La disposition des bâtiments à l’intérieur de la parcelle 

Le développement de la ville sous Louis XV et Louis XVI

Sous Louis XV et Louis XVI, la ville se développa. Alors que le lotissement du Parc-aux-Cerfs se poursuivait, au Nord, les limites de Versailles furent étendues au-delà de l’étang de Clagny. Certains habitants y déversaient leurs eaux usées et, en 1734, une épidémie de fièvres attribuée aux émanations qui en résultaient, frappa la ville. L’étang fut donc asséché et comblé en 1736. Des bataillons suisses effectuèrent les travaux. Aussitôt, des terrains furent accordés sur les berges. Mais les prés conquis sur l’étang restèrent inoccupés jusqu’aux années 1770. En 1773, les projets du percement des boulevards du roi et de la reine autour de la prairie donnèrent naissance à un nouveau quartier, le quartier des Prés, loti sous Louis XVI.
La ville s’étendit également vers l’Est : le village de Montreuil fut annexé en 178786. Mais les quartiers des Prés et de Montreuil restaient éloignés du château, et on n’y construisit guère d’hôtel. En revanche, les grands du royaume élevèrent des maisons de plaisance aux abords de Versailles. Dès 1749, Madame de Pompadour, qui possédait déjà un hôtel rue des Réservoirs, commanda à Lassurance un ermitage, sur un terrain détaché du petit parc. Cette modeste maison de cinq pièces était complétée de plusieurs édifices et d’une orangerie, ainsi que d’un jardin à la française, un potager, un jardin fruitier et un jardin botanique. La favorite fit concéder des terrains annexes à ses amies, la duchesse de Villars-Brancas en 1751, et la comtesse de Châteaurenault en 1755, qui y élevèrent à leur tour de petites retraites champêtres faites pour l’agrément. En 1759, la comtesse de Marsan acheta une maison à Montreuil. Elle y fit construire une serre. Cette mode des maisons de plaisance, plantées au milieu de grands jardins parsemés de fabriques, atteint son paroxysme sous le règne de Louis XVI. La comtesse de Vergennes acquit en 1775 une petite demeure à Montreuil, qu’elle transforma. Le prince de Poix y possédait également une résidence estivale. Il fit aussi construire en 1787 la Lanterne, qui abritait sa collection de plantes. La comtesse de Provence acquit en 1781 une maison, qu’elle fit réaménager par Chalgrin. Le jardin était animé de douze maisons, parmi lesquelles une laiterie, une vacherie, un colombier, un pressoir, un théâtre et un pavillon de musique. En 1783, Louis XVI acheta la maison du prince de Guéméné pour sa soeur, madame Élisabeth. L’architecte Huvé fut chargé d’établir de nouveaux plans. Ces maisons témoignent encore de la douceur de vivre qui régnait à Versailles. Mais, de manière générale, on construisit moins d’hôtels sous Louis XV et Louis XVI que sous Louis XIV.
À la commodité de posséder un pied-à-terre pour les séjours de la cour à Versailles ou un logement d’appoint s’ajoutaient sous Louis XIV des privilèges matériels non négligeables. La ville s’étendit donc et les hôtels se multiplièrent, particulièrement dans la ville neuve, mais aussi dans le vieux Versailles ; le roi parvint ainsi à réunir la noblesse autour de lui. Plusieurs possibilités s’offraient aux courtisans désireux d’obtenir une maison en ville : les travaux, l’achat et la location.

Loger en ville

L’obtention d’un terrain

Importance de l’emplacement

Avant de faire construire, la première tâche consistait à obtenir un terrain. L’emplacement était important : il s’agissait de ne pas perdre trop de temps dans les déplacements entre l’hôtel et le château. Le duc de Croÿ, qui n’avait pas la chance de posséder un appartement au château, logeait en 1747 à l’hôtel de Louvois, au début de la rue des Réservoirs, en face de l’aile nord du château.
Les courtisans tentaient donc d’acquérir un terrain près du château, puisqu’ils y passaient leurs journées. Certains cherchaient également à s’installer près d’un proche. Les ducs de Beauvillier et de Chevreuse obtinrent des places contiguës dans la rue de la Surintendance. Les deux amis, inséparables, avaient tous deux épousé des filles de Colbert. Ils habitaient déjà des appartements voisins dans le château. Le 14 mars 1676, ils acquirent ensemble un terrain rue de la Surintendance. Le 12 avril 1681, ils déposèrent chez maître Lamy, notaire à Versailles, un devis des ouvrages de maçonnerie pour la construction d’un pavillon et de basses-cours, selon les plans de Jules Hardouin-Mansart. Le même jour, ils passèrent marché avec Léonard et Pierre Aumasson, maîtres maçons versaillais, pour la maçonnerie de deux hôtels. Le 14 juin, ils firent appel à Jean Mallet, maître charpentier parisien, pour les travaux de charpenterie. Les deux hommes avaient probablement l’intention de construire deux hôtels sur un même emplacement et suivant les mêmes plans. Mais ils durent renoncer, puisque, laissant le terrain entier à son beau-frère, le duc de Chevreuse reçut le 13 octobre 1683 une nouvelle place, juste à côté. Il fit donc élever un hôtel, entre celui du duc de Beauvillier et la Surintendance. Les deux pavillons bénéficiaient d’une belle vue sur l’Orangerie. Le marquis de Croissy, frère de Colbert, habitait d’ailleurs de l’autre côté de la rue, en face de l’hôtel de Chevreuse [annexe 6]. Mais de tels regroupements restaient rares : passant peu de temps en ville, les courtisans ne semblent pas avoir choisi le voisinage de leurs hôtels avec autant de soin que celui de leurs appartements au château.

Obtenir une « place à bâtir » des Bâtiments du roi

Pour obtenir un terrain, il convenait de s’adresser au surintendant ou directeur général des Bâtiments du roi. À ce poste se succédèrent Jean-Baptiste Colbert de 1663 à 1683, le marquis de Louvois de 1683 à 1691, le marquis de Villacerf de 1691 à 1699, Jules Hardouin-Mansart de 1699 à 1708, le marquis d’Antin de 1708 à 1736, Philibert Orry de 1736 à 1745, Lenormant de Tournehem de 1745 à 1751, le marquis de Marigny de 1751 à 1773, l’abbé de Terray de 1773 à 1774, et le comte d’Angiviller de 1774 à 1791. Le surintendant, après avoir obtenu l’accord du roi, délivrait une place en ville. Il semble qu’avant 1682, les dons de place aient été faits le plus souvent verbalement : dans de nombreux actes de vente de maisons, le vendeur dit avoir construit sur une place donnée par le roi, sans posséder de titre de propriété. Rien ne constatait le don, ni la superficie du terrain, son emplacement ou ses limites exactes. Après l’installation définitive de la cour à Versailles, les demandes de places à bâtir devinrent plus nombreuses, et on chercha à éviter d’éventuelles contestations. Les Bâtiments délivrèrent systématiquement des brevets signés par le roi et le surintendant, indiquant notamment les dimensions du terrain, sa localisation et les noms des concessionnaires des terrains adjacents. Près de cinq cents brevets furent ainsi délivrés entre 1682 et 1708. Ils enregistraient parfois un don verbal antérieur : en janvier 1690, les Bâtiments reconnurent avoir accordé au maréchal de Gramont une place, sur laquelle il avait fait bâtir un pavillon vingt-cinq ans auparavant.
Après réception du brevet, le bénéficiaire pouvait procéder à des échanges ou à des ventes, afin d’obtenir une parcelle de taille et de forme convenable. Le 17 décembre 1728, moyennant 1 500 livres, le duc de Béthune acquit une partie du terrain de son voisin, Jacques Spérat, serrurier du roi, qui lui donnait accès à la rue de l’Orangerie. Il disposait ainsi d’une première entrée avenue de Sceaux, et d’une seconde, plus petite, à l’arrière de son hôtel [annexe 7]. Par ailleurs, les courtisans ne se privaient pas pour morceler le terrain reçu et en vendre une ou plusieurs parties : le 30 juin 1689, la duchesse de Gramont abandonna à Henry Loison, marchand de vin, une partie du terrain sur lequel son beau-père avait bâti son hôtel en 1665108.
Acheter un terrain auprès d’un particulier
Si un courtisan ne parvenait pas à obtenir un terrain convenable par le moyen du don royal, il pouvait en acquérir un auprès d’un bénéficiaire d’un brevet. Le 11 novembre 1696, le comte de Mailly109 acheta un terrain rue du vieux Versailles, sur lequel il fit ensuite bâtir son hôtel. Le coût des places à bâtir dépendait de leur taille, mais aussi de leur emplacement. Entre 1685 et 1710, les terrains à vendre dans le centre de la ville étaient déjà rares ; ils se vendaient 20 à 80 livres par toise. En revanche, dans le nouveau quartier du Parc-aux-Cerfs, encore peu construit, les prix ne dépassaient pas une livre par toise. Sous Louis XV, les terrains non lotis du Parc-aux-Cerfs se vendaient 2 à 20 livres par toise. Mais ceux du centre de la ville étaient bien plus élevés : en 1769, une place à bâtir située rue Royale fut achetée 80 livres par toise. Des concessionnaires avaient ainsi obtenu un emplacement dans l’espoir de le vendre et d’en tirer profit. Des terrains, notamment dans le Parc-aux-Cerfs, passèrent de mains et mains pendant vingt ans avant d’être bâtis. À partir du début du XVIIIe siècle, les brevets imposèrent de construire dans un délai d’un an, sous peine de nullité. Les Bâtiments révoquèrent des dons : le 15 novembre 1705, Georges Legrand, seigneur des Alluets, bailli, juge royal et criminel de Versailles et prévôt de Saint-Germain-en-Laye, se vit retirer sa place au profit du sieur Brèche, bourgeois de Versailles, faute de n’avoir construit en temps voulu. Le brevet ne conférait donc pas un droit de propriété, mais un simple don gracieux, malgré la promesse émise dans la déclaration de 1671 de faire don des terrains « en pleine propriété ». Ce délai n’empêcha pas la spéculation immobilière : des terrains pouvaient en un an changer trois fois de propriétaire, tout en prenant de la valeur à chaque transaction. Le 24 octobre 1736, François Régnier du Tillet, avertisseur de la cuisine bouche du roi, reçut un terrain sur la rue Neuve, tracée sur les berges de l’étang de Clagny. Le 10 décembre, il la vendit à Jean Helland, fourrier ordinaire de l’artillerie, pour 1 548 livres116. Le 26 avril 1737,celui-ci céda le terrain, toujours nu, pour 1 900 livres à Alexandre-Denis de Nyert, marquis de Gambais, premier valet de chambre de Louis XV117. Il semble donc que la précarité de la propriété versaillaise se soit atténuée au XVIII e siècle.
Au XVIIIe siècle, les terrains nus étaient rares dans le centre de la ville. Les grands de la cour n’hésitaient pas à acheter une maison pour la faire ensuite démolir et construire une demeure à leur convenance. En 1739, Mademoiselle de La Roche-sur-Yon acquit rue de l’Orangerie une petite maison que louait déjà sa mère, la princesse douairière de Conty. Elle fit élever à la place un hôtel, connu sous le nom d’hôtel de La Roche-sur-Yon.
Après avoir obtenu un terrain, le concessionnaire pouvait faire bâtir. Ceux qui voulaient éviter les travaux pouvaient également acheter un hôtel.

L’achat

L’achat d’une maison permettait d’éviter les déconvenues liées aux travaux. Les courtisans pouvaient acquérir une demeure auprès d’un particulier. En 1698, le marquis d’Ecquevilly acheta au duc de Richelieu son hôtel rue des Réservoirs, pour 27 500 livres. Il arrivait également que des architectes ou des entrepreneurs fissent bâtir dans le but de vendre ensuite. Jules Hardouin-Mansart céda en 1682 au duc de Chaulnes l’hôtel qu’il avait élevé à son compte rue des Bons Enfants.
Les prix s’échelonnaient généralement entre 10 000 et 60 000 livres. La valeur des maisons bâties augmenta tout au long du XVIIIe siècle : en 1685, le duc de La Rochefoucauld, grand veneur, vendit son hôtel sur la place d’Armes au prince de La Roche-sur-Yon, moyennant 50 000 livres. Le roi venait d’acquérir l’hôtel de Chaulnes pour en faire son chenil, le grand veneur pouvait s’y installer, et n’avait donc plus besoin d’une maison en ville. En 1777, l’hôtel de La Rochefoucauld fut vendu 140 000 livres au roi qui en fit son garde-meuble. La valeur de la maison fut ainsi multipliée par 2,8. S’ils ne souhaitaient pas acquérir, les courtisans pouvaient louer une demeure.

La location

À Paris ou à Versailles, les grands seigneurs ne répugnaient guère à la location. Ambassadeurs et seigneurs étrangers pouvaient louer des hôtels meublés en ville pour quelques mois. Les courtisans louaient généralement une maison pour trois, six ou neuf ans. Les prix étaient moins élevés qu’à Paris où il fallait en moyenne débourser 2 000 ou 4 000 livres par an pour jouir d’un hôtel entier : à Versailles, les loyers variaient de 1 000 à 2 000 livres. Les baux mentionnaient l’obligation pour le locataire de meubler la maison : à défaut de loyer, le propriétaire pouvait toujours saisir les meubles. En 1715, après la mort de Louis XIV, le roi, le régent et la cour quittèrent la ville pour Vincennes puis pour Paris. En quelques semaines, Versailles perdit la moitié de ses habitants. Les locataires refusèrent alors de payer leurs loyers, avançant qu’ils n’avaient souscrits des baux qu’à cause de charges, de fonctions ou d’affaires qui nécessitaient leur présence auprès du roi et de la cour. Les propriétaires, eux, invoquèrent le respect de conventions librement consenties. De nombreux procès s’ensuivirent. Le régent prit parti pour les locataires : la déclaration royale du 23 juin 1716 résilia les baux de façon rétroactive, à partir du 1er janvier précédent. Pour ceux qui avaient laissé leurs meubles dans leur logement, les locations furent annulées à partir du 1er octobre seulement. Les baux des ceux qui continuaient d’habiter Versailles furent réduits au tiers du prix convenu par signature du bail. Suite au départ de la cour, loyers et prix de vente s’effondrèrent. En 1718, après la mort de Charles Louis Bretagne duc de La Trémoille, l’hôtel de La Trémoille fut vendu 12 000 livres, après quatre publications par les huissiers : peu de gens étaient intéressés par cet achat. Finalement, un retrait lignager permit au nouveau duc de reprendre possession de sa demeure. En avril 1722, la nouvelle du retour de Louis XV à Versailles se répandit. Près de 10 000 personnes étaient susceptibles de revenir s’installer en ville. Les propriétaires, qui avaient accepté des locations à des prix dérisoires, demandèrent au Conseil d’État l’abrogation les baux, arguant la nécessité de trouver des logements pour ceux qui allaient revenir. L’arrêt du 15 avril 1722 résilia les baux à partir du 15 mai suivant. Les propriétaires purent ainsi en signer de nouveaux à des prix qui leur convenaient. Le 15 juin, Louis XV fit son entrée dans Versailles ; les courtisans revinrent avec les services de la cour. Les loyers augmentèrent soudainement, jusqu’à dépasser la valeur de 1715. Les locataires se plaignirent alors des montants excessifs. L’arrêt du Conseil d’État du 13 juin 1725 réduisit de moitié les loyers pendant les absences de la cour.
Mécontents, les propriétaires se réunirent et présentèrent au roi un mémoire. Ils se plaignaient de n’avoir eu connaissance des plaintes formulées contre eux et les considéraient infondées. Ils firent savoir qu’ils avaient le droit de fixer le prix de leur bien et rappelèrent qu’ils avaient beaucoup perdu au début du règne. Le Conseil d’État maintint sa décision, mais la tempéra par un arrêt le 25 août 1725 : les propriétaires ne subiraient pas la réduction de moitié de leurs loyers, mais ne pourraient louer plus cher qu’en 1715.
Parfois, les propriétaires ne louaient qu’un appartement ou quelques pièces, se réservant un logement dans leur maison. En 1789, le duc de Duras louait à Jules-Hugues Rousseau, sculpteur des Bâtiments du roi, une partie de sa demeure de la rue neuve Notre-Dame. Bâti entre cour et jardin, l’hôtel était flanqué de deux ailes. Le duc louait plusieurs caves, une cuisine au rez-de-chaussée, à droite du corps principal, un office, un garde-manger et un bûcher à côté, une serre et plusieurs remises dans les ailes latérales. Il avait également la jouissance d’un appartement de quatre pièces au premier étage, et d’une cinquième salle au second. Le propriétaire gardait des remises au rez-de-chaussée, ainsi que plusieurs pièces au premier et au second étage. La sous-location était également courante : elle permettait de partager le loyer. Après la mort de son mari en 1741, la duchesse de La Trémoille se retira de la cour, quittant son hôtel de la rue des Réservoirs. En 1750, le tuteur de son fils mineur signa un bail pour trois ans avec la duchesse de Lauraguais. Celle-ci sous-loua pour 1 500 livres par an une partie de l’hôtel au duc et à la duchesse de Fleury, se réservant quelques pièces. Mais, préférant probablement disposer d’un hôtel en pleine propriété, le duc acquit finalement l’hôtel de La Roche-sur-Yon, rue de l’Orangerie le 26 septembre 1751. Il résilia donc le bail de l’hôtel de La Trémoille le 30 novembre suivant. La duchesse de Lauraguais signa alors un nouveau sous-bail avec le marquis de Paulmy. Moyennant 1 500 livres par an et le paiement de la moitié du salaire du portier, soit 15 sols par jours, elle lui abandonnait pour un an et trois mois la jouissance d’une grande écurie, une soupente pour loger les palefreniers, un grenier au-dessus, une remise, un hangar, une grande cuisine, un garde-manger, un office et trois chambres au-dessus pour les domestiques. Dans le corps de logis, le marquis disposait des chambres du rez-de-chaussée à l’exception d’une, laissée à la duchesse. Au premier étage, il jouissait du grand salon et de deux des six chambres. Trois des cinq chambres du second lui étaient abandonnées. Enfin, il bénéficiait d’une petite cave. Le jardin et les lieux d’aisance restaient à la disposition commune du locataire et du sous-locataire.

Une architecture réglementée

Architectes, entrepreneurs et ouvriers

Les acteurs de la construction

La plupart du temps, le commanditaire passait marché avec un architecte, qui dessinait les plans, élévations et profils des bâtiments. Entre 1665 et 1682, les courtisans firent appel aux meilleurs architectes de l’époque : Louis Le Vau, Jules Hardouin-Mansart, Antoine Lepautre, Libéral Bruand, Thomas Gobert et Daniel Guittard entre autres. En choisissant des architectes de renom, ils souhaitaient probablement donner à leurs demeures tout le confort et l’élégance possibles. Le commanditaire, maître d’ouvrage, achetait clés en main son hôtel, et n’avait qu’à payer l’architecte. Celui-ci se chargeait de faire appel à différents sous-entrepreneurs, dans chaque corps de métier. Il arrivait qu’un architecte reçût plusieurs commandes en même temps. Il pouvait alors partager l’entreprise de construction avec un associé, afin de répartir la charge de travail et les coûts. Le 15 janvier 1670, Jules Hardouin-Mansart s’associa avec l’ancien ouvrier de son oncle François Mansart, Jean Bricart, charpentier ordinaire du roi, pour la construction des hôtels de Soissons, de Créquy et de Bellefonds. Bricart se chargeait naturellement des travaux de charpenterie, mais assumait aussi de concert avec l’architecte le rôle d’entrepreneur : ce fut lui qui signa le marché de fourniture de caillou avec deux voituriers, tandis que Hardouin-Mansart recrutait un maçon, Jean Cailleteau, dit Lassurance.
Il arrivait aussi que l’architecte livrât seulement les dessins du bâtiment, sans assumer la conduite des travaux. Le propriétaire embauchait alors un entrepreneur, maître maçon le plus souvent, qui employait ensuite des sous-traitants. En 1740, souhaitant faire des travaux, le duc de Bouillon chargea l’architecte Desboeufs de dresser un procès verbal. Puis il fit appel à Pierre Janniot, maître maçon à Paris, remplacé à son décès par un autre maître maçon, Marin Pétoureau. Les deux maçons engagèrent des ouvriers dans les corps de métier nécessaires, et les payèrent eux-mêmes au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Certains courtisans faisaient faire des travaux dans leurs hôtels de Paris et de Versailles de façon concomitante, par les mêmes exécutants.
De nombreux corps de métier étaient mobilisés sur un chantier : étaient généralement employés un maçon, un charpentier (qui réalisait planchers, combles et escaliers), un couvreur, un plombier, un serrurier (pour les rampes des escaliers, les ferrures des portes et les éléments métalliques de l’architecture), un menuisier (pour les croisées, les portes, les parquets et les lambris), un marbrier (principalement pour les cheminées), un paveur, un carreleur, un vitrier, un sculpteur, un peintre et doreur. À l’instar des Lassurance, des Gabriel ou des Bergeron, ces artisans appartenaient souvent à des dynasties. Sous Louis XIV, les mêmes personnes menaient à la fois des chantiers privés et des chantiers publics : les courtisans engageaient volontiers des artisans qui s’étaient déjà illustrés au service des Bâtiments du roi. En 1665, André Mazière et Antoine Bergeron, maçons et entrepreneurs des Bâtiments, élevèrent les hôtels de Condé, de Turenne, de Villeroy et de Gramont le long de la future rue des Hôtels. Ils avaient été chargés en 1662 par Antoine de Ratabon, surintendant des Bâtiments, des premiers travaux du château de Versailles commandés par Louis XIV. Ils travaillèrent ensuite à l’église Saint-Julien en 1667 et au Grand Commun en 1682156. André Mazière fut également employé à la Ménagerie, au grand Canal, à Trianon et aux nouvelles écuries du roi. Jules Hardouin-Mansart eut lui aussi recours au personnel des Bâtiments : en 1670, il passa marché avec Estienne Carel, menuisier des Bâtiments, pour les pavillons qu’il élevait à Versailles. Il semble que, sous Louis XV et Louis XVI, la proportion des employés des Bâtiments diminua, au profit d’exécutants versaillais. En 1743, le tuteur du duc de La Trémoille engagea seulement un serrurier, un paveur et un marbrier des Bâtiments, contre un maçon, un charpentier, un couvreur, un menuisier et un vitrier versaillais, ainsi qu’un plombier et un peintre parisiens.
La construction était parfois empirique. Un an et demi après le début des travaux, le duc de Créquy signa un nouveau marché avec Jules Hardouin-Mansart : il souhaitait surélever le mur de clôture ainsi que les remises, cuisines et offices autour de la basse-cour, démolir et reconstruire la porte cochère, en la flanquant de colonnes et de pilastres. Le maître d’ouvrage fit appel au même architecte : les changements n’étaient donc pas dus à une erreur de sa part, mais à une nouvelle ambition du commanditaire. D’autres projets durent naître par la suite, car en 1678, l’entrepreneur Charles Gabriel reconnut avoir été payé pour des travaux effectués de 1672 à 1674. Hardouin-Mansart termina probablement les travaux en 1672, comme le laisse penser la « quittance généralle et finalle » inventoriée après la mort du duc en 1687, mais peut-être refusa-t-il d’en poursuivre de nouveaux, qui auraient alors été confiés à Charles Gabriel. La construction de l’hôtel de Bouillon revêt elle aussi un caractère empirique : deux ans après l’élévation de l’hôtel familial par le maçon Marc Bourlon sur des plans de Le Vau, Marie-Anne Mancini, duchesse de Bouillon, signa avec Jacques Gabriel, maître maçon à Paris, un marché pour l’édification d’un nouvel hôtel, selon des plans de Jules Hardouin-Mansart. Le même jour, elle engagea également un serrurier, Jean Luchet. Peut-être la duchesse considérait-elle l’hôtel de 1670 trop petit, ou trop modeste, à moins qu’elle ne voulût disposer de son propre pavillon. Mais les bâtiments dessinés par Hardouin-Mansart auraient nécessité un terrain bien plus profond que celui dont disposait le duc de Bouillon rue des Réservoirs. Par ailleurs, aucun mémoire ne confirme la réalisation de ce projet. Il ne fut donc probablement jamais concrétisé.

Le prix de la construction

Les prix variaient généralement de 15 000 à 45 000 livres. Le maître d’ouvrage pouvait payer l’entrepreneur à la fin des travaux ou au fur et à mesure de l’avancement du chantier. Cette dernière solution était préférable pour l’exécutant, car les courtisans accumulaient fréquemment les dettes : à sa mort en 1730, Emmanuel Théodose de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, laissait à son fils le soin de rembourser quarante-cinq créanciers différents. Il devait notamment 3 587 livres 19 sous à des artisans versaillais, parmi lesquels un maçon, un paveur, un vitrier, un peintre barbouilleur, un serrurier, un menuisier et un vitrier. Cette somme correspondait probablement à des travaux effectués dans son hôtel de Versailles. D’ailleurs son fils, Charles-Godefroy, attendit d’avoir vendu au roi la vicomté de Turenne pour payer de nouveaux travaux. Il n’y avait pas de règle concernant la conduite et le règlement des travaux : ils dépendaient du caractère du maître d’ouvrage. En revanche, les choix du propriétaire en matière de matériaux et d’ornements architecturaux étaient limités par les Bâtiments du roi.
La construction

La disposition des bâtiments à l’intérieur de la parcelle

Les sources

Très souvent, la disposition des bâtiments a été modifiée au fil du temps ; des constructions ont été accolées aux pavillons originels et certains édifices ont été détruits. Cependant, les devis et marchés de construction, ainsi que les plans qui leur sont annexés, font entrevoir la distribution initiale, et permettent de dresser une typologie des hôtels versaillais. Malheureusement, la plupart des dessins autrefois joints aux devis ont disparu : seuls deux contrats sur les cinq étudiés ont gardé leurs annexes. Conservés dans les minutes notariales, ils permettaient de trancher un éventuel conflit si l’architecte ou l’entrepreneur ne respectait pas le parti approuvé par le commanditaire. Il est donc peu probable que les courtisans aient souhaité s’en passer ; ils ont probablement disparu à l’époque contemporaine. Certains ont été a posteriori joints à d’autres actes : les dessins annexés au contrat passé entre Jules Hardouin-Mansart et le maçon Jean Cailleteau pour la sous-traitance de la maçonnerie des hôtels de Soissons et de Créquy sont, d’après Bertrand Jestaz, ceux de l’hôtel de Bellefonds.
Les atlas-terriers constituent également une source non négligeable pour la disposition des bâtiments. Un terrier est un registre cadastral recensant les noms des propriétaires pour le paiement du cens dû au roi. Dressé à intervalles réguliers, il était accompagné d’un plan relevé avec minutie, portant le numéro des parcelles, le plan masse des constructions et le nom de chaque propriétaire.
Enfin, les procès-verbaux établis pour des ventes, des travaux ou des baux livrent des informations précieuses sur la distribution des bâtiments, la succession des cours entourées de remises et sur la présence de jardins.

Typologie

Plusieurs types d’hôtels furent élevés sous Louis XIV. Ceux de la place d’Armes, des rues de la Surintendance et des Réservoirs prenaient la forme d’un pavillon situé perpendiculairement à la rue. Moins nombreux, ceux élevés au centre d’un grand terrain bénéficiaient d’un vaste jardin et étaient moins ramassés. Enfin, les hôtels du vieux Versailles suivaient encore un autre modèle.
À Paris, depuis le Moyen Âge, les hôtels étaient le plus souvent bâtis entre cour et jardin. Le corps de logis s’étendait au milieu de la parcelle, sur toute sa largeur. Deux ailes lui étaient accolées, généralement devant, côté cour, parfois derrière, côté jardin. Elles dissimulaient le logis aux regards des voisins. Cette solution était celle que recommandait Louis Savot, dont le traité fut réédité en 1673 avec les notes de Blondel. Elle mettait en valeur le logis en l’éloignant du bruit et des odeurs de la rue, et créait une séquence démonstrative en alignant sur un même axe le portail, la cour et l’entrée des appartements. Une disposition alternative apparut au début du XVIIe siècle à Paris, consistant à ramener le logis sur le devant de la rue. À Versailles, les hôtels tenaient d’une solution hybride. En effet, les premiers hôtels versaillais, situés de part et d’autre de la place d’Armes (rues des Hôtels et de la Chancellerie), le long de la rue des Réservoirs et des deux côtés de la rue de la Surintendance, étaient isolés sur le devant du terrain, avec deux cours ou bien une cour et un jardin situés de chaque côté. Les premiers pavillons suivaient un plan carré, légèrement saillants sur la rue. Leur profondeur augmenta par la suite, mais les façades sur rue conservèrent la même largeur. Certains hôtels étaient partagés entre deux propriétaires : ils étaient alors formés de deux demi-pavillons accolés, divisés dans la longueur par un mur mitoyen, mais pris dans la même enveloppe et couverts d’un même toit. Un haut mur de clôture entourait chaque parcelle ; il était percé d’une grande porte cochère donnant accès à une première cour. Le portail était particulièrement soigné. Caractéristique, le portail cocher distinguait l’hôtel des simples maisons, à porte piétonne. Deux bouteroues le protégeaient du passage des voitures. Il était percé d’une porte en plein cintre fermée par deux ventaux de bois. Une corniche, souvent ornée des armes du propriétaire, le surmontait. Le portail de l’hôtel de Gramont soutenait ainsi les armes du maréchal dans un médaillon entouré de trophées militaires [annexe 8]. Des ordres architecturaux ajoutaient parfois à l’aspect démonstratif et ostentatoire. En 1671, le duc de Créquy signa avec Jules Hardouin-Mansart un nouveau marché pour effectuer des agrandissements dans son hôtel, et pour reconstruire, selon un parti plus ambitieux, la porte cochère élevée seulement l’année précédente. Le nouveau portail devait être flanqué de deux colonnes et de deux pilastres doriques soutenant une frise et une corniche ornée des armes de la famille. L’ensemble devait être réalisé en calcaire blanc : les assises en pierre de Meudon, les colonnes et les armes en pierre de Saint-Leu, les pilastres, la frise et la corniche en pierre tendre de Nanterre et les chapiteaux en pierre de Montesson. Après avoir franchi le portail, on entrait dans une première cour, puis on accédait par un perron au pavillon, situé sur le côté du terrain, perpendiculairement à la rue. Les bâtiments de service (remises à carrosses, écuries, cuisines et offices) étaient rejetés en face de la porte cochère. Ils s’organisaient autour d’une seconde cour, derrière l’hôtel, dans laquelle se trouvait fréquemment un puits. Ainsi séparés des écuries et des remises, les habitants échappaient aux odeurs de fumier, et les communs étaient invisibles depuis le château. S’opérait donc une inversion par rapport à la capitale, où le corps de logis était habituellement replié vers le coeur de la parcelle et où les services communiquaient avec la rue [annexe 9]. Deux gravures d’Israël Silvestre et d’Antoine Coquart, l’une représentant la rue des Réservoirs en 1674 [annexe 10], l’autre la rue de la Surintendance en 1712 [annexe 11], témoignent de cette enceinte de pavillons relativement identiques entourant le château et formant des saillies sur la rue. Mais ces représentations gravées cherchaient à satisfaire la censure, et « frisaient parfois l’escroquerie ». Quelques habitants bénéficiaient d’un jardin, pour la vue et la promenade. Mais tandis que dans la capitale les hôtels sans jardin étaient rares, seules deux demeures sur les cinq étudiées en possédaient un. L’agrément n’était probablement pas le but premier des propriétaires versaillais. Des jardins furent par ailleurs lotis : en 1685, la duchesse de Guise fit don à l’un de ses valets de chambre et à son concierge d’une place prise sur son jardin, en remerciement des services qu’ils lui avaient rendus. Espace intime, le jardin se déployait sur le côté du terrain, comme à l’hôtel de Créquy, ou derrière le logis, comme à l’hôtel Rousseau. Le marché passé en 1674 entre le concierge du duc de Créquy et le jardinier du maréchal du Plessis, livre quelques informations sur les jardins versaillais : moyennant 75 livres, le jardinier s’engageait à entretenir les parterres de buis et de gazon ainsi que les jasmins, chèvrefeuilles et autres plantes. Des allées et des berceaux de treillage traversaient les parterres. La mode des treillages de bois peint en vert apparut sous Louis XIV, et passa peu à peu au XVIIIe siècle. L’hôtel Rousseau, loué en 1789 par le duc de Duras, jouissait quant à lui d’un potager avec des arbres fruitiers. Les inventaires après décès ne mentionnent ni statue ni fontaine, ornements pourtant fréquents dans les jardins parisiens. Il semble que ces éléments de luxe aient été réservés aux hôtels de la capitale.

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Table des matières
Remerciements 
Avant-propos
Introduction 
I. Précarité relative de la propriété versaillaise
1. Naissance et développement de la ville
a. Les premiers pavillons construits pour les séjours de la cour
b. Les privilèges matériels pour encourager la construction
c. Versailles, lieu de résidence de la cour
d. Le développement de la ville sous Louis XV et Louis XVI
2. Loger en ville
a. L’obtention d’un terrain
b. L’achat
c. La location
II. Une architecture réglementée 
1. Architectes, entrepreneurs et ouvriers
a. Les acteurs de la construction
b. Le prix de la construction
2. La construction
a. La disposition des bâtiments à l’intérieur de la parcelle
b. Une réglementation stricte
c. Des constructions rapides et peu solides
3. Les manquements au règlement
a. Des abus nombreux et fréquents
b. L’administration débordée sous Louis XV
c. Une tentative de réforme sous Louis XVI
III. L’art de vivre 
1. La distribution intérieure
a. La taille des hôtels
b. Des pièces de service uniquement ?
c. Les habitants de l’hôtel
2. L’ameublement
a. L’inventaire après décès
b. Le niveau de richesse
c. Le mobilier
3. Le décor
a. Les revêtements
b. Les couleurs
c. Les objets de collection
Conclusion 
Bibliographie 

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