sont les premières actrices de cette étape avec la classe des α‐Proteobacteria (Roseobacter) et des γ‐ Proteobacteria (Alteromonas) dans les régions côtières tempérées [24]. L’arrivée prématurée des Roseobacter serait notamment due à leur capacité à s’adapter aux environnements appauvris en nutriments [25].

Le rapprochement entre les bactéries et la surface résulte de forces indépendantes et dépendantes des cellules. Ainsi, la gravité, le courant et les mouvements Browniens permettent de transporter les microorganismes de façon passive jusqu’au substrat, alors que l’utilisation des pilis et flagelles permet une approche active [26 28]. À une distance de moins de 100 nm, des interactions physicochimiques ont lieu entre la cellule et la surface. Ces interactions attractives ou répulsives, seront garantes d’une adhésion optimale. Si la surface est propice au développement bactérien, l’adhésion devient irréversible. S’en suit une succession d’étapes allant de la formation de microcolonies, la production de matrices extracellulaires, et ce jusqu’à la formation d’un biofilm mixte regroupant diverses espèces de bactéries [29,30] (Figure 2). Ce biofilm, majoritairement composé d’exsudats bactériens, peut avoir des compositions très variées suivant les organismes mis en jeu [31,32]. Ainsi, une même espèce de bactérie peut produire des exoproduits différents suivant les conditions environnementales [33]. Cette matrice nouvellement excrétée sur la surface est principalement constituée d’exopolysaccharides, protéines, acides nucléiques, glycoprotéines, phospholipides et de composés humiques [34–36]. Il est également connu que les modifications apportées par les bactéries à la surface influencent le recrutement des autres organismes marins [37]. Parallèlement, la colonisation de la surface se complexifie par l’adhésion des diatomées benthiques. L’adhésion de ces dernières, plus complexe, sera développée dans la suite du manuscrit [36]. Le biofilm microalgal conduit, au même titre que les bactéries, à la modification physico-chimique des surfaces.

Le macrofouling

Le macrofouling désigne l’arrivée et l’installation de macroorganismes sur la surface. Ces derniers sont principalement représentés par les larves d’invertébrés (mollusques, bryozoaires) et les spores de macroalgues [12]. Cette colonisation peut être observée parallèlement au développement du microfouling du fait que ces espèces ne nécessitent pas un biofilm préexistant pour adhérer [38,39]. Parmi les organismes les plus étudiés, il est possible de retrouver Amphibalanus amphitrite (balane) et le genre Ulva (macroalgue). Lagerson et al. ont précisément décrit l’attachement de larves de balanes (Balanus amphitrite) au substrat [40]. Ainsi, ce phénomène commence par le déplacement des larves sur la surface grâce à leurs antennes. Ces dernières servent simultanément d’organes moteurs et senseurs. Une fois la surface adéquate détectée, les larves mettent en place un système d’adhésion définitif impliquant la production d’adhésifs riches en protéines. La stabilisation des larves permet le passage à l’état juvénile puis adulte [41]. L’adhésion des spores d’Ulva est aussi particulièrement étudiée : elles font partie des organismes modèles pour la réalisation de tests antifouling [42]. L’intérêt de cette macroalgue est dû à son abondance dans le domaine marin et à son adaptabilité aux diverses conditions environnementales [12]. Durant la phase d’adhésion, les spores fixent fortement la surface à coloniser via la sécrétion de glycoprotéines tout en rétractant leur flagelle. Cette étape est suivie de modifications de la paroi cellulaire pour la phase de maturation [43–45]. Il semblerait que la force d’adhésion des glycoprotéines à la surface soit telle que les vitesses de croisière des bateaux auxquels les spores sont attachées ne sont pas suffisantes pour les détacher [46].

Les conséquences du biofouling

Le phénomène complexe conduisant au biofouling d’une surface amène avec lui des problèmes encore actuellement insolvables. En effet, la formation des salissures marines doit être évitée au maximum par les différents acteurs du secteur maritime afin de réduire des surcoûts conséquents. D’un autre côté, l’utilisation de biocides dans les revêtements de protection des diverses infrastructures provoque des problèmes environnementaux majeurs sur la flore et la faune marines.

Les conséquences économiques

Les effets du biofouling sur les activités anthropiques sont connues de longue date. Depuis l’antiquité, déjà, les Hommes ont développé des revêtements à base de cuivre [47]. Aujourd’hui, les activités navales, les infrastructures offshores, les fermes aquacoles et tout autre activité liée au domaine maritime ou aquatique sont victimes des conséquences du biofouling [48]. Ce phénomène est notamment mis en cause dans l’augmentation des forces de friction lors de la navigation, induisant donc une surconsommation de carburant pour les bateaux [49]. Il est estimé qu’une forte colonisation de la coque d’un bateau peut entraîner l’augmentation de 40% de la consommation de carburant, pouvant ainsi coûter plus d’un milliard de dollars US à la marine américaine chaque année [50,51]. Cette colonisation sousentend aussi un nettoyage drastique des navires et une remise en état régulière pour éviter les problèmes de corrosion, entrainant ainsi des dépenses en main d’œuvre et systèmes de protection [52]. Cette corrosion accélérée est notamment due à l’activité de bactéries sulfatoréductrices et aux balanes capables respectivement de dégrader les matériaux conducteurs et de perforer la couche protectrice de la coque [53,54]. En aquaculture, l’augmentation des coûts de renouvellement de matériels induirait une augmentation des frais de production de l’ordre de 20% [55]. Au niveau mondial, il est estimé que la corrosion liée au biofouling, toutes origines confondues, représenterait environ 3% du PIB. Les effets économiques néfastes du biofouling sont à mettre en perspective avec les retombées écologiques induites.

Les conséquences environnementales 

Les effets des salissures marines au niveau environnemental peuvent être majoritairement divisés en deux classes : la pollution due aux énergies fossiles et la déstabilisation de la faune et la flore marines [56]. D’un côté, comme il a été évoqué dans les conséquences économiques, l’augmentation du biofouling sur les transporteurs maritimes entraine une surconsommation de carburant. Celleci est naturellement source d’épuisement des ressources fossiles, mais aussi d’une émission accrue des gaz à effet de serre [57]. Ces gaz, et plus particulièrement le CO2 cause actuellement une acidification des océans d’une moyenne de 0,1 unité de pH, entraînant un changement dans la composition chimique de l’eau [58]. Ces modifications mènent à une modification de la physiologie des espèces marines, et à terme, une perturbation de la biodiversité aquatique [59,60]. Les transports de marchandise par voie maritime représentent 90% des échanges internationaux et près de 2,6% des émissions globales de CO2 anthropiques selon l’organisation internationale maritime [57,61]. Malgré la légère baisse de ces rejets, il est estimé qu’une augmentation du trafic de 2012 à 2050 sans mesures préventives pourrait provoquer une aggravation de 150 à 250 % des émissions de gaz à effet de serre [61,62]. La deuxième problématique majeure posée par le biofouling concerne l’introduction et la dissémination d’espèces invasives non indigènes [63]. Les eaux de ballast et le biofouling des coques de bateaux sont les vecteurs les plus connus de ce phénomène [64,65]. Les différents navires ne sont cependant pas tous aussi responsables de cette diffusion, ainsi, les porteconteneurs navigant à forte vitesses et restant peu de temps accostés sont moins susceptibles à l’encrassement par le macrofouling [66]. Récemment, Mytella strigata, une espèce de moule d’origine américaine, a été retrouvée en nombre pour la première fois dans l’estuaire de Cochin en Inde [67]. L’introduction de cet organisme invasif est probablement due à une dissémination via le biofouling de navires fréquentant un port à conteneurs proche. Cette espèce ayant déjà causé la chute de la population de la moule verte Perna viridis à Singapour pourrait, à terme, entrer en compétition avec des moules indigènes (Brachidontes striatulus et B. undulatus) [68]. Ce cas isolé fait partie d’un des exemples des différentes espèces invasives qui ont pu être étudiées à travers le monde. Prévenir ces incidents nécessite de comprendre comment les organismes adhèrent sur les surfaces immergées afin de pouvoir lutter efficacement en impactant le moins possible l’environnement.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Synthèse bibliographique
A. Le biofouling
1. La formation du biofouling
Le conditionnement
Le microfouling
Le macrofouling
2. Les conséquences du biofouling
Les conséquences économiques
Les conséquences environnementales
B. Les diatomées benthiques
1. Rôle des diatomées sur la colonisation
L’adhésion sur les surfaces antifouling biocides
L’adhésion sur des revêtements fouling release
2. Impact de la topographie sur l’adhésion
La théorie des points d’attachement
Adhésion des microalgues sur des surfaces modèles
Adhésion des microalgues in situ
3. L’influence de la physicochimie des surfaces
Les interactions mise en jeu
Adhésion sur surface hydrophile
Adhésion sur surface hydrophobe
Adhésion sur revêtement amphiphile
4. Les adhésifs microalgaux
Mécanisme d’adhésion
La composition des adhésifs
C. Les stratégies antifouling
1. Les revêtements antifouling
Les matrices
Les biocides
L’impact des biocides sur l’environnement
2. Les autres stratégies
Les fouling release coatings (FRC)
Les stratégies émergentes
D. Les zéolites
1. Historique
2. Structure et caractéristiques des zéolites
Structure générale
Synthèse des zéolites
3. Champs d’application des zéolites
L’activité catalytique des zéolites
La séparation des gaz
La capacité d’échange cationique
E. Conclusion
F. Bibliographie
Chapitre 2 : Identification de diatomées benthiques et des adhésifs en fonction des propriétés physicochimiques de surface
A. Introduction
B. Identification des diatomées benthiques colonisant des revêtements immergés
1. Matériel et méthode
Préparation de coupons
Immersion et observation
Identification d’Amphora sp
2. Résultats et discussions
Étude taxonomique
Observation MCBL
Observation MEB
Identification de la microalgue isolée
C. Study of diatoms adhesion on hydrophilic and hydrophobic surfaces
1. Material and method
Diatoms cultures
Surface characterization
Adhesion of diatoms on glass and polystyrene slides
Diatom’s adhesives
2. Results and discussion
Surface characterization
Adhesion of diatoms on glass and polystyrene slides
Adhesive analysis
D. Conclusion
E. Bibliographie
Chapitre 3 : Étude de l’activité antimicroalgale de zéolites vierges et chargées en cuivre
A. Introduction
B. Matériel et méthode
1. Caractérisation des zéolites
Mesure des surfaces et volumes spécifiques
Analyse XPS
Analyse XRD
Mesure du taux de cuivre des zéolites
2. Activité des zéolites
Culture des diatomées
Activité antimicroalgale des zéolites
Influence du surnageant sur la croissance microalgale
Activité microalgale de la faujasite après rinçage
3. Relargage du cuivre par les zéolites
Taux de cuivre relargué
Cinétique de relargage
4. Résistance au cuivre d’Amphora sp
C. Résultats et discussions
1. Caractérisation des zéolites
Mesure des surfaces et volumes spécifiques
Porosité des zéolites
Analyse XPS
Analyse XRD
2. Activité des zéolites
Croissance des microalgues en présence de zéolites vierges
Croissance des microalgues en présence de zéolites chargées au cuivre
Mode d’action des zéolites chargées en cuivre
Influence du surnageant sur la croissance microalgale
Activité microalgale de la faujasite après rinçage
3. Mesures du cuivre relargué par les zéolites
4. Résistance d’Amphora sp. au cuivre et mode d’action des zéolites
D. Conclusion
E. Bibliographie
Chapitre 4 : Étude de l’adhésion de diatomées sur des revêtements à base de zéolites
A. Introduction
B. Matériel et méthode
1. Formation des films
Préparation des films
Observation MEB-EDX
Mesure de la rugosité
Mesure de la libération de cuivre
2. Activité biologique des films sur les diatomées
Adhésion des diatomées
Activité antifouling
C. Résultats et discussions
1. Préparation et caractérisation
Choix du P(HB-HV)
Observation MEB de la surface des revêtements
Analyse EDX de la coupe des revêtements
Rugosité des revêtements
Profil topographique des revêtements
Libération du cuivre
2. Activité biologique des revêtements sur les diatomées
Cylindrotheca closterium
Amphora sp
Observations MCBL de l’adhésion sur les revêtements à base de zéolite E
Discussion
Activité antifouling
D. Conclusion
E. Bibliographie
Conclusion générale

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