La Cour de Bourgogne à Paris, 1363-1422

Le duc Jean sans Peur « print conseil avecques ses féaulx sur ceste matiere. Lesquelz lui conseillèrent qu’il seroit bon qu’il se traisist au plus tost qu’il pourroit bonnement, vers le Roy et son grant conseil, afin que lui estant présent il peust mieulx poursuivir les besongnes en sa personne que ne pourroient faire ceulx qu’il y envoioit. Auquel conseil il se accorda assez légèrement, et fist ses préparatifs pour y aler au plus tost qu’il pourroit » . Enguerrand de MONSTRELET, La Chronique d’Enguerran de Monstrelet, éd. L. DOÜET D’ARCQ, Paris, Vve J. Renouard, 1857, t. I, p. 98.

Le gouvernement du royaume de France au tournant des XIVe et XVe siècles s’appuie sur les princes des fleurs de lys, proches parents du souverain pourvus d’apanages ou de grands fiefs, qui siègent au conseil et peuvent se faire les auxiliaires, ambassadeurs ou lieutenants du roi, en même temps qu’ils gouvernent leurs principautés. Ces princes passent ainsi une part non négligeable de leur temps auprès du souverain, dans la capitale, où la plupart disposent de demeures « pour à leur aise là avoir leur retour » . Outre le service du roi, les attirent également les aménités de ce qui est alors la plus grande ville d’Occident .

Parmi ces princes, Philippe le Hardi (1342-1404), quatrième et dernier fils de Jean II le Bon, est institué en 1363 duc de Bourgogne , ce qui fait de lui le premier pair de France. Il voit sa position renforcée par son mariage en 1369 avec Marguerite de Male, héritière des comtés de Flandre, d’Artois et de Bourgogne, qui lui assure de disposer à terme des ressources de ces riches territoires. Par ailleurs, le duc de Bourgogne acquiert une place primordiale dans le gouvernement du royaume en 1380, à la mort de son frère Charles V, lorsqu’il prend en charge de fait la tutelle de son jeune neveu Charles VI, puis à nouveau à partir de 1392, lorsqu’après une courte période de gouvernement personnel le roi est frappé de la première des crises de folie qui impriment par la suite leur marque sur le reste de son règne . Philippe le Hardi joue donc un rôle majeur dans le gouvernement de la France aux moments où l’autorité royale faiblit, et après lui son fils, Jean sans Peur (1371-1419) et son petit-fils Philippe le Bon (1396- 1417), s’emploient à renforcer la puissance de la principauté bourguignonne, à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume de France.

La construction politique bourguignonne et ses développements institutionnels ont fait l’objet de nombreuses recherches, qui s’insèrent dans le courant historiographique de l’étude des principautés tardo-médiévales et des interrogations autour de la naissance des États . Si ces recherches ont pris pour cadre les entités géographiques qui composent la principauté bourguignonne , l’action du duc de Bourgogne n’est pourtant pas confinée aux terres qui se trouvent sous sa domination. Son action au sein du royaume de France et du gouvernement royal est même si importante que de nombreux auteurs ont noté que le temps de présence de Philippe le Hardi à Paris était considérable : à partir de 1380, il passe plus de la moitié de chaque année à Paris, et davantage encore dans les dernières années de sa vie . Cette constatation, alliée à un intérêt renouvelé de l’historiographie pour les structures politiques et les mécanismes du pouvoir, explique que l’attention se soit portée sur la place des princes dans le gouvernement du royaume. L’action parisienne des ducs de Bourgogne a particulièrement été mise en lumière par des études portant sur la crise politique qui secoue le royaume de France au début du XVe siècle .

LIEUX ET FORMES DE LA PRÉSENCE DU DUC DE BOURGOGNE À PARIS

Pendant les soixante premières années de la dynastie Valois de Bourgogne, les ducs ont moins résidé à Dijon et dans le duché de Bourgogne qu’à Paris et en Île-de-France . Cette situation est liée à l’importance que revêt dans l’exercice du pouvoir, à la fin du Moyen Âge, la proximité du roi, qui se trouve la plupart du temps à Paris et dans sa région, d’autant que la minorité puis la folie de Charles VI ont donné à Philippe le Hardi, et après lui à Jean sans Peur, l’occasion d’exercer une influence déterminante sur la personne et le gouvernement royaux. Cette influence et cette proximité sont également nécessaires dans la mesure où les dons royaux représentent une part importante des ressources financières des ducs .

Les itinéraires ducaux permettent d’apprécier la place de Paris et de la région parisienne dans les déplacements de Philippe le Hardi puis de Jean sans Peur . Les trajets empruntés par les ducs pour rallier leurs principautés de « par deçà » et de « par delà » traduisent le rôle central de Paris : bien que le trajet le plus court et le plus direct entre Flandre et Bourgogne passe par la Champagne, ce n’est que très exceptionnellement que les ducs l’empruntent, préférant quasiment systématiquement faire un crochet par Paris . Une approche quantitative des séjours met elle aussi en valeur le poids de Paris . Ainsi, jusqu’en 1369, date de son mariage avec Marguerite de Male, les séjours de Philippe le Hardi à Paris, avec son frère Charles V, sont longs et fréquents : il passe en moyenne 35% de son temps, soit plus de quatre mois par an à Paris. Après le mariage flamand, les territoires du Nord entrent dans les itinéraires ducaux, et la part réservée à Paris diminue : entre 1370 et 1379, Philippe le Hardi ne séjourne que 11% de son temps à Paris en moyenne, soit à peine plus d’un mois par an. Le minimum est atteint en 1379, année au cours de laquelle le duc ne passe que treize jours dans la capitale. À compter de 1380, Paris retrouve une place importante dans les itinéraires ducaux : Philippe le Hardi y passe en moyenne 18,5% de son temps entre 1380 et 1394, et 40% de 1395 à 1404, dans les dix dernières années de son principat, soit respectivement plus de deux mois puis près de cinq mois par an en moyenne . En définitive, sur l’ensemble de son principat, Philippe le Hardi passe en moyenne 24% de son temps à Paris, soit près de trois mois par an.

Jean sans Peur fréquente encore davantage la capitale du royaume : de sa prise de pouvoir à 1413, année qui marque le début d’une longue absence, il est en moyenne plus de cinq mois par an à Paris, et lorsque les portes de Paris lui sont ouvertes, en juillet 1418, il se réinstalle à Paris jusqu’à la fin de l’année. La prise en compte de la période 1413-1418 dans le calcul fait cependant tomber la part des séjours à Paris à 29% de la durée du principat, mais ce chiffre ne reflète pas la réalité de l’exercice du pouvoir du duc Jean, qui passe en moyenne 43% de son temps à Paris lorsque la capitale lui est accessible. La rupture est nette avec son fils, Philippe le Bon, qui, sur les quatre années de son principat considérées par notre étude (1419-1422) ne séjourne au total que 89 jours à Paris, soit 22 jours par an en moyenne . Le séjour le plus long est effectué au cours de l’année 1422 : Philippe le Bon passe alors vingt deux jours dans la capitale en janvier, et quarante jours en septembre-octobre, la quittant le 9, quelques jours avant la mort de Charles VI, qui décède le 21 octobre.

Au-delà de ce constat que délivre l’étude des chiffres, la question se pose tout d’abord de savoir où le duc réside lorsqu’il se trouve à Paris et en région parisienne. Les hôtels personnels du duc semblent tout indiqués pour héberger le duc et sa suite lorsqu’ils se trouvent à Paris : quels sont-ils, comment sont-ils gérés ? Le duc ne se contente cependant pas de ses propres demeures : il profite aussi de l’hospitalité de ses parents et officiers. Ces données et la prise en compte de la micro-mobilité du duc amènent à définir les limites d’un espace parisien de la cour de Bourgogne, qui s’étend au-delà des murs de la ville, et l’on peut dès lors se demander comment la présence ducale se donne à voir et à percevoir au sein de cet espace.

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Table des matières

Introduction
Sources
Première partie Lieux et formes de la présence du duc de Bourgogne à Paris
Chapitre 1 Les hôtels personnels du duc de Bourgogne à Paris et aux alentours
I. À Paris
1. L’hôtel de Bourgogne
2. L’hôtel des Bourdonnais
3. L’hôtel d’Artois, rue Mauconseil
4. L’hôtel de Flandre
5. L’hôtel d’Armagnac ou de Charolais
6. Les autres hôtels
II. En dehors de Paris
1. Les résidences au Bois de Vincennes
2. L’hôtel du Val-Coquatrix
3. Autres hôtels
III. Financement et gestion des hôtels parisiens
1. Financement
2. Le personnel des hôtels parisiens : les concierges
3. Autre personnel
4. L’investissement ducal à Paris
Chapitre 2 Construction et usages de l’espace parisien
I. Le duc hors de chez lui à Paris
1. Le duc chez le roi et les princes
2. Le duc en ville
II. La mobilité en région parisienne
1. La construction de l’espace parisien : l’espace arpenté par le duc et les lieux fréquentés
2. Dynamique des séjours
III. Les signes de la présence : la matérialisation de la présence ducale à Paris
1. L’emblématique ducale présente en ville
2. La question du statut des hôtels princiers
Conclusion de la première partie
Deuxième partie La vie matérielle de la cour de Bourgogne à Paris
Chapitre 3 La cour, centre de consommation
I. L’organisation du quotidien : du marché à l’Hôtel
1. Structure et dépenses de l’Hôtel
2. Un exemple d’approvisionnement quotidien : le vin
II. Les objets de luxe
III. Paris, place financière
1. Les créanciers ducaux
2. Les types de prêts
Chapitre 4 L’influence de la cour sur la vie économique et les spécificités parisiennes de l’approvisionnement
I. Les relations des fournisseurs parisiens avec la cour de Bourgogne
1. Les marchands fournisseurs de la cour à Paris : portrait de groupe
2. Le recrutement des fournisseurs parisiens
3. Le rôle des officiers ducaux
4. Marché urbain et clientèle curiale
5. Commerce parisien et guerre civile
II. Les spécificités parisiennes de la gestion de l’Hôtel ducal
1. La logistique parisienne de l’Hôtel
2. Le recours aux hôteliers et à la location
3. Géographie parisienne des achats des ducs de Bourgogne
Conclusion de la deuxième partie
Troisième partie Les hommes du duc à Paris
Chapitre 5 L’entourage ducal à Paris
I. Les officiers et serviteurs du duc à Paris
1. La cour de Bourgogne : un noyau royal et parisien
2. La cour face à Paris : la construction d’une extranéité
II. Les Parisiens dans l’entourage ducal
1. La noblesse d’Île-de-France et la cour de Bourgogne
2. L’intégration de fournisseurs et marchands parisiens dans l’Hôtel ducal
3. Personnel administratif
4. Gens de savoir, gens de lettres
III. La question du cumul des fonctions
1. D’un Hôtel à l’autre
2. Service du prince et administration royale
3. Service du prince et activités urbaines
Chapitre 6 Les modalités de l’intégration dans le cadre curial
I. L’implantation des Bourguignons à Paris : résidence et investissement immobilier
1. Hôtels ducaux, location, achat : les solutions de logement pour les officiers du duc de Bourgogne
2. L’emprise foncière des Bourguignons dans l’espace parisien
3. Les demeures des membres de la cour à Paris
4. Rôle des hôtels des courtisans dans la vie de la cour
II. L’intégration des Parisiens à vie de la cour
1. Rémunérations et fonctions à la cour
2. Les dons ducaux aux Parisiens
Conclusion

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