La dynamique évolutive des paradigmes de l’abstentionnnisme électoral en France

L’abstentionnisme électoral à l’échelle individuelle est un acte rationnel qui résulte de la perception d’un déficit d’intérêt pour de nombreux électeurs qui postulent que le vote doit avoir une fonction d’utilité sociale. L’intérêt recherché par les électeurs est mesuré à l’aune de la performance de l’action politique sur les enjeux consensuels portant sur les questions de la vie quotidienne. Ces questions à prépondérance économique dès lors qu’elles sont réappropriés par les acteurs politiques dans l’espace publique, deviennent des enjeux politiques dont tous les électeurs s’accordent sur l’objectif de sa résolution. Cet énoncé découle des observations des attitudes et comportement des électeurs de l’ère contemporaine essentiellement marqués par l’individualisation politique. Il va s’en dire que cette conclusion est une perception nouvelle mais aussi différentielle de la pluralité des approches portant sur l’explication du phénomène dans la mesure où d’après l’inventaire des paradigmes qui concourent à l’explication du phénomène relevés tout le long de l’histoire électorale française ; il apparaît qu’à chaque  période précise de celle-ci, il y a eu une manière additionnelle d’expliquer l’abstentionnisme sans que pour autant les concepts précédemment énoncés connaissent une falsifiabilité dans son acception poppérienne. Il en résulte que, dans la sociologie de l’abstention, il y a une coexistence des paradigmes concourant à l’explication du phénomène. Ceci témoigne non seulement le dynamisme des efforts scientifiques à comprendre les ressorts de ce fait macrosociologique dont les variables de sa causalité sont  multiples. Cette pluralité de concepts concurrents dénotent aussi leur relative insuffisance à expliquer de manière pertinente ce phénomène que tous les politistes s’accordent à reconnaître la complexification de sa nature. Celle-ci est liée au large éventail de ses causalités possibles dont les ressorts peuvent se situer tant à la fois à l’échelle structurelle, aussi bien qu’aux données conjoncturelles pour enfin se fondre dans la rationalité de l’acteur individuel situé dans le champ politique. Quoiqu’il en soit, les paradigmes en concurrence présentent une certaine faiblesse explicative procédant du fait qu’au sein même de l’ensemble des abstentionnistes, il y a un rapport différencié à la politique qui rend en conséquence l’explication de plus en plus difficile; ceci étant, tandis que la majorité de cet ensemble se trouve dans une logique intermittente du vote faisant appel à une explication politique et conjoncturelle ; une minorité reste figée dans un abstentionnisme systématique qui fait appel à une explication intégrant davantage des logiques sociales et structurelles. Face à cette bi-compartimentation des attitudes, les politistes s’accordent à reconnaître qu’en dépit de l’indéniable détermination des comportements électoraux par les effets de la socialisation initiale de l’électeur et l’influence des effets conjoncturels; il y a aussi dans ses attitudes une modulation de la rationalité qui le dispose à s’affranchir des pesanteurs structurelles pour opérer son choix électoral dans une relative autonomie. Au regard des évolutions notables des attitudes électorales allant vers plus d’individualisation politique entendu comme étant une certaine rationalisation des choix électoraux intégrant la conjugaison des variables structurelles et conjoncturelles précitées , comment pouvons-nous concevoir une explication rationnelle du phénomène de l’abstentionnisme électoral plus conforme à la réalité contemporaine dans la mesure où les paradigmes traditionnelles présentent une relative insuffisance à expliquer le phénomène dans sa configuration actuelle ? Avant de présenter les grandes articulations du concept du déficit d’intérêt que nous proposons comme une esquisse d’une lecture rationnelle du phénomène qui semble en adéquation avec sa présentation actuelle ; il serait sans doute nécessaire de voir comment au fil du processus des interprétations scientifiques, le phénomène de l’abstentionnisme électoral a été analysé par les politistes de manière chronologique ; ce qui nous placera dans une  perspective historique mais limitée dans le temps. Ceci dans la mesure où jusqu’en 1952 François Goguel, à juste titre, faisait le constat que l’abstentionnisme n’avait pas encore fait l’objet d’une étude scientifique en France . Cette restriction du champ de notre recherche nous conduit d’exclure du spectre de notre analyse les explications morales telle que la thèse de la déviance communautaire ou encore de l’incivisme qui ont structuré l’explication du phénomène depuis l’instauration du suffrage universel masculin en 1848. Ce sera aussi l’occasion de soustraire dans l’intervalle de notre étude, le concept de la dépolitisation proposé au cours des années 1960 mais aussitôt rejeté à l’unanimité par les politistes français. Ce rejet fut matérialisé dans le rapport introductif du doyen Vedel à l’occasion d’une table ronde consacrée à l’évaluation de la pertinence de ce concept. Dans son exposé commis à cet effet, cet éminent universitaire disait de ce concept : « L’objet même de la recherche était singulièrement flou ; il se définissait par un terme emprunté au journalisme plus qu’au vocabulaire de la science politique et évoquant de façon vague une évolution vers un moindre intérêt des individus et des groupes pour la chose politique ». Ce concept rejeté nous donne également l’opportunité de préciser la définition de paradigme. Selon Thomas Kuhn, la notion de paradigme désigne un ensemble cohérent d’hypothèses, de propositions, d’énoncés ou des résultats qui donnent naissance à des traditions de recherches . Cet ensemble de  propositions sont conventionnellement acceptées dans tout ou partie de la communauté savante à partir desquelles se construit une école de recherche . Ainsi précisé, il apparaîtra dans la perspective de la dynamique évolutive des paradigmes de l’abstentionnisme électoral en France ; que le modèle que nous proposons s’inscrit dans l’école de l’électeur rationnel qui reste une approche minoritaire dans la sociologie électorale française contrairement aux pays anglo-saxons notamment les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

LES FILIATIONS SCIENTIFIQUES ET LA DISSECTION DU PARADIGME 

L’intégration conçue comme un facteur essentiel de la participation électorale est un concept qui a acquis sa dimension sociologique à partir des travaux de Emile Durkheim sur la sociologie du suicide. Aussi, apparaissait-il une symétrie d’analyses entre l’abstentionnisme et le suicide résultant du défaut d’intégration de l’individu dans le tissu social. Les analyses Lancelot font suite par ailleurs, à la tradition de recherche dite de Columbia qui postulait la détermination des comportements politiques par des facteurs sociaux découlant du milieu d’appartenance de l’individu (P1). La conclusion Lancelot sur l’abstentionnisme décryptée en 1968 interpelle une réflexion essentielle sur la perception de la participation électorale. Elle se révèle comme une forme de participation sociale des agents sociaux relevant des groupes les mieux insérés dans la société globale. Il s’en suit que cette approche met l’accent sur la forme d’intégration à prédominance systémique qui caractérise la relation d’un sous système avec la société globale. Les différents agrégats sociaux qui structurent la société sont en effet des diverses modalités concourant à l’intégration sociale vecteur de la participation électorale (P 2).

LES BALISES SCIENTIFIQUES 

L’INTEGRATION : UN CONCEPT SOCIOLOGIQUE DURKHEIMIEN

D’après une analyse de Dominique Schnapper, le terme de l’intégration était réservé au problème de la société dans son ensemble ; son utilisation avait suscité la controverse chez les sociologues. Au cours de la formation de la sociologie entre les années 1880 et 1950, l’assimilation fut d’abord utilisée aussi bien en France qu’aux Etats-Unis, pour désigner le processus par lequel les nouveaux immigrés devenaient progressivement des membres à part entière de leur société d’installation. Par la suite, la grande majorité des chercheurs français s’était ralliée à la notion d’intégration contrairement aux américains qui en préféraient le terme de l’assimilation.

Cela dit, l’intégration apparaît alors comme l’ensemble des dimensions et des modalités de la participation aux diverses instances de la vie sociale. Depuis les travaux de Durkheim sur les causes du suicide, l’intégration a été érigée en véritable concept sociologique. Aussi les sociologues se sont-ils interrogés à partir de cette notion sur les mécanismes de la formation et du maintien des diverses entités collectives ; mais également sur les relations entre l’individu et le groupe. En effet, le concept de l’intégration renvoie à deux sens principaux dit-elle :

➤ Il peut caractériser la relation des individus à ces sous-systèmes ; cette forme d’intégration, dite tropique est la propriété relationnelle de l’individu dans un groupe particulier.
➤ Il peut aussi caractériser la relation d’un sous-système à un système plus large qui est la société globale déjà constituée. Cette intégration est dite systémique .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LES PARADIGMES SOCIOLOGIQUE : UNE LECTURE HOLISTE DU PHENOMENE
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LE DEFAUT D’INTEGRATION A LA SOCIETE : LE TRANSFERT DES DETERMINANTS SOCIAUX AU CHAMP POLITIQUE 34
INTRODUCTION
SECTION I : LES FILIATIONS SCIENTIFIQUES ET LA DISSECTION DU PARADIGME
P1- LES BALISES SCIENTIFIQUES
A- L’INTEGRATION : UN CONCEPT SOCIOLOGIQUE DURKHEIMIEN
B- UNE DEMARCHE PARENTE A L’ECOLE DE COLUMBIA
P2 : LA DISSECTION DE LA CONCLUSION LANCELOT
A- LA PARTICIPATION ELECTORALE COMME PARTICIPATION SOCIALE
B- LA PREPONDERANCE DU DEFAUT D’INTEGRATION SYSTEMIQUE
SECTION II : LES MODALITES D’INTEGRATION ET PARTICIPATION ELECTORALE
P1- LES INTEGRATIONS PRIMAIRES
A- L’AGE ET LE CYCLE DE VIE
B- LE GENRE (SEXE)
C- L’INTEGRATION FAMILIALE
P2- LES INTEGRATIONS STABILISATRICES
A- L’INTEGRATION PROFESSIONNELLE
B- L’INTEGRATION RESIDENTIELLE
P3 : LES INTEGRATIONS COMMUNAUTAIRES
A- L’INTEGRATION RELIGIEUSE
B- L’ADHESION ASSOCIATIVE
CONCLUSION (CHAPITRE I)
CHAPITRE II : LE CENS CACHE OU LA COMPETENCE POLITIQUE INEGALITAIRE DES CLASSES SOCIALES
INTRODUCTION
SECTION I : LE DECRYPTAGE DU CONCEPT DE LA COMPETENCE POLITIQUE
P1 : LES FONDEMENTS DU CONCEPT
A- LA FUSION COMPETENCE POLITIQUE ET POLITISATION
B- LE ROLE AMPLIFICATEUR ET DISCRIMINANT DU NIVEAU D’INSTRUCTION
P2 : LA MUTATION DE LA COMPETENCE POLITIQUE EN SOUS-CULTURE POLITIQUE
A- CULTURE OU CULTURE POLITIQUE
B- LES MECANISMES DE LA REPRODUCTION CULTURELLE
C- L’INCOMPETENCE POLITIQUE ET LA LOGIQUE DE DOMINATION
SECTION II : LES DETERMINANTS DE LA COMPETENCE POLITIQUE ET DE LA PARTICIPATION ELECTORALE
P1 : LES COMPOSANTES DE LA COMPETENCE POLITIQUE OBJECTIVE
A- LA CONNAISSANCE DES ACTEURS ET ENJEUX POLITIQUES
B- LA MAITRISE DE SCHEMES POLITIQUES DE CLASSIFICATION
P2 : LES ELEMENTS DE LA COMPETENCE POLITIQUE SUBJECTIVE
A- L’INTERET POUR LA POLITIQUE
B- L’AUTO-APPRECIATION : LE SENTIMENT D’INCOMPETENCE POLITIQUE
C- LES RESERVES
CONCLUSION CHAPITRE II
CONCLUSION PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE LES PARADIGMES POLITIQUES : L’EFFET DE LA CONJONCTURE SUR LE PHENOMENE
INTRODUCTION
CHAPITRE III: LES INFLUENCES DES PARAMETRES ELECTORAUX SUR LA PARTICIPATION
INTRODUCTION
SECTION I : LA NATURE DES ELECTIONS ET LA PARTICIPATION DIFFERENTIELLE
P1 : LES ELECTIONS MOBILISATRICES
A- LES ELECTIONS NATIONALES
B- L’EXCEPTION DES MUNICIPALES
P2 : LES ELECTIONS A FAIBLE PARTICIPATION
A- LES ELECTIONS LOCALES
B- LES ELECTIONS EUROPEENNES
SECTION II : LES DECLINAISONS DE L’OFFRE ELECTORALE
P1 : LA TYPOLOGIE DES OFFRES ELECTORALES
1- LA CONFIGURATION DE L’OFFRE PERSONNELLE
2- L’OFFRE TERRITORIALE
P2 : LA CODIFICATION DE L’OFFRE
A- LA PROBLEMATIQUE DES MODES DE SCRUTIN
B- LE NOMBRE DE CANDIDATS
P3 : L’ENVIRONNEMENT DE L’OFFRE
A- L’EFFET DE LA MOBILISATION
B- LA PROBLEMATIQUE DE L’INFLUENCE DES MASSES MEDIAS
C- L’EQUIVOQUE DES SONDAGES D’OPINION
SECTION III : L’INFLUENCE DE L’ENJEU POLITIQUE SUR LA PARTICIPATION ELECTORALE
P1 : L’ILLUSTRATION REFERENDAIRE
A- LA DIFFERENCE DE NATURE ENTRE LES REFERENDUMS ET ELECTIONS
B- L’INSTRUMENTALISATION DES REFERENDUMS
C- LA LISIBILITE DE L’ENJEU REFERENDAIRE
P2 : LES ELECTIONS INTERMEDIAIRES
A- LA NOTION DU CONCEPT
B- LA DEMOBILISATION DE L’ELECTORAT GOUVERNEMENTAL
CONCLUSION CHAPITRE III
CHAPITRE IV : L’ABSTENTIONNISME PROTESTATAIRE ET STRATEGIQUE : DEUX CONCEPTS POLITIQUES DU PHENOMENE
SECTION I : L’ABSTENTIONNISME PROTESTATAIRE
P1 : LA PERMANENCE DU COMPORTEMENT ET LA PROBLEMATIQUE DE SON IDEOLOGIE
A- LA PERMANENCE DU CONCEPT
B- LA PROBLEMATIQUE DE L’IDEOLOGIE PROTESTATAIRE : LA DOCTRINE MAURRASSIENNE ET L’ANARCHOSYNDICALISME
P2 : LE PROFIL D’ASSISE PRECAIRE ET LA TENDANCE REACTIONNAIRE
A- LES RELIEFS DU DEFAUT D’INTEGRATION A LA SOCIETE
B- L’INCOMPETENCE POLITIQUE ET VOTE REACTIF FN
SECTION II : L’ABSTENTIONNISME STRATEGIQUE
P1 : LA LOGIQUE CONTEXTUELLE ET LE DIAGNOSTIQUE POLITIQUE
A- LA CRISE DE LA PARTICIPATION ET LA CRISE DE REPRESENTATION
B- LA DESTRUCTURATION DU CHAMP POLITIQUE
P2 : LE PROFIL PARADOXAL DU VOTANT
A- LA REALITE INTEGRATIVE ET POLITISATION AVEREE
B- LA PREPONDERANCE D’UNE PROXIMITE PARTISANE A GAUCHE
CONCLUSION CHAPITRE IV
CONCLUSION DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION GENERALE

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