La détention et la déportation de l’étranger illégalisé

La circulation des populations précède la construction de l’Etat-Nation moderne

   Suite à la révolution française et la progressive dissolution de la royauté, se dessine au XVIIIème siècle la volonté politique de construire une histoire commune, française, pour unifier un espace géographique et social traversé par de multiples cultures, langues, classes et organisations sociales. Les importants déplacements de populations, depuis les wisigoths, huns, francs, jusqu’aux bouleversements politiques de l’Europe à l’époque moderne, exodes, colonisations et décolonisations, inscrivent une longue histoire du phénomène migratoire sur le territoire aujourd’hui défini français et la nation coloniale qui s’y est établie. La «nation» est difficile à saisir autrement que comme une construction historique d’un «commun» qui se pourvoit d’outils et méthodes d’uniformisation, légaux, linguistiques, monétaires, mémorielles, sociales; s’appliquant à l’organisation du travail, de la famille, de la foi ou des «valeurs», des multiples véhicules de l’éducation nationale. Pour Khosravi (2010 : 21) il est important de se rappeler du caractère factice de l’association entre l’individu et l’Etat, que la «nationalité» est loin de s’approcher d’une «naturalité» de la vie humaine inscrite dans un espace politiquement délimité. Bien que l’état nation soit certainement la forme la plus globalisée de l’organisation humaine, elle n’en demeure pas moins un système, une fiction sociale devenue «ordre des choses», prise pour inéluctable, naturelle. Cette inscription «naturelle» (nativiste) de l’individu dans le pays de sa naissance, ressurgit de manière répétitive dans les périodes de crise économique ou politique. Pour l’historien de l’immigration Gérard Noiriel la mise en avant de ces crises comme résultant ou liées au «problème social» de la nationalité, la naturalisation, de la présence ou du droit des étrangers, offrent le terreau à une nationalisation de la population, du territoire et des imaginaires post-révolutionnaires. «Avec la théorie du peuple souverain qui s’impose en 1789, l’individu est identifié à sa patrie (…) par contrecoup, l’individu originaire du pays contre lequel les citoyens sont en guerre est vu potentiellement, comme l’ennemi» (Noiriel 1991 : 35). Sous la royauté, le peu d’importance attaché à la nationalité s’illustre à travers la forte composante de ressortissants étrangers à des postes de décision dans l’armée royale – chose impensable par la suite. Les européens exilés pour motifs de guerre ou bouleversements politiques trouvent refuge en France au nom de la tradition chrétienne de l’Asile et de la «bienfaisance». Ceux dont le retour n’était pas impulsé par de nouveaux revirements politiques ou amnisties étaient progressivement intégrés au sein des communautés locales (prévalence du «droit du sol»). Cette tradition perdure aux débuts de la République, qui constitue la figure du «réfugié» «combattant pour la liberté» en miroir du «national», méritant la protection du «pays des droits de l’homme». Mais la Terreur fera fi du traitement favorable à l’étranger, désormais son étrangeté se dresse contre lui, sa loyauté à la nation est mise en doute, des milices dites «comités de citoyens» sont chargées de sanctionner leur fidélité, les «traîtres» étant punis par la dépossession, l’exil ou la mort. Cependant, le retour à la Monarchie dissoudra l’intérêt pour la question nationale qui restera secondaire jusqu’à la fin du XIXème siècle. De nombreux réfugiés (polonais, espagnols, italiens) fuyant les bouleversements politiques trouvent asile en France et sont progressivement assimilés en tant que «admis à domicile» sans contrainte de naturalisation. Selon Noiriel, le faible contrôle exercé sur les étrangers est symptomatique de l’«impuissance bureaucratique» (1991 : 59) de l’Etat : l’inexistence d’infrastructures efficientes, aggravée par l’ignorance et l’incompétence des bureaucrates, fonctionnaires, jusqu’aux ministres, la permanence d’une logique de contrôle local et de clientélisme au-delà la transformation officielle du fonctionnement de l’Etat rend irréalisable toute volonté de préciser le contrôle. Ce ne sera qu’à la fin du XIXème siècle dans un contexte de crise générale européenne que la question des étrangers ressurgit avec véhémence. La transition du modèle politique (d’un état libéral à un état social ou état providence) et le début de l’ingérence de l’Etat dans les affaires sociales et économiques s’accompagne d’un «processus d’intégration nationale» de valeurs et d’imaginaires destinées à devenir communs. Une des articulations principales de cette «intégration interne» opère par la différenciation et l’imposition de restrictions à l’étranger, ainsi «toutes les lois sociales de la troisième République font une discrimination forte à l’étranger» (Noiriel 1989 : 89). Progressivement, par l’intermédiaire d’outils puissants que sont la monnaie et le droit, l’éducation, la guerre et la presse, l’Etat parvient à concerner les citoyens par les questions nationales, et construire une forme d’«intérêt national». La nationalité se destine alors à tisser un «fil de solidarité» (Noiriel 1991 : 91) transcendant les conflits d’intérêts et les oppositions entre groupes sociaux. A partir des années 1880 les appareils démocratiques de représentation travaillent à la «centralisation et homogénéisation d’images abstraites qui symbolisent cette identité collective» telle la «vaillance du gaulois» ou la «sagesse paysanne» (Noiriel 1991 : 91) ainsi que des critères d’indignité définissant l’Etranger. Désormais les tensions diplomatiques internationales retranscrites par la presse filtrent jusqu’aux populations qui rendent l’étranger, désormais «représentant» de sa nation responsable des désaccords. Ainsi le conflit franco-italien autour de la colonisation de la Tunisie en 1881 se répercute jusque dans les rues de Marseille, où des nationalistes français se livrent à une “chasse à l’italien” (Noiriel 1989 : 91). La fiction nationale s’importe partout là où la France coloniale s’impose et rend français (comme dans l’Algérie française ou la Nouvelle Calédonie) sans pour autant accorder des droits égaux aux «nouveaux français»; «français d’outremer» «français musulmans d’Algérie».

Instauration de structures de contrôle par le Logement

   La reconquête du contrôle de l’immigration et des immigrés amorcée dans les années 1960 conduit à l’institutionnalisation de structures pour la gestion, l’administration, et l’accueil concret (spatial) des étrangers, qui jusque là (hormis les cas d’internement) se faisait dans une relative autonomie. Cette évolution est particulièrement sensible au niveau du logement, des politiques d’irradication des bidonvilles, des meublés et des squats et leur remplacement par des foyers – au début gérés exclusivement par la Société nationale de construction pour les travailleurs algériens (SONACOTRAL) crée en 1956. Pour Bernardot cet organisme chapeauté par le ministère de l’intérieur «constitue un outil public national de déplacement et de contrôle des populations étrangères d’origine maghrébine» (1999 : 40) dans une optique de sélection et de contrôle des populations implicite à la restructuration urbaine. Elle permet la déstructuration des organisations sociales, politiques ou solidaires des habitants des bidonvilles, l’atomisation des groupes par la dispersion des «relogés» dans des foyers et cités distincts. Dans les foyers de travailleurs, des règles de vie et de morale stricts sont imposés (dont le célibat forcé), leur observation est surveillée par un couple gestionnaire (souvent des jeunes retraités de l’armée coloniale); enfin la structuration spatiale (espace de vie réduit à 4,5m2 par habitant) contraint à un mode de vie définie par l’Etat. Cette politique de contrôle par le logement a comme effet corollaire de permettre le recensement, le classement et la sélection des habitants (autrement hors-registre) des bidonvilles, et dans de nombreux cas, de pratiquer une substitution des habitants des bidonvilles. Ainsi «la Sonacotra et ses partenaires intervenant dans le mode de peuplement administratif (entreprises, administrations et collectivités locales) n’ont pratiquement pas logé les «bidonvillois» célibataires dans les foyers construits sur les sites récupérés par les résorptions» mais les ont «remplacés» avec d’autres populations appauvries, notamment familles françaises rapatriées d’Algérie ou travailleurs immigrés nouvellement recrutés (Bernardot 1999 : 55). Les exclus de la relocalisation sont contraints à adopter des formes d’habitat encore plus précaires et marginalisés (Temime 1995). Aujourd’hui, des mêmes logiques de maintien du contrôle sur la spatialité des marges de la migration se trouve une application quotidienne fortement médiatisée en France : la «transition humanitaire» ordonné et réalisé de force par le gouvernement français remplaçant le ghetto autoorganisé de Calais (communément appelée la «jungle») avec un camp de concentration hautement surveillé dont l’architecture vise à empêcher toute forme d’organisation autochtone. A l’instar des foyers Sonacotra, l’architecture du camp de Calais s’organise de manière à déterminer la vie qui peut s’y dérouler (notamment par la densité de population avec 12 personnes pour 14m2, mais aussi l’absence stratégique d’espaces collectifs, cuisines, salles communes, etc.) et à filtrer son accès (par un contrôle biométrique d’«analyse morphologique de la main»). Sa mise en place implique une sélection des futurs résidents et une restriction drastique de leur nombre, si la «jungle» accueillait environ 7000 personnes en l’hiver 2015, le nouveau camp n’accueillera que 1500 personnes.

Légiférer l’immigration : soubresauts d’une histoire du droit

    « C’est une remarque piquante que les peuples les plus attachés aux idées de progrès, de libéralisme, de démocratie, se sont les premiers préoccupés de faire des lois sagement protectrices contre l’immigration». Dans La République face au Droit d’Asile (1991) Noiriel retrace les balbutiements de la définition légale du statut de l’Etranger, ses droits et ses devoirs depuis la Révolution Française. Chaque nouvelle crise traversée par la Nation, qu’elle soit sociale, économique ou politique, engendre de nouvelles législations sur les droits des Etrangers. Les plus récentes, la crise économique des années 1970 et politique post 11 Septembre marquent l’expansion de la préoccupation sécuritaire et répressive (Bhartia 2010) et modèlent le paysage du Droit des Etrangers contemporain. Il est curieux de se souvenir du dédain révolutionnaire envers le passeport, perçu comme un «désordre de police» un «odieux» archaïsme «qui tient à tous les arts de la Tyrannie» (Noiriel 1991 : 156), pensé comme voué à la disparition dans un avenir d’émancipation des peuples. L’histoire se dessine ailleurs et défile les mesures accroissant l’individuation d’un contrôle de plus en plus inéluctable. Dans ce processus, la période qui court du XVIIème au début du XXème siècle se caractérise par un tâtonnement législatif, des aléas dans la centralisation et la progression chronologique de la gestion de l’immigration. Des sursauts d’indifférence et de xénophobie parsèment tout le XIXème siècle. Le premier débat sur le Droit d’Asile suite à l’arrivée massive de réfugiés italiens, espagnols, allemands et polonais en 1830 concerne la rationalisation et la gestion centralisée des conditions d’accueil et de secours (Lemair 2015 : 15). Les protestations xénophobes réémergent après les soulèvements de 1848 se cristallisent dans la première loi spécifique aux étrangers en 1849 (et aujourd’hui encore en vigueur) autorisant l’expulsion sur décret du ministre de l’intérieur de tout étranger considéré comme opposant une menace à l’ordre public. La tensionse dépose dans les années 1860 et progressivement sont abandonnés les mesures d’éloignement et même l’obligation de passeport, l’immigration se libéralise jusqu’en 1914. Les périodes de conflits, internationaux ou civils, provoquent le basculement dans des états d’exception, visant prioritairement les étrangers. Le développement des techniques d’identification et nationalisation permet le rétablissement du passeport en 1914 et l’internement des nationaux «ennemis» dans les premiers camps de concentration (Noiriel 1989 : 93). La tendance répressive se poursuit sur le plan législatif avec deux lois de 1927, la première autorisant l’extradition des étrangers (20/03/1927), la seconde encourageant la naturalisation tout en instituant par le même texte la déchéance de la nationalité pour motifs de trahison (10/08/1927). En 1934 l’introduction du «retour forcé» pousse à l’édition de nombreux obligations à quitter le territoire (OQTF) et la multiplication des décrets d’expulsion et d’interdiction partielle du territoire (notamment des départements frontaliers). L’insuffisance des moyens policiers fait que ces mesures sont peu exécutées dans un premier temps, mais elles seront extensivement employées par la suite à chaque repli sur soi de l’histoire nationale. Ainsi, l’épuration des indésirables classés «étrangers» sous Vichy, classés «communistes» sous la guerre froide, classés «terroristes» à présent (en 2015, dans une frénésie «d’urgence» le gouvernement socialiste propose de rétablir la déchéance de nationalité des bi-nationaux). L’accroissement de la xénophobie,, des tensions politiques et la chute du Front Populaire en 1938 ouvre le terrain à une multiplicité de décrets accentuant les pouvoirs préfectoraux en matière d’expulsion depuis les départements frontaliers. Les espagnols anti-franquistes puis les juifs allemands étant les cibles principales. Les «camps d’internement» rouvrent leurs portes. En 1945, deux ordonnances sont écrites pour servir de code d’immigration à la nouvelle République, la première datant du 19/10/1945 est relative aux conditions d’octroi de la nationalité, une seconde, du 2/11/1945 considère le droit au séjour des travailleurs immigrés; elles resteront inchangées jusqu’en 1980. Une illusion de stabilité peut se dégager d’une telle permanence législative, «on pourrait presque en déduire que la composition de l’immigration a évolué de façon spontanée et que l’Etat n’a exercé aucun contrôle sur la présence étrangère». En réalité, et Spire va tâcher de le démontrer dans son étude sur trente années de pratiques bureaucratiques à la préfecture de Paris, «guichetiers, rédacteurs ou chefs de service en préfecture n’ont cessé de chercher à sélectionner les «bons» étrangers» (Spire 2005 : 9). La sélection se fait dès lors dans la discrétion et la subtilité des interactions bureaucratiques, à l’abri de la loi. «L’administration a pu rester pendant près de trois décennies l’instance principale de régulation – on pourrait même dire d’élaboration – de la politique migratoire». Le travail de l’administration consiste alors à «soumettre l’étranger à un «infra-droit», c’est à dire un droit secret et instable qui ne s’élabore pas dans l’enceinte solennelle du parlement» (Spire 2005 : 13). Ainsi, c’est dans le coeur de l’administration protégé du principe démocratique qu’on peut saisir le fonctionnement d’une «démocratie française» en reconstruction, soucieuse d’appliquer les attentes de ses dirigeants, sans risquer le débat parlementaire et une éventuelle opposition. Le cas de Marseille qui nous intéressera particulièrement pour la suite de cette recherche, illustre ces «innovations administratives» extra-légales qui cherchent à trouver une solution pratique aux impératifs implicites du contrôle social, ébranlé à la fois par les transformations dues à la globalisation et les répercussions de la guerre d’Algérie sur le territoire métropolitain. L’inventivité exemplaire de la préfecture de police marseillaise mérite l’attention en ce qu’elle servira de modèle à une extension nationale. En 1962, quelques mois après l’indépendance de l’Algérie, la Chambre de Commerce de Marseille cède un hangar du port industriel d’Arenc aux autorités de police afin que ces derniers puissent procéder à une meilleure «ventilation»10 des travailleurs immigrés notamment algériens. Un tri sous le couvert de motifs «sanitaires» est établi pour la sélection des travailleurs, ceux jugés «inaptes» sont déportés par voie maritime aux cotés des expulsés, repris de justice et personnes jugées «inactifs ou insubordonnés» (insubordination qualifie les personnes revendiquant le respect de leurs droits comme celles soupçonnées d’affinités avec les mouvements indépendantistes11). Ce «camp qui n’existe pas» (Fischer 2005) «où les policiers sont à la fois juges et gardiens» (Panzani 1975) fera transiter plus de 30 000 personnes provenant de la France entière de 1962 à 1975 dans le secret d’Etat. Ce fut «un espace essentiellement fermé à tous les regards sauf à l’administration (…) intégré de façon tout à fait routinière dans un réseau étatique comprenant la direction des RG section frontières et la Place Beauvau, la direction des Prisons et la Garde des Sceaux, les commissariats de nombreuses villes à travers la France, la gendarmerie nationale et les préfectures» (Ancrages 2014 : 35). Le processus de contestation par le droit qui mène à une légifération et légitimation d’une pratique préalablement illégale et illégitime apparaît comme un motif classique dans l’évolution du droit des étrangers. A Marseille, aucun des procès pour séquestration et détention arbitraire menés contre la préfecture de police n’ont abouti. Et Arenc n’a jamais fermé. Au contraire, les agitations du Syndicat de la Magistrature et des associations civiles ont conduit à la légitimation et l’institutionnalisation de ce qu’on appelle désormais Centre de Rétention Administrative (CRA) et son extension à tout le territoire métropolitain et outre-mer. Les dispositifs légaux cadrant la gestion des CRA sont repris dans la loi du 27/10/1981 qui introduit notamment la suspension de la légalité de la rétention à sa validation par un juge judiciaire, le «Juge des Libertés et de la Détention» (JLD). Marc Bernardot (1996 : 77) caractérise l’histoire récente de l’immigration par son «hystérie de l’internement», avec la banalisation et l’extension semblant sans fin de la détention administrative. La durée maximale de «rétention» en CRA est sans cesse prolongée, passant de 7 à 10 jours en 1992, à 12 jours en 1998, puis sous les oeuvres attentionnés de Sarkozy, ministre de l’intérieur puis président, la durée triple en 2003, de 12 à 32 jours, jusqu’à 45 jours en 2011. De nouvelles catégories d’étrangers sont inclus dans le dispositif et des moyens de plus en plus importants sont mobilisés, tant pour la gestion de l’expulsion que pour les interpellations et le contrôle des étrangers en général. L’observation du simple nombre de placements en CRA traduit cet empire, de 5873 rétentions en 1992 on passe à 49 537 rétentions en 2014 répartis dans les 25 centres de la métropole et les quatre outre-mer13. Le faible taux d’expulsions effectives depuis les CRA (47,8% en métropole en 2014) conjugué au rallongement de la durée d’internement conduit à penser la rétention administrative plus en termes punitives que de réelles motivations d’expulsion. Le scandale d’Arenc ancré dans les nouvelles configurations économiques de la globalisation génère une rupture avec la gestion discrétionnaire, désormais l’immigration devient un sujet à forte politisation, les gouvernements, soucieux de démontrer leur autorité souveraine, abondent de déclarations officielles improbables («la fin de l’immigration» en 1974, «l’objectif retour» de 500 000 résidents étrangers en 1978 (Lemair 2015 : 14)) et pourvoient un «acharnement législatif» (Spire 2008 : 7) qui va toujours vers une précarisation croissante du droit des étrangers. Limités par l’espace, le temps et la patience, nous ne pourrons ici détailler l’entièreté de ces pas de mouche législatifs, et n’en relèverons que certains revirements conséquents, dont l’intensification de l’organisation centralisée de l’UE qui impacte considérablement le droit des étrangers et d’asile. La création de l’espace de libre circulation Schenghen va de pair avec la «sécurisation» des frontières extérieures, la communautarisation des conditions d’entrée et de séjour des étrangers, des politiques de visa, des contrôles frontaliers, ainsi que la coopération policière avec la création de banques de données et d’organes communs. Le traité d’Amsterdam (1999) entérine ce processus qui prend un tournant clairement répressif suite aux attentats du 11 novembre 2001 à New York, l’amalgame croissant entre immigration et terrorisme favorisant la centralisation des efforts sur la «lutte contre l’immigration clandestine» (Réa 2003). Un ensemble de dispositifs et de politiques communautaires visant une harmonisation européenne des politiques d’immigration tend vers la création d’un cadre législatif sinon identique du moins corollaire qui permette une gestion coordonnée. Un système de surveillance et sécurité centralisé (Eurodac) et une agence semi privée (Frontex) chargée de la surveillance aux frontières méridionales sont fondées, cofinancées et mis en oeuvre par des apports matériels et logistiques des pays membres. Pour Claire Rodier du GISTI (Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés) l’année 2002 est «la grande année de la frontière dans l’UE». Le concept de «sécurisation des frontières extérieures» y prospère dans le contexte d’une «reconfiguration des risques» présentée comme le pendant à l’ouverture des frontières intérieures. La «politique commune et intégrée de la gestion des frontières extérieures» passe notamment par le développement de technologies nouvelles, un «boulevard pour les entreprises spécialisées dans la sécurité et la défense» (2012 : 38). Enfin, la gestion commune de la répression de l’immigration et l’entrée en rigueur de la dite «directive retour» conduisent à une politique de «coopération» avec les pays d’émigration et les «pays de transit» auxquels est déléguée la responsabilité de limiter les départs et les passages sur leur territoire (Maroc, Libye, Turquie). Cela affecte l’ensemble des étapes du parcours migratoire, de l’endurcissement des politiques de délivrance des visas, à la restriction et la précarisation des titres accordés pour l’Asile, la santé, le regroupement familial ou le travail. En France, le ministre de l’intérieur Sarkozy annonce le 26/09/2003 l’introduction d’une politique de quotas d’expulsions – dénoncée par les associations de défense des droits des étrangers comme une mise en priorité de l’éloignement sur le respect des libertés individuelles. Le droit des étrangers français, devenu illisible de par ses infinis amendements est recodifié en 2004 dans le CESEDA (Code d’Entrée et de Séjour des Etrangers) entré en vigueur le 1/03/2005, et depuis est l’objet de maintes modifications. Des dynamiques à l’oeuvre dans la construction du droit des étrangers (ou dans la déconstruction de l’égalité de droit des résidents) nous remarquons, pour la récurrence historique, celle qui consiste à la légifération à-postériori et rétro-active de pratiques policières illégales. Ce processus a le double avantage de légitimer des pratiques questionnables au vu du droit et d’étendre à l’échelle nationale les innovations locales dont l’utilité pratique s’est avérée. De Genova relève un exemple contemporain outre-atlantique: «[the] Bush Administration improvisation – the unchecked executive authority to designate even US citizens as «unlawful enemy combatants» [and therefore deport them regardless to their legal status] – was retroactively sanctioned by the US Congress and institutionalized as law by the Military Commissions Act of 2006 (signed 17 October 2006), thus overriding all legal decisions previously challenging this authority» (2007 : 11). La schématique qui dresse, en miroir à l’accession aux droits des nationaux, notamment sociaux, la disqualification de ce qui progressivement s’imposera comme leur anti-nomie «étrangère», constituant une catégorie juridique «tronquée» (Bhartia 2010 : 332) soumise à un régime législatif d’exception.

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE I : CONSTRUCTION HISTORIQUE ET JURIDIQUE D’UNE «ILLÉGALITÉ ÉTRANGÈRE»
1. Histoire de la prise en charge politique et législative des populations en France
a. La circulation des populations précède la construction de lʼEtat-Nation moderne
b. Contrôler la circulation
c. Instauration de structures de contrôle par le Logement
d. Subordination du traitement de lʼEtranger aux besoins du marché de lʼEmploi
2. L’Etranger saisi par le Droit
a. Légiférer lʼimmigration : soubresauts dʼune histoire du droit
b. Le clandestin : «une fiction légale»
c. Un entrelas de législations qui ouvre sur lʼarbitraire
3. De l’«illégalité» du migrant : criminaliser la migration
a. Quand la fiction légale est punie par la loi
b. Construire lʼimaginaire public de lʼétranger comme dangereux ou criminel
c. Interpénétration croissante des logiques pénales et administratives
CHAPITRE II : LES ECONOMIES MORALES EN OEUVRE DANS LA REPRESENTATION DE L’ETRANGER
I. Paradoxes de la Représentation
a. Visibilisation et Invisibilisation – Le représentable et Iʼirreprénsentable
b. La «Raison Humanitaire»
c. Occulter la violence
2. Tension entre légitimité des institutions de contrôle et illégitimité de l’étranger
a. La légitimité du contrôle des mobilités implicite au lexique de la migration
b. Lʼillégitimité de lʼEtranger
c. Limites à lʼaccès au Droit
CHAPITRE III : VERS UNE SPATIALISATION RADICALE DE L’ÉTRANGER ILLEGALISÉ
I. La «Fiction de l’extraterritorialité»
a. La frontière crée lʼailleurs
b. Aux frontières : un «archipel» de camps
2. Effets de Frontière
a. Une forme violente de territorialisation de lʼAutre
b. Un processus actif constructeur de la différence
c. Une technologie de la citoyenneté
d. La suspension du temps de lʼexil illégalisé
III. Illégaliser : rendre un corps frontière
a. La violence dʼune «gestion» de corps déshumanisés et dépersonnalisés
b. Devenir sa propre frontière
Conclusion
Bibliographie

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