La définition de mort cérébrale est-elle une définition adéquate de la mort de l’homme ? 

Approche conceptuelle et philosophique

Le terme « mort » dérive du latin mors, mortis et il est défini par un dictionnaire de la langue française comme « cessation définitive de la vie (d’un être humain, d’un animal et PAR EXT. de tout organisme biologique) » . Ainsi, on comprend que le vocable « mort » est expliqué par négation à partir du terme « vie » ; mais cette définition, loin de répondre à notre question initiale, qui était : « qu’est ce que la mort du point de vue conceptuel et philosophique ? », nous amène à nous interroger sur plusieurs questions complexes et irrésolues, du genre : « qu’est ce que la vie ? », « quand la vie commence-t-elle ? », « en quoi consiste la propriété d’être en vie ? ». On doit rappeler que la difficulté à définir la « vie » est un problème classique de la philosophie de la science, encore aujourd’hui débattu. En effet, bien qu’il soit relativement simple de se comprendre quand on parle d’objets concrets et de leur distinction entre vivants et non-vivants, il n’a pas encore été possible de trouver, en l’état actuel des connaissances scientifiques, une définition de la « vie » valide universellement et sansexception. Cela implique, symétriquement, une impossibilité logique de définir la « mort » au sens ontologique.
Sans doute, il existe multiples définitionsde la « vie » et donc aussi de la « mort », qui dépendent de la complexitédes êtres vivants et naturellement des différents domaines dans lesquels on cherche à circonscrire le problème ; en effet, unterme peut assumer une multitude de significations par rapport au contexte danslequel il est utilisé. On doit décider quelle définition de la mort nous permet de comprendre quelles sont les caractéristiques définitoires (defining features) qu’une chose doit posséder pour qu’on puisse la qualifier de morte. Ces caractéristiques ne peuvent pas admettre d’exceptions. Elles sont sélectionnées par les hommes qui décident lesquelles sont à prendre enconsidération en posant les questions suivantes : « Une certaine caractéristique, A,a-t elle une valeur définitoire pour une classe d’objets X? Nous-mêmes, ou d’autres personnes, appellerions-nous Xun objet qui n’a pas la propriété A? ». De plus, une définition « est vraie quand elle rend compte correctement de la façon dont le mot est employé, fausse dans le cas contraire ».
On ne comprend pas si les caractéristiques définitoires de la mort peuvent être les mêmes, tant pour la mort de l’homme que pour celle des autres êtres vivants ; peut-être que des définitions différentes sont nécessaires.
Le choix des propriétés fondamentales pour la définition de la mort de l’homme a toujours posé des gros problèmeset a toujours été objet de discussion philosophique. Le premier qui s’était aventuré dans cette entreprise conceptuelle a été Aristote (De l’âme, livre II) en classifiant en ordre hiérarchique les fonctions des êtres vivants : la fonction nutritive et reproductive commune à tous les vivants, la fonction sensitive typique des animaux et la fonction intellective, exclusivité de l’homme. Les êtres d’ordre supérieur possèdentaussi les fonctions inférieures, mais la réciproque n’est pas vraie. Pour qu’on puisse qualifier Xde vivant il semble qu’il doive posséder au moins la fonction productive et nutritive. Maisalors, cela signifie que l’on doit considérer les individus stériles ou ceux quine peuvent pas se nourrir, comme non-vivants. Cela semble montrer que le Stagirite ne parvient pas à établir une propriété des êtres vivants qui ferait un candidat adéquat à une définition générale de la « vie » ou de la « mort» : il y a, en effet, des exceptions.
On peut retrouver la « forme ancestrale » de l’actuelle controverse entre mort cérébrale et mort cardiaque dans la Grèce ancienne : il existait, en effet, un débat entre une conception cardiocentrique del’homme, dont les principaux partisans étaient Empédocle (490-425 av. J.-C.) etAristote (384-322 av. J.-C.), et une encéphalocentrique, soutenuepar Alcméon (V siècle av. J.-C.) et Hippocrate (260-370 av. J.-C.). Selon les premiers, le cœur était le centre propulseur de la vie humaine, siège des facultés sensitives etintellectives. Ainsi écrivait Empédocle, Les cœurs nourris dans les flots du sang qui court en deux directions opposées Sont le lieu où l’on trouve principalement ce que les hommes appellent pensée, Car le sang qui entoure le cœur est la pensée chez l’espèce humaine.
Pour l’Agrigentin, toutes les choses, êtres vivants compris, sont composées par le mélange des quatre racines ou éléments(air, eau, feu et terre) qui résultent de l’action de deux forces : l’Amourrapproche même ce qui est dissemblable, et la Hainesépare ce qui est joint. La pensée et la connaissance des hommes, en effet, sont reliées à leur structure physique et plus précisément, au sang qui circule autour du cœur, où il y a le meilleur mélange des quatre racines ; c’est en ce sens que les interprètes anciens ont classifié cette conception comme connaissance du semblable au moyen du semblable, la connaissance des choses extérieures dépend, dans l’homme, du mélange intérieur des racines qui a lieu dans le sang qui circule autour du cœur.
Aristote lui-même partageait la théorie du cardiocentrisme en se fondant sur la différence de température entre le cœur (chaud) et le cerveau (froid) ; il évoluait, en effet, dans une culture où le chaud était associé à la vie et le froid à la mort ; l’élément du feu était considéré comme chaleur vitale, présente dans tous les organes. Aristote considérait le toucher comme le sens nécessaire pour l’existence des êtres humains et le cœur comme l’organerégulateur du toucher, qui par le moyende la chair, produit les sensations.
Par contre, les seconds, partisans de l’encéphalocentrisme, affirmaient la centralité du cerveau. Alcméon, après avoir effectué des dissections, soutenait que le siège des sensations et de la pensée était le cerveau. La tradition rapporte que la dissection d’un nerf bulbaire lui aurait montréque le nerf optique s’avance jusqu’au crâne ; en outre, il aurait observé que le méat auditif et les narines conduisent vers le cerveau. Cette théorie a été reprise par Hippocrate qui soutenait que le cerveau est l’organe qui contrôle aussi bien la pensée que les fonctions du corps ; ainsi il écrivait dans De la maladie sacrée.

Approche sociale et historique

La description et les considérations relatives à la mort changent selon le contexte où on se trouve à réfléchir sur la question.
Dans le domaine médical, la mort est décrite comme unlent processus graduel, qui s’achève avec la totale destruction de chaque cellule de l’organisme, c’est-à-dire avec la putréfaction. Aujourd’hui, en réalité, aucune société n’est disposée à l’accueillir, ne serait-ce que pour des raisons d’ordre hygiénique. Donc, il devient très utile de déterminer un « seuil de non-retour » au-delà duquel un individu est considéré comme mort et orienter, en cette façon, l’action du médecin.
En revanche, du point de vue juridique, la mort est considérée comme un événement instantané, car le statut vivant/mort modifie les droits et les devoirs de l’individu : la personnalité juridique de l’individu s’éteint avec la mort. GiorgioAgamben écrivait que la mort est « le seuil au delà de lequel la vie cesse d’être politiquement pertinente » ; en effet, c’est une idée commune que le défunt, puisque il n’est plus sujet aux devoirs, n’a pas non plus de droits : cela renvoie à la métaphore usuelle selon laquelle droit et devoir sont le recto et le verso de la même médaille.
Tandis que les devoirs concernent les vivants, les morts n’ont plus de droits. On comprend bien que dans le domaine juridique une délimitation est nécessaire, le moment de la mort devient fondamental pourdifférentes exigences : discipline des greffes, euthanasie, successions héréditaire, etc.
L’instant de la mort est très importantaussi dans le point de vue économique, puisqu’il indique la fin de l’obligation de la part de l’État de distribuer des ressources pour l’assistance et le soin de l’individu et l’oblige à ne plus les recevoir dans le cas d’une demande.
Actuellement, la majorité des pays mondiaux ont explicitement codifié le critère de mort cérébrale dans les systèmes juridiques nationaux, en identifiant la cessation des fonctions du cerveau avec la mort de l’individu et en permettant, en cette façon, de résoudre, au niveau du principe, beaucoup de problèmes, juridiques (par exemple, les questions de successionshéréditaires) et moraux (par exemple la question de la licéité d’interrompre les traitements et procéder au prélèvement des organes).
Autrefois, l’opinion commune considérait un individu comme défunt quand son cœur cessait de battre (cor ultimum moriens) et l’exhalation de son dernier souffle était un signe évident du trépas. Une vraie définition et législation sur la mort n’existait pas.
En effet, il y a encore une cinquantaine d’années, la mort était décrite comme la condition de ceux qui ne pouvaient plus retourner en vie, sa particularité était l’irréversibilité. Ses caractéristiques fondamentalesétaient au nombre de quatre :
1. Imprévisibilité : à cause de la pénurie des instruments technologiques, la possibilité de fautes diagnostiques était très élevée.
2. Rapidité : la mort parvenait en peu de jours.
3. Prématurité: on mourait jeune.
4. Inévitabilité: les médecins ne faisaient presque rien pour l’éviter.
Aujourd’hui, bien que le progrès médical et scientifique ait rendu ces propriétés inadéquates pour décrire la mort, de nouveaux problèmes théoriques et pratiques ont commencé à apparaître. Pourcette raison, on entend très souvent dire que, autrefois, la mort était un événement clair et reconnaissablepar tout le monde, tandis que l’avancée médicale a compliqué ce qui semblait évident, en créant la nouvelle situation de mort cérébrale. Beaucoup de spécialistes, en effet, affirment que la mort cérébrale est seulement une fiction juridique, trèsutile au niveau pragmatique, mais qui ne correspond pas vraiment à la réalité clinique. Defanti luimême, avec un recul de plusieurs années, admet l’avoir adoptée seulement parce qu’elle permettait de résoudre différents problèmes pratiques.
Bien que sur le concept de mort cérébrale il y ait encore beaucoup de doutes, nous ne devons pas nous effrayer : si on analyse l’histoire de la médecine moderne, on comprend que le concept de la mort n’est pas immuable, mais qu’il se transforme avec l’avancée de la science médicale et des techniques scientifiques. Évidemment, chaque changement donne naissance à de nouveaux doutes et suscite de nouvelles peurs dans le public. En effet, on doit prendre en compte la différence temporelle qu’il y a entre le rapide développement scientifique et technologique et les valeurs qui caractérisent une population à un momenthistorique déterminé : ces valeurs se transforment très lentement et ne changent qu’avec la succession des générations.
Pour cette raison, l’incertituderelative à la mort a toujours existé, elle n’est pas un fait spécifique de notre époque ; simplement, dans le passé, elle s’est manifestée sous des formes différentes.
En suivant le travail développé par Defanti dans le premier chapitre de son livre Vivo o morto ? , je retracerai les changements décisifs qui se sont vérifiés dans l’histoire de la mort pendant les quatre deniers siècles, en dévoilant, ainsi, que la reconnaissance de la mort et la détermination exacte du moment de la mort ont toujours posé de grands problèmes et la conscience sociale à été toujours troublée par ces questions. L’analyse historique nous aidera à affronter le débat contemporain et à comprendre, si aujourd’hui, c’est possible de trouver une définition adéquate de la mort de l’homme.
Notre histoire commence à la Renaissance avec une attention renouvelée pour l’anatomie humaine : le cadavre se transforme d’objet de terreur en objet d’étude, grâce au fort intérêt didactique et scientifique qui caractérise cette époque. Mais, si d’un côté, cela a produit de nouvelles découvertes scientifiques, de l’autre, il a fait naitre la crainte de la dissection, la peurd’être « coupé » quand on n’est pas encoremort, au nom de la science.
Le XVIII e siècle est caractérisé par la peur de la mort apparente et de la sépulture intempestive : il y avait un manquede confiance sociale dans les capacités de reconnaitre la mort, puisqu’il n’y avait pas les instruments technologiques pour la reconnaitre avec certitude. De plus, on doit rappeler que vers la fin du siècle, apparurent les premières expériences de réanimation, qui bien qu’elles aient permis de sauver des vies de la mort par noyade, ont mis, en même temps, en doute un point crucial : l’irréversibilité de la mort. En effet, un sujet qui est apparemment mort peut être réanimé. Mais cela n’est pas compatible avec le caractère irréversible de la mort.
Pendant les siècles suivants, grâce au progrès médical (par exemple, la respiration artificielle manuelle) et à l’introduction de nouvelles techniques de soutien des fonctions vitaux de l’organisme (par exemple,le respirateur, le rein artificiel, la défibrillation cardiaque), la crainte de la mort apparente s’atténue pour ensuite disparaitre. Il devient possible de traiter ou de soigner quelqu’un qui semble mort, mais ne l’est pas.
Les nouvelles procédures médicales permettent en beaucoup de cas de sauver des vies. Mais si, en cas de graves lésions cérébrales, on ne meurt plus en quelques heures, le patient peut se retrouver dans un état de totaleinconscience, son cœur ne continuant à battre que grâce à l’utilisation du respirateur. Cet état est celui que Mollaret et Goulon, deux neurologues françaises, ont appelé coma dépassé, c’est-à-dire un état qui se trouveau-delà du coma, entre la vie et la mort. Ils ont écrit qu’il était « une révélation et une rançon de la maîtrise acquise en matière de réanimation neuro-respiratoire» , une révélation de nouvelles technologies et « une rançon, parce que la survie dans le coma dépassé, impose des efforts croissants aux équipes de réanimation et prolonge un spectacle de plus en plus douloureux aux yeux des familles. »
Ainsi, il est devenu possible de garderles fonctions d’un organisme, quoique la destruction du cerveau conduise à la cessation de l’activité cardiaque dans quelques minutes.
En outre, en 1967 au Cap, Christian Barnard exécutait la première transplantation de cœur d’un patient en coma irréversible, mais pas estimé mort sur la base du critère traditionnel (arrêt cardio-vasculaire). Cet événement a produit beaucoup de critiques, puisque l’organe n’avait pas été prélevé d’un individu déclaré mort à tous égards, alors que le prélèvement du cœur provoquait nécessairement la mort.
Les nouvelles mesures de réanimation et les développements de la médecine des transplantations ont mis en crise le modèle de mort cardio-circulatoire, qui ne correspondait plus avec la réalité clinique : une rapide intervention médicale permettait de réactiver un cœur. De plus, ladétermination du moment dans lequel un individu passe de la condition de vivant à celle de non-vivant est fondamentale. En effet, si le patient, dont Barnard avait prélevé le cœur était mort à la suite de lasuspension de la ventilation mécanique, Barnard aurait pu être accusé d’homicide.
Par contre, si le patient était déjà mort au moment de la suspension de la respiration artificielle, alors Barnard aurait simplement renoncé à ventiler un cadavre. Comme le rappelle Agamben, « le sujet en état de coma dépassé présentait les conditions idéales pour le prélèvement d’organes [vitaux], mais il s’agissait de définir avec certitude le moment de la mort, pour éviter au chirurgien qui devait pratiquer la transplantation d’être accusé d’homicide ».

La mort cérébrale

La proposition du Comité d’Harvard

Le Rapport d’Harvard commence ainsi : « Notre premier objectif est de définir le coma irréversible comme un nouveau critère de mort. »
Le Comité n’a rien découvert de nouveau, mais il a simplement identifié le coma dépassé et la cessation de la vie. Ila décidé que la persistance de l’activité cardiaque n’est plus incompatible avec la mort, contrairement à ce qu’on a toujours pensée dans le passé. Maintenant, le battement du cœur et la respiration sont conservés à travers l’utilisation de moyens artificiels, maisl’individu est-il considéré comme mort sur la basedu critère cérébral.
Le Comité à exposé et rendu publiques les raisons en faveur de la nouvelle identification en avançant seulement deux points. Defanti lui-même a suivi cette stratégie pour expliquer les arguments du Rapport. Personnellement, je pense que les arguments sont au nombre de trois :
1. L’amélioration des mesures de réanimation et de soutien de la vie a produit une multiplication des efforts pour sauver des vies humaines dans des conditions qui sont désespérées. Parfois, ces efforts ont un succèsseulement partiel de sorte que l’on se trouve en face d’un individu dont le cœurcontinue à battre mais le cerveau est irréversiblement endommagé. Cette première raison est du type exclusivement empirique . Bien que le Comité admette les bénéfices obtenus par les nouvelles techniques de réanimation, il critique indirectement leurs modalités d’emploi. En effet, il décrit les résultats négatifs qu’on peut obtenirquand ces techniques sontutilisées pour sauver des personnes qui sont dans des conditions très graves. Dans ces cas, si les interventions ne se concluent pas avec la mort (arrêt cardiocirculatoire), elles conduisent à la nouvelle situation du coma dépassé, dans laquelle le cœur de l’individu continue à battre puisqu’il est soutenu artificiellement, mais l’activité du cerveau est elle irréversiblement cessée.
Ce premier argument a un lien implicite avec le second, c’est pour cela, que je suppose, que le Comité a présenté ces deux raisons dans le même point. En effet, les deux introduisent le même problème moral : comment on doit se comporter en ce qui concerne ces patients ?
Ainsi, la nouvelle identification indique dans le coma dépassé le moment dans lequel il devient licite suspendre (ou prolonger dans le cas d’une transplantation) l’usage des moyens artificiels, puisque les patients sont morts cérébralement et il n’existe plus de perspectives d’amélioration.

Incohérences internes à la proposition du Comité

Si on analyse les raisons exposées par la Proposition, il semble que le Comité d’Harvard ait décidé de résoudre les problèmes pratiques et moraux (Quand suspendre les traitements ? Comment rendre disponibles les lits des hôpitaux ?
Comment améliorer la disponibilité des organes ?) en introduisant une nouvelle définition de la mort. De cette façon, le Comité a évité d’analyser à fond ces problèmes et il est passé illicitement du niveau moral à celui ontologique. Les arguments qu’il a exposés, en effet, ne sont pas du type ontologique : ils ne demandaient pas une redéfinition de la mort, mais des normes de comportement à adopter en ce qui concerne les individus qui sont en état de mort cérébrale. Il faut noter que la même Commission d’Harvard ne nous dit pas que nous devrons substituer ou ajourner la définition qu’on a utilisée jusqu’au maintenant puisqu’elle est une description incorrecte de la réalité,mais qu’il convient le faire pour résoudre ces problèmes ; elle ne nous dit pas que les individus cérébralement morts sont à tous égards morts, mais qu’ils devraient être traités comme tels, puisqu’on doit épargner charges et souffrances et qu’on doit, surtout, rationaliser les ressources médicales et, en particulier, améliorer la disponibilité des organes pour les transplantations. Ainsi, la proposition du Comité peut être considérée comme inspirée par des considérations pragmatiques.
Le Comité n’a pas été capable, ou mieux, il n’a pas voulu résoudre ce genre de problèmes du point de vue éthique, puisque, je suppose que des possibles solutions éthiques auraient trop ébranlé l’opinion et la morale de sens commun. Le Comité a préféré éviter des âpres critiques de la part des confessions religieuses chrétiennes, des mouvements pro-lifeet d’une société qui était encore très liée à des valeurs « judéo-chrétiennes » admises par consensus. Il faut rappeler les origines puritaines de l’Université d’Harvard . Peut être que le Comité était encore lié à ses racines religieuses. La majorité des composants du Comité étaient des protestants, bien qu’il y ait quelques catholiques romains (le chirurgien Joseph Murray). Le président du Comité, en effet, avait changé son nom de naissance en Henry K. Beecher, nom qui faisait référence au pasteur Henry W. Beecher et à la famille Beecher, dont beaucoup de membres étaient des clergymen (congrégationalistes). De plus, le seul théologien, qui avait prispartie au Rapport, était un ministre presbytérien ordinaire.
Nous comprenons ainsi, que si le Comité avait dit qu’on procède au prélèvement du cœur quand l’individu n’est pas encore mort sur la base du critère cardiaque, la peur d’être opéré encore vivant et celle d’être utilisé comme « banques d’organes » se seraient diffusées dans la société. Les médecins auraient été accusés d’agir contre la vie et de pratiquer, à travers le prélèvement du cœur, l’euthanasie active. Ils auraient contrasté les valeurs chrétiennes : la valeur suprême, sacré et inviolable de la vie humaine. Le manque deconfiance à l’égard du personnel médical aurait été augmenté et la médecine des greffes (des organes vitaux) aurait été entravée dés sa naissance.
Le même Defanti admet que, quoiqu’il y ait encore beaucoup de doutes sur la nouvelle définition et sur ses critères devérification, le Comité d’Harvard a pris une position définitive aussi en absence des données empiriques entièrement incontestables. Pour ces raisons, pendant 1976, le Royaume-Uni, en suivant la suggestion de deux neurochirurgiens du Minnesota, Avanankot Mohandas et Shelley Nien-Chun Chou , identifia la mort avec la mort du tronc encéphalique , puisque, dans les cas d’une très grave lésion cérébrale, en absence d’un état de vigilance, les seules structures nerveuses qu’il est possible d’examiner sont celles du tronc. Le tronc est considéré, ainsi, le système critique del’encéphale, responsable aussi bien du maintien de la conscience que des fonctions végétatives. Defanti a accueilli la « Proposition du Minnesota » puisque « les signes de lamort cérébrale (perte irréversible de conscience, absence de réflexe du tronc et de mobilité spontané, absence de la respiration) sont entièrement explicables par la perte des fonctions du tronc. »
Il me semble, ainsi, que nous nous trouvons, de nouveau, en face à deux « types de mort » : la mort cérébrale totale et la mort du tronc encéphalique. En réalité, comme l’explique Defanti, la seule différence entre ces critères est le temps ; en effet, les critères britanniques permettent de diagnostiquer la mort dans un temps qui est antérieur par rapport aux critères américains, mais le résultat est le même : bien qu’il y a encore une activité des hémisphères, l’encéphale a cessé de fonctionner comme un tout.

La nouvelle définition de mort cérébrale était-elle nécessaire ?

En réalité, en analysant a posteriorila question, il n’était pas nécessaire, à mon avis, de changer la définition de la mort, puisque déjà la seule explicitation du critère cérébral aurait été suffisante pour résoudre les problèmes pratiques, que la nouvelle technologie moderne avait rendu nécessaire d’affronter. Les problèmes moraux concernant le traitement du mourant, bien qui ils soient cruciaux, doivent être indépendants du problème de la recherche d’une définition de la mort. Ils ne peuvent pas être résolus en stipulant, simplement, une nouvelle définition, puisque cela revient à contourner le problèmesans le résoudre à la racine.
Quelque mois après le Rapport d’Harvard, Jonas avait déjà souligné ce point : aujourd’hui Defanti est d’accord avec lui. Jonas affirmait que redéfinir le critère de la mort afin de résoudre des problèmes moraux était une stratégie douteuse. Ainsi, il écrivait : « La question correcte n’est pas “Le patient est-il mort ?”, mais : “Que faire de lui ”, afin qu’il reste encore un patient ? À cette question on ne peut pas répondre par une définition de mort, mais par une ‘définition’ de l’homme et de ce qu’est la vie humaine. »
Si on analyse le fond du problème, jepense qu’on peut faire remonter l’origine de la question à plusieurs années avant la Proposition du Comité, c’est-àdire à la naissance des techniques de soutien des fonctions vitales de l’organisme, avec une référence particulière au respirateur. Pourquoi, une fois que la mort cardiaque est vérifiée sur la base de lanon-réponse au massage cardiaque, est-il nécessaire de brancher le patient à la ventilation mécanique ? La réponse est simple : « s’il existe une nouvelle technologie, elle doit être utilisée ! » (Impératif technologique). Chaque fois que l’homme découvre ou invente quelque chose, il a le besoin irrésistible de l’employer. Pour comprendre en quoi consiste l’impératif technologique, on peut prendre un exemple banal : le téléphone portable. Il est né comme un moyen de communication afin d’être utilisé seulement en certains cas et par certains catégories de personnes (par exemple quand on voyage beaucoup pour son travail) : mais, aujourd’hui, tout le monde l’utilise et presquetout le monde le possède, et en certains cas il a remplacé le téléphone fixe. Il est devenu une nécessité de notre vie quotidienne. C’est ce qui s’est passé avec le respirateur : il est né comme une opportunité d’être utilisé seulement en certains cas (par exemple pour sauveur des vies de la mort par noyade), mais après il s’est transformé en une nécessité, et on a commencé à l’utiliser danstout les cas d’arrêt cardiaque, en mettant en crise la mort entendue traditionnellement et en créant la nouvelle situation de mort cérébrale.
Si les individus, qui sont frappés par graves lésions cérébrales, n’étaient pas branchés au respirateur, ils mouraient en quelque jour. Leur cœur cesserait de battre spontanément et ainsi, il n’y aurait pas de sens à parler de la mort cérébrale comme d’un nouveau critère pour déterminer la mort. Mais, la sort en était jeté : les hôpitaux étaient pleins d’individus privés des fonctions cérébrales, mais avec le cœur qui battait, grâce à l’utilisation de la technique. L’introduction d’une nouvelle définition de la mort semblait être une solution correcte et rapide. En outre, elle rendait plus simple l’accès à des organes, une ressource très importante pour la naissante médecine des greffes.

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Table des matières
PARTIE 1 UNE APPROCHE GÉNÉRALE DE LA DÉFINITION DE LA MORT
CHAPITRE 1 – APPROCHE CONCEPTUELLE ET PHILOSOPHIQUE
CHAPITRE 2 – APPROCHE SOCIALE ET HISTORIQUE
CHAPITRE 3 – POUR UNE DÉFINITION ADÉQUATE DE LA MORT DE L’HOMME
PARTIE 2 LES DIFFÉRENTES DÉFINITIONS DE LA MORT 
CHAPITRE 4 – LA MORT CÉRÉBRALE
La proposition du Comité d’Harvard
Incohérences internes à laproposition duComité
La nouvelle définition de mort cérébrale était-elle nécessaire ?
La définition de mort cérébrale est-elle une définition adéquate de la mort de l’homme ?
CHAPITRE 5 – LA MORT CORTICALE
Un critère plusconvenable
Critiques à l’adoption du critère cortical dans lapratique
La définition de mort corticale est-elle une définition adéquate pour la mort de l’homme ?
CHAPITRE 6 – RETOUR À LA MORT CARDIAQUE :L’AUTEUR CHANGE D’AVIS
Indétermination de lalimite vie/mort
De l’ontologie à la moralité de lamort
La définition de mort cardiaque est-elle une définition adéquate pour la mort de l’homme ?
PARTIE 3 UNE PERSPECTIVE ALTERNATIVE
CHAPITRE 7 – CRITIQUES À L’AUTEUR
CHAPITRE 8 – UNE POSSIBLE DÉFINITION
CHAPITRE 9 – LA DISPONIBILITÉ DE SA PROPRE MORT
CONCLUSION

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