La fatigue et la santé psychologique chez des étudiants

De plus en plus de jeunes occupent un emploi rémunéré alors qu’ils sont aux études (Usalcas & Bowlby5 2006). Une enquête de Statistique Canada, effectuée en 2004-2005 (Usalcas & Bowlby, 2006), a en effet révélé que les étudiants âgés de 18 à 24 ans étaient proportionnellement plus nombreux à occuper un emploi pendant l’année scolaire que jamais auparavant. Au Québec, le pourcentage d’étudiants âgés de 15 à 29 ans dans cette situation aurait triplé entre 1976 et 2005 (Institut de la Statistique du Québec – ISQ, 2007). En 2013, il a été démontré que les étudiants québécois sont plus propices à s’investir dans un emploi rémunéré que ceux ailleurs au Canada (Gauthier & Labrie, 2013).

Selon Vosko, Zukewich et Cranford (2003), les jeunes travailleurs de moins de 25 ans font partie d’un groupe d’âge particulièrement susceptible d’occuper un emploi dit atypique (c.-à-d., à temps partiel, temporaire, pigiste, sur appel, etc.). À ce sujet, une étude (ISQ, 2007) a démontré que près de la moitié des jeunes de 15 à 29 ans occupaient un emploi atypique en 2005, comparativement à près du tiers de ceux de 30 ans et plus. Par définition, les emplois atypiques diffèrent de l’emploi traditionnel à temps plein qui dure toute l’année et dont l’employé peut prévoir être embauché jusqu’à la fin de sa carrière par le même employeur (Conseil économique du Canada, 1990; Schellenberg & Clark, 1996; Vosko et al9 2003). Comparativement aux emplois traditionnels, les emplois atypiques assureraient également un nombre d’heures de travail moindre ainsi que des avantages sociaux et un salaire moins intéressants (Vosko et al, 2003). Ainsi, les étudiants qui tentent de subvenir à leurs besoins à un taux horaire avoisinant le salaire minimum auraient tendance à compenser cette situation en travaillant un plus grand nombre d’heures par semaine; la moyenne d’heures hebdomadaires de travail rémunéré chez les étudiants à temps plein, âgés de 15 à 29 ans, s’élevait à 15,6 heures par semaine en 2005 (ISQ, 2007).

Ce cumul emploi-études peut être associé à une diminution du temps pouvant être imparti aux activités sociales et aux exigences scolaires, à la suppression de repas, à une augmentation de la fatigue et à des changements de l’humeur (Broadbridge & Swanson, 2006). Cela peut également mener à des conflits interrôles, car l’investissement consenti à un rôle laisse théoriquement moins de temps et d’énergie pour répondre aux obligations des autres rôles. Selon Greenhaus et Beutell (1985), l’investissement dans un rôle est défini par la quantité d’efforts et de temps, en termes d’heures, accordés à ce rôle. Le niveau d’importance qu’une personne accorde aux rôles qu’elle occupe fait référence au sens qu’elle donne à chacun de ceux-ci (Super 1980, 1990). Greenhaus et Beutell (1985) ont démontré que plus un individu considère un rôle comme important, plus il est à même de s’y investir. Ces mêmes auteurs soutiennent qu’un niveau élevé d’importance et d’investissement dans les rôles peut favoriser la survenue de conflits interrôles. Lorsque le travail rémunéré et les études représentent les deux rôles en cause, il peut s’agir soit d’un conflit travail-études ou d’un conflit études-travail selon que le travail interfère sur les études ou vice versa. À cet égard, la seule étude à ce jour ayant porté sur ce phénomène chez les étudiants universitaires (n = 253) n’a pas noté de différence significative entre la prévalence des conflits travail-études et celles des conflits études-travail (Butler, 2007).

En souhaitant réussir leurs études, être efficaces dans le cadre de leur travail et maintenir leur investissement en termes d’efforts et de temps dans ces deux rôles de vie, les étudiants risquent d’accumuler de la fatigue s’ils ne dorment pas suffisamment (Winwood, Winefield, Dawson, & Lushington, 2005). En ce sens, il importe de relever que les adolescents et les jeunes adultes ont été identifiés comme une population à risque de somnolence excessive (National Institutes of Health, 1997). Selon une étude longitudinale menée auprès de 615 jeunes saguenéens et jeannois de l’ordre d’enseignement secondaire, la proportion d’étudiants rapportant de la somnolence au cours de la journée a augmenté de 46,2 à 60,7 % entre l’âge de 14 et 16 ans (Gaudreault et al, 2005). Le récent rapport de recherche duquel proviennent les données du présent essai a aussi révélé que les plaintes de fatigue générale sont élevées chez les jeunes. De manière plus spécifique, 40,7 % des filles et 17,9 % des garçons rapportent un niveau de fatigue réputé nécessiter une consultation médicale (Laberge et al, 2011). Également, une enquête réalisée auprès d’un échantillon d’environ 9 000 hommes et femmes âgées de 15 à 64 ans a rapporté la présence de plainte de fatigue chez 37,8 % des femmes contre 24,3 % chez les hommes (Benzing et al, 1999). Une autre étude (Cox et al9 1987) ayant évalué la fatigue pendant une période d’un mois a également démontré une prédominance féminine quant aux plaintes de fatigue (29,8% contre 18,9%). Cependant, certaines études n’ont pas trouvé de différence entre les sexes en ce qui a trait à la fatigue (David et al, 1990; Ridsdale et al, 1993). Ces résultats divergents peuvent être dus autant à des caractéristiques des populations étudiées qu’aux instruments de mesure utilisés .

Les conflits interrôles et la fatigue accumulée sont associés à la présence de détresse psychologique (Bûltmann, Kant5 Kasl, Beurskens, & van den Brandt, 2002; Tanguay, 2003). Chez les jeunes Québécois de 15 à 24 ans, en 1987, 17,4% des hommes et de 29,6 % des femmes étaient aux prises avec un niveau élevé de détresse psychologique (Légaré et al, 2000). Cette différence entre les sexes était toujours présente en 1998 avec des taux respectivement de 23,1 % et de 33,5 % (Légaré et al, 2000). Des études plus récentes (Camirand & Légaré, 2010; McDonough & Strohschein, 2003), dont l’une portant sur près de 13 000 participants de 20 ans et plus et l’autre sur près de 26 000 participants de 15 ans et plus, ont démontré que les femmes rapportent systématiquement plus de détresse psychologique que les hommes indépendamment du groupe d’âge observé. Cependant, l’étude de Tanguay (2003) n’a pas retrouvé cette différence entre les sexes. Ces résultats discordants pourraient s’expliquer par le statut socio économique plus homogène qui caractérise la population de la dernière étude. En effet, il a été démontré qu’un statut socio-économique similaire entre les hommes et les femmes viendrait amoindrir, voire éliminer, la différence entre les sexes quant à la détresse psychologique (Matthews, Stansfeld, & Power, 1999; Weich, Sloggetti, & Lewis, 1998).

La détresse psychologique ne fait pas, à elle seule, état d’un portrait complet de la santé psychologique (Labelle et al, 2000; Voyer & Boyer, 2001). De plus, il ne faut pas conclure que l’absence de détresse psychologique implique le bien-être psychologique ou vice versa (Labelle et ai, 2000; Voyer & Boyer, 2001). Massé et ses collaborateurs (1998a, 1998b? 1998c) suggèrent qu’il est important de considérer simultanément ces deux concepts afin d’obtenir un portrait global de l’état de santé psychologique d’une population. Enfin, les deux études recensées n’ont pas documenté de différence entre les sexes relativement au bien-être psychologique chez les jeunes (Lenaghan & Sengupta, 2007; Rathi & Rastogi, 2007).

La relation entre les conflits de rôles, la fatigue et la détresse psychologique a été documentée chez les adultes, mais n’a pas encore été évaluée auprès des étudiants. En outre, plusieurs études ont mesuré la détresse psychologique sans considérer le bien-être psychologique (Bûltmann et al, 2002; Camirand &’ Légaré, 2010; Légaré et al, 2000; Matthews et al, 1999; McDonough & Strohschein, 2003; Tanguay, 2003; Weich et al, 1998).

Le présent projet comporte donc trois objectifs. D’abord, il entend dresser un portrait d’un groupe d’étudiants âgés de 19 à 21 ans du Saguenay-Lac-Saint-Jean occupant un emploi durant l’année scolaire relativement à leurs niveaux d’investissement, à leurs conflits interrôles, à la présence et à la sévérité de la fatigue ressentie ainsi qu’à leur santé psychologique. En deuxième lieu, il s’agit de vérifier s’il y a des différences entre les sexes quant aux variables à l’étude. Finalement, il est question de documenter la relation entre les niveaux d’investissement dans les rôles de vie, les conflits interrôles, la fatigue et la santé psychologique chez ces jeunes

Importance et investissement dans les rôles de vie 

Le niveau d’importance qu’une personne accorde aux rôles qu’elle occupe fait référence au sens qu’elle donne à chacun de ceux-ci (Super 1980, 1990). Super et Neville (1986) conçoivent trois dimensions distinctes dans le niveau d’importance associé à un rôle donné. La première dimension concerne la participation et réfère à la quantité de temps accordé à ce rôle. La deuxième correspond au niveau d’implication qui est fonction de l’intensité de la congruence d’un rôle avec les priorités de l’individu. La dernière dimension est celle des valeurs personnelles qui renvoie à la possibilité, pour un individu, d’exprimer ses valeurs personnelles à travers un rôle. Selon Greenhaus et Beutell (1985), l’investissement dans un rôle est défini par la quantité d’efforts et de temps, en termes d’heures, accordés à ce rôle. Ces auteurs ont démontré qu’un niveau élevé d’importance et d’investissement dans les rôles pouvait favoriser la survenue de conflits interrôles. En effet, plus un individu considère un rôle comme important, plus il est à même de s’y mvestir sur le plan psychologique en termes d’efforts et de temps. Cet investissement dans un ou plusieurs rôles peut engendrer des difficultés à répondre aux exigences des autres rôles.

Fatigue

Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (2007) décrit la fatigue comme une sensation de lassitude, d’épuisement ou de somnolence survenant à la suite d’un manque de sommeil, d’une activité physique ou mentale prolongée ou de longues périodes d’angoisse ou de stress. Mahowald et Mahowald (2000) définissent, quant à eux, la fatigue comme, d’une part, la conséquence d’une détérioration ou de l’affaiblissement de la vigilance, de la motivation, de l’attention ou de l’enthousiasme, ou, d’autre part, comme une répercussion de l’ennui, de sentiments dépressifs ou d’un manque d’énergie. À l’instar de Chalder et de ses collaborateurs (1993), Bûltmann et ses collaborateurs (2002) affirment qu’il est préférable de voir la fatigue sous la perspective d’un continuum contrairement à une perspective dichotomique qui en simplifie le concept et qui peut engendrer une perte d’informations importantes sur celle-ci. Toutefois, dichotomiser la fatigue peut être utile, entre autres, pour en comparer la pré valence entre divers sous-groupes de personnes (Biiltmann et al, 2002). Chalder et ses collaborateurs (1993) soutiennent qu’il y a deux manières d’évaluer la fatigue soit par le biais de la perception subjective de la fatigue ou encore à l’aide d’une évaluation plus objective sur le plan électrophysiologique. Par le passé, certains auteurs (Hueting & Saiphati, 1966; Monk, 1989) ont tenté de développer des échelles évaluant à la fois la fatigue subjective et objective, mais celles-ci n’ont pas été reçues positivement par la communauté scientifique en raison de la lourdeur et du niveau de complexité de cellesci. Chalder et ses collaborateurs (1993) privilégient l’utilisation d’un instrument évaluant uniquement la perception de la fatigue.

Santé psychologique 

Les termes santé psychologique et santé mentale sont souvent utilisés de manière interchangeable dans les écrits. Le Comité de la santé mentale du Québec (CSMQ, 2010) définit la santé mentale comme l’état d’équilibre psychique d’une personne entre son niveau de bien-être subjectif, l’exercice de ses capacités mentales et la qualité de ses relations avec le milieu. Toujours selon le CSMQ (2010), la santé mentale résulte d’interactions entre des facteurs biologiques, psychologiques et contextuels qui sont constamment en changement. Pour sa part, l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2004) décrit la santé mentale comme la capacité de s’adapter aux situations difficiles de la vie et de se sentir suffisamment en confiance pour, d’une part, s’adapter aux situations qu’il est préférable d’accepter plutôt que de changer et, d’autre part, pour faire en sorte de changer les situations qu’il est préférable de changer plutôt que d’accepter. Il s’agit, en outre, de vivre son quotidien sans être troublé par ses peurs et ses blessures anciennes et d’éprouver du plaisir dans ses relations avec les autres. Cela peut aussi renvoyer à l’atteinte d’un équilibre entre chacun des aspects de sa vie : physique, psychologique, spirituel, social et économique. Bien que les définitions précédentes décrivent la santé mentale à l’aide d’une liste de capacités et d’aspects positifs, Labelle et ses collaborateurs (2000) conceptualisent la santé mentale d’un point de vue différent. Ils conçoivent celle-ci par le biais de deux concepts principaux : la détresse psychologique et le bien-être psychologique. Ils ajoutent que la présence de détresse psychologique peut avoir une valeur de signal « d’alarme », mais que son absence ne signifie pas nécessairement un niveau élevé de bien-être psychologique.

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Table des matières

INTRODUCTION 
Revue générale critique des écrits et problématique de l’étude
Objectifs de l’étude et démarche effectuée
CHAPITRE PREMIER
Relations entre les conflits de rôles, la fatigue et la santé psychologique chez des étudiants âgés de 19 à 21 ans occupant un emploi au cours de T année scolaire
CONCLUSION GENERALE

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