La culture du toucher kinésithérapique

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Le toucher kinési-thérapeutique

Lorsque la vie d’enfants ou d’adultes est temporairement ou définitivement gâtée par un accident, un traumatisme, une maladie, ce que les institutions officielles appellent des « déficiences entraînant des incapacités et parfois des handicaps », les kinésithérapeutes entrent en scène en proposant une rééducation dite fonctionnelle. Les dictionnaires et le grand public non touché dans son corps définissent la kinésithérapie comme « le traitement de certaines affections de l’appareil de soutien (os, ligaments, articulations) et de l’appareil locomoteur (muscles, nerfs) par des mouvements imposés aux différents segments des membres ou du tronc ».106Boris Dolto s’appuie sur l’origine grecque du terme kinésithérapie pour suggérer que « la kinésithérapie n’est pas un traitement par le mouvement, mais le traitement du mouvement ».107Les décrets relatifs aux actes professionnels et à l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeutes vont dans le même sens puisqu’ils stipulent que « la masso-kinésithérapie consiste en des actes, définis aux articles 3 et 4, réalisés de façon manuelle ou instrumentale, notamment dans un but de rééducation. Ces actes ont pour but de concourir au maintien des capacités fonctionnelles, d’en prévenir toute altération et, dans ce cas, de les rétablir ou d’y suppléer », courant de pensée repris et résumé par I. Komarover pour qui « la kinésithérapie a pour but de redonner au malade une fonction articulaire et musculaire aussi satisfaisante que possible »108.
Aucun doute, il est question de corps, ce corps dont l’entretien revient de droit, historiquement, aux kinésithérapeutes depuis une cinquantaine d’années seulement Mais de quel corps s’agit-il, de quelle kinésithérapie, et de quel toucher ?

Les racines

L’usage « du mouvement en tant que moyen thérapeutique remonte aux temps les plus reculés  »109 écrit L.P. Rodriguez. Les civilisations chinoises, indiennes, du bassin méditerranéen, décrivent des activités perpétrées depuis des millénaires relevant soit de l « exercice physique », exercé par un individu, soit d’un traitement transformant l’activité physique simple en « exercice thérapeutique » avec l’utilisation des mains comme outil privilégié pour obtenir un soulagement. Le plus vieux document connu est le Cong Fou rédigé par des bonzes taoïstes vers 2700 avant Jésus-Christ. Il prescrit l’utilisation du massage et de la gymnastique pour « favoriser l’harmonie entre les facultés intellectuelles et les différentes parties du corps afin que l’âme ait un serviteur fidèle »110 Premières théories d’un corps et d’une âme ne pouvant se mouvoir l’un sans l’autre ? En Inde, depuis très longtemps, des textes préconisent des mouvements et des exercices corporels. L’Ayurveda, datant de 1600 ans avant notre ère, propose des onctions, des frictions et des bains de boue pour purifier l’organisme. En Grèce, les médecins-gymnastes réalisaient des massages à l’huile et au sable. Hippocrate et Galien étaient partisans d’un massage plus préventif que curatif, pour raffermir et relâcher les articulations ou fortifier davantage ses muscles et ses tendons »111. A Rome comme en Grèce, le massage était fort répandu, essentiellement dans un but de mise en forme et de préparation aux jeux du stade, comme il l’est encore de nos jours pour optimiser la mise en condition physique des athlètes avant des compétitions. Puis, curieusement, pendant de longs siècles, l’usage du massage et des exercices physiques sombre dans l’oubli. A la Renaissance, Ambroise Paré consacre certains de ses travaux à l’utilisation de la rééducation en soins post chirurgicaux. Il mentionne l’utilité du massage, mais ne lui attribue qu’une petite part de la thérapeutique. Symphorien Champier, médecin de Charles VIII et de Louis XII, propose d’utiliser le massage uniquement pour le traitement des vieillards, des enfants et des êtres faibles qui sont de toutes façons condamnés. Heureusement le XVIIe siècle apporte une composante révolutionnaire à la théorie de l’entretien du corps par le massage en ouvrant avec Descartes la voie à l’idée d’un corps-machine au service de l’âme.
Si nous examinons les définitions de la kinésithérapie données précédemment, nous pouvons considérer que Descartes est le philosophe de référence pour les kinésithérapeutes. En effet, nombreux sont ceux qui reprennent à leur compte ses affirmations d’un « corps comme machine qui se remue de soi-même »112, comparable à un automate « dont les mouvements que nous faisons sans que notre volonté y contribue (comme il arrive souvent que nous respirons, que nous marchons, que nous mangeons, et enfin que nous faisons toutes les actions qui nous sont communes avec les bêtes) ne dépendent que de la confrontation de nos membres et du cours que les esprits excités par la chaleur du cœur, suivent tout naturellement dans le cerveau, dans les nerfs et dans les muscles, en même façon que le mouvement d’une montre est produit par la seule force de son ressort et la figure de ses roues ».113Ce modèle mécaniste fondant sa compréhension du monde sur « des causalités physiques conçues en lieu et place des causalités miraculeuses jusque là utilisées »114donne corps à l’espace kinésithérapique spécifique de la rééducation par les mouvements, préparés et facilités par le massage et les mobilisations. Espace essentiel s’il en est , prenant soin de ce qui, en chacun de nous, incarne le « niveau le plus élémentaire, qu’on le veuille ou non, de la survie de l’individu et de l’espèce, soif inextinguible de vie »115, ou, comme le dirait Buber, du « Cela éternelle chrysalide »116 , un Cela « sans lequel l’homme ne peut vivre »117.
Descartes a peut-être également, d’une certaine façon, donné naissance au toucher réparateur. Si le corps est une machine que l’on peut contrôler et corriger, l’homme peut donc se croire capable de réparer ses défaillances, surtout s’il a étudié la mécanique anatomique, physiologique et masso-kinésithérapique. Le terme réparation s’associe tout d’abord à l’idée de fonctionnement défectueux et de remise en état de matériel. Le corps « palpé, caché, deviné, spéculatif, supputé, observé, anatomisé, mécanisé, expérimenté, ouvert, fermé, envahi, radiographié, numérisé »118 est celui que le kinésithérapeute a pour mission de réparer, d’autant plus que le chirurgien le lui demande, pour compléter l ‘efficacité de son intervention, et que les patients eux-mêmes l’investissent d’un pouvoir très ambigu, celui de les restaurer à l’identique de la situation antérieure considérée comme leur référence en termes de capacités fonctionnelles. Comment s’étonner alors que certains kinésithérapeutes tombent dans le piège de se penser pour un instant les maîtres du corps, eux qui « ne se contentent pas de pallier la déficience, mais essayent de réparer en créant un autre système qui, avec un support existant, va donner naissance à un nouveau mode de vie »119 d’autant plus que ce processus de réparation implique un double mouvement, non anodin, vers l’autre et pour soi. Dans son action de réparation du corps-machine de l’autre, le kinésithérapeute répond au besoin fondamental qui est, « de toute évidence la sauvegarde de l’unité de l’organisme, somatique et psychique »120. Nous retrouvons la dimension aristotélicienne d’un corps « qui n’est vraiment vivant que si sa matière est informée par une âme, qui l’anime, la meut et la dote d’une fin à atteindre »121, lui pour qui l’âme est la forme du corps, « l’entéléchie première d’un corps naturel ayant la vie en puissance, c’est-à-dire d’un corps organisé »122.
Mais derrière cette façade humaniste globaliste se cache parfois une envie de prise de pouvoir entraînant un problème d’ordre éthique : jusqu’où être rééducateur-réparateur du patient par l’intermédiaire d’un toucher thérapeutique ? Car le kinésithérapeute a effectivement les « moyens tactiles» de réparer, ne serait-ce que par des frictions libérant les tissus sous-jacents des adhérences limitant les mouvements ou par des drainages luttant contre les oedèmes sources d’enraidissement et de douleurs, sans parler de souffrance, chez ces patients atteints de « gros bras » ou d’éléphantiasis » du membre inférieur à la suite d’ablation de tumeurs cancéreuses dans le sein ou la prostate. (peut- être serait-il alors justifié dans ce cas de parler de psychologie de la forme et de thérapie par le retour à une « vraie » forme d’un corps devenu pour certains, patients et kinésithérapeutes, à juste titre, monstrueusement blessant).
Anzieu assigne, nous l’avons vu, trois fonctions à la peau : « une fonction d’enveloppe contenante et unifiante du Soi, une fonction de barrière protectrice du psychisme, une fonction de filtre des échanges »123. Par son holding, la façon dont il soutient, nourrit, étire, assouplit, remodèle le corps-peau, le kinésithérapeute, en posant ses mains sur le corps morcelé, éclaté, difforme, du patient, qu’il appelle d’ailleurs « son » patient, rapproche les berges d’une cicatrice, recrée la continuité interrompue par des plaies, des orifices d’un moi-peau passoire, « Moi-peau passoire où les pensées, les souvenirs, sont difficilement conservés ; ils fuient. L’angoisse est considérable d’avoir un intérieur qui se vide, tout particulièrement de l’agressivité nécessaire à toute affirmation de soi,124 » surtout chez celui qui se sent sans force, sans désir, sans ressort, « avec une jambe inutile », ou « morte », que parfois certains, comme ce champion de triathlon ne supportant pas la paralysie de son bras, préfèrent se faire amputer plutôt que de le subir à vie comme « ce poids inutile.» Ce moi-peau passoire est réceptif à tous les désirs du kinésithérapeute, dont celui de toute puissance masqué par l’invocation de la responsabilité de ses actes envers le patient, la justice et tout simplement lui-même.
Ce désir de puissance peut se concevoir lorsqu’il est un des éléments de la trame du scénario qui se joue en rééducation, où s’affrontent pulsions de vie et pulsions de mort, où la soif de pouvoir n’est qu’ « un moyen d’obtenir la sécurité pour maîtriser toutes les conditions potentiellement douloureuses et d’accéder à toutes les choses utiles et désirables, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de soi-même »,125qu’une dérive pour, en fait, « essayer de contrôler les dangers ressentis en soi », qu’ils soient d’ordre technique, comme par exemple le souci de ne pas aggraver la déficience du patient ( ce qui est tout à fait « facile à faire» avec un drainage de sens, vitesse et intensité mal adaptés) ou d’ordre existentiel comme la peur de la mort ou de la perte de dignité ou d’autonomie. Mais la limite est franchie lorsque le thérapeute utilise la faiblesse et la fragilité tant physiques que mentales de « son » patient pour prendre l’ascendant sur lui et, par exemple, imposer un toucher que l’autre refuserait s’il pouvait le faire…
Et pourtant, le kinésithérapeute devrait savoir qu’il ne répare pas, pas plus qu’il ne permet le retour ad integrum. Il agit, certes, mais le corps n’est pas qu’une belle horloge. Tout comme son propriétaire, il a de la mémoire. Physiologiquement et psychologiquement, les tissus conservent la marque de l’effraction corporelle par le traumatisme ou même par le masseur dont le toucher kinésithérapique peut être douloureux ou parfois trop proche de l’intime. « Toute pathologie, en effet, transforme la totalité du sujet vivant tant sur le plan organique que psychique, de sorte que la maladie est toujours un événement dans une histoire qui marque le sujet dans sa mémoire », et « on ne saurait faire comme si la guérison était une annulation de la maladie »126. Au mieux récupère-t-on ses capacités fonctionnelles, mais ni le corps ni l’esprit ne sont « comme avant ». Cette expérience de l’irréversible dans sa trajectoire est décrite par tous ceux qui vivent ou ont vécu dans et par la rééducation, dont le corps reste plus ou moins marqué par les stigmates d’une lésion physique, comme c’est le cas par exemple de l’écrivain J. Massin qui raconte « il y a toujours en moi celui qui ne veut pas de sa blessure…il n’y a pas une fibre de mon psychisme, de ma sensibilité, de mon érotisme, de ma sociabilité qui ne soit chevillée à mon état d’infirme, dont la vibration n’entraîne par résonance l’écho primordial de mon infirmité »127, ce dont témoigne également J-P. Chevance, lorsqu’il déclare « il peut se produire à certains moments de notre existence une amnésie de notre handicap, mais il est impossible qu’elle soit permanente, d’une part parce que l’on n’accepte jamais la restriction de ses possibilités, et d’autre part parce que la vie quotidienne est semée d’embûches qui nous ramènent bien vite à la réalité… Retrouver un corps performant, harmonieux, érotique et érogène, est la préoccupation majeure du sujet handicapé. Cette réparation du corps est une quête inlassable, une espérance souvent anéantie et refusée comme telle. Cette espérance envahit tout le monde : la personne elle-même, sa famille, ses amis, les soignants, voire même la société »128. Ne pas se résigner à faire une croix sur une possible réparation ? Envisager un horizon d’avenir différent, parfois malgré tout très beau, avec un corps réparé ou non réparé ? Tel est souvent hélas le peu de marge de manœuvre restante, sachant que de toutes façons, quoi que fasse le chirurgien, avec la pose de sa petite graine de métal dans le genou, la hanche, le cerveau, et quoi que fasse le kinésithérapeute, avec son toucher «non magique » thérapeutique, le corps se répare quand il le décide, à partir du moment où, évidemment, les soignants ont été des facilitateurs, des passeurs mettant en place les conditions pour que la guérison advienne, pour que le miracle de la vie puisse se produire, et ainsi donner raison à la biologie qui constate que l’organisme « est capable de processus surprenants d’autoconservation, d’autoconstruction, d’autoréparation qui défient la première pensée mécaniste »129.

Les premiers pas du toucher kinésithérapique

Le XVIIIè siècle n’apporte rien de plus à notre analyse, contrairement à la période suivante correspondant au passage du XVIIIè au XIXè siècle. Avec « la professionnalisation du corps »138 officialisée par des embryons de lois et de diplômes ayant à cette époque pour objectif de compléter la qualification des pratiquants du toucher kinésithérapique et de leur faciliter l’accès à un métier, objectif autant économique que social puisqu’ établi pour, à l’origine, assurer un meilleur suivi kinésithérapique à la population , nous pouvons pour la première fois parler de la naissance d’une profession en tant que telle.
Le terme de kinésithérapie apparaît en 1847. Il recouvre les techniques de massage et de la gymnastique médicale. La création des premières écoles d’infirmières
Paris et à Lyon concourt dès 1861 à la formation du personnel des hôpitaux avec des programmes communs d’enseignement comprenant la gymnastique médicale et le massage. Le métier de masseur se professionnalise peu à peu sous l’impulsion de médecins, gymnastes, handicapés visuels et autres auxiliaires médicaux avant d’être de nouveau abandonné « à des gens incompétents, garçons de bain des stations d’eau, garçons de salle des hôpitaux, anciens gardes-malades, qui, d’une main ignorante, pétrissent avec d’autant plus d’assurance qu’ils en savent moins ».139 Le pire côtoie le meilleur. Le 29 mars 1910, le troisième Congrès International de Physiothérapie à Paris rappelle que « le massage médical et plus généralement la kinésithérapie, ne pourra être exercé que par des personnes ayant obtenu le diplôme de docteur en médecine et que pour savoir bien masser il faut être médecin, savoir son anatomie, la physiologie, la pathologie, avoir acquis par une longue expérience une finesse de tact et une résistance de la main à la fatigue ».140 Si « savoir bien masser » consiste à savoir rendre un corps robuste, le fortifier, « préparer le garçon à son rôle de soldat et d’ouvrier, et la fille aux soins du ménage et aux ouvrages de femmes »141, le massage devient alors un outil au service de la nation, ou de la bourgeoisie, et tous les corps-objets, sous prétexte de ne plus être confiés à des charlatans, se retrouvent sous la coupe d’une minorité en mal de pouvoir, asseyant sa légitimité sur une compétence ressemblant étrangement à une sorte de techné telle que décrite par Aristote, « degré intermédiaire entre l’expérience et la science »142, où se mêlent l’expérience fort utile aux médecins-kinésithérapeutes puisque « il s’ensuit que, si le médecin ne possédait que la notion rationnelle, sans posséder aussi l’expérience, et qu’il connût l’universel sans connaître également le particulier, il courrait bien des fois le risque de se méprendre dans sa médication, puisque, pour lui, c’est le particulier, l’individuel, qu’avant tout il s’agit de guérir »143 et le savoir, très utile lui aussi puisque « savoir les choses et les comprendre est à nos yeux le privilège de l’art bien plus encore que celui de l’expérience ; et nous supposons que ceux qui se conduisent par les règles de l’art sont plus éclairés et plus sages que ceux qui ne suivent que l’expérience seule, parce que toujours la sagesse nous semble bien davantage devoir être la conséquence naturelle du savoir »144.
Cette évolution du massage-utilitaire se précise en 1914, lorsque « la mécanothérapie et le massage apportent un début de réponse à la nécessité impérieuse de ne pas diminuer les effectifs humains et de rechercher des moyens pouvant accélérer la réadaptation des très nombreux blessés de la première guerre mondiale »145. Des statistiques confirment le rôle important de la kinésithérapie, puisque, selon les autorités militaires, « 80% des blessés peuvent retourner au front, pour les autres, les taux d’invalidité sont notablement inférieurs à ce qu’ils auraient été sans rééducation. »146 La Nation a de ce fait un devoir de reconnaissance envers le personnel soignant et les législateurs décident d’adapter la réglementation à la réalité. En 1924, sous l’action conjuguée des aveugles et des responsables d’écoles, le diplôme d’Etat d’infirmier masseur aveugle et d’infirmier masseur est instauré. Qu’en aurait pensé Aristote, lui pour qui « ce que perçoit la vue, c’est le visible. Or est visible, la couleur d’une part…c’est-à-dire ce qui se trouve à la surface des objets qui sont visibles de soi et qui le sont de soi, non parce que cela tient à leur raison, mais parce qu’ils contiennent en eux un motif de visibilité. Or la couleur est invariablement l’agent susceptible d’imprimer un mouvement à ce qui est actuellement transparent : c’est cela sa nature. »147
Le 15 janvier 1943, une loi instituant un brevet de masseur médical modifie le titre d’infirmier-masseur et instaure l’indépendance des futurs kinésithérapeutes en précisant que nul ne peut porter le titre de masseur médical s’il n’en possède le brevet et que nul ne peut exercer la profession s’il n’en a le titre. Enfin, le 30 avril 1946, est promulguée la loi consacrant la création d’un diplôme d’Etat spécifique de masso-kinésithérapie. Le toucher kinési-thérapeutique va pouvoir prendre corps…

La spécificité kinési-thérapeutique

Les kinésithérapeutes diplômés sont désormais porteur d’un savoir thérapeutique reconnu, dont seul l’aspect tactile va être abordé dans ce travail. Pour être encore plus précis, nous nous intéresserons dans les paragraphes suivants au toucher très spécifique qu’exigent le massage et la mobilisation passive en kinésithérapie, étant bien entendu que les kinésithérapeutes pratiquent, ou devraient le faire, avec une main dont le toucher est aussi énergétique, holiste et relationnel que celui des autres soignants évoqués précédemment. Mais tous les autres thérapeutes massent ou touchent un corps sain (machine ou non, peu importe). Le kinésithérapeute, lui, a le privilège de pouvoir et savoir s’occuper d’un corps indemne de lésion et d’un corps physiquement, matériellement, abîmé, ce qui en fait le thérapeute manuel du corps humain, ce corps qui peut faire mal, être raide, dont les tensions musculaires entravent la mobilité, la perte de sensibilité profonde la stabilité, etc. Descartes comparait la machine corporelle malade « à une horloge qui se détourne de sa nature, lorsqu’elle ne marque pas bien les heures »148, dont la cause du dérèglement est une déficience que l’on peut objectiver. Il avait raison, car notre corps est comme une horloge, parfois hypersophistiquée, qui « dit oui, qui dit non », mais horloge tout de même, dont la nature est la fonction, et dont le fonctionnement peut à tout moment dérailler. Heureusement que le kinésithérapeute a d’abord une approche mécaniste « qui a le mérite d’objectiver des maladies, de favoriser une meilleure connaissance des déficiences de l’organisme et de rendre possibles des thérapies efficaces pour des pathologies déterminées »149 ! (Thérapies qui seront d’autant plus efficaces qu’elles seront appliquées non pas à des pathologies, mais à des patients présentant ces pathologies).
L’article 3 du décret relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute met en exergue cette approche considérée à tort comme chosiste »150 dans sa définition du massage, acte kinésithérapique s’il en est : « on entend par massage toute manœuvre externe, réalisée sur les tissus, dans un but thérapeutique ou non, de façon manuelle ou par l’intermédiaire d’appareils autres que les appareils d’électrothérapie, avec ou sans l’aide de produits, qui comporte une mobilisation ou une stimulation méthodique, mécanique ou réflexe de ces tissus. »
Il est exact que, d’après ce texte de loi, le massage est effectué sur des tissus, et non sur un corps, ce qui brise non seulement l’unité corps-âme, mais la forme même de ce corps, qui devient pour le coup un mécanisme « dont on peut isoler des ensembles physiologiques et les traiter comme des systèmes autonomes dotés de lois »151. Ce massage légalement défini comme ultra-mécaniciste, qui morcelle l’individu au lieu de le réunifier, est cependant interprété par la plupart des professionnels comme devant.
Descartes, Méditations physiques, op., cit.,VI être, en réalité, un massage du tissu cutané, musculaire, ligamentaire, certes, mais aussi et surtout un massage analytique « d’une partie du corps », en général celle où se situe la lésion, les plus astucieux exécutant des manœuvres globales débordant largement en amont et en aval de la région ciblée, la considérant comme faisant partie d’un ensemble fonctionnel non saucissonnable. Cette démarche de recherche de précision dans le massage et les mobilisations est à l’origine de la réputation que médecins et autres thérapeutes taillent aux kinésithérapeutes. Ceux-ci deviennent les spécialistes du massage d’une « zone » et non d’un individu, contrairement aux psychomotriciens par exemple lors de la rééducation d’un enfant cancéreux, et sont intégrés dans une équipe soignante en tant que garants d’une « kinésithérapie qui aura plutôt une approche analytique de la douleur de l’enfant, alors que la psychomotricité aura une approche globale du patient »152. Il est incontestable que nombreux sont ceux dont le comportement engendre de telles croyances, mais il est également tout aussi incontestable que pour réparer un système, y compris humain, il est souvent nécessaire et préférable de procéder partie par partie avant de reconstituer le tout. C’est, en tous cas, l’avis des kinésithérapeutes soucieux justement non pas d’un morceau de corps mais d’une personne dont une partie du corps requiert, à un moment donné, une attention et un soin kinésithérapique tout spéciaux, pour être ensuite capable, à nouveau, d’avoir et d’être un corps.
Le texte stipule également que ces manœuvres sont réalisées par un agent extérieur, qui ne peut donc pas ressentir comme « son » patient les composantes émotionnelles de la situation de massage, même s’il a expérimenté une situation apparemment semblable ou pire. Il n’est pas le corps de l’autre ce qui, d’après certains psychologues, facilite une prise de recul et une distanciation supposées être bénéfiques pour le patient et pour le thérapeute et qui, pour d’autres, est au contraire un frein à une relation de compréhension et/ou d’empathie parfois bien utiles… Mais ce kinésithérapeute externe apprend à connaître le corps de l’autre par l’intermédiaire de ses mains qui le renseignent sur l’élasticité de la peau, les zones douloureuses, la température des tissus cutanés, le degré de tension des muscles sous-jacents. Ce corps extérieur étranger lui devient connu, à défaut d’être vécu, et peut, dans le meilleur des cas, se rapporter aux modèles des corps machines étudiés, comme nous le reverrons, dans les livres ou sur d’autres vivants, lui permettant alors d’envisager un massage à visée antalgique, circulatoire ou musculaire dans une relation de Je-Cela porte d’entrée la relation Je-Tu, étape absolument fondamentale dans un suivi kinésithérapique, non pas pour décorporéïser le corps, mais pour au contraire l’apprivoiser et lui rendre sa dignité de corps humain fonctionnel…
Le massage est ensuite défini comme ayant un but, thérapeutique ou non. D’un point de vue légal, sont considérés comme non thérapeutiques les massages dits « hygiéniques », c’est-à-dire à visée esthétique (lutte contre les kilos superflus, la cellulite…), sportive (préparation à un effort, à une compétition…), et en général tous les massages favorisant l’obtention d’un bien-être psychique et physique en l’absence de pathologie déclarée. Les autres massages, qualifiés de thérapeutiques et exclusivement réservés aux kinésithérapeutes153, relèvent d’objectifs non précisés dans le texte de loi, et qui sont pourtant très clairement posés dans les manuels de massage et par les enseignants en massokinésithérapie. A titre d’exemple, M. Dufour consacre deux pages dans les généralités de son livre Massages et Massothérapie aux « Buts et rôles du massage »154, et quinze pages sur « Les effets du massage »155 (ce qui revient au même puisque l’on recherche ce dont on connaît les effets). La comparaison avec les médicaments s’impose immédiatement. Prenons l’exemple d’un massage d’une patiente lombalgique, à visée antalgique. Chirurgiens et médecins prescrivent des antalgiques, ce qui paraît logique, puisque « la douleur réclame des soins, des antalgiques »156, la douleur étant généralement « plutôt d’ordre physique ou physiologique »157, mais prescrivent aussi, de plus en plus souvent, et de plus en plus tôt, dès que l’état de « crise aigüe » est passé, des séances de kinésithérapie. Comme l’écrit M. Dufour, « la spécificité de la masso-kinésithérapie n’est pas l’antalgie, les médicaments font cela bien mieux…la vraie question est : où est la spécificité du Rappel: “nul ne peut exercer le massage dans un bu t thérapeutique s’il n’est titulaire du diplôme de masseur-kinésithérapeute ». Décret de compétences massage ? »158 La réponse à cette question nécessite de s’arrêter un instant sur les effets d’un contact main- corps par rapport à un contact chose(les médicaments du médecin)-corps. Les anti-inflammatoires et les antalgiques agissent rapidement et efficacement par l’intermédiaire d’une régulation chimique interne, mais présentent de nombreux inconvénients par rapport à la main humaine. Le fait qu’ils soient mal supportés à cause de leurs effets secondaires n’est pas un argument car un massage peut également provoquer des désagréments, en particulier entraîner des réactions neuro-végétatives plutôt désagréables.

Le toucher programmé

Cadre historique

C’est en 1936 que le diplôme d’état de masso-kinésithérapie est créé, dont la préparation est confiée à partir du 30 avril aux premières écoles de masso-kinésithérapie à la Salpétrière, puis à Lariboisière. Un véritable engouement se produit, et le nombre de diplômés triple en dix ans. Cette croissance trop rapide, l’enseignement trop succinct dispensé par des non professionnels, l’emploi non garanti la fin des études, conduisent les syndicats à modifier l’organisation des études en masso-kinésithérapie afin de maintenir le niveau souhaité.
C’est pourquoi le 25 juillet 1967, un décret institue un certificat de masseur-kinésithérapeute moniteur (MKM) qui permet de former un corps d’enseignants spécialisés pour assurer la qualité de l’enseignement. Parallèlement, le 28 mars 1969, la durée des études est portée à trois ans, ce qui favorise l’approfondissement des connaissances données et demandées aux étudiants.
Des décrets successifs sont ensuite adoptés, dont celui du 6 septembre 1976 créant le certificat de moniteur-cadre de masso-kinésithérapie (MCMK), transformé par la suite en diplôme de cadre de santé (CDS).
Des écoles de cadres ont pour mission de former des moniteurs, puis des cadres, sachant à la fois administrer et gérer un service hospitalier, et enseigner dans les écoles de kinésithérapie rebaptisées en 1990 Instituts de Formation en Masso-kinésithérapie.
Les études de masso-kinésithérapie sont actuellement organisées par le décret numéro 89-633 du 5 septembre 1989 modifiant le décret du 29 mars 1963 relatif aux études préparatoires et aux épreuves du Diplôme d’Etat de masseur-kinésithérapeute. D’après ce texte, ces études comprennent des enseignements théoriques et des stages cliniques. L’objet de cette recherche portant sur l’apprentissage du toucher en Institut de formation initiale, seuls nous intéresseront les enseignements qualifiés de théoriques, répartis en cours magistraux, travaux dirigés et travaux pratiques. Notons dès à présent l’ambiguïté du terme enseignement théorique puisque des travaux de pratique sont considérés comme théoriques car effectués à l’institut et non pas sur le lieu de stage ! Le toucher requis pour l’apprentissage du massage et de la mobilisation passive manuelle, pratique s’il en est, est délivré dans les modules 4 en première année, et 1 en deuxième année. Ces deux modules, intitulés « masso-kinésithérapie-technologie » ont pour objectifs annoncés « l’acquisition des techniques fondamentales et le développement des capacités d’habileté manuelle, gestuelle et de palpation » pour le module 4, et de « poursuite de l’apprentissage par l’affinement du geste thérapeutique et acquisition de techniques » pour le module 1.
Une brève analyse de contenu de ce texte ministériel fait apparaître une dimension cognitive très nette dans les intentions pédagogiques des décideurs de programme au sens où B.S. Bloom l’entend : « rappels de connaissances portant sur le développement des habiletés et des capacités intellectuelles ».191
Mais de quelle connaissance tactile s’agit-il ?
De quelle habileté masso-kinésithérapeutique ?
De quelle intelligence du toucher ?

L’école du toucher

Arpèges et solfège : le toucher technique

Les grilles d’évaluation reflètent exactement l’esprit dans lequel le toucher est enseigné par certains « formateurs » en Institut de formation initiale, et « appris » par les étudiants soucieux de devenir et d’apparaître virtuoses efficaces du massage et de la mobilisation manuelle. Car tel est le projet-visée de ces étudiants, leur ambition affichée dès l’entrée en première année. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils attendent du module 4, ils répondent sans hésiter : « apprendre à masser, apprendre à savoir comment masser, apprendre à devenir bon en massage, apprendre les techniques de massage ».
Pour eux, tout comme pour le grand public, le kinésithérapeute est avant tout un technicien du massage, un spécialiste de la mobilisation, un professionnel qui ne masse pas « comme un zozo », mais qui est le garant d’une technique sérieuse et d’une compétence que les textes lui accordent puisque le massage thérapeutique lui est exclusivement réservé.
Mais qu’entendent les enseignants et les étudiants par « savoir » masser ?
De quelle technique du toucher kinésithérapeutique se réclament-ils ?
L’évolution des techniques en kinésithérapie est considérable et incontestable. Dans le champ du toucher à proprement parler, le massage «classique » (six grandes familles de manœuvres pour quelques objectifs allant du massage antalgique au massage circulatoire en passant par le massage de relâchement) s’enrichit de techniques supplémentaires telles que les techniques myotensives, le drainage lymphatique manuel, etc. Toutes ces techniques sont regroupées sous le vocable de « technologie de base » lorsque sont évoqués l’ensemble des procédés techniques, des méthodes, des savoirs et des outils propres (la main) à un toucher kinésithérapique. Le terme « techniques de base » est réservé au savoir-faire dont la mise en œuvre permet d’obtenir volontairement un résultat donné, une application conforme à un ensemble de normes et de règles d’action codifiées par les pairs.
Force est de constater qu’ « aujourd’hui, la palette d’outils techniques a explosé ainsi que son champ d’application »199. De plus, le statut du kinésithérapeute a également évolué : « en 1946, le masseur-kinésithérapeute était considéré comme un technicien à qui l’on demandait d’appliquer des techniques prescrites et élaborées par d’autres, les médecins. Aujourd’hui, le masseur-kinésithérapeute conçoit ses actes, choisit ses techniques et les évalue »200. Les prescriptions de rééducation rédigées par les médecins sont d’ailleurs un bon exemple de cette liberté d’action gagnée à force de revendications des kinésithérapeutes, puisque, contrairement à ce que de nombreux praticiens pensent, le type d’actes et le nombre de séances à effectuer sont laissés à l’initiative des rééducateurs et ne doivent pas figurer sur les ordonnances de séances de kinésithérapie.

La culture du toucher kinésithérapique

Cette évolution justifie l’importance accordée dans les Instituts de formation à l’apprentissage des techniques de base en pratique et en théorie, l’idée d’école étant liée à celle de savoir, savoir-faire et savoir-toucher.
Nous pouvons à juste titre parler d’apprentissage d’un savoir-toucher traditionnel permettant d’obtenir un résultat donné et anticipé, et donc d’un apprentissage de technique du toucher si, comme M. Mauss, nous « appelons technique un acte traditionnel efficace. Il n’y a pas de technique et pas de transmission s’il n’y a pas de Kinésithérapie Scientifique n 454, avril 2005, p19.. 200Kinésithérapie Scientifique,op. cit., p. 19. tradition »201. D. Folscheid fait remarquer que « toute tekhnè s’inscrit dans un travail civilisateur (littéralement créateur de cité), qui instaure un ordre en équilibre mouvant, dont les normes ne sont pas issues de la nature naturelle extérieure mais de sa combinaison avec les activités humaines et les significations qu’elles engendrent »202, et nous reverrons comment cette tekhnè là témoigne parfaitement des pratiques « où l’expérience semble se confondre avec l’art »203 dans la culture estudiantine des futurs kinésithérapeutes. Nous avons vu dans le chapitre I que le massage est une pratique remontant aux temps les plus reculés, .mais c’est au XVIIe siècle, pour la première fois, que plaisir et santé sont mêlés. Le plaisir, le plus souvent conçu négativement depuis Platon qui dénonçait son caractère illusoire et tyrannique, n’est néanmoins pas recherché comme couronnement de l’action à cette époque. Aujourd’hui, non seulement le plaisir est, en rééducation, un incontournable moteur pédagogique, tout comme il l’est en formation dans l’apprentissage du toucher, mais il est, nous le reverrons dans un chapitre ultérieur, ce qui nous indique ce que nous devons faire et « détermine ce que nous allons faire »204, parce que « c’est à partir du plaisir que nous commençons à choisir et refuser »205.
Le XVIIIe siècle donne lui aussi corps à un concept nouveau très important pour l’évolution de l’histoire de la kinésithérapie, et, à mon avis, pour l’histoire de l’apprentissage du toucher en Institut : les bienfaits de l’endurcissement du corps par l’exposition volontaire au mal. L’éducation très physique prônée par Rousseau (« il y a une habitude du corps convenable aux exercices…ceux qui vont et viennent, au vent, au soleil, à la pluye, qui agissent beaucoup et passent la plupart de leur temps sub dio doivent être toujours vêtus légèrement, afin de s’habituer à toutes les vicissitudes de l’air et à tous les degrés de température sans en être incommodés »206), est synonyme pour de nombreux patients, rééducateurs et étudiants kinésithérapeutes de maîtrise du corps et efficacité des techniques employées. Si on transpose cette idée de fortifier le corps pour mieux l’aguerrir et affermir le tempérament au domaine de l’apprentissage du toucher, on comprend pourquoi les étudiants n’hésitent pas à essayer des frictions douloureuses et agressives sous couvert de les tester, et malheur à celui qui se plaindrait puisque sous prétexte d’apprendre, tout semble permis, y compris l’entraînement et la répétition de ces techniques légitimées par l’objectif d’apprentissage… Si en plus l’enseignant estime « qu’il n’y a pas de mal » à s’entraîner, au contraire, et que c’est en refaisant le geste qu’on l’améliore, et que « ce n’est qu’un mauvais moment à passer mais il faut savoir ce que l’on veut », il est évident que bien peu de personnes trouveront à redire à ce genre de pratiques d’apprentissage du toucher antalgique ! Nous ne sommes pas très éloignés de la multiplication des épreuves physiques imposées à soi-même directement ou indirectement par l’intermédiaire d’un kinésithérapeute tiers pour nous permettre d’obtenir un corps robuste et luxuriant capable d’affronter les épreuves de la vie, ni de l’organisation délibérée d’épreuves pour se surpasser, vivre des sensations extrêmes d’homme fort au corps endurant, bravant le désagrément de techniques agressives pour devenir un professionnel du massage et un étudiant modèle…
C’est ainsi que se transmet une culture du toucher coïncidant avec une acculturation insidieuse mais très prégnante. C’est ainsi que se diffuse dans les écoles un savoir faire que nous pourrions presque appeler tekhnè, dans sa composante de pratiques utilitaires (les « habiletés » requises dans le module 4), et dans sa dimension de beaux-arts (gestes harmonieux, synchronisés…). Ce toucher-tekhné enseigné et appris porte en lui son questionnement d’utilité et d’efficacité puisqu’il est relié à une théorie du toucher et à une évaluation pratique de ses effets. Les enseignants en massage consacrent plusieurs heures en amphithéâtre à dicter les effets mécaniques, physiologiques et psychologiques des manœuvres qu’ils ont fait découvrir aux étudiants en travaux pratiques, se référant aux recherches sur le massages tendant à justifier et prouver « scientifiquement » les conséquences de celui-ci, quitte à regretter que justement les effets souhaités ou observés ne soient pas démontrés ! M. Dufour écrit par exemple que « il semble raisonnable d’attribuer les effets décontracturants du massage aux multiples circuits nerveux inhibiteurs et activateurs d’origine cutanée, musculo-tendineuse et aponévrotique », « selon Sullivan, l’effet est obtenu de manière sélective sur le muscle que l’on pétrit puisqu’il n’est pas retrouvé lorsque l’on masse le triceps sural controlatéral », « dans le même esprit, il a été montré récemment par Morelli, Sullivan et Goldberg que des manœuvres de pétrissage, d’effleurage et de pressions glissées, appliquées au muscle triceps sural, entraînaient une diminution du réflexe de Hoffman, grâce à la stimulation des boucles de régulation de l’excitabilité motoneurales alpha ». Il écrit aussi dans le même chapitre de son ouvrage considéré comme très sérieux « on peut conclure avec Viel sur l’hypothétique effet stimulant du massage sur la contraction musculaire : rien n’est prouvé »207.
Savoir théorique et savoir pratique, ce toucher technique semble donc bien être une tecknè d’après la définition qu’en donne J. Lombard : « la tecknè est d’emblée si on peut dire, un savoir pratique, et en cela un authentique savoir »208. Les étudiants apprentis semblent également être sur la bonne voie puisque ils tentent de maîtriser la tecknè d’Aristote, « disposition à produire accompagnée de règle »209, qui permet au médecin de guérir, et au kinésithérapeute de rééduquer.

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Table des matières

Chapitre Premier. Le toucher professionnalisé
I. Prélude
La figure du toucher
Le massage et l’aventure de la vie
Le moi-peau
Le massage et l’harmonisation des complémentarités
Sensitives
D’un toucher à l’autre
II. Le toucher thérapeutique
Un toucher de spécialistes
Quelques touchers dits thérapeutiques
Le toucher énergétique
Le toucher holistique
Le toucher relationnel
Le toucher kinési-thérapeutique
Les racines
Les premiers pas du toucher kinésithérapique
La spécificité kinési-thérapeutique
Toucher au handicap
Un toucher mobilisateur
Chapitre II. Le toucher délivré
I. Le toucher programmé
Cadre historique
Le toucher normé
II. L’école du toucher
Arpèges et solfège : le toucher technique
La culture du toucher kinésithérapique
III. Ces mains qui sont les nôtres
Formes et contours
Mains-outils
Mains-organes
IV.L’émergence d’un moi tactile
La main-corps propre
La main-image
La main-intelligence
L’acte de toucher
La main du sujet voulant
La main-vécue
V. L’expérience du monde du toucher
Au contact de corps réels
La main médiatrice
L’empire des sens
Philosophie empirique et apprentissage du toucher
Percevoir le toucher
Savoir sensitif et neurosciences
VI. Une praxis éducative du toucher
Approches neurophysiologiques de l’apprentissage moteur
L’expérience en première personne
Expérience et éducation passive
Expérience et activité créatrice du jugement
Expérience et émergence d’un Je-au monde pensant
Chapitre III. L’étudiant en risque
I. Situations et faits de risques
Incidents et accidents d’apprentissage pratique
La notion de risque
Le risque dans l’histoire
Le toucher-danger
Toucher risqué et éthique
II. La non-conscience des conséquences du toucher
Etudiants risqueurs
Etudiants craintifs
Etudiants sans craintes
Etudiants prêts au risque
L’absence de conscience visuelle et tactile
L’approche du toucher
Perception sans aperception?
Normalité et altération de la conscience
Normalité et conformité aux règles
Le « risque moyen »
Croyances et normalité dangereuse du toucher
Quand toucher c’est faire
L’étudiant acteur des effets de son toucher
Responsable de son toucher
Chapitre IV. L’éveil d’une conscience pratique du toucher
I. Prendre conscience du toucher
L’intentionnalité du toucher
La conscience active du toucher
La conscience réflexive
Le Je pensant
II. Esquisse d’une pédagogie de la prise de conscience du
Je-touchant
Un toucher individuel réfléchi
La mémoire du toucher
Le toucher entendu
L’entendement et le toucher
Conditions a priori du toucher
Les catégories de l’entendement tactile
III. Le toucher moral
La volonté de toucher
La volonté-arbitre
La volonté bonne
Le sens moral des étudiants en kinésithérapie
La prise de conscience morale du toucher
Vivre bien en Institut
L’étudiant expérimentateur
Une pédagogie d’apprentissage du toucher risquée
Une Ethique de l’apprentissage du toucher en Institut
Chapitre V. La passion du toucher
I. Les étudiants touchés
Mosaïque conceptuelle
Effusions émotionnelles
Au commencement était la joie
Craintes et doutes
Amour et Admiration
Lorsque l’Orgueil paraît
II. L’émotion aux portes du danger
La peur de toucher
Le vertige du toucher
Le toucher ordalie
Un toucher grisant
L’ivresse au royaume des étudiants
Une ivresse tactile dionysiaque
L’esprit dionysien dans le toucher risqué
III. Triple concerto pour sensation, raison et émotion
L’éclosion de la conscience émotionnelle sensorielle
La première fois
Les signaux sensoriels
L’expérience émotionnelle du moi pensant
La boucle émotionnelle physiologique en son entier
La mémoire émotionnelle des étudiants apprentis
d’un toucher risqué
Emotion et raison
Des émotions fonctionnelles
Le toucher suspendu
Désir-émotion, motivation et décision
Dans la chaleur de l’action
Allégro final
Un toucher joyeux
Un toucher de lumière et d’enthousiasme
Conclusion et Perspectives
Bibliographie

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