La dégradation d’éléments structurels en béton armé par corrosion sous courant imposé

Ajout d’ions chlorure dans le béton lors du gâchage

    Pour accélérer la corrosion des armatures dans le béton, la méthode la plus rapide et la plus utilisée consiste à ajouter des ions chlorure dans l’eau de gâchage du béton [30], [33], [34], [35]. Pour des échantillons qui contiennent 1,53 % d’ions chlorure par rapport au poids du béton avec des rapports enrobage/diamètre qui varient entre 1,6 et 4,8 le temps de fissuration dû à la corrosion se situe entre 0,72 et 3,85 années [30]. Choi [34] a étudié l’influence de la teneur en ions chlorure (de 0,6 à 3,6 kg/m3 ) introduits lors du gâchage de corps d’épreuves en béton armé avec différents rapports e/c (e/c = 0,4 pour 425 kg/m3 de ciment et e/c = 0,6 pour 228 kg/m3 de ciment) sur le potentiel libre. A partir d’une teneur de chlorure de 3,2 kg/m3, les valeurs du potentiel libre deviennent plus électronégatives et un état de corrosion actif se stabilise. L’avantage de cette méthode est l’obtention d’une corrosion rapide. L’inconvénient majeur est que le type de corrosion qui se développe peut se révéler assez différent d’une corrosion naturelle :
 Dans la vie d’un ouvrage, la corrosion active des armatures débute plusieurs années après la construction. Durant la période de service de la structure, la résistance mécanique du béton va évoluer au fur et à mesure de la pénétration des ions chlorure.
 L’introduction d’ions chlorure dans le béton à l’état frais réduit le temps de prise et modifie la microstructure du béton. La présence des ions chlorure dans la composition du béton contribue à diminuer le rapport C/S du C-S-H ce qui engendre une structure plus poreuse [36].
 La teneur uniforme en ions chlorure dans le béton ne représente pas le processus naturel de pénétration de ces derniers qui conduit généralement à un profil décroissant en fonction de la profondeur. La concentration uniforme d’ions chlorure dans le béton à tendance à engendrer une corrosion uniforme. De plus une teneur en ions chlorure uniforme le long des armatures n’est pas représentative des zones anodiques et cathodiques d’un ouvrage réel.

Influence de la densité de courant sur le processus de corrosion

   Parmi les méthodes présentées, celle au brouillard salin est la plus proche des conditions de corrosion naturelle mais au regard des contraintes temporelles, c’est la corrosion par courant imposé qui a été choisie dans le cadre des travaux de thèse. L’objet de cette partie est de mettre en évidence l’influence de la densité de courant sur la corrosion de l’armature et la fissuration du béton induite. La distribution des PdC autour de l’acier a une influence significative sur le comportement mécanique des éléments en béton armé corrodé. En effet, les couches de PdC formées renforcent l’interface acier/béton dans une première phase. Les méthodes d’accélération de la corrosion tendent à favoriser l’accumulation des PdC entre l’acier sain et le béton. La formation est beaucoup plus rapide que les processus de dissolution/précipitation nécessaires au transfert des PdC dans le béton autour des armatures [12]. Pour des valeurs élevées de densités de courant, les PdC n’ont plus le temps de diffuser dans les pores saturés d’eau et d’air. Par ailleurs, il faut faire attention à l’électrolyse de l’eau et à l’échauffement des matériaux. Les densités de courant les plus citées dans la littérature varient entre 10 et 52 639 µA/cm² (Tableau I-1). Dans l’étude de Moreno [64] une densité de courant de l’ordre de 10 µA/ cm² a été utilisée alors que pour les essais de Lee [65] une densité de courant de l’ordre de 52 639 µA/cm² a été utilisée. L’utilisation de densités de courant en laboratoire inférieures à 100 µA/cm² est plus proche de la corrosion naturelle [33], [46]. Les méthodes accélérées induisent des différences dans les résultats comparativement à la corrosion naturelle. Formés très rapidement les PdC issus des essais accélérées présenteront des propriétés mécaniques différentes de produits plus « matures », formés plus lentement [66]. Plus la période de corrosion est longue (33 jours) et la densité de courant est faible (100 µA/cm²), plus les PdC ont le temps de diffuser dans les pores du béton. Cela se rapproche le plus du processus réel de corrosion [46]. Plus la densité de courant est importante, plus le moment de l’apparition de la fissuration (Tcr) est précoce. Par exemple, pour une densité de courant de 100 µA/cm², Tcr = 6,125 jours et pour une densité de courant de 150 µA/cm², Tcr = 3,625 jours [67]. Conformément au processus décrit précédemment, Lu explique que pour les densités de courant les plus fortes, les PdC sont formés plus rapidement et leurs quantités sont plus importantes à cause de leur faible diffusion dans le béton (Figure I 11). Les déformations mesurées pour les échantillons corrodés à 350 µA/cm² et 500 µA/cm² sont plus importantes que celles mesurées pour 100 µA/cm² et 200 µA/cm². La densité de courant n’a aucune influence sur la trajectoire des fissures à l’état final mais influe sur l’ouverture des fissures.

Essais sur des éléments de structure

     L’objectif des essais sur éléments de structure est d’analyser le comportement global de l’élément sollicité en flexion (et aussi en cisaillement) au cours de la dégradation de la liaison acier/béton [79], [130], [131] , [132], [133]. En général, les corps d’épreuve sont des poutres en béton armé faiblement ferraillées longitudinalement dans la partie centrale pour y favoriser une faiblesse vis-à-vis de la sollicitation de flexion (Figure I-37). Les principaux résultats d’un tel essai concernent généralement l’évolution de la flèche au cours du temps ou la mesure de la résistance résiduelle de la poutre. De tels essais sont jugés représentatifs du fonctionnement réel. Cependant, pour les essais menés sur des éléments de structure (par exemple sollicités en flexion), la réponse fournie est d’ordre global et ne permet pas de recueillir des informations locales au niveau de l’interface contrairement aux trois essais précédemment décrits (essai d’arrachement, par enfoncement ou de double tirant). C’est la raison pour laquelle cet essai est complémentaire de l’essai d’arrachement dans plusieurs études [104], [130], [131].

Caractérisations électrochimiques non destructives de la corrosion

   Les caractérisations électrochimiques non destructives telles que la mesure de potentiel libre (Ecorr), de résistance de polarisation linéaire et de résistance (Re, incluant l’électrolyte, l’enrobage béton et l’interface acier/béton) ainsi que le calcul de la densité de courant de corrosion Jcorr ont été réalisés sur les prismes en béton armé à trois moments différents :
– Avant l’essai de Corrac (système acier/béton en équilibre dans son environnement) pour vérifier que tous les prismes en béton armé présentent des caractérisations électrochimiques similaires et un état de corrosion passif de l’armature.
– Après l’essai de Corrac (système acier/béton hors équilibre) pour vérifier si deux prismes corrodés avec la même densité de courant et pendant la même durée de corrosion sont polarisés de la même manière. Le prisme qui possédait le courant de corrosion le plus faible a été destiné aux analyses destructives (moindre fissuration a priori) et l’autre prisme a été conservé pour le suivi électrochimique.
– Après l’essai de Corrac et après dépolarisation de l’armature (système acier/béton en équilibre dans son environnement (les courbes du suivi de la dépolarisation en fonction du temps se trouvent en Annexe 7)), afin de démontrer l’état de corrosion actif de l’armature dans le béton.
L’ensemble de ces informations sont nécessaires pour démontrer l’évolution de la corrosion des armatures (avant et après Corrac) et permettent également de rendre compte de la répétabilité de l’essai de corrosion accélérée.

Comportement mécanique du matériau béton

   Le béton est un matériau hétérogène dont les propriétés mécaniques dépendent essentiellement de la formulation (par exemple, le rapport e/c). Sous chargement de traction uni-axiale, le comportement du béton peut être décrit en trois phases (Figure VI-1).
1. La phase élastique : jusqu’à environ 80% de la limite en traction du béton, les microfissures dues principalement au phénomène de retrait n’évoluent quasiment pas ce qui implique un comportement élastique linéaire.
2. L’amorçage et la propagation des microfissures avant le pic : les microfissures se propagent ce qui annonce le début du comportement non linéaire du béton. Cette dégradation progressive du béton entraine une modification de ses propriétés mécaniques.
3. Le comportement post-pic : les microfissures continuent de se propager et leur coalescence donne naissance à des macrofissures. Un comportement adoucissant est constaté en phase post-pic dû à la poursuite de la dégradation du béton et s’achevant par la ruine du corps d’épreuve. Le béton possède un comportement fragile en traction et plus ductile en compression. Dans la littérature, d’autres caractéristiques du béton ont été mises en évidence telles que l’effet unilatéral (restauration progressive de la raideur par refermeture de fissure) lors de cycles traction/compression, les déformations permanentes et les effets hystérétiques (associés aux frottements entre les lèvres des fissures) dans le cas de chargements cycliques. Pour les applications visées dans cette étude, seul le comportement quasi-fragile du béton en traction est considéré étant donné que la fissuration de l’enrobage est induite par des contraintes de traction générées par le développement des PdC. Pour réaliser une simulation fidèle restituant des schémas de fissuration pertinents, il est donc primordial de sélectionner un modèle adapté aux spécificités de notre étude. Pour des raisons pratiques, certains critères supplémentaires doivent être à considérer comme le temps de calcul qui est lié au type de modèle et donc à la manière de représenter la fissuration (fissures explicites avec un décollement entre éléments ou une scission de l’élément). Il existe différentes manières de modéliser le comportement mécanique du béton qui peuvent être classifiées suivant deux types d’approches : les modèles basés sur la mécanique des milieux continus (les modèles cohésifs, de fissuration diffuse [12], [211], de plasticité [212] et d’endommagement [213]) et les modèles basés sur la mécanique des solides rigides (modèles aux éléments discrets [214], [215]). Pour la suite de l’étude, le choix est porté sur un modèle d’endommagement pour la modélisation du matériau béton, justifié par son cadre approprié aux calculs de structures. En effet, la mécanique de l’endommagement est considérée comme l’une des théories représentant le mieux la physique du comportement du béton. La dépendance des modèles d’endommagement au maillage a été résolue grâce aux techniques de régularisation telles que l’approche non locale [212], [216] ou énergétique [217].

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I Etude bibliographique
I.1 Corrosion naturelle et accélérée du béton armé
I.1.1 Introduction
I.1.2 Corrosion naturelle des armatures induite par la pénétration d’ions chlorure
I.1.3 Essais de corrosion accélérée, suivi de corrosion et densité de courant
I.1.4 Nature chimique, propriétés physiques et propriétés mécaniques des PdC
I.1.5 Conséquences mécaniques de la corrosion sur le béton armé
I.2 Comportement mécanique de la liaison acier/béton
I.2.1 Caractérisation mécanique de la liaison acier/béton
I.2.2 Paramètres influents sur le comportement de la liaison acier/béton (autres que la corrosion)
I.3 Modèles tenant compte du comportement du béton armé corrodé
I.3.1 Introduction
I.3.2 Modèles empiriques
I.3.3 Modèles analytiques
I.3.4 Modèles numériques : modèles du comportement du béton corrodé dû à l’expansion des PdC
I.4 Bilan et choix
Chapitre II Programme de recherche
II.1 Objectifs de l’étude expérimentale
II.2 Corps d’épreuve
II.2.1 Formulation du béton
II.2.2 Description et fabrication des prismes en béton armé
II.2.3 Caractérisations mécaniques des propriétés du béton
II.3 Essai de corrosion accélérée
II.3.1 Essais du projet Applet
II.3.2 Essai de faisabilité
II.3.3 Campagne expérimentale
II.4 Caractérisations
II.4.1 Caractérisations électrochimiques
II.4.2 Caractérisations des fissurations et des PdC
Chapitre III Corrélation entre les grandeurs électriques et les mécanismes de corrosion
III.1 Introduction
III.2 Analyse du suivi de la tension électrique au cours de l’essai de corrosion accélérée
III.3 De l’analyse à la modélisation
III.3.1 Hypothèses prises en compte
III.3.2 Lien entre les phénomènes électrochimiques et le circuit électrique
III.4 Implémentation du modèle
III.4.1 Phase 1
III.4.2 Phase 2
III.4.3 Phase 3
III.5 Résultats de la modélisation
III.5.1 Identification des paramètres du modèle
III.5.2 Prédiction des courbes de tension pour les densités de courant de 50 µA/cm² et 200 µA/cm²
III.5.3 Amélioration de l’identification des paramètres du modèle
III.5.4 Application du modèle à l’étude de Sanz [12]
III.6 Conclusions
III.7 Pistes d’amélioration
Chapitre IV Evolution physico-chimique de la corrosion
IV.1 Introduction
IV.2 Caractérisations électrochimiques non destructives de la corrosion
IV.2.1 Caractérisations électrochimiques
IV.2.2 Comparaison des caractérisations électrochimiques pour une même charge totale de courant
IV.3 Caractérisation des PdC à l’échelle microscopique
IV.3.2 Evolution des PdC en fonction de la durée de la Corrac
IV.3.3 Evaluation des PdC en fonction de la charge totale de courant
IV.3.4 Coefficients de gonflement des PdC
IV.4 Bilan des caractérisations de la corrosion
Chapitre V Evolution des faciès de fissuration et de l’adhérence acier/béton
V.1 Introduction
V.2 Caractérisation du faciès de fissuration interne en fonction des paramètres de la corrosion accélérée
V.2.1 Photographies du faciès de fissuration interne
V.2.2 Caractérisation du faciès de fissuration interne de chaque prisme
V.2.3 Détermination « statistique » du faciès de fissuration interne
V.3 Caractérisation du faciès de fissuration externe en fonction des paramètres de la corrosion accélérée
V.3.1 Inspection visuelle des faces des prismes
V.3.2 Evolution des désordres visuels externes en face F en fonction du temps
V.3.3 Ouverture maximale de la fissure externe
V.3.4 Ouverture maximale de la fissure externe en fonction de la charge totale
V.4 Corrélation interne/externe
V.4.1 Indicateur macroscopique relatif à la fissuration interne et externe
V.4.2 Complémentarité des approches pour établir un bilan de la corrosion
V.5 Adhérence acier/béton
V.5.1 Evolution de la résistance de l’interface acier/béton pour une même charge totale de courant
V.5.2 Mode de rupture
V.5.3 Comportement de l’interface acier/béton
V.5.4 Bilan des essais d’arrachement
V.6 Principales conclusions de l’étude de la dégradation du béton et de l’interface acier/béton due à la corrosion
V.7 Perspectives et pistes d’amélioration
Chapitre VI Modélisation du comportement mécanique de prismes en béton armé corrodés
VI.1 Introduction
VI.2 Approche de modélisation
VI.2.1 Comportement mécanique du matériau béton
VI.2.2 Théorie de l’endommagement et choix du modèle
VI.2.3 Régularisation en énergie de fissuration [168]
VI.2.4 Mode de calcul des ouvertures de fissures
VI.2.5 Prise en compte de l’hétérogénéité du béton
VI.2.6 Modélisation de l’expansion des PdC
VI.2.7 Synthèse
VI.3 Modélisations
VI.3.1 Géométrie
VI.3.2 Paramètres du modèle de béton
VI.3.3 Etude paramétrique
VI.3.4 Détermination de l’expansion fissurante : approche de type inverse
VI.3.5 Etude quantitative de la fissuration interne et externe
VI.3.6 Etude comparative vis-à-vis de la littérature
VI.4 Conclusions
VI.5 Perspectives
Conclusions générales et perspectives
Références
Annexes

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