La famille Phytoseiidae : des acariens prédateurs efficaces en lutte biologique

La famille Phytoseiidae : des acariens prédateurs efficaces en lutte biologique 

L’Homme, par le concept de lutte biologique, tente d’imiter la nature en favorisant l’action des ennemis naturels, afin de réduire les densités d’organismes nuisibles et par là-même les dégâts qu’ils occasionnent (Moraes & Flechtmann, 2008). Depuis les années 1950, les espèces de la famille Phytoseiidae (Berlese) ont été largement utilisées dans les agrosystèmes et sont actuellement parmi les agents de lutte biologique les plus importants pour contrôler les acariens ravageurs de diverses cultures partout dans le monde (i.e. Zhang, 2003). Les Phytoseiidae sont des espèces planticoles connues pour leur capacité de prédation d’acariens phytophages (Tetranychidae (Donnadieu), Tenuipalpidae (Berlese) et Eriophyidae (Nalepa)) et de petits insectes ravageurs des cultures (McMurtry, 1982 ; Charles et al., 1985 ; Duso & Camporese, 1991 ; Kreiter et al., 1993a, b, 2000 ; Chermiti, 1992 ; Kostiainen & Hoy, 1996 ; McMurtry & Croft, 1997 ; Tixier et al., 1998, 2000 ; Ferragut et al., 2010 ; Cavalcante et al., 2015a ; Gigon et al., 2016).

Selon Sigsgaard (2006), les Phytoseiidae sont par exemple utilisés pour le contrôle des acariens phytophages et des thrips dans environ 90,000 ha dans le monde, pour les seules cultures de vigne (40,000 ha), de vergers (30,000 ha) et de fraisiers (20,000 ha). Certaines espèces sont élevées et commercialisées pour être lâchées dans les agrosystèmes. D’autres sont utiles car naturellement présentes dans les agrosystèmes.

Selon leurs attributs biologiques, les espèces de Phytoseiidae sont utilisées de façon différente dans les trois types de lutte biologique : par conservation de la biodiversité, par acclimatation et par augmentation. La lutte biologique par conservation de la biodiversité : consiste à modifier l’environnement des parcelles ou les pratiques culturales pour préserver les ennemis naturels et augmenter le potentiel de contrôle des ravageurs (DeBach, 1974 ; Eilenberg et al., 2001). La première étape de la préservation et valorisation de ce potentiel d’auxiliaires est la caractérisation des espèces naturellement présentes dans les abords non cultivés des parcelles et / ou à l’intérieur de celles-ci. Dans un deuxième temps, il s’agit de déterminer les facteurs permettant de favoriser les espèces les plus efficaces pour mettre en œuvre des pratiques et des aménagements adéquats. Pour les Phytoseiidae, cette stratégie de lutte biologique a été essentiellement appliquée dans des agrosystèmes pérennes, notamment viticoles et arboricoles (i.e. Kreiter et al., 2000). Elle a conduit à l’abandon quasi-total de l’utilisation des acaricides dans ces agrosystèmes notamment grâce à des aménagements permettant la colonisation des parcelles par des espèces prédatrices généralistes telles que Typhlodromus (Typhlodromus) pyri Scheuten et Kampimodromus aberrans (Oudemans) dans les vignobles et Amblyseius andersoni Chant dans les vergers en Europe (Duso et al., 1993 ; Kreiter et al., 2000, 2002 ; Tixier et al., 2000).

La lutte biologique par acclimatation (ou lutte biologique classique) : est utilisée pour contrôler des espèces de ravageurs invasifs (Eilenberg et al., 2001). Elle consiste à importer des ennemis naturels de la zone d’origine du ravageur et à les introduire dans un nouvel écosystème (Van Drieshe & Bellows, 1996 ; Coombs & Hall, 1998 ; Eilenberg et al., 2001). Un exemple de réussite de lutte biologique grâce aux Phytoseiidae est le contrôle en Afrique de l’acarien vert du manioc Mononychellus tanajoa (Boundar), espèce originaire d’Amérique du Sud (Yaninek et al., 1989). Plusieurs espèces collectées au Brésil et en Colombie ont été introduites dans certains pays d’Afrique (e.g. Neoseiulus idaeus (Denmark & Muma), Amblydromalus manihoti (Moraes) et Typhlodromalus aripo (De leon)). Cette dernière espèce est la seule à s’être installée durablement sur tout le continent africain. Elle permet aujourd’hui de contrôler efficacement l’acarien vert du manioc sans avoir recours aux pesticides (Yaninek & Hanna, 2003).

La lutte biologique par augmentation : consiste à augmenter artificiellement la densité des ennemis naturels dans des zones cultivées (essentiellement dans les serres) par des lâchers massifs (innondatifs) ou des lâchers inoculatifs (Crump et al., 1999 ; Eilenberg et al., 2001). Les lâchers innondatifs consistent à introduire une grande quantité d’auxiliaires pour réduire d’importantes densités de proies, via un contrôle curatif. Les lâchers inoculatifs consistent à introduire une petite quantité d’auxiliaires pour permettre une régulation préventive et à long terme des ravageurs. La lutte biologique par lâchers innondatifs est actuellement la plus explorée commercialement par les compagnies privées (e.g. Biobest®, Biotop® et Koppert®). Les espèces de Phytoseiidae les plus commercialisées en Europe sont Phytoseiulus persimilis Athias-Henriot, Neoseiulus californicus (McGregor), Neoseiulus cucumeris (Oudemans), Amblyseius swirskii Athias-Henriot et Transeius montdorensis (Schicha).

Position taxonomique des Phytoseiidae

Avec 2,709 espèces décrites dont 2,436 considérées comme valides, la famille des Phytoseiidae est celle qui comprend le plus d’espèces dans l’ordre des Mesostigmata (ou Gamasida) (Moraes et al., 2004 ; Tixier et al., 2008c ; Demite et al., 2014), certainement du fait des nombreuses études liées à leur rôle majeur en lutte biologique (i.e. Gerson, 2003 ; Hoy, 2011 ; McMurtry et al., 2013 ; Lopes et al., 2015). Cette famille est la seule parmi les Mesostigmata dont les espèces sont très majoritairement planticoles. Ainsi, Takahashi et Chant (1993) suggèrent qu’elle a probablement divergé de son groupe-frère, la famille des Ascidae (Oudemans), il y a plus de 100 millions d’années avec l’émergence des angiospermes. La position taxonomique de la famille des Phytoseiidae selon la classification actuelle (Chant & McMurtry, 2007 ; Krantz & Walter, 2009 ; Lindquist et al., 2009) est décrite dans la Figure 1. Cette famille est divisée en trois sous-familles et 91 genres (Moraes et al., 1986, 2004 ; Chant & McMurtry, 2007). Cette organisation taxonomique est exclusivement basée sur des caractères morphologiques (Chant & McMurtry, 2007). De plus, le système de classification actuel n’est pas fondé sur des approches cladistiques, et de nombreuses divergences d’opinion sur la validité des genres et des sous-familles existent dans la littérature.

Distribution biogéographique des Phytoseiidae

Les Phytoseiidae sont présents dans toutes les régions biogéographiques, sauf dans la région Antarctique (Figure 2). Le nombre d’espèces le plus élevé est signalé dans les régions Ouest-Paléarctique, Néotropicale et Orientale. Ces trois régions présentent également les niveaux d’endémisme les plus importants (Tixier et al., 2008c). Le plus grand nombre d’espèces de la sous-famille des Amblyseiinae est observé dans la zone Néotropicale et dans une moindre mesure dans les régions Ouest Paléarctique et Orientale. La sous-famille des Typhlodrominae présente un profil de distribution différent, la majorité des espèces est signalée des zones Ouest et Est Paléarctiques et dans une moindre mesure de la région orientale. Enfin, le nombre le plus élevé d’espèces de Phytoseiinae est observé dans la région Orientale et dans une moindre mesure dans les zones Néotropicale et Paléarctiques. Les taux d’endémisme des trois sous-familles sont généralement les plus forts dans les régions où le plus grand nombre d’espèces est observé. A noter cependant que pour la sous-famille des Typhlodrominae, les plus hauts niveaux d’endémisme sont observés dans la zone Ethiopienne alors que ce n’est pas la zone comprenant le plus d’espèces. Tixier et al. (2008c) ont proposé une distribution de tous les genres de Phytoseiidae décrits jusqu’en 2005. Cette étude constitue l’étude biogéographique des Phytoseiidae la plus complète et la plus récente.

Caractéristiques morphologiques générales des Phytoseiidae 

Le corps des Phytoseiidae, comme celui de tous les acariens, est divisé en une région antérieure, le gnathosoma, et une région postérieure, l’idiosoma (Kranz, 1978) (Figure 3.A.). Les espèces de Phytoseiidae ont un corps piriforme présentant différents niveaux de sclérotisation et une coloration allant du blanc à diverses teintes de marron (Moraes & Flechtmann, 2008) (Figures 3.B.). La longueur de l’idiosoma varie de 200 à 600 µm, la taille des femelles étant plus grande que celle des mâles (Helle & Sabelis, 1985). Au stade larvaire, les acariens sont hexapodes et au stade adulte le corps comporte quatre paires de pattes (Chant & McMurtry, 1994 ; Kreiter et al., 2003) (Figures 3.C., 3.D.).

Le gnathosoma 

Le gnathosoma porte les chélicères et les palpes (Chant & McMurtry, 1994, 2007) (Figure 4.A.). Les acariens n’ont pas d’antennes, la première paire d’appendices correspond aux chélicères, chacune étant composée de deux mors (fixe et mobile) qui possèdent des dents en nombre variable (Helle & Sabelis, 1985) (Figure 4.B.). Les chélicères permettent de capturer et de maintenir les proies. Celles du mâle présentent un spermatodactyle (sur le mors mobile) qui permet le transfert du sperme du tractus génital mâle vers les voies génitales femelles (Amano & Chant, 1978 ; Chant, 1985) (Figure 4.C.). La dentition des chélicères est parfois utilisée pour la différenciation des espèces (Denmark & Kolodochka, 1990 ; Chant & McMurtry, 1994, 2007 ; Beard, 1999). Le mors fixe porte quelquefois un pilus dentilis, probablement doté de fonctions mécanoréceptrices, informant l’acarien sur la nature des éléments saisis avec ses chélicères (Swirski et al., 1998). Les palpes, sont des organes sensoriels servant à la détection de la nourriture, de l’environnement et des partenaires sexuels (Swirski et al., 1998 ; Kreiter et al., 2003).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1. CHAPITRE I : LA FAMILLE DES PHYTOSEIIDAE
1.1. La famille Phytoseiidae : des acariens prédateurs efficaces en lutte biologique
1.2. Position taxonomique des Phytoseiidae
1.3. Distribution biogéographique des Phytoseiidae
1.4. Caractéristiques morphologiques générales des Phytoseiidae
1.4.1. Le gnathosoma
1.4.2. L’idiosoma
1.5. Éléments biologiques et écologiques des Phytoseiidae
1.5.1. Le cycle de développement
1.5.2. Le régime alimentaire des Phytoseiidae
1.5.3. Le mode de reproduction
1.5.4. Les capacités de dispersion
1.5.5. Les Phytoseiidae et les plantes-hôtes
1.6. La classification actuelle des Phytoseiidae et ses limites
1.6.1. La division en trois sous-familles
1.6.2. Les questions posées par la classification actuelle des Phytoseiidae
1.7. L’identification des espèces de Phytoseiidae
2. CHAPITRE II : PRINCIPES ET CONCEPTS TAXONOMIQUES
2.1. Taxonomie et Systématique : définitions
2.2. Le niveau spécifique : les concepts d’espèces
2.2.1. Le concept biologique de l’espèce
2.2.2. Le concept morphologique de l’espèce
2.2.3. Le concept phylogénétique de l’espèce
2.3. Les taxa supra-spécifiques
2.4. Les caractères morphologiques
2.5. Les caractères moléculaires
2.5.1. Les marqueurs mitochondriaux et leur utilisation en taxonomie
2.5.2. Les marqueurs nucléaires et leur utilisation en taxonomie
2.6. Marqueurs moléculaires et concepts analytiques
2.6.1. Quels concepts analytiques pour étudier le niveau spécifique ?
2.6.2. Quels concepts analytiques pour l’étude des taxa supra-spécifiques ?
3. CHAPITRE III : TAXONOMIE DES PHYTOSEIIDAE & DIAGNOSTIC MOLÉCULAIRE
3.1. Problématique
3.2. Le cas d’Amblyseius swirskii Athias-Henriot à l’Ile de la Réunion
3.2.1. Amblyseius swirskii, une espèce importante en lutte biologique
3.2.2. Amblyseius swirskii, une espèce appartenant à un genre particulièrement complexe
3.2.3. L’étude réalisée et ses principales conclusions
3.2.4. Article: An unexpected occurrence of Amblyseius swirskii (Athias-Henriot) in La Reunion Island (Acari: Phytoseiidae)
3.3. Le cas de Phytoseius finitimus Ribaga
3.3.1. Phytoseius finitimus, une espèce potentiellement importante en lutte biologique
3.3.2. Phytoseius finitimus, une espèce appartenant à un genre à la taxonomie complexe
3.3.3. L’étude réalisée et ses principales conclusions
3.3.4. Article: Great molecular variation questions the species Phytoseius finitimus (Acari: Phytoseiidae): implications for diagnosis within the mite family Phytoseiidae
4. CHAPITRE IV : SYSTÉMATIQUE DES PHYTOSEIIDAE : ÉTUDE DES RELATIONS PHYLOGÉNÉTIQUES ET IDENTIFICATION DE MARQUEURS MOLÉCULAIRES PERTINENTS
4.1. Problématique
4.2. Les défis à relever
4.3. Les difficultés et les freins
4.4. L’étude réalisée et ses principales conclusions
4.5. Article: Which molecular markers for assessing which taxonomic level? The case study of the mite family Phytoseiidae (Acari: Mesostigmata)
5. CHAPITRE V : SYSTÉMATIQUE DES PHYTOSEIIDAE : ÉTUDE DES RELATIONS PHYLOGÉNÉTIQUES DE LA TRIBU EUSEIINI CHANT & MCMURTRY
5.1. Problématique
5.2. Les définitions de la tribu Euseiini Chant & McMurtry
5.3. Les défis à relever et les solutions proposées
5.4. L’étude réalisée et ses principales conclusions
5.5. Article: Integrative taxonomy approach for analysing evolutionary history of the tribe Euseiini Chant & McMurtry (Acari: Phytoseiidae) – Soumis à Systematics and
Biodiversity
CONCLUSION GENERALE

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