La formation dont vous êtes le héros : introduction d’une pédagogie active en Chine par le biais de la littérature

Mes premières expériences d’enseignement du français langue étrangère (désormais FLE) ont eu lieu ces deux dernières années en Chine, dans deux établissements différents : l’Université normale de Yancheng, dans le Jiangsu (désormais YCTU : YanCheng Teachers University), et l’Université des études étrangères du Guangdong, à Canton (désormais GDUFS : Guangdong University of Foreign Studies). Dans les deux cas, j’ai enseigné à des étudiants en licence de spécialité de français de trois niveaux différents. J’ai été frappé par le fait que les apprenants semblaient de moins en moins impliqués dans leur formation au fil des ans. Accueilli par les regards avides et curieux de trente jeunes Chinois en première année de licence (désormais, L1) à Yancheng, un silence pesant régnait dans la salle de classe où j’enseignais à des étudiants en troisième année (L3). La situation s’est maintenue tout au long de l’année et j’ai été surpris de constater la même différence à Canton, entre les apprenants en deuxième (L2) et en quatrième année (L4). Durant ces deux ans, tous mes efforts ont consisté à essayer de comprendre les raisons de cette démotivation et à tenter d’en inverser la courbe.

La désimplication des étudiants se traduit par une baisse progressive de la participation en classe et aux activités effectuées dans ce cadre. Elle pourrait être le symptôme d’une perte de motivation, c’est-à-dire que les étudiants n’ont plus – ou moins – de raisons d’apprendre le français, ou bien d’une perte de confiance dans le système scolaire (auquel cas seule la motivation en classe serait affectée). Autrement dit, l’apprentissage en classe serait perçu comme moins utile ou moins efficace. La démotivation des jeunes dans les universités de l’Asie sinophone est un phénomène abordé par plusieurs études qui s’intéressent à ses causes (Littlewood, 2000 ; Dreyer, 2009 ; Pu et Xu, 2016) ou bien aux solutions pour l’enrayer (Pu et Zeng, 2009). La problématique qui sous-tend ces recherches est toujours la même : trouver « comment mieux enseigner pour mieux apprendre » (Zhao, 2019 : 243). L’enjeu est donc de prendre en compte les aspirations des étudiants, pour proposer des stratégies didactiques en accord avec celles-ci. Il résulte de ces travaux que l’enseignement du français à l’université, qui d’après Besse (2011 : 250), relève essentiellement de la méthode « traduction/grammaire », ne correspond pas toujours aux besoins formatifs des apprenants. Malgré la volonté du gouvernement chinois de moderniser l’enseignement des langues en tenant compte de l’apport de l’approche communicative depuis 1987, on constate qu’il existe une résistance de la part des enseignants (Qi et Qi, 2013), qui considèrent que les méthodes occidentales, et notamment la perspective actionnelle recommandée par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (désormais CECRL, cf. Conseil de l’Europe, 2000), ne sont pas adaptées à la tradition éducative chinoise et nécessitent une « contextualisation » (Pu, 2011 ; Li, 2018). Les modalités précises de cette « contextualisation » font actuellement débat au sein de la communauté scientifique : comme l’écrit Pu Zhihong , il reste dans ce domaine « un long, passionnant et stimulant trajet à parcourir » (Pu, 2011 : 44). C’est dans le cadre de cette recherche que s’inscrit le présent mémoire, qui se présente sous forme d’une recherche-action ; à partir d’une observation du contexte d’enseignement en Chine, je proposerai des solutions pour enrayer le phénomène de démotivation des étudiants. Ces solutions seront expérimentées et, à partir de là, un bilan sera établi qui permettra de valider – ou d’invalider – les propositions effectuées.

D’après Littlewood (2000), une évolution de la dynamique des rapports entre l’enseignant et les étudiants serait souhaitable pour correspondre davantage aux aspirations de ces derniers. C’est en effet l’une des principales différences entre la méthode chinoise et les recommandations du CECRL. La première fait des étudiants les récepteurs de connaissances dont l’enseignant est le dépositaire (Wang, M.L., 2005). L’interaction entre le professeur et la classe n’est pas envisagée autrement que sous forme d’un cours magistral. À l’inverse, les pédagogies actives sont définies par un bouleversement des rôles traditionnels du maître et des élèves. Dans le cadre de telles démarches, ces derniers sont appelés à construire leurs propres savoirs avec le soutien de l’enseignant-facilitateur (Eid, Oddou et Liria, 2019). Plusieurs expériences menées auprès d’étudiants suivant un cours d’option de français à l’université ont montré que les jeunes Chinois pouvaient effectivement être réceptifs à une telle pédagogie (Pu et Zeng, 2009 ; Tian 2014). Du point de vue des apprenants, l’enjeu en termes de résultats scolaires est moindre dans ces cours que dans ceux de spécialité. Il m’a semblé, d’après mes observations au sein de GDUFS, qu’il pouvait exister des résistances plus importantes à ce type de pédagogie dans le cadre des cours de spécialité. En effet, lors d’une expérience menée au premier semestre, j’ai constaté une réticence à l’application de la démarche de classe inversée (telle qu’elle est définie par Eid, Oddou et Liria, 2019). Par ailleurs, mes échanges avec des collègues chinois de plusieurs universités du nord et du centre du pays, opposés pour certains à l’introduction des pédagogies actives en Chine, m’ont conduit à penser qu’il pourrait y avoir également des réticences au sein de mon département de français. Dès lors, je faisais face au problème suivant : comment rendre acceptable une telle démarche aux yeux des étudiants et de mes collègues ?

L’histoire culturelle et sociale montre que, « depuis la création du système des concours mandarinaux (ou concours impériaux) en 605, la littérature a occupé une place primordiale aussi bien dans l’éducation que dans la vie des Chinois » (Chen et Li, 2012 : 47). La littérature présentée dans les manuels chinois de français est d’abord et avant tout une littérature patrimoniale. Son étude a pour but de fournir aux étudiants des modèles « d’un bel usage de la langue fondée sur les auteurs classiques et d’une vision normative de la langue française par les professeurs chinois » (Cuet, 2010). Façonnés par cette culture didactique, les apprenants ont une vision qui semble très positive de la littérature et de l’écrit en général (Pernet Liu, 2016). Il est donc possible qu’une démarche fondée sur la littérature soit bien reçue par les étudiants comme par les autres professeurs, même si elle correspond à une pédagogie qui leur est étrangère, ou envers laquelle ils manifestent un certain scepticisme. Mon hypothèse est donc la suivante : la littérature pourrait possiblement être mise à profit afin de réimpliquer les apprenants dans leur propre apprentissage et, ce faisant, maintenir ou augmenter leur motivation dans le cadre des cours, ainsi que leurs résultats au terme de la licence. Une enquête préliminaire a été conduite pour rechercher les causes de la démotivation des jeunes Chinois en spécialité de français et comprendre leurs représentations – et celles de leurs enseignants – concernant l’apprentissage et la littérature. Elle comportait un questionnaire en ligne,distribué auprès de 485 étudiants de 18 universités chinoises, complété par des entretiens auprès d’apprenants comme de professeurs. Afin de vérifier si la mise en œuvre de pédagogies actives fondées sur une didactique de la littérature pouvait efficacement augmenter le désir d’apprendre des étudiants, une série de cinq activités a été proposée aux L2 et L3 de GDUFS : au premier semestre (désormais S1), la lecture suivie d’une œuvre intégrale pour les L3 et l’écriture en collaboration d’une histoire pour les L2 ; au deuxième semestre (désormais S2), un atelier d’écriture en petits groupes et des compétitions littéraires pour les L2, ainsi que la réalisation de concours de rédaction par les L3 pour les L1, L2 et L3. Le département de français de cette université étant particulièrement développé, chaque promotion comporte deux classes d’une trentaine d’étudiants ; c’est-à-dire qu’il y a soixante étudiants pour chaque niveau. Les résultats de ces expériences ont été analysés à partir de sondages ciblés et d’une nouvelle série d’entretiens .

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1. COMPRENDRE LA DÉSIMPLICATION DES ÉTUDIANTS EN SPÉCIALITÉ DE FRANÇAIS
CHAPITRE 1 : PROTOCOLE DE L’ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE
1.1. Le questionnaire préliminaire auprès des étudiants
1.2 Entretiens auprès des étudiants et des enseignants
CHAPITRE 2 : REPRÉSENTATIONS LIÉES À L’APPRENTISSAGE ET À LA LITTÉRATURE
2.1. Cadre d’intervention et représentations de l’apprentissage
2.2. Les représentations qu’ont les étudiants et enseignants de la littérature
CHAPITRE 3 : LA DÉSIMPLICATION DES ÉTUDIANTS AU FIL DE LA LICENCE
3.1. Présentation du phénomène de démotivation des étudiants : un diagnostic
3.2. Causes institutionnelles de démotivation
3.3. Changement du rapport de certains étudiants au français en tant que discipline
CONCLUSION PARTIELLE
PARTIE 2 : CHOIX ET MISE EN ŒUVRE DE DÉMARCHES POUR RÉIMPLIQUER LES ÉTUDIANTS DANS LEUR APPRENTISSAGE
CHAPITRE 4 : CHOIX DE DÉMARCHES EN FONCTION DES BESOINS/ATTENTES DES APPRENANTS
4.1. Les pédagogies actives
4.2. La didactique de la littérature
CHAPITRE 5 : MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
5.1. Présentation des activités
5.2. Protocole d’évaluation des activités
CONCLUSION PARTIELLE
PARTIE 3 : BILAN DES ACTIVITÉS
CHAPITRE 6. L’OBJECTIF DES ACTIVITÉS : CONJUGUER UTILITARISME ET PLAISIR
6.1. La lecture et l’écriture (activités 1, 2 et 3)
6.2. Les concours (activité 4)
6.3. L’organisation de concours (activité 5)
CHAPITRE 7. LA COMMUNICATION ENTRE LES PARTICIPANTS DURANT LES ACTIVITÉS
7.1. La communication entre les étudiants
7.2. La communication entre l’enseignant et les étudiants
7.3. La communication avec les collègues du département
7.4. La circulation de l’information au sein du département
CHAPITRE 8. LES INQUIÉTUDES DES ÉTUDIANTS
8.1. Inquiétudes liées aux modalités de l’activité
8.2. Une faible tolérance à l’erreur
8.3. La littérature : inhibitrice ou libératrice ?
CONCLUSION

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