LA DISTRIBUTION SPATIALE, L’ABONDANCE ET LA CROISSANCE DU FLÉTAN DU GROENLAND

CAUSES ET CONSÉQUENCES DE L’HYPOXIE SUR LES ÉCOSYSTÈMES MARINS

   La condition d’hypoxie est une situation qui se produit dans la colonne d’eau et dans le sédiment lorsque la concentration en OD diminue pour atteindre des valeurs de 2 à 3 mg O2 L (environ 30% du taux de saturation en oxygène), dans les environnements marins et côtiers (Diaz et Rosenberg, 1995; Diaz, 2001; Richmond et al.,2006, Diaz et Breitburg, 2009) et de 5 à 6 mg O2 L dans certains habitats d’eau douce (Diaz et Breitburg, 2009). Elle apparait généralement au niveau des eaux profondes et dans certaines zones à minimum d’oxygène (ZMO) au niveau de la couche intermédiaire (généralement dans l’océan ouvert de 400 à 1000 m ou le long des côtes) (Diaz et Breitburg, 2009) (Figure 1). La mesure chimique d’OD est basée sur la méthode de Winkler, mais les sondes d’oxygène automatiques qui donnent des réponses immédiates, sont de plus en plus utilisées. La quantité d’OD dans l’eau de mer peut être exprimée dans plusieurs unités différentes (mg L-1, mL L-1, µmol kg-1 , % saturation). Les unités les plus utilisées sont le mL L-1 et le pourcentage (taux) de saturation dont le 100% réfère à la saturatio de l’air (Diaz et Rosenberg, 1995). Ce taux dépend essentiellement des conditions de température, de salinité et de pression du milieu. La solubilité de l’oxygène dans l’eau augmente lorsque la température et la salinité décroissent.

Les conséquences de l’hypoxie et la réponse des organismes

   L’hypoxie peut entrainer des conséquences considérables sur la biologie et l’écologie des espèces aquatiques en limitant la capacité de nage, la reproduction et la croissance via le ralentissement de leur métabolisme (Dutil et al., 1999; Wu, 2002; Wu et al., 2003;Gilbert et al., 2007). Dans les zones à hypoxie sévère (moins de 30% du taux de saturation en OD), de fortes diminutions de la biodiversité ont été observées, suite aux mortalités massives et/ou aux migrations de certains poissons et invertébrés (Diaz et Rosenberg, 1995). Tous ces effets vont entrainer une baisse de la productivité de ces eaux (Gilbert et al., 2007; Diaz et Breitburg, 2009). Certaines espèces peuvent éviter les zones hypoxiques (espèces mobiles), si des milieux favorables en OD sont disponibles à distance raisonnable. Lorsque la diminution des teneurs en OD rend le milieu inutilisable, ceci résulte en une perte d’habitat (Eby et Crowder, 2002). Dans certains cas, cela peut induire des changements d’habitats préférentiels de certaines espèces et favoriser les espèces les plus résistantes au détriment d’autres dans un large éventail d’habitats. Lorsque l’évitement est impossible (espèces sessiles), les espèces résistantes subissent le stress hypoxique qui se traduit par une diminution des dépenses énergétiques (activité locomotrice, digestion) et une mise en place de plusieurs adaptations (physiologiques, métaboliques et comportementales) pour maintenir l’apport en oxygène qui leur est nécessaire. Les environnements hypoxiques peuvent induire, dans certains cas, une perte des ressources en proies benthiques si ces dernières ne supportent pas les faibles teneurs en OD des eaux profondes. Cette situation affectera directement les poissons qui se nourrissent de ces proies benthiques (Diaz et Breitburg, 2009). Ainsi, l’hypoxie pourrait provoquer un déséquilibre dans les relations prédateurs-proies en altérant soit le taux de réussite des prédateurs et/ou la vulnérabilité des proies (Chapman et McKenzie, 2009). Les faibles teneurs en OD altèrent ainsi l’équilibre des interactions en faveur des prédateurs ou des proies, ce qui peut entrainer une influence sur d’autres composantes de la chaîne trophique (Domenici et al., 2007). Ceci pourrait affecter l’équilibre de cette chaîne, la structure des communautés, l’abondance et la diversité des espèces (Pihl, 1994; Diaz et Rosenberg, 1995; Wu, 2002; Chapman et McKenzie, 2009). D’une manière générale, les poissons d’eau douce et d’eau marine peuvent éviter les eaux à faibles teneurs en OD (Schurmann et Steffensen, 1992; Schurmann et al., 1998; Breitburg, 2002). Lorsque ces organismes se retrouvent dans une zone où les conditions d’oxygène sont défavorables pour leur survie, leur première réaction sera la fuite. Cette option nécessite cependant la disponibilité d’un milieu à conditions de saturation en oxygène favorables (Wu, 2002; Chabot et Claireaux, 2008). Néanmoins, dans certaines situations, il est parfois plus avantageux, au niveau énergétique, de demeurer dans le milieu hypoxique si les autres conditions biotiques comme la prédation et la compétition,et abiotiques comme la température et la salinité sont favorables. Lorsque l’évitement et/ou la fuite sont impossibles ou désavantageux, les espèces subissent alors le stress oxydatif. Pour faire face à ce stress, les organismes mettent en place des adaptations physiologiques, métaboliques et comportementales afin d’augmenter leurs chances de survie (Pihl et al., 1991; Plante et al., 1998; Wu, 2002; Brown-Peterson et al., 2005). Ces adaptations varient d’une espèce à une autre et d’un milieu à l’autre. Elles permettent d’améliorer le transport d’oxygène en augmentant les rythmes cardiaque et ventilatoire,la perfusion des branchies et la capacité de transport du sang (augmentation de l’hématocrite et de l’affinité du sang pour l’oxygène) (McMahon, 2001; Wu, 2002). Ceci permettrait de diminuer la demande énergétique en régulant le métabolisme.

ÉTAT DES CONNAISSANCES DANS LE SAINT-LAURENT

   L’eutrophisation est considérée comme la cause principale de l’apparition d’environnements hypoxiques dans les écosystèmes marins et côtiers à travers le monde. Pour le système du Saint-Laurent, l’eutrophisation a favorisé le phénomène de l’hypoxie depuis l’augmentation récente (début des années 1930) des activités anthropiques, telles que l’intensification de l’agriculture et de l’urbanisation autour des bassins versants (Thibodeau et al., 2006; Gilbert et al., 2007). Cependant le phénomène d’hypoxie dans le Saint-Laurent est d’abord relié aux caractéristiques physico-chimiques de cet écosystème. L’estuaire et le golfe du Saint-Laurent forment un grand système estuarien d’environ 230 000 km2 caractérisé par la présence de trois principaux chenaux profonds (300-540 m); le chenal Laurentien, Esquiman et Anticosti. Il reçoit la grande partie de sa masse d’eau de l’océan Atlantique, par le détroit de Cabot et de Belle-Isle et dans une moindre mesure des bassins versants des grands lacs et du fleuve Saint-Laurent (Koutitonsky et Bugden,1991). Ces diverses masses d’eau entraînent des différences de densité entre les couches d’eau (couche de surface, intermédiaire et profonde) et par conséquent une stratification de la colonne d’eau en trois couches en été et deux en hiver (mélange des deux couches de surface) (Dickie et Trites, 1983). La couche de surface et la couche intermédiaire froide sont saturées en oxygène. La couche d’eau profonde ne peut pas se mélanger aux deux couches supérieures plus oxygénées (Chabot, 2004) en raison de la présence d’une barrière physico-chimique créée par la présence d’une halocline et d’une thermocline. Au fur et à mesure que les eaux profondes progressent du détroit de Cabot vers la tête du chenal Laurentien, l’oxygène dissous qu’elles contiennent est progressivement consommé par la décomposition bactérienne de la matière organique issue de la couche de surface et du fond ainsi que par la respiration des organismes marins (Gilbert et al.,2007). Les faibles concentrations en OD sont donc rencontrées au niveau des eaux profondes (à 300 m de profondeur) des chenaux (Laurentien, Esquiman et Anticosti). L’amplitude de ces diminutions diffère dans les trois chenaux avec une forte diminution au niveau de la tête du chenal laurentien. Entre les années 1930 et 1980, le niveau d’oxygène dans les eaux de l’estuaire a diminué de moitié (passant d’environ 38 % de saturation dans les années 1930 à environ 21 % de saturation entre 1984 et 2003). Cette diminution serait due à la stratification permanente de la colonne d’eau qui diminue les échanges entre la couche profonde et la surface, au ralentissement de la circulation estuarienne qui augmente le temps de résidence des eaux profondes dans la tête du chenal et également à l’augmentation du flux de matière organique marine ou terrigène transportée par les rivières (Gilbert, 2004;Thibodeau et al., 2006; Gilbert et al., 2007). Le taux de saturation en OD diminue avec la profondeur dans le Saint-Laurent et à partir de 150 m de profondeur, l’oxygène devient très faible (Thibodeau et al., 2006,Gilbert et al., 2007) (Figure 2). Ces taux de saturation varient d’une zone à une autre,ils sont compris entre 50 à 60 % de saturation dans le détroit de Cabot et environ 20 à 30 % dans l’estuaire (Chabot, 2004) (Figure 3). Malgré l’ampleur du phénomène de l’hypoxie dans l’estuaire et le golfe du SaintLaurent (EGSL), ses impacts n’ont été étudiés que pour la morue (Gadus morhua) (Plante et al., 1998; Chabot, 2004). Peu de recherches ont ciblé les autres espèces de poissons du Saint-Laurent.

DISCUSSION

    The spatial distribution of Greenland halibut in the estuary and the Gulf of St. Lawrence (EGSL) is dependent on fish size, population abundance, and physical characteristics of the environment. Variations in local fish density indicate that the major area of occupancy for juvenile fish (<31 cm) is the western part of the EGSL ecosystem. The highest juvenile concentrations were found in the St. Lawrence estuary (west of longitude 67ºW) regardless of stock abundance. The areas containing 50, 75, and 95% of juvenile fish are density-dependent, with the area of occupancy expanding as population abundance increases. Although significant, the stock abundance of juveniles explains a limited proportion (27–32%) of the variability in their spatial distribution. Abundance indices and spatial distributions that are calculated from the same survey data (i.e., DFO surveys) cannot be considered independent. However, the good correspondence between abundance indices from DFO and sentinel fishery surveys indicates a low potential for spurious correlations from unmeasured factors related to or influencing the DFO surveys. Due to the shorter time series and lower spatial coverage of the sentinel fishery survey, it was thus considered acceptable and preferable only to use DFO survey data for the analysis. The area of occupancy for juveniles is smaller than for larger-sized groups (i.e., > 32 cm). The area occupied by the different percentages of juvenile fish (i.e., D50, D75, and D95) represented 54–73% of the area occupied by larger fish during periods of low stock abundance and 81–88% for periods of higher stock abundance. Based on variations in local fish density and restricted areas of occupancy, the St. Lawrence estuary can be considered the primary nursery area for the EGSL Greenland halibut stock. This assumption is also supported by the very low abundance of juvenile fish in summer and winter surveys conducted at the end of the 1970s in the Gulf of St. Lawrence (eastern part) (Bowering, 1982). At the time of these surveys, which did not cover the St. Lawrence estuary, it was even hypothesized that recruitment may come from outside the Gulf of St. Lawrence (Bowering, 1982). Size frequency distributions of juvenile 53 Greenland halibut indicate that fish smaller than 31 cm consist of 1- and 2-yr-old fish (Morin and Bernier, 2003; DFO, 2011). Thus, juvenile Greenland halibut that settle in the St. Lawrence estuary appear to be sedentary for at least their first 2 yr of life. GAM analyses indicate that the abundance of juvenile fish is associated with geographic location, environmental factors, and mean annual abundance (i.e., population density). Longitude, latitude, depth, temperature, and annual abundance explained 76.6% of the variability in juvenile catches (i.e., number of fish per standard tow) during the whole period (1990–2010). Spatial location (longitude and latitude) alone accounted for most of this variation. The relative contribution of environmental variables (i.e., depth and temperature) in explaining the variability in juvenile catches was lower than spatial location but more important than the variations in the mean annual abundance of the juveniles. During the period of high stock abundance (2004–2010), 82.9% of the variability in juvenile catches was explained by all the covariates studied, with spatial location (longitude and latitude) explaining the largest variability when considering individual effects of each single covariate (8.3% change in total deviance compared to 0.6–3.5% for other covariates). Cross-correlations between DO, spatial location, temperature and depth result in a high association between catches and low DO concentrations. Combination of spatial location and DO explained 37.1% of the variability in the juvenile catches, and a combination of depth, temperature, and DO explained 21.9% of the variability in the catches. When systematic measurements of dissolved oxygen were done (2004–2010), areas with the lowest DO concentrations (hypoxic areas) were located in the western part of the EGSL ecosystem (i.e., St. Lawrence estuary; 49ºN and west of 64ºW) at depths of 200–300 m. At both low and high abundances, the highest juvenile concentrations were observed in areas characterized by these low DO levels. DO concentrations in the bottom waters of the lower St. Lawrence estuary were stable, with a mean value of 65 μM from the mid-1980s to 2003 (Gilbert et al., 2005). Measurements made in the same area between 2004 and 2010 in the present study indicate identical and stable concentrations 54 (mean 64.5 μM). Based on this information, we can conclude that the highest concentrations of juvenile fish during the period of low stock abundance were in the hypoxic areas. Thus, during periods of both low and high abundance, juvenile fish preferentially selected habitats characterized by the lowest dissolved oxygen levels. DO levels in these areas (20% saturation) are not severe enough to result in an active displacement of juvenile fish out of the St. Lawrence estuary. Under the theory of density-dependent habitat selection (Fretwell and Lucas, 1970; MacCall, 1990), spatial variations in local density reflect gradients in resource availability, with local density being highest where resources are abundant (optimal habitat) and lowest where resources are scarce (marginal habitat). At low abundance levels, individuals should occupy the optimal habitats; as abundance increases, density will increase in these preferred habitats and individuals will also begin to occupy marginal habitats. During the period covered by the present study, juvenile Greenland halibut appeared to follow this expected pattern of expansion in habitat. Density-dependent habitat selection provides a possible explanation for the change in juvenile distributional area between periods of low and high abundance in the EGSL. However, correlations between abundance and occupied area do not necessarily demonstrate a causal relationship or confirm the presence of densitydependent habitat selection (Shepherd and Litvak, 2004). Further work showing changes in fish condition and growth in optimal habitats, for instance, would be necessary to clearly demonstrate the presence of density-dependent habitat selection.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 CONNAISSANCES GÉNÉRALES SUR L’HYPOXIE
1.1.1 Causes et conséquences de l’hypoxie sur les écosystèmes marins
a. Les causes
b. Les conséquences de l’hypoxie et la réponse des organismes
1.2 L’HYPOXIE DANS L’ESTUAIRE ET LE GOLFE DU SAINT LAURENT
1.2.1 État des connaissances dans le Saint-Laurent
1.2.2 Cas du flétan du Groenland
a. Généralités
b. Biologie et écologie
1.3 OBJECTIFS DE LA THÈSE
CHAPITRE 1 La distribution spatiale du flétan du Groenland Reinhardtius hippoglossoides en relation avec l’abondance et l’hypoxie dans l’estuaire et le golfe du St-Laurent
1.1 RÉSUMÉ
1.2 ABSTRACT
1.3 INTRODUCTION
1.4 METHODS AND RESULTS
1.4.1 Data collection
1.4.2 Analyses
1.4.3 Abundance
1.4.4 Geographic range
1.4.5 Variation in distribution and rates of local density change
1.4.6 Generalized additive models (GAM)
1.5 RESULTS
1.5.1 Geographic distribution
1.5.2 Abundance in relation to distribution
1.5.3 Variation in distribution and rates of local density change
1.5.4 Abundance in relation to abiotic factors
1.6 DISCUSSION
1.7 CONCLUSION
CHAPITRE 2 Les variations de la taille et de la croissance des juvéniles de flétan du Groenland en relation avec les différents niveaux d’oxygène dissous dans l’estuaire et le golfe du St-Laurent
2.1 RÉSUMÉ
2.2 ABSTRACT 
2.3 INTRODUCTION
2.4 MATERIAL AND METHODS
2.4.1 Data collection
2.4.2 Depth, temperature, dissolved oxygen, and fish density
2.4.3 Length-frequency distribution
2.4.4 Juvenile growth
2.4.5 Statistical analyses
2.5 RESULTS
2.5.1 Depth, temperature, dissolved oxygen, and juvenile density
2.5.2 Length-frequency distributions
2.5.3 Mean length and growth of 1- and 2-year-old juveniles
2.5.4 Seasonal growth rate
2.6 DISCUSSION
2.7 CONCLUSION
CHAPITRE 3 Indices de condition et méthodes de mesure des réserves énergétiques chez le flétan du Groenland
3.1 RÉSUMÉ 
3.2 INTRODUCTION
3.3 MATÉRIEL ET MÉTHODES
3.3.1 Récolte des échantillons
3.3.2 Mesures et prélèvements
3.3.3 Relation masse-longueur
3.3.4 Indices de condition
3.3.5 Analyses calorimétriques
a. Détermination du contenu en eau
b. Détermination du contenu énergétique
3.4 RÉSULTATS
3.4.1 Contenu en eau et contenu énergétique des tissus
3.4.2 Relation masse-longueur et coefficient de condition
3.4.3 Contenu énergétique et indice de condition
3.5 DISCUSSION
3.6 CONCLUSION
DISCUSSION GÉNÉRALE
4.1 CONTRIBUTION DE L’ÉTUDE
4.2 CONSÉQUENCES POSSIBLES DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
4.3 IMPACTS SUR LES PÊCHERIES
PERSPECTIVES
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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