La dualie corps-esprit

LA DUALITE CORPS-ESPRIT

LE CORPS DETACHE DE L’ESPRIT

Nous avons choisi certes comme point de départ Platon mais l’idée du dualisme a été émise avant lui, notamment avec Pythagore. Ce dernier, pour expliquer le côté matériel et celui immatériel de l’être humain s’inspira du mythe de Dionysos. Dionysos qui était le fils de Zeus (Dieu des dieux) s’est transformé un jour en bœuf et les titans, ennemis de Zeus, l’attrapèrent et le mangèrent. Zeus fâché, foudroya les titans. Ainsi, de leurs cendres sortira la race humaine. L’homme est donc considéré chez les pythagoriciens comme quelqu’un qui a deux natures différentes à savoir celle divine qui lui vient de Dieu et qui renvoie à l’âme et une nature titanique qui est assimilée au corps. D’une certaine manière, Platon va s’inscrire dans le même sillage tracé par Pythagore. Toute la philosophie platonicienne repose sur le dualisme entre le sensible et l’intelligible, l’Idée et la copie, le corps et l’âme. Il sied de rappeler, pour lever toute équivoque, que Platon ne différencie pas l’âme de l’esprit. Dans sa terminologie, l’âme comporte trois parties : l’épithumia qui est le lieu des sens et du désir, le thumos qui se rapporte au sens de l’honneur et du courage et enfin le logos qui est assimilé à l’esprit. Ce dernier doit dominer, subjuguer les deux autres, non pas pour les supprimer mais plutôt pour harmoniser l’âme. Pour mieux comprendre la philosophie platonicienne, partons de la théorie de la métempsychose et celle de la réminiscence. La métempsychose est l’idée selon laquelle l’âme est immortelle et antérieure au corps. Autrement dit, avant d’incarner un corps particulier, l’âme a déjà contemplé toutes les vérités éternelles. Mais les dieux, comme pour donner sens à l’homme, ont fait baigner l’âme dans le fleuve du Léthé ou fleuve de l’oubli afin que les hommes, une fois au monde, oublient tout ce que leur âme avait connu et se mettent du coup à la quête du savoir. Ainsi donc, connaître ne signifie pas chez Platon acquisition d’une nouvelle connaissance, mais réactualisation de vérités déjà possédées. La réminiscence ne signifie rien d’autre que cela. Le fait de se ressouvenir des choses qu’on avait déjà connues dans le monde de l’Hadès. L’esclave du Ménon est une belle illustration de la théorie de la réminiscence. Ce jeune esclave qui n’a rien appris dans sa vie arrive, grâce aux questions répétées de Socrate, à découvrir que c’est sur la diagonale du carré donné que le carré double est construit. On comprend donc que le but du philosophe et de n’importe quel autre amoureux du savoir consiste à se détacher du corps autant que possible « car les distractions que donne le corps gênent l’âme dans sa poursuite de la vérité ». A travers cette citation il est aisé de constater que le corps et tout ce qui relève de lui ne participe pas au déploiement de l’esprit, au contraire il lui empêche de s’envoler et de contempler la vérité des choses. Dans le Phédon, Socrate, s’adressant à Simmias affirme : « Mais l’âme ne raisonne jamais mieux que quand rien ne la trouble, ni l’ouïe, ni la vue, ni la douleur, ni quelque plaisir, mais qu’au contraire elle s’isole le plus complètement en elle-même, en envoyant promener le corps et qu’elle rompt, autant qu’elle peut, tout commerce et tout contact avec lui pour essayer de saisir le réel » .

Le trait caractéristique du dualisme platonicien réside dans une négation totale du corps dans l’activité de penser. Le corps étant le tombeau de l’âme (soma sema), nous comprenons le fait que Platon défend l’idée selon laquelle il faudrait pleurer les naissances et fêter les morts. La mort qui est le moment où l’âme se délie du corps nous permet de nous libérer des tromperies et des plaisirs du corps. C’est ce que dit Platon dans le Phédon quand il écrit :

«Il semble que la mort est un raccourci qui nous mène au but, puisque, tant que nous aurons le corps associé à la raison dans notre recherche et que notre âme sera contaminée par un tel mal, nous n’atteindrons jamais complètement ce que nous désirons et nous disons que l’objet de nos désirs, c’est la vérité. Car le corps cause mille difficultés (…). Il nous remplit d’amours, de désirs, de craintes, de chimères de toute sorte (…), il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser ».

Cette citation prouve que Platon donne sens à l’immortalité de l’âme et à la vie après la mort. Ce qui n’est pas le cas pour les atomistes et les matérialistes, d’Epicure à La Mettrie en passant par d’Holbach etc. Mais avant d’en venir au matérialisme, il convient d’exposer le dualisme cartésien qui nous servira de passerelle pour étudier le monisme lamettrien.

LE DUALISME CARTESIEN

Descartes qui est considéré comme le père du rationalisme moderne va défendre la thèse du dualisme corps-esprit mais pas de la même manière que le fait Platon. Après avoir distingué l’âme du corps comme étant deux substances totalement différentes, Descartes tente de les réunir et de montrer leur interaction. Ce qui posera beaucoup de problèmes auxquels le dualisme cartésien s’est confronté. Nous allons d’abord exposer la conception cartésienne du corps avant de montrer celle de l’âme qui signifie la même chose que l’esprit chez Descartes. Comme tout penseur, Descartes n’est pas étranger à son époque. Au XVIIème siècle, les mathématiques et la mécanique connurent leur apogée à telle enseigne qu’on assiste à une mécanisation de la connaissance. C’est ainsi que des auteurs comme Hobbes et Spinoza n’hésitèrent pas à appliquer la méthode mécanique sur un domaine aussi imprévisible que la politique. Dans ce sillage il est tout à fait normal que l’étude du corps ne puisse échapper à cette règle. Ainsi François Jacob écrit : « Au XVIIème siècle il n’existe aucune raison de réserver une place à part aux corps vivants et de les soustraire à la grande mécanique qui fait tourner l’univers. Seul ce qui ressort clairement aux lois du mouvement dans le corps des animaux est accessible à l’analyse ».

Selon Descartes le corps humain, étant assimilable aux autres corps physiques, n’a qu’une fonction biologique ou physiologique. Ce faisant sa compréhension est ramenée au mode de fonctionnement des machines contrairement à la tradition scolastique. Selon Aristote chaque corps a un but bien défini. Les corps lourds descendent naturellement vers le bas et les corps légers sont amenés à monter. Cela rappelle le finalisme qui sous-tend l’idée selon laquelle chaque corps a un lieu naturel vers lequel il tend. Cette conception aristotélicienne, nous le savons, est teintée de métaphysique. Par contre le mécanisme cartésien aura pour mérite d’expliquer le corps par les seules lois physiques. Ainsi Descartes affirme :

« Je suppose que le corps n’est autre qu’une statue ou machine de terre que Dieu forme tout exprès pour la rendre la plus semblable, non seulement il lui donne au dehors la couleur et la figure de tous nos membres mais aussi il met au-dedans toutes les pièces, celles de nos fonctions, qui peuvent être imaginées procéder de la matière et ne dépendent que de la disposition des organes ».

Après avoir défini le corps et ses fonctions mécaniques, examinons la façon dont Descartes parvient à saisir l’esprit ou la « res cogitans ». Considérant que la tradition scolastique était parsemée d’erreurs, Descartes décide de faire table rase en doutant de toutes les connaissances qu’il avait reçues. Du doute méthodique, Descartes passe au doute hyperbolique car il commence à remettre en cause ses propres sens et son corps. Il se peut bien que mes sens me trompent dit-il, parce que les aliments salés me paraissent amers quand je tombe malade. Finalement nous pouvons nous poser la question de savoir jusqu’où va le doute cartésien ? La réponse nous est donnée dans la quatrième partie du Discours de la méthode. L’auteur y écrit :

« Mais aussitôt après je pris garde que pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité je pense donc je suis était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais ».

La découverte du cogito que Descartes considère comme le premier principe de sa philosophie nous permet de déduire une conclusion qui est d’une importance de taille. En réalité chez Descartes la saisie de sa propre existence ne passe pas par le corps mais par l’esprit uniquement. Autrement dit Descartes ne se définit pas comme corps, il est une substance pensante. Il affirme aussitôt après la découverte du cogito: « Puis examinant avec attention ce que j’étais et voyant que je pouvais feindre que je n’avais aucun corps et qu’il n’y avait aucun monde ni aucun lieu où je fusse ;(…) je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui, pour être n’a besoin d’aucun lieu ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme par laquelle je suis ce que suis est entièrement distincte du corps (…) ».

Il est aisé de constater à travers cette citation, que l’âme, la « chose pensante » ou la « res cogitans » est séparée du corps ou de « l’étendue » qui est « res extensa ». La distinction entre l’âme et le corps est donc une suite logique de la découverte du cogito qui met en exergue une seule substance à savoir l’âme ou l’esprit. Ainsi Descartes dira : « Et quoique (…) j’aie un corps auquel je suis très étroitement conjoint ; néanmoins parce que d’un côté j’ai une claire et distincte idée de moi-même, en tant que je suis seulement une chose qui pense et non étendue et que d’un autre j’ai une idée distincte du corps, en tant qu’il est seulement une chose étendue et qui ne pense point, il est certain que ce moi, c’est-à-dire mon âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement et véritablement distincte de mon corps, et qu’elle peut être ou exister sans lui ».

Comme illustration, rappelons-nous de la célèbre métaphore que Descartes utilise dans les Méditations. Le morceau de cire qui provient de la ruche a une forme, une couleur, une odeur etc. Cependant le morceau de cire porté au feu, nous dit Descartes, sa saveur s’exalte, l’odeur s’évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, il devient liquide. Mais qu’est ce qui nous reste du morceau de cire puisque tout ce qui nous permet de le reconnaître a disparu ? Ce qui demeure n’est rien d’autre que l’essence de la cire. Or cette essence ne peut être saisie que par l’inspection de l’esprit nous dit Descartes. Il écrit : « (…) Nous ne concevons les corps que par la faculté d’entendre qui est en nous, et non point par l’imagination ni par les sens, et que nous ne les connaissons pas de ce que nous les voyons, ou que nous les touchons, mais seulement de ce que nous les concevons par la pensée » . Il convient de noter que Descartes n’a pas pu donner une description du fonctionnement de l’âme à l’instar de celui du corps. Deux raisons peuvent justifier cela. La première pourrait se rapporter au contexte historique dans lequel Descartes vivait. L’Inquisition constituait un obstacle qui empêcherait Descartes de poursuivre son Traité de l’homme et d’aller jusqu’au bout de ses idées. La deuxième raison, peut-être plus valable, relève d’une incapacité de décrire l’âme à l’image du corps de façon mécanique. Cette difficulté n’est pas particulière à Descartes, elle réside chez tous les dualistes qui accordent à l’âme ou l’esprit une nature immatérielle. A la lecture du dualisme cartésien, une question se pose à nous. L’homme étant composé de deux substances différentes à savoir le corps et l’esprit, comment ces deux entités de nature différentes coexistent et interagissent l’une sur l’autre ? Cette question épineuse constitue une équation à laquelle les dualistes ne parviendront jamais à donner une solution satisfaisante. Descartes commencera par dire que l’union de l’âme et du corps ne peut pas être saisie par la réflexion philosophique mais seulement par l’expérience quotidienne. Dans sa lettre adressée à Elisabeth il affirme: « et enfin, c’est en usant seulement de la vie et des conversations ordinaires et en s’abstenant de méditer et d’étudier aux choses qui exercent l’imagination,  qu’on apprend à concevoir l’union de l’âme et du corps ».

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Table des matières

INTRODUCTION
I/ LA DUALIE CORPS-ESPRIT
A/ LE CORPS DETACHE DE L’ESPRIT
B/ LE DUALISME CARTESIEN
II/ MATERIALISME ET APPROCHES REDUCTIONNISTES
A/ LE MONISME LAMETTRIEN
B/ BEHAVIORISME LOGIQUE ET ELIMINATIVISME
III/ POSSIBILITE D’UN DISCOURS MIXTE ?
A/ L’HOMOGENEITE DU CORPS ET DE L’ESPRIT
B/ VERS UN « TROISIEME DISCOURS »
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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