La doctrine stratégique et diplomatique de l’islam politique turc (2002-2016)

L’islam politique turc au pouvoir 

Pays à majorité musulmane, la Turquie a connu tout au long du XXe siècle, malgré le processus de sécularisation qui a accompagné l’instauration de la République, le phénomène de l’islam politique, plus souvent désigné comme islamisme. Définir ce dernier est, en soi, un défi relativement ardu. D’une part, le terme recouvre des réalités finalement très diversifiées. D’autre part, dans un contexte de tensions identitaires à l’échelle mondiale et d’intensification du fondamentalisme religieux, il est parfois porteur d’une connotation polémique. Un regard sur quelques définitions qui en sont données dans la sphère intellectuelle francophone permet de saisir cette complexité. Pour le géopolitologue Pascal Boniface, l’islamisme « représente un mouvement idéologique reposant sur une interprétation politique des préceptes de l’islam ». La sociologue Firouzeh Nahavandi insiste sur les multiples dimensions du terme et estime que « l’islamisme peut faire référence au rôle croissant des représentants de la religion ou des individus liés à la religion, des groupes et des partis politiques se réclamant de l’islam dans les politiques intérieures des pays musulmans avec des implications au niveau international ».

L’arabologue Luz Gómez García, dans un article en français, propose l’approche suivante : « tout islamisme est de manière générale un projet idéologique au service d’un objectif politique : la constitution d’un modèle étatique propre, partant pour cela de l’actualisation d’un paradigme légitimiste de type religieux qui place la Charia au centre du discours ». L’universitaire Burhan Ghalioun insiste pour sa part sur la nécessité de saisir le caractère politique de l’islamisme : « loin de représenter une nouvelle secte ou de présenter même une nouvelle interprétation théologique du texte coranique, [il] est un mouvement politique et social qui vise, malgré son discours d’inspiration religieuse, à transformer un système politique et/ou social ». En raison de l’importance de cet aspect politique dans l’islamisme, ainsi que du caractère assez polémique du terme  , c’est l’expression « islam politique » qui sera privilégiée, autant que faire se peut, au cours de ce travail de recherche. Toutefois, son application à la société turque mérite également quelques clarifications.

Spécialiste de la Turquie, Jean-François Pérouse estime que « l’islam politique renvoie à des mouvements qui instrumentalisent fortement la religion, cette pratique n’étant pas propre aux partis assimilés à l’islam politique ». Cette définition accorde plus d’importance à l’utilisation de l’islam comme outil politique qu’à un projet s’appuyant sur ses préceptes. Elle est justifiée par la spécificité de la Turquie, État séculier réprimant traditionnellement durement toute idée de faire de l’islam une base de la législation. Historiquement, l’islam politique turc a davantage tendance à présenter les valeurs islamiques comme source d’inspiration qu’à proposer un changement de régime donnant une valeur législative aux principes religieux. L’émergence de partis porteurs de cette vision est relativement tardive dans l’histoire républicaine : en 1969, Necmettin Erbakan, ancien membre du Parti de la Justice [Adalet Partisi, AP], une formation conservatrice mais séculariste, fonde le mouvement de la Vision Nationale [Millî Görüş], qui se focalise surtout sur des questions économiques et géopolitiques, mais s’inspire ouvertement de valeurs morales islamiques ; le parti politique qui en émerge, le Parti du Salut National [Millî Selamet Partisi, MSP], va obtenir des députés au Parlement et même participer à un gouvernement de coalition (1973-1974) avec le Parti Républicain du Peuple [Cumhuriyet Halk Partisi, CHP], qui se revendique de l’héritage de Mustafa Kemal. Dissout en 1981, il se reconstitue sous le nom de Parti du Bien-être [Refah Partisi, RP]. De juin 1996 à juin 1997, son dirigeant, Necmettin Erbakan, est Premier ministre de la Turquie – le RP gouverne alors en coalition avec un autre parti. Démissionnant sous pression du corps militaire, il fonde en 1998 le Parti de la Vertu [Fazilet Partisi, FP], interdit en 2001 pour violation des principes laïcs.

Cette dernière interdiction, conjuguée à l’intervention militaire de 1997, qui a poussé Necmettin Erbakan, à la démission, convainc une partie des acteurs de l’islam politique turc qu’une nouvelle stratégie est nécessaire. Mais ils reprennent pour cela une conception assez traditionnelle : « pour l’islam politique turc contemporain, il ne s’agit pas de remettre en cause l’ordre socio-politique ni de détruire un État impie, mais de le conquérir . » Or, prendre le pouvoir et le garder implique de se débarrasser d’un discours ouvertement religieux, qui peut service de prétexte à des pressions sur le parti qui le porte, voire à son interdiction. C’est en partant de ce diagnostic qu’un certain nombre de cadres de l’ex-FP, rejoints par des militants issus d’autres formations conservatrices ou de novices en politique, prennent la décision de fonder un nouveau mouvement. Le 14 août 2001, le Parti de la Justice et du Développement [Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP] voit le jour ; parmi ses principaux cadres fondateurs, trois anciens membres du FP : Recep Tayyip Erdoğan, Abdullah Gül et Bülent Arınç. Néanmoins,  le parti ne fait aucune référence à l’islam, et Recep Tayyip Erdoğan se définit comme un « démocrate conservateur». Cette volonté de normaliser le mouvement en vue de parvenir au pouvoir aboutit à un réel succès, l’AKP gagnant les élections législatives de novembre 2002. Depuis cette date, le parti conserve la majorité absolue des sièges au Parlement, à l’exception d’une période allant de juin à novembre 2015, au cours de laquelle il n’a disposé que d’une majorité relative. C’est la première fois dans l’histoire républicaine turque qu’un parti issu de l’islam politique turc obtient une majorité parlementaire absolue lui permettant de gouverner sans s’intégrer dans une coalition. Quant à Necmettin Erbakan, il a fondé peu avant la naissance de l’AKP le Parti de la Félicité [Saadet Partisi, SP], dont les scores sont cependant restés modestes.

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Table des matières

Remerciements
Eléments de terminologie
Sommaire
Introduction
Préambule : Ruptures et continuités dans la politique étrangère turque au XXe siècle..
Chapitre 1. Les acteurs de la politique étrangère (2002-2017)
Chapitre 2. Aux sources de la doctrine
Chapitre 3. L’expérience d’un premier mandat (2002-2007)
Chapitre 4. L’affirmation d’un discours doctrinal (2007-2009)
Chapitre 5. La structuration de la doctrine
Chapitre 6. Une mise en application systématisée (2009-2011)
Chapitre 7. Nouveaux défis et tentatives d’adaptation (2011-2013)
Chapitre 8. L’échec de la doctrine reformulée (2013-2014)
Chapitre 9. L’abandon de la doctrine au profit de stratégies ponctuelles (2014-2016)
Conclusion
Sources
Bibliographie
Liste des sigles et acronymes
Index
Annexes

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