La fin de la procédure d’asile en ambassades suisses

LA PRÉSENCE SUR LE TERRITOIRE : UN ÉLÉMENT FONDAMENTAL POUR LA PROTECTION

Le statut de réfugié ou celui du requérant d’asile est délimité par plusieurs textes de lois internationaux, dont la Convention de Genève (1951) qui en constitue le pilier central comme nous venons de le voir. Mais il existe bien d’autres textes de lois internationales qui participent à la codification de droit à l’asile, tels que la Déclaration Universelle des Droits Humains (DUDH 1948) ou encore le quatrième protocole de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe (CEDH 1950), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP 1966), … etc. L’asile constitue donc un droit reconnu et opposable auprès des Etats signataires de ces conventions, soumis comme expliqué en amont, à plusieurs critères. Comme explicité plus haut, il est ainsi requis que le requérant se situe en dehors du pays dont il fuit la persécution, donc qu’il ait traversé la frontière délimitant les territoires des Etats concernés (cf. La présence hors du territoire). L’enjeu du territoire est donc capital pour pouvoir prétendre à l’asile et à la protection d’un Etat tiers.

En effet, si la reconnaissance du statut de réfugié passe par la présence sur le territoire de l’Etat protecteur, cela implique forcément l’accès à celui-ci. Or, si ces conventions internationales garantissent un droit à l’asile, il est rare voire inexistant qu’elles garantissent de manière concomitante un droit d’accès à l’asile. A travers l’analyse des normes internationales relatives au droit d’asile, Noll (2000 : 353-392) attire notre attention sur la portée restreinte du droit d’asile et de la protection quant à son application en dehors du territoire de l’Etat protecteur8. En effet, s’il est communément admis l’existence d’un droit de quitter son propre pays ( DUDH 1948 : art 13 ; PIDCP 1966 : art.12 ; CEDH 1950 : art. 2.2 du Protocol 4) pour diverses raisons telle que pour fuir une persécution, il est à l’inverse difficile d’établir un droit d’entrée dans un autre pays, condition sine qua non pour pouvoir prétendre à l’asile territorial. Noll (2000 : 391) résume dans le tableau ci-après l’étendue de la protection apportée par certaines normes internationales en fonction de la position géographique du demandeur. Ainsi, nous pouvons remarquer la faible portée de ces normes lorsque le demandeur d’asile se situe en dehors du territoire de l’Etat protecteur. Les mentions « arguable » sont également à remarquer tant elles témoignent du flou existant dans l’applicabilité de ces normes.

L’approche pratique : quelques mesures restrictives

Particulièrement dans l’Union européenne, ce contrôle est devenu systématique avec la mise en place des visas pour les non-européens (GUILD-BIGO 2003(a ; 2003(b)). L’harmonisation des visas est une mesure collatérale de l’adoption de la Convention d’application des accords Schengen10 accompagnant la mise en place d’une zone de libre circulation entre les pays signataires de ces accords11. L’ouverture des frontières internes aux pays signataires a renforcé la coopération frontalière extérieure, en imposant entre autres la nécessité d’un visa pour les ressortissants de nombreux pays tiers. Cette réglementation des visas est applicable à l’ensemble de la zone Schengen, qui comprend également la Norvège, l’Islande et la Suisse comme Etats associés, mais aussi le Royaume-Uni et l’Irlande. La sélection des pays soumis ou non à l’obligation de visa repose sur une logique de protection. Ces pays sont classés souvent comme pays émetteurs de migrants économiques, risquant peut-être de s’établir en Europe. Mais il apparait également que nombre de pays soumis au régime des visas correspondent à des pays « producteurs » de réfugiés (NOLL 2000 :162, GIBNEY-HANSEN 2003 :5).

Il y a donc à travers cette mesure de visa, une volonté de contrôler et restreindre l’accès au territoire des populations à « risque migratoire élevé », autrement dit des personnes qui chercheraient à venir en Europe avec le but de s’établir de façon permanente, et ce, que ce soit pour des raisons économique ou humanitaire. D’autres mesures ont été adoptées pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures. Par exemple, un voyageur transitant par l’Europe en avion et dont la nationalité est répertoriée sur cette liste soumise à visa, devra se munir d’un visa de transit aéroportuaire (VTA). Il reviendra alors au personnel de l’ambassade de décider, selon des critères souvent économiques, si le voyageur peut entreprendre son périple transitant par l’Europe ou s’il existe un risque potentiel d’immigration illégale (NOLL 2000 :167). Dans le second cas, le voyageur à destination d’un pays hors Europe mais transitant par l’un des aéroports de l’espace Schengen, peut se voir refuser à l’embarcation de son avion s’il ne détient pas l’autorisation de transiter par l’Europe.

La reconnaissance de pays tiers sûr est une autre de ces mesures permettant de limiter l’accès au territoire. A l’adoption du traité d’Amsterdam (1997), le protocole dit « Aznar »12, introduit le principe selon lequel « une demande d’asile présentée par un ressortissant d’un Etat membre de la Communauté Européenne dans un autre Etat membre doit être considérée comme irrecevable.» (GACON 2001 :44). Initiée d’après cette proposition espagnole à l’interne de l’espace Schengen, cette mesure a été ensuite élargie à d’autres pays extérieurs à l’Europe présentant les conditions minimales de sécurité et de protection des droits humains. Cela permet alors de déléguer à d’autres pays en amont des frontières de l’Europe la responsabilité d’accueillir des demandeurs d’asile. Par ce biais, les Etats européens peuvent ainsi refuser l’entrée d’un requérant d’asile si celui-ci a transité par l’un de ces pays tiers sûrs où il aurait pu demander l’asile. Cette mesure correspond à la logique même de l’externalisation de l’asile : déplacer hors des frontières européennes la responsabilité et le devoir de protection découlant de traités internationaux. L’accès au territoire des pays européens est donc rendu plus difficile via ces mesures. Au travers de ces mesures, les pays européens arrivent à faire coexister le respect minimum de leurs engagements internationaux avec des restrictions drastiques quant à l’accueil de demandeurs d’asile.

L’approche théorique : un regard analytique sur les mesures restrictives

La mise en place d’un tel système contraignant dans le domaine de l’asile ne s’explique pas uniquement en réaction à une pression migratoire importante envers les pays européens. Sans pour autant apporter une réponse définitive et exhaustive, le recours à une approche théorique sur les phénomènes migratoires nous semble intéressant pour comprendre le développement impressionnant de mesures restrictives depuis les années 1980. En effet, la clef de lecture apportée par l’approche théorique développée par E. Lee (1966 cité par PIGUET-de COULON 2010) apporte des éléments intéressants pour mieux comprendre les politiques migratoires développées au courant du XXe siècle. Selon le schéma explicatif décrit par E. Lee, les phénomènes migratoires s’expliqueraient par une conjugaison de différents éléments communs (origine, destination, obstacles) soumis à une variété de facteurs attractifs (pull) ou répulsifs (push). Le tout, combiné aux facteurs individuels du migrant. Selon ce modèle Push-Pull, le phénomène migratoire se résumerait alors par une mise en balance des facteurs de répulsions et d’attractions. Dans cette logique, c’est donc principalement la perception de ces facteurs par l’individu qui vont motiver ou non la migration. Les politiques migratoires restrictives semblent alors mettre en place des mécanismes dont l’intention est de rendre les facteurs attractifs (pull) de plus en plus répulsifs. Les politiques dites « dissuasives » présentées en introduction constituent un exemple représentatif de cette logique. Leur objectif étant de limiter l’attractivité de certains pays pour les migrants, en incluant dans le lot, par ricochet ou volontairement, les requérants d’asile. Cependant cette logique a ses limites. La mise en place de politiques dissuasives n’a pas nécessairement une relation de cause à effet directe avec l’augmentation ou la diminution de l’attractivité du pays de destination.

Certains auteurs ont pu mettre en avant le rôle limité et relatif de ces politiques sur l’attractivité des pays de destination. (THIELEMANN- ARMSTRONG, 2013 : 26 ; HOLZER et al 2000). Il semble que les facteurs de répulsion (push) d’origine aient une force significativement plus importante selon les contextes – comme un conflit armé par exemple -, et qu’aucune politique ne puisse alors freiner totalement les mouvements migratoires comme le résume Holzer : « Deterrance measures are unsuccessful if the push factors in a region nearby to the receiving state reach a critical level » (HOLZER et al 2000 : 1205). Cependant à l’inverse, certaines politiques peuvent avoir un effet sur les flux. Il s’agit notamment des politiques visant à restreindre l’accès au territoire. Thielemann souligne cette idée : « existing studies suggest that some information about variations in policies on access to territory […] does inform the choices of migrants in a significant way. However, knowledge about variation in welfare regimes is either not available or less relevant when it comes to migrants’ choices of destination country. » (THIELEMANN 2012 : 28). Plusieurs autres approches théoriques des mouvements spatiaux de la migration ont montré que les phénomènes migratoires étaient bien plus complexes que le modèle Push-Pull (MASSEY et al. 1993, HAUG 2008, THIELEMANN- ARMSTRONG 2013). Dans le développement présenté ci-dessus, l’individu reste au coeur de la réflexion. Or, il est fait état dans les théories sur la migration de bien d’autres facteurs extérieurs à l’individu, sur lesquels celui-ci n’a que peu, voire pas, de marge de manoeuvre. Dans le cadre de notre approche sur les politiques restrictives européennes dans le domaine de l’asile, notre attention se porte donc davantage sur le rôle de l’Etat dans les théories sur la migration. Longtemps absent de la réflexion en matière d’immigration, l’Etat a été réhabilité au coeur des réflexions en géographie des migrations (MEYERS 2000 ; MASSEY et al. 1993). Il est considéré par certains auteurs comme «an agent influencing the volume and composition of international migration […] either in promoting or in limiting [it] » (MASSEY 1999 : 303).

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Table des matières

Remerciements
Résumé
Table des matières
Première Partie
Introduction et problèmatique : L’accès à la procédure d’asile
Introduction
La notion d’asile
Les critères de la définition du réfugié
L’enjeu du territoire
Différentes formes d’accès à l’asile
Deuxième partie Méthodologie
Approche de la problématique et Objectifs
Récolte de données
Analyse des données
Troisième partie Analyse : La fin de la procédure d’asile en ambassades suisses
La fin de la procédure en ambassades.
La procédure dans les ambassades en chiffres
Quatrième partie
Conclusion
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
Bibliographie
ANNEXES
Annexe 1 : LAsi du 26 juin 1998 (Etat le 1er avril 2011) avant modifications_ Extraits :
Annexe 2 : LAsi du 26 juin 1998 (Etat le 1er février 2014) après modifications_ Extraits :
Annexe 3 : Formulaire de demande de visa Schengen
Annexe 4 : Tableau comparatif des demandes d’asile en ambassades et en Suisse.
Annexe 5 : Répartition des demandes d’asile en Suisse par nations majoritaires 2006-2015
Annexe 6 : Répartition des demandes d’asile en ambassade par nations majoritaires2006-2015

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