La démobilité est-elle un concept prometteur ou une fabulation pour la ville de demain ?

Aujourd’hui, la mobilité est devenue un des enjeux majeurs de la vie collective et de la vie quotidienne puisqu’elle est l’un des principaux fonctionnements de la société que certains souhaitent « stopper ». Ce fonctionnement impacte l’environnement d’un point de vue écologique mais joue également sur le « capital spatial ». La mobilité génère des échanges contribuant au développement économique, à la qualité de vie et, est à l’origine synonyme de liberté. En revanche, aujourd’hui, cette mobilité semble éprouvante et « grignoteuse de temps ». De manière synthétique, le point de vue de la mobilité est passé d’un moyen d’un outil de liberté, à une contrainte quotidienne. En effet, la mobilité s’est accélérée ces deux derniers siècles. Avant l’époque de la révolution industrielle, la répartition démographique était homogène. La deuxième révolution industrielle bouleversant le travail agricole a ainsi donné place au travail industriel d’où l’exode rural. De fait, la ville a amplifié son attractivité par la concentration des emplois qui y régnait. Cette attractivité est le résultat d’un environnement favorable offrant une qualité de vie appréciable et du développement économique de ces aires urbaines. Or, de nos jours, un brassage intense s’effectue sur le territoire et des flux de migration s’observent entre les villes. Ces migrations, se traduisent par une délocalisation du lieu de résidence dirigée par les parcours professionnels. La population se concentre dans les aires urbaines, et ces dernières sont soumises au processus de métropolisation. Ces lieux rassemblent les fonctions de commandement, les moyens de la puissance et la compétitivité d’où l’attractivité qu’elles génèrent. L’étalement urbain provoqué par cette concentration continue, induit une forte mobilité pendulaire présentant des externalités négatives. Aujourd’hui, il est indispensable de trouver des solutions pour limiter les impacts de la mobilité et ce, impérativement dans les grandes aires urbaines notamment en France. L’Ile-de-France, par exemple concentre 20% de la population totale du pays sur une surface qui représente 2,2% du territoire national.

QUEL EST CE NEOLOGISME QUE L’ON APPELLE LA DEMOBILITE ? 

Qu’est-ce que la démobilité ?

Une idée du Groupe Chronos
Le groupe Chronos est un « think tank » français, autrement dit un laboratoire d’idées innovantes en matière de mobilité. Il est à la fois un centre de ressources mais également un lieu d’échanges où, l’ensemble de ces membres, également membres de grandes entreprises réfléchissent sur de nouveaux usages et services. Il dispose d’une équipe pluridisciplinaire dont les membres sont des acteurs majeurs du domaine des transports, de la ville, des médias et des « intelligences ». L’objectif majeur du groupe Chronos est d’accompagner les entreprises ainsi que les territoires dans le développement de visions stratégiques et de projets nouveaux.

En saisissant les évolutions sociétales et en observant les pratiques individuelles et sociales, les membres mènent des analyses prospectives basées sur les questionnements suivants :
– Comment un usager parvient-il à produire des services, individuellement et en collectivité ?
– A quoi s’apparentent des services innovants dans la mobilité, le travail, les achats, l’énergie etc.?
– Comment produire et organiser des services au moyen des technologies de l’information et du numérique ?
– Quels modèles économiques et de gouvernance faut-il adopter autour de ces services ?

Ils s’intéressent avant tout à l’évolution des mobilités notamment l’intégration des modes de transport, l’accessibilité et la démobilité, l’évolution de la consommation incluant la logistique en ville et les circuits-courts et enfin, l’évolution des pratiques professionnelles visant la désynchronisation des activités, les tiers-lieux …

Les précurseurs
La « démobilité » est née de rencontres et d’échanges entre plusieurs grandes entreprises et d’acteurs de la mobilité. Bruno Marzloff, fondateur du groupe Chronos en 1998, est avant tout un sociologue qui s’est concentré sur les problématiques liées à la mobilité. En effet, les technologies du numérique font partie, pour lui des facteurs clés de la mutation de nos pratiques, dont la mobilité. Il estime que c’est du ressort de la ville et non de l’homme de s’adapter aux usages innovants et bénéfiques pour la ville. Bien qu’il soit le porte-parole de l’idée, la réflexion qui se cache derrière le concept nait de la concertation de plusieurs acteurs. Parmi eux, les membres de grandes firmes nationales et internationales du domaine des transports en sont à l’initiave. Georges Amar, ancien directeur de l’unité prospectiviste et développement de l’innovation à la RATP est consultant en mobilité et prospectiviste. Il est également chercheur associé à la chaire Théorie et Méthodes de la Conception Innovante de l’Ecole des Mines Paris Tech. Ce centre de gestion consiste à élaborer des outils de gestion et de nouveaux modèles de gouvernance liés à l’innovation. Christian Caye est délégué au développement durable de VINCI mais également administrateur du Comité 21 et de l’association des entreprises pour l’environnement (EPE). Au sein de cette association, il aborde des sujets tel que les villes durables ou encore l’efficacité énergétique des bâtiments. Engagé, il est le fondateur de VINCI pour la cité et anime la chaire Ecoconception des ensembles bâtis et infrastructures. Cette chaire a développé un instrument permettant d’évaluer l’analyse du cycle de vie (ACV) d’un bâtiment. Enfin, il est membre du comité d’orientation de la Fabrique de la cité, think tank comme le groupe Chronos, travaillant sur la prospective et les innovations urbaines. Philip Gargov, géographe et spécialiste de la ville numérique, est le fondateur du blog [popup] urbain, un cabinet de tendances et de conseil en prospective urbaine créé en 2009. Jean-Louis Jourdan, directeur du développement durable de la SNCF. La branche développement durable de la SNCF travaille sur trois champs. Le premier, la préservation de l’environnement se traduit par la maîtrise de l’empreinte environnementale des activités industrielles. Le deuxième volet concerne les mobilités nouvelles et plus particulièrement la manière dont sont gérés les derniers kilomètres en amont ou en aval des parcours ferroviaires. Enfin, le volet sociétal prend en compte les conséquences des actions sur les territoires. Pour économiser son emprunte énergétique, la SNCF tente d’être innovante et se concentre sur l’allégement du matériel et la fluidification du trafic.

Une notion complexe
Dans son livre Sans bureau fixe, Bruno MARZLOFF explique, en 2013, ce qu’il entend par « démobilité ». Cumulés, les déplacements domicile-travail représentent des centaines d’heures itérées annuellement. Finalement, ces déplacements représentent une énergie négative contre laquelle il souhaite lutter. Par-là, il entend « réduire les déplacements contraints, capitaliser les mobilités choisies et déployer des mobilités créatives ». De manière générale, il s’agit d’une idée visant à revoir certaines formes de mobilité. A partir de là, Julien DAMON, professeur associé au Master Urbanisme de Sciences Po mais aussi conseiller et Expert sur l’évolution de la protection sociale et des politiques urbaines, a tenté d’éclaircir cette première définition. D’emblée, il annonce, « la démobilité appartient assurément à la famille de ces néologismes au premier abord obscurs ». Il est alors sujet d’un concept complexe. Après Smart City ou encore résilience, d’autres caractéristiques émergent pour qualifier la ville souhaitée, le terme démobilité semble s’y prêter. Parmi les auteurs qui parviennent à l’utiliser, certains préfèrent conserver la définition initiale. D’autres tentent de le redéfinir. «La démobilité recouvre tout ce qui n’est du ressort ni de l’aménagement, ni des infrastructures » (PIALOT D., 2017). « Moins de kilomètres à parcourir, moins de temps de transport ». (GHORIS Y., 2015). Des définitions qui peuvent se questionner sur le mot que ces auteurs définissent, à savoir si il s’agit du même. Dans chaque discours, des solutions ou des actions associées à des leviers de démobilité sont présentées. Le néologisme peut prendre deux directions. Soit il est utilisé pour agir sur le taux de motorisation des ménages soit pour s’inquiéter des temps de parcours domicile-travail. Parmi ces solutions, certaines ont déjà été proposées par les précurseurs et, comme la démobilité est un « sac » d’idées et d’opportunités, d’autres auteurs en profitent pour présenter des solutions nouvelles qui peuvent, potentiellement y répondre. Ces solutions sont, pour la plupart sujets à des expérimentations.

La démobilité est alors appelée lorsque les flux et les problèmes qui y sont liés ne sont plus « gérables ». Ca caractère incontrôlable s’associe aux mutations et évolutions amenant à bouleverser la mobilité de tous. En effet, les perturbations climatiques, les mutations du travail, les technologies de l’information et la communication (TIC) ainsi que l’augmentation du coût de l’énergie prévoient :
– Une moindre demande et des alternatives à l’organisation des mobilités professionnelles
– Une mobilité liée aux loisirs qui va être de plus en plus sollicitée et par conséquent plus coûteuse
– des distances domicile-travail amenées à être limités .

Cette analyse est un appel à l’anticipation, à l’accompagnement de la transition. Les opérateurs en ont conscience. A eux seuls, ils ne peuvent pas anticiper l’avenir de la mobilité puisqu’elle inclut d’autres paramètres qui vont au-delà du champ propre des transports. Ils semblent désemparés et appelle autrui à l’aider. Ce concept peut alors être vu comme la possibilité de travailler vers une vision commune et une rupture de la monofonctionnalité.

Une demande urbaine globale

Les limites du modèle productiviste 

A travers le modèle de production fordiste, Henry Ford a souhaité mettre l’automobile a portée de tous. Le modèle qu’il a initié est le résultat de l’urbanisme fonctionnel. Un modèle, qui, à partir des années 1970 a posé de réels questionnements quant à son évolution. En effet, le modèle a été adopté à outrance et s’est intensifié. Aujourd’hui, le modèle atteint ses limites puisqu’il génère actuellement un certain nombre de conséquences négatives notamment liées à la mobilité. L’automobile a été, pendant longtemps synonyme de liberté et de voyage. La voiture est devenu essentiel à chacun et son usage s’est intensifié, jusqu’à perdre son utilité initiale. En effet, à force de l’utiliser en masse, l’usage de l’automobile a généré des externalités négatives tels que la pollution ou encore la congestion. Les émissions en CO2 représentent une part conséquente dans le domaine des transports. Ces émissions sont, à la fois néfastes pour notre écosystème et pour notre santé. Bien que certaines mesures soient adoptées pour réduire cette consommation, l’usage intensif de la voiture persiste. Ces mesures méritent d’être réévaluées car elles sont peu satisfaisantes. La congestion est la deuxième externalité négative. Elle est ressentie par la saturation des routes ou encore des transports en commun en heures de pointe. Par exemple, 74% des franciliens sont confrontés quotidiennement à la saturation des transports en commun. La congestion génère des temps perdus dans les transports et donc un gaspillage de carburant accentuant la pollution atmosphérique, créant ainsi un cercle vicieux.

De la mobilité à la surmobilité

Pour lutter contre ces externalités, les infrastructures se multiplient et se modernisent. Il s’agit d’une offre toujours plus neuve qui créé toujours plus de demande. « Construire plus d’offres pour réduire la congestion, c’est comme relâcher sa ceinture pour prévenir l’obésité » (Bruno MARZLOFF, 2013). Le développement de ces infrastructures de transports et des véhicules motorisés a inévitablement contribué à l’élargissement des déplacements domicile-travail. Cette tendance s’observait déjà dans les années 1970. « Les véhicules créent plus de distances qu’ils n’en suppriment » (Ivan ILLICH, 1973). « La vitesse ne fait pas gagner du temps mais elle consomme de l’espace » (ZAHAVI, 1974). Cet écartèlement s’observe aussi bien en termes de distance qu’en temps de parcours et ce, à cause des problèmes de congestion. Chaque année, les automobilistes, en Ile-de-France passent 65h dans les embouteillages. Pour y pallier, les travailleurs empiètent sur leur temps libre. Dans la société actuelle, la mobilité puise physiquement et psychologiquement les usagers et génère des troubles nouveaux tels que le stress, la fatigue etc. Ces conséquences sont ressenties par 63% des franciliens. La solitude et la marginalisation sont également des émotions ressenties par l’usage intensif de la voiture particulière. Lestransports représentent un important budget pour les ménages, situé après le logement et l’alimentation.

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Table des matières

Introduction
I. QUEL EST CE NEOLOGISME QUE L’ON APPELLE LA DEMOBILITE ?
1. Qu’est-ce que la démobilité ?
1.1. Une idée du Groupe Chronos
1.2. Les précurseurs
1.3. Une notion complexe
2. Une demande urbaine globale
2.1. Les limites du modèle productiviste
2.2. De la mobilité à la surmobilité
2.3. L’avenir de l’automobile et des infrastructures de transport
3. Un appel aux propositions et aux solutions
3.1. Des solutions associées au travail
3.1.1. Le déshorage
3.1.2. Le télétravail
3.2. « Casser les codes »
3.3. Le numérique, la clé en main
3.3.1. La puissance du numérique
3.3.2. Le travail bouleversé par les technologies
II. LA PERSPECTIVE D’UNE VILLE COHERENTE
1. Le télétravail, levier de démobilité ?
1.1. Un profil visé
1.2. A quel rythme se développe-t-il ?
2. Démobilité et « ville cohérente »
2.1. Un lien fort à la densité
2.2. Parvenir à un intermédiaire
3. Gouvernance et modèle économique
3.1. Des collectivités désorientées
3.2. Quels modèles de gouvernance ?
Conclusion et ouverture
Bibliographie

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