LA FERTILITÉ DES SOLS

LA FERTILITÉ DES SOLS

Les pessières à lichens méridionales se retrouvent dans le domaine bioclimatique de la pessiere à mousses sous la limite nordique des forêts attribuables (Bergeron, 1996 ; Manuel de foresterie, 2011). Ce domaine est caractérisé par des peuplements forestiers composés typiquement d’épinettes noires et de mousses. Les pessières à lichens sont des ilôts de forêts ouvertes disséminés dans le domaine de la pessiere à mousses et possédant un couvert arborescent inférieur à 40% ainsi qu’un couvert de lichens supérieur à 40% (Cladina rangiferina (L.) Nyl, Cladina stellaris (Opiz) Brodo ou Cladina mitis (Sandst.) Hustich) (Anonyme, 2002; Anonyme, 2003). La présence d’éricacées tel que le Ledum groenlandicum Retz et le Kalmia angustifolia L. est également fréquente au sein des pessières à lichens (Rivérin et Gagnon, 1996; Simard et Payette, 2001). Les dénudés secs à lichens (ci-après appelés DS) sont les plus ouvertes des pessières à lichens, avec une densité arborescente inférieure à 25% (Anonyme, 2002). Les DS sont par définition des terrains improductifs de plus de 50 ans d’âge et au rendement ligneux inférieur à 30 m3 ha”1 sur une révolution de 120 ans (Manuel de foresterie, 2009). Ils sont par ailleurs considérés comme étant des milieux impropres à la production ligneuse (Doucet et al., 1996; Walsh et al., 1997 ; Anonyme, 2003). Selon le dernier inventaire forestier décennal du Ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), les DS (avec et sans lichens) représentent environ 7% du domaine de la pessiere à mousses, ce qui correspond à 1,6 M ha (Gaboury et al., 2009).

Formation des dénudés secs:

L’épinette noire possède deux modes de reproduction, soit le marcottage lors d’épisodes sans feux et les graines présentes dans des cônes situés à la tête des arbres (Boily et Doucet, 1993). Le mode de reproduction par graines est bien adapté aux feux ayant cours dans la forêt boréale continue. En plus de provoquer l’ouverture des cônes semi sérotineux de l’épinette noire sous l’effet-de la chaleur et une abondante chute de graines, le feu est un facteur important dans la création de lits de germination favorables à l’épinette noire (Heinselman, 1981; Viereck, 1983; Viereck et Johnston, 1990). Ainsi, lorsque les conditions avant et après (3 à 5 ans) feu sont favorables, cette perturbation naturelle permet généralement un retour vers un peuplement dense (Heinselman, 1981; Thomas et Wein, 1985; Desponts et Payette, 1992; St-Pierre et al., 1992; Zasada et al., 1992 ; Gagnon et Morin, 2001). D’autres types de perturbation, comme le scarifîage du sol à proximité des semenciers peut aussi permettre la germination et l’installation de l’épinette noire (Prévost, 1996; Tremblay, 2009).

Le boisement:

À ce jour, aucune étude ne montre la possibilité d’un retour vers un peuplement dense par des mécanismes naturels suite à la formation d’un DS (Jasinski et Payette, 2005). L’abondance des lichens et d’espèces arbustives, comme le Kalmia angustifolia (ci-après nommé Kalmià) L. et le Ledum groenlandicum retzJ, est souvent considérée comme indicatrice d’un sol peu fertile (Moore, 1980). Cela a conduit certains auteurs à postuler que les DS sont des milieux improductifs et fragiles ne pouvant soutenir un peuplement dense (Bergeron, 1996; Walsh et al., 1997; Anonyme, 2003). Par contre, rares sont les études montrant que des limitations à la croissance ligneuse puissent être reliées à la fertilité des sols dans les DS, sauf celles portant sur les pessières à éricacées, des écosystèmes semblables (Thiffault et al., 2004, 2005; Thiffault et Jobidon, 2006).

Des résultats non publiés suggèrent toutefois l’existence de certaines limitations d’ordre nutritionnelle dans des DS récemment scarifiées (Girard, 2004; Gonzalez, 2011). Ces limitations sont-elles liées à un problème d’infertilité intrinsèque au milieu, ou sont-elles causées par d’autres limitations biophysiques? Étant donné qu’elles utilisent les mêmes ressources nutritives, les éricacées et les épinettes noires peuvent être considérées comme étant en compétition (Doucet et al., 1996; Yamasaki et al., 2002). En effet, à cause de leur système de rhizomes très agressif, les éricacées utilisent une part importante de l’azote disponible dans le sol (Grossnickle, 2000). De plus, le Kalmia réduit la capacité de la communauté microbienne du sol et de l’humus à minéraliser les nutriments azotés (NH4 + , NO3″) essentiels à la croissance des arbres, ce qui diminue la disponibilité des nutriments dans le sol (Yamasaki et al., 1998; Yamasaki et al., 2002). À l’inverse, l’épinette noire, surtout en bas âge, possède une faible capacité à capter, accumuler et utiliser les nutriments (Grossnickle, 2000). Les éricacées sont aussi associées à des procédés d’allélopathie et d’interférences. En effet, les éricacées interfèrent dans le développement des mycorhizes ce qui à été identifié comme étant un frein à l’implantation et la croissance de l’épinette noire (Zhu et Mallik, 1994; Inderjit et Mallik, 1996; Parker et al., 1997; Yamasaki et al., 1998; Inderjit et Mallik, 2002; Yamasaki et al., 2002; Thiffault et Jobidon, 2006). Le lichen mène aussi à la création de microclimat plus froid au niveau du sol étant donné leur albédo élevé (Kershaw, 1978).

Le protocole de Kyoto (PK) considère le boisement et le reboisement comme étant l’une des méthodes efficaces d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et de lutte aux changements climatiques (Nabuurs et al., 2007). Les forêts auraient d’ailleurs un potentiel de séquestration du carbone net comparable à celui des océans soit de 1.0 Gt C an”1 pour les années 1990 et de 1.5 C an”1 pour les années 2000 (Nabuurs et al., 2007; Global carbon project, 2011 ). La forêt boréale représente 15,4% du couvert forestier mondial (Melillo et al., 1993) et contient 26% des réserves de carbone stockées dans les écosystèmes (Dixon et al., 1994) ainsi que 31% du carbone présent dans les sols forestiers de la planète (Gower, 2003). Le boisement des DS revêt un intérêt économique et environnemental non négligeable en ce qui concerne la séquestration du carbone, du fait même de cette capacité naturelle de stockage du carbone des écosystèmes boréaux ainsi que des grandes superficies de DS disponibles. Les conclusions de Gaboury et al. (2009) démontrent qu’après 70 ans, le boisement d’un DS permettrait la séquestration nette de 77 t C ha” \ ou de 1,1 t C ha”1 an”1 . Ce bilan varie entre 0,2 et 1,9 t C ha”1 an”1 lorsque l’on intègre les incertitudes reliées au rendement des plantations ainsi que les risques reliés aux perturbations naturelles. L’étude de Hébert et al. (2006) a montré que les DS peuvent supporter des plantations de pin gris et d’épinette noire relativement productives à court terme (3 ans), malgré une croissance inférieure par rapport à celles dans des pessières à mousses (PM) adjacentes et comparables.

Etat de la fertilité des sols:

Les éricacées, plus particulièrement le Kalmia, sont très présents dans la forêt boréale de l’est du Canada (Inderjit and Mallik, 2002). Des études ont montré que la présence d’éricacées engendre une relation de compétition avec les autres espèces pour les nutriments, en particulier l’azote et l’eau (Zhu et Mallik, 1994; Inderjit et Mallik, 2002; Thiffault et al., 2004). Le Kalmia affecte également la qualité de l’humus en diminuant le taux de minéralisation de l’azote par l’accumulation de composés phénoliques et de tannins, créant ainsi un humus récalcitrant nonpropice à la germination de l’épinette noire (Bradley et al., 2000; Inderjit et Mallik, 2002; Yamasaki et al., 2002; Joanisse et al., 2007).

L’effet de la présence d’arbres sur l’environnement édaphique est étudié depuis plusieurs années à travers le monde, tout particulièrement dans les écosystèmes arides ayant des sols peu fertiles (Jenny, 1941; Callaway et King, 1996). Ces études montrent aussi que non seulement la présence/absence de végétaux mais aussi le facteur espèce influencent le sol (Walker et Chapin, 1986; Hobbie, 1992). Les études sur ce phénomène, aussi appelé « Island of fertility », permettent généralement d’expliquer que la quantité et la qualité de la matière organique decomposable, plusieurs nutriments (N, P et cations basiques échangeables) et la capacité d’échange cationique (CEC) augmentent de manière significative avec une augmentation du couvert arborescent (Dahlgren et al., 1997; Moreno et Obrador, 2007; Moreno et al., 2007; Jeddi et Chaieb, 2009). Le transfert des nutriments par les racines, la décomposition de débris et de la litière, l’augmentation de l’humidité du sol, la diminution de l’érosion et l’augmentation de la qualité des intrants dans le sol, sont partie intégrante des flux responsables du phénomène de création d’ilot de fertilité (Butterfield et Briggs, 2009).

Déjà en 1942, des chercheurs observent qu’en Floride, sous les orangers, certaines propriétés du sol changent en fonction de la distance par rapport à l’arbre (Jamison, 1942). Des études subséquentes ont montré ensuite que les propriétés physiques et chimiques du sol variaient en fonction du couvert végétal (Fireman et Hayward, 1952; Harradine, 1954; Zinke, 1962). Les recherches de Zinke (1962) sur l’effet du pin tordu (Pinus Conforta Dougl. ex. Loud.) sur son environnement édaphique, ont montré que la qualité du sol diffère dépendamment à quelle distance de l’arbre est récolté l’échantillon. Ses résultats montrent entre autres que le pH du sol devient plus acide à mesure que l’on s’approche du tronc et que la quantité de cations monovalents décroit quand on s’en éloigne (Zinke, 1962).

Les caractéristiques ou traits physiologiques et morphologiques des végétaux peuvent aussi influencer les mécanismes qui régissent la formation de ces ilôts de fertilité (Butterfield et Briggs, 2009). En effet, des études montrent l’existence de liens entre les traits fonctionnels de l’arbre – comme la hauteur, la longueur des racines, l’épaisseur des feuilles, la quantité de cellulose, d’hémicellulose et de lignine dans les feuilles et les racines – et l’environnement édaphique immédiat à l’arbre (Dahlgren et al., 1997; Don et Kalbitz, 2005; Kazakou et al., 2006; Moreno et Obrador, 2007; De Deyn et al., 2008; Butterfield et Briggs, 2009; Jeddi et Chaieb, 2009; Moroni et al., 2009; Rodriguez et al., 2009).

L’étude des traits fonctionnels:

Les questions relatives à l’écologie se répondent traditionnellement par une approche taxonomique, visant en premier plan l’étude des espèces. Par contre, lorsque vient le temps d’étendre cette réflexion à l’échelle des écosystèmes ou même des biomes, l’approche taxonomique devient alors limitante. Une autre approche, désormais couramment utilisée, se propose d’étudier les questions écologiques sous l’angle des traits fonctionnels (Cornelissen et al., 2003). Un trait se définit comme étant toute caractéristique morphologique, physiologique ou phénologique mesurable chez un individu, au niveau de la cellule jusqu’à celui de l’organisme entier, sans faire référence à l’environnement ou autre niveau d’organisation (Violle et al., 2007). Cela implique qu’aucune information extérieure à l’individu (environnement, communauté, etc.) n’est nécessaire pour définir un trait (Violle et al., 2007). Cette approche s’intéresse donc à l’individu ou à l’ensemble de la communauté et non pas à l’espèce (Cornelissen et al., 2003). L’étude des traits fonctionnels permet entre autres choses d’observer et de prédire la réponse des végétaux aux changements climatiques, aux changements d’affectation des terres, à des modifications de la chimie du sol ou autres perturbations, ainsi que d’étendre ces observations/prédictions à différentes échelles (individu, communautés, paysages, biomes). Étant donné que cette approche s’intéresse aux individus, elle rend possible l’étude de l’interaction entre les plantes et leur environnement à travers un large éventail d’espèces, ce qui aide à la compréhension de la distribution des espèces, des communautés et du fonctionnement des écosystèmes (Garnier et Navas, 2011).

CONCLUSION:

Cette étude avait pour but premier de documenter l’état de la fertilité des terrains dénudés secs (DS) du domaine bioclimatique de la pessière à mousses au sud de la limite nordique des forêts attribuables. Le second objectif était de vérifier l’influence des traits physiologiques et morphologiques des arbres plantés (Epn, Pig) dans les DS et les PM sur leur environnement édaphique immédiat. Trois ans après l’installation du dispositif, il avait été observé que les DS pouvaient supporter des plantations denses d’épinette noire et de pin gris à l’instar de leurs témoins productifs, les pessières à mousses (PM). Par contre, la croissance des plants ainsi que des concentrations en nutriments mesurées dans la solution de sol se sont avérées significativement inférieures dans les DS.

 

 

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Table des matières

CHAPITRE 1 
INTRODUCTION 
1. FORMATION DES DÉNUDÉS SECS
2. LE BOISEMENT
3. ÉTAT DE LA FERTILITÉ DES SOLS
4. L’ÉTUDE DES TRAITS FONCTIONNELS
5. HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS
CHAPITRE 2 SOIL FERTILITY AND TREE NUTRITION (PICEA MARIANA (MILL.) B.S.P, PINUS
BANKSIANA LAMB. ) IN 10-YR-OLD AFFORESTED OPEN WOODLANDS 
ABSTRACT
INTRODUCTION….
1. MATERIALS AND METHODS
1.1. Study site description
1.2. Experimental design and treatments.
1.3. Tree trait measurements
1.4. Soil sampling
1.5. Microcosm preparation
1.6. Soil respiration and N mineralization
1.7. Statistical analysis
2. RESULTS
2.1. Tree morphological traits
2.2. Soil fertility
2.3. Tree physiological traits
3. DISCUSSION
3.1. Links between tree traits and soil nutrients
3.2. Island of fertility effects?
3.3. Stand types effects on soil respiration rates
3.4. Fertility vs species and stand types .
3.5. Conclusion
ACKNOWLEDGMENT….
CHAPITRE 3 
CONCLUSION

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