La corrosion et la durabilité du béton armé

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La corrosion et la durabilité du béton armé

La corrosion de l’acier est une des principales pathologies des ouvrages en béton armé. La corrosion conduit à la réduction de section des armatures et à la perte d’adhérence acier-béton. Une étude expérimentale sur des poutres en béton armé soumises à un environnement agressif pendant 14 ans montre que la corrosion entraîne une diminution de la capacité portante de près de 20 % et à une perte de 70% de la ductilité due en partie à la perte de ductilité des aciers tendus[Baroghel-Bouny et al., 2008].
La corrosion des armatures commence par la dépassivation de l’acier via l’abaissement du pH du milieu environnant, c’est le cas de la carbonatation, ou par pénétration d’agents agressifs, les ions chlorures en particulier. Dans les deux cas, la présence d’eau est nécessaire.

Le processus de corrosion de l’acier

Les principaux anhydres dans le clinker sont C2S, C3S, C3A et C4AF. Ils réagissent avec l’eau lors du malaxage du béton. L’hydratation des silicates C2S, C3S produit de la portlandite Ca(OH)2 sous forme de cristaux légèrement solubles. La portlandite réagit avec les sulfates alcalins, présents en quantité mineure dans le ciment, pour donner les hydroxydes correspondants :
Ca(OH)2 + K2SO4 → CaSO4 + 2 KOH (1. 1);
Ca(OH)2 + Na2SO4 → CaSO4 + 2 NaOH;
La présence en grande quantité des ions OH- (des bases alcalines et de la portlandite) entraîne un pH élevé dans la phase liquide du béton (autour de 13). Dans ce milieu très basique de la phase liquide se forme une couche protectrice autour de l’acier. On parle alors de passivation des armatures. Dans les conditions normales les armatures dans le béton armé sont donc protégées thermodynamiquement par le béton d’enrobage et ne devraient normalement pas se corroder. Pourtant ce milieu protecteur n’est pas toujours maintenu. Il peut disparaître suite à deux phénomènes qui sont la carbonatation et la pénétration des ions chlorures. On parle alors de dépassivation des aciers.
La corrosion a lieu en général en deux phases, selon le modèle de Tuutti (Figure 1. 1) :
– Période d’amorçage (zone I) ou période d’initiation : pendant cette période le milieu protecteur de l’acier est perturbé progressivement et les facteurs favorables à la corrosion se développent dans le béton. L’acier est dépassivé à la fin de cette période et la corrosion débute.
– La période de propagation (zone II): pendant cette période se forment les produits issus de la corrosion de l’armature. Ces produits (principalement les oxydes et hydroxydes de fer) ont un volume supérieur à celui de l’acier sain, entraînant par conséquent des contraintes qui peuvent provoquer une fissuration parallèle aux aciers qui diminue l’adhérence acier/béton, ainsi que l’éclatement du béton d’enrobage [Baron et al., 1992]. Dans la Figure 1. 1, le point D marque la destruction de l’enrobage, à partir de laquelle la dégradation de l’acier s’accélère.

Causes de la corrosion de l’acier

L’acier dans le béton ne peut se corroder que s’il est dépassivé. Cette dépassivation est essentiellement due à deux phénomènes que sont : la carbonatation du béton d’enrobage ou l’attaques par les ions chlorures.

La carbonatation

La carbonatation du béton est un phénomène naturel. Le dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’air pénètre dans le béton à travers son réseau poreux ou ses fissures. En présence d’eau (dans les pores), il provoque une réaction chimique dite de carbonatation avec la pâte de ciment hydratée. Cette réaction transforme les produits d’hydratation, notamment la portlandite Ca(OH)2, en carbonate de calcium ou calcite CaCO3.
CO2 + H2O → HCO3- + H+
HCO3- → CO3 2- + H+ (1. 2)
CO3 2- + Ca+ → CaCO3
H+ + OH- → H2O
Comme le volume molaire des produits de la carbonatation est supérieur à celui des hydrates initiaux, la formation de la calcite réduit la porosité du béton, ce qui est plutôt bénéfique.
Toutefois, la consommation de la portlandite et la formation des ions HCO3- et CO32-suite à ce phénomène abaissent la concentration ionique des ions OH- (formation d’eau selon les équations (1. 2) ) et donc le pH de la solution interstitielle du béton. Lorsque le front de carbonatation (l’épaisseur du béton carbonaté dont le pH atteint une valeur autour de 9) parvient au niveau de l’acier, celui-ci est dépassivé et le processus de corrosion peut démarrer.

La pénétration des ions chlorure

Les ions chlorures peuvent pénétrer dans le béton par absorption capillaire et se déplacer avec la phase liquide par convection lorsque la structure en béton est soumise à des cycles d’humidification/séchage. Les chlorures pénètrent alors par diffusion dans les zones saturées (ou dans les zones partiellement saturées aux endroits où le degré de connectivité de la phase liquide le permet). La vitesse de pénétration des ions chlorure dépend donc des caractéristiques du matériau et des cycles d’humidification/séchage qu’il subit.
On peut distinguer deux types de chlorures différents dans le béton[Baroghel-Bouny et al., 2008]:
– Les chlorures libres qui se trouvent sous forme ionique dans la solution interstitielle. Ils sont extractibles à l’eau et sont de ce fait appelés également « chlorures solubles dans l’eau » ;
– Les chlorures totaux, qui incluent, outre les précédents, ceux fortement adsorbés sur les C-S-H et ceux chimiquement liés dans la matrice cimentaire sous forme de chloroaluminates de calcium.
On note que seuls les chlorures libres peuvent diffuser et jouer un rôle actif dans le processus de dépassivation et de corrosion des armatures. Cela montre que la présence de l’eau est indispensable pour la pénétration des chlorures et pour la dépassivation des aciers.
La corrosion en présence des ions chlorure est locale. Il s’agit de la formation de piqûres de corrosion.
La présence des ions chlorure conduit à la dissolution locale de la couche passive et à la migration à travers cette couche. En effet, les ions Cl- réagissent avec les ions Fe2+ pour former du chlorure de fer.
Celui-ci consomme les ions hydroxyle, migre et s’oxyde plus loin en formant de la rouille :
Fe + 3Cl–→ FeCl3– + 2e– (1. 3)
FeCl3– + 2OH– → Fe(OH)2 + 3 Cl–
On constate donc que les ions Cl– sont libérés et recyclés, ce qui explique que la rouille ne contient pas de chlorures, même si des chlorures ferreux sont formés lors des étapes intermédiaires de la réaction. Ainsi, cette corrosion est susceptible de se poursuivre au même endroit. La corrosion de l’armature en présence de chlorures est dangereuse car elle entraîne une réduction locale de la section d’armature.
La consommation des ions OH- par des chlorures de fer (1. 3) baisse encore le pH du milieu environnant, favorisant l’accélération de la corrosion.

Le rôle majeur de l’eau dans la durabilité du béton et des ouvrages

La dégradation du béton armé est interprétée par la variation de ses paramètres, notamment la porosité et les caractères de sa solution interstitielle. La carbonatation contribue à la réduction de la porosité du béton et du pH de la phase liquide, la pénétration des ions chlorures dépassive les aciers, etc. Pour ces deux phénomènes inducteurs de la corrosion des armatures d’acier, la teneur en eau du matériau et la concentration ionique en OH- jouent un rôle très important. Ces phénomènes ne pourraient pas se réaliser en absence ou insuffisance d’eau.
Dans le béton armé, la corrosion elle-même nécessite de l’eau pour se développer. L’eau est donc un paramètre clé pour la durabilité du béton armé et des ouvrages. Connaître la teneur en eau du matériau permet donc d’identifier les zones potentiellement à risque pour la corrosion. En particulier, le risque de corrosion des armatures d’acier peut être estimé par l’étude de la zone du béton d’enrobage [Millard, 1991]. L’évaluation de la teneur en eau et de son gradient contribue donc à un meilleur diagnostic des ouvrages.
Parmi les techniques de CND, la mesure de résistivité électrique apparait, dans la littérature, comme un moyen pertinent pour la caractérisation de la teneur en eau. C’est ce qui va être discuté dans le paragraphe suivant.

La résistivité électrique

Définition

La résistivité électrique est une caractéristique spécifique d’un matériau à s’opposer à la circulation du courant électrique. Autrement dit, c’est la résistance d’un cube unitaire d’un m de côté face au passage du courant. Contrairement à la résistance, la résistivité est une grandeur constante du matériau. Elle s’exprime souvent en ohm.mètre [Ω.m] dans le système international mais on trouve aussi dans la littérature des valeurs en Ω.cm ou kΩ.cm.
Son inverse, la conductivité électrique (σ), est la capacité du matériau à laisser passer le courant électrique. Elle est donnée en siemens par mètre (S.m-1).
La résistivité s’exprime par l’équation suivante = . (1. 4)
Où ρ: résistivité électrique [Ω.m]
R : résistance électrique [Ω]
L : longueur de l’échantillon [m]
S : section plane de l’échantillon [m²]
La valeur de la résistance R s’obtient en faisant le rapport de la différence de potentiel entre les deux surfaces opposées à l’intensité du courant qui traverse le matériau (loi d’Ohm).

Paramètres influençant la résistivité du béton

[Gowers et al., 1999] définissent six principales sources d’erreur lors de l’évaluation de la résistivité : la géométrie, la non homogénéité du béton, le contact en surface, les couches de résistivité différente, l’armature d’acier et la variation de l’environnement de mesure.

Paramètres concernant les propriétés du béton

Granulats, ciment et additions

• Granulats
Les granulats sont quasiment isolants et ainsi leur résistivité électrique est beaucoup plus grande que celle de la pâte. Ils participent très peu à la conduction électrique du courant dans le béton [Forde et al., 1982]. Toutefois, l’influence des granulats dans un béton est visible et peut être étudiée de différentes manières, en fonction de leur volume total, de leur proportion volumique, de leur nature, ou de leur granulométrie.
Wedding et al. [Wedding et al., 1979] ont montré qu’il existe une corrélation entre la résistivité électrique du béton et le rapport Granulat/Ciment : plus le volume de granulats est important, plus la résistivité apparente est élevée. En terme de répartition granulométrique, [Morris et al., 1996]) a indiqué que la variabilité des mesures augmente lorsque le diamètre du plus gros granulat augmente (Figure 1. 11). Cette figure montre le pourcentage cumulé des résultats en fonction du rapport résistivité mesurée/ résistivité moyenne pour différents granulats. On observe une variation des mesures plus importante sur l’échantillon utilisant les gros granulats tandis que la variation des mesures sur deux autres échantillons ayant la même taille maximale du granulat est similaire. L’influence de la taille des granulats est très limitée si l’écartement minimal entre électrodes a (dans la configuration Wenner) vérifie la condition suivante a>2,5D avec D le diamètre du plus gros granulat. De manière classique, on travaille avec un écartement minimal entre électrodes de 5 cm. [Breysse et al., 2005]
La nature des granulats influence également la mesure de résistivité. Les travaux de [Morris et al., 1996] montrent que la variabilité de la mesure diminue avec l’augmentation du contraste de résistivité granulat/pâte, bien que l’influence du type de granulat sur la variabilité des mesures soit faible.
• Ciment et additions
En fonction du type de ciment, la concentration des ions silicate, aluminate, hydroxyde… dans la solution interstitielle peut être différente. Ce phénomène influence la circulation des charges électriques libres qui assurent la conduction électrolytique dans le béton. Les rapports de résistivité électrique peuvent varier de 1 à 100 pour différents bétons fabriqués avec différents ciments dans les mêmes conditions de conservation et de mesure [Hammond et al., 1955; Neville, 2000].
Hammond et al. [Hammond et al., 1955] ont trouvé un rapport de 20 entre un béton coulé avec le ciment portland ordinaire et un ciment à haute teneur en aluminates. [Medeiros-Junior et al., 2016] ont conclu que les ciments contenant du laitier de haut fourneau et de la pouzzolane ont une résistivité plus élevée qu’un ciment ordinaire. [Naar, 2006] a reporté que la présence de fumée de silice augmente considérablement la résistivité, jusqu’à 10 fois par rapport à un béton sans fumée de silice. [Cabrera et al., 1994] ont montré dans leurs études que le remplacement de 30% de ciment par des cendres volantes augmente de 20% la résistivité électrique du béton.
L’ajout de ces composants dans le ciment a pour effet de réduire la porosité du béton (la taille, la connectivité, le volume) ainsi que la perméabilité [Medeiros-Junior et al., 2016]. Les particules des additions peuvent entrer dans les pores inter-granulaires et rendre le béton plus compact car leur taille est généralement plus petite que celle du ciment Portland. Les hydrates formés suite aux réactions pouzzolaniques secondaires diminuent également la porosité. La résistivité augmente aussi plus significativement pour les ciments composés contenant des additions pouzzolaniques que pour un ciment portland ordinaire.
• Adjuvants et additifs
L’ajout d’adjuvants et d’additifs dans le béton a pour but de modifier différentes propriétés du matériau, afin d’atteindre certains objectifs. Par exemple, si on souhaite avoir un béton à prise plus lente, les retardateurs sont utilisés ou dans le cas contraire, on utilise des accélérateurs de prise. Pour faciliter la mise en œuvre du béton et améliorer sa durabilité, les plastifiants et les superplastifiants sont employés pour leur capacité à réduire la quantité d’eau dans la formulation de béton tout en maintenant une consistance plastique. La présence de ces éléments peut modifier la nature chimique du béton, ainsi que sa microstructure, et donc affecter sa résistivité électrique [Lakshminarayanan et al., 1992; Cabrera et al., 1994].
L’utilisation de fibres (métalliques, de carbone, de verre, ou synthétiques) peut également modifier les caractéristiques du béton, ce qui perturbe ses propriétés électriques [Soutsos et al., 2001; Wen et al., 2001]. Lataste et al. [Lataste et al., 2008] ont utilisé la résistivité électrique pour caractériser la distribution des fibres métalliques dans le béton armé et ont conclu que la technique est capable de fournir des indications sur l’orientation locale des fibres métalliques.

Le rapport E/C

La résistivité électrique et le rapport E/C sont inversement liés [Keyvani, 2013]. Le rapport E/C joue un rôle important dans la formation de la microstructure du liant et de la concentration ionique de la solution interstitielle. Comme expliqué au paragraphe 1.4.2, le courant électrique est porté par les ions libres dans la solution électrolytique présente dans le réseau poreux. Plus le béton contient de pores et plus ceux-ci sont ouverts et connectés, plus le courant circule facilement dans le béton et par conséquent plus la résistivité apparente est faible. Lorsque l’humidité relative et les conditions environnementales sont stables, la résistivité électrique du béton augmente pour un béton ayant un rapport E/C plus faible [Polder et al., 2000]. Ces mêmes auteurs ont également proposé d’utiliser la mesure de résistivité électrique pour étudier la variation locale du rapport E/C. Cette remarque a été également confirmée par [Lataste, 2002] grâce à des mesures réalisées en laboratoire sur des échantillons en béton de différentes natures (béton ordinaire et béton haute performance), saturés d’eau (Figure 1. 12).
Les effets du rapport E/C sur le béton sont également étudiés par différents auteurs [Hammond et al., 1955; Wedding et al., 1979; Whittington et al., 1981].

La carbonatation

Comme présenté dans la section 1.3.2.1 la carbonatation conduit à une diminution de la porosité du béton et une diminution du pH de la solution interstitielle. Le réseau poreux est le chemin principal de la conduction électrolytique du courant. Par conséquent, ce phénomène provoque l’augmentation de la résistivité apparente du béton.
La carbonatation entraîne l’augmentation de la résistance de contact en surface, la mesure de résistivité est donc plus difficile à réaliser. Certains travaux ont proposé d’humidifier la surface de mesure mais cela risque de modifier l’état hydrique de la structure auscultée.
L’influence de la couche résistive de la surface de mesure sur la résistivité du béton a été étudiée [Millard et al., 1992]. Les mesures ont été effectuées avec un dispositif quadripolaire de type Wenner. Il est observé que l’influence de la couche de béton carbonatée varie en fonction de la relation entre son épaisseur et l’écartement entre électrodes. Si l’épaisseur carbonatée est faible par rapport à l’écartement d’électrodes, l’influence de cette couche est moins visible. Elle est plus significative si l’épaisseur est égale à l’écartement du dispositif.
Outre la carbonatation, d’autres altérations du béton telles que la pénétration des ions chlorures, la réaction alcalis-granulats ou les attaques sulfatiques ont une forte influence sur la résistivité du béton.
L’ensemble des facteurs décrits ci-dessus (rapport E/C, type de ciment, adjuvants et additifs, carbonatation, etc.), influence la résistivité électrique par l’intermédiaire de la porosité, à savoir par son volume, sa taille, sa connectivité,… mais aussi par la phase aqueuse du béton. Comme la conduction du courant dans le béton s’effectue principalement à travers le réseau poreux de la matrice cimentaire la porosité et ses paramètres ont une grande influence sur la résistivité du béton. Différents auteurs ont étudié la relation entre la résistivité électrique et la porosité du béton. [Lakshminarayanan et al., 1992] montrent que la résistivité électrique est un indicateur indirect de la distribution des pores dans le béton, ainsi que sa perméabilité. De manière générale la résistivité électrique augmente avec la diminution de la porosité. L’influence de la phase liquide du béton sera discutée dans la section 1.4.5.3 de ce chapitre.

Influence d’une couche conductrice près de la surface de mesure

La présence d’une couche conductrice en surface de mesure influence le résultat en diminuant la résistivité apparente obtenue. Millard a rapporté qu’une couche résistive en surface influence moins la mesure de résistivité si son épaisseur est suffisamment faible par rapport à l’écartement des électrodes [Millard, 1991]. Au contraire une couche conductrice engendre des erreurs significatives même si son épaisseur est faible en comparaison de l’écartement des électrodes.

Paramètres liés aux conditions de mesure

Courant d’injection

Pour les mesures de résistivité électrique du béton, le courant alternatif est couramment recommandé. Lorsqu’un courant continu est injecté sur la surface des structures les charges électriques du béton se mobilisent vers l’interface électrode-béton. Cette mobilisation crée une double couche qui polarise les électrodes. L’emploi du courant alternatif évite la polarisation d’électrodes et la formation de cette double couche. Il est donc préférable dans la mesure de la résistivité électrique du béton d’utiliser du courant alternatif. La fréquence du courant couramment utilisé se trouve entre 1 et 1000 Hz [Lataste, 2002; McCarter et al., 2015]. L’appareil utilisé dans certains travaux tels que [Morris et al., 1996] et [Sengul et al., 2008] a une fréquence de 13Hz (signaux trapézoïdal) et dans la thèse de Lataste [Lataste, 2002] il est reporté qu’il existe toutefois des appareils utilisant de très faibles fréquences (1-2 Hz) avec une correction de la polarisation d’électrodes.
L’intensité du courant ne doit théoriquement pas influencer la mesure de résistivité mais pour des raisons pratiques, le choix de l’intensité du courant est une préoccupation pour la réalisation des mesures. Si la résistance de contact R est grande, il faut travailler avec un courant de faible intensité pour diminuer la différence de potentiel ΔU, selon la formule classique d’Ohm. Les travaux de Erwins, (reportés dans [Lataste, 2002]), basés sur l’étude de l’incertitude des mesures de résistivité en fonction de l’intensité I, montrent que l’erreur augmente avec l’augmentation de I. Il est également déconseillé d’utiliser le courant ayant une intensité inférieure à 200µA [Millard et al., 1989].

Température

La température ambiante influence la résistivité mesurée. En général plus la température est haute plus la résistivité est faible (Figure 1. 13). Cet effet est dû à l’influence de la température sur la mobilité des ions et sur la thermodynamique des réactions ion-ion et ion-solide dans la matrice cimentaire et dans la solution interstitielle [Polder et al., 2000]. Il est recommandé d’éviter de réaliser les mesures dans les conditions extrêmes : à très haute ou très basse température [Polder, 2001].
L’effet de la température est lié à l’humidité, qui a aussi une forte influence sur la résistivité du béton. Il est reporté dans [Polder, 2001] que l’effet de la température varie suivant l’état hydrique du béton. La résistivité du béton diminue de 3 % pour une augmentation de la température d’ 1 K dans le cas du béton saturé et de 5%/K pour un béton sec. Cela peut être expliqué par le fait qu’à une humidité relative plus faible la solution interstitielle est plus concentrée et se trouve dans les pores plus petits. La surface de contact du liquide aux pores est donc plus élevée et par conséquent l’interaction entre le solide et les ions est plus forte.

Ecartement des électrodes

Plusieurs études ont montré que la profondeur investiguée par la technique de résistivité électrique croît avec l’augmentation de l’écartement entre électrodes [Telford et al., 1990; Lataste, 2002]. La Figure 1. 14 représente l’évolution de la densité de courant passant dans le matériau en fonction de la profondeur z d’un point P considéré et l’écartement d’électrodes L. Dans cette recherche, Jx représente la densité de courant passant par le point P, et J0 correspond à la densité de courant pour z = 0. On peut remarquer sur la courbe de « L constant » que la répartition du courant électrique dans le milieu semi infini est graduelle ; en effet la densité de courant en surface est plus importante qu’en profondeur (courbe décroît lorsque z augmente). On constate également que 70% du courant passe dans la zone entre la surface et la profondeur équivalente à l’écartement des sources (I) et que seulement 30% va plus profondément. L’accroissement de la profondeur d’investigation est donc relié à l’accroissement de l’écartement du dispositif.

Effet de bord et influence des armatures

Les mesures de résistivité réalisées près du bord de la structure sont fortement perturbées [Bungey et al., 2006]. La présence de l’acier est également une source d’erreur pour la mesure de résistivité électrique [Millard, 1991; Polder, 2001]. Ces effets seront présentés plus en détail dans le Chapitre 2.

Résistivité électrique et teneur en eau

Différents auteurs ont montré que la teneur en eau ou l’humidité relative du béton ont une forte influence sur la résistivité électrique [Wedding et al., 1979; Sriravindrarajah et al., 1982; Millard, 1991; S. Feliu et al., 1996; Breysse et al., 2005; Østvik et al., 2006; Hornbostel et al., 2013]. La résistivité présente une relation directe avec la porosité, la teneur en eau et la concentration ionique.
La résistivité du béton est fortement conditionnée par sa phase liquide. Plus la porosité du béton est forte, plus sa phase liquide peut être importante et par conséquent sa résistivité faible. [Koleva et al., 2008] a confirmé que la teneur en eau est le facteur majeur qui détermine sa valeur de résistivité électrique. Cependant, la résistivité est caractérisée par la mobilité des ions présents dans la solution interstitielle (tels que Na+, K+, OH-, SO42-, Ca2+). Ainsi, la valeur de la résistivité du béton est influencée par la concentration des ions dans le système poreux. Différents auteurs tels que [Polder, 1995; Gowers et al., 1999] ont montré que la diffusion des ions chlorures a une relation avec la résistivité électrique du béton, et que les ions chlorures sont susceptibles de réduire la résistivité du béton humide ce qui entraîne la corrosion des armatures. Selon eux, le taux de corrosion est inversement proportionnel à la résistivité du béton. Pourtant, cette remarque n’est pas toujours vraie : par exemple, un béton ayant une valeur élevée de résistivité est malgré tout susceptible de présenter un risque de corrosion.
Pour étudier l’influence de l’humidité relative et de la concentration des ions chlorures sur la corrosion, des chercheurs [Enevoldsen et al., 1994] ont réalisé une campagne de mesure de résistivité sur des bétons et des mortiers contenant différentes concentrations de Cl- dans la solution interstitielle. La baisse de la résistivité électrique suite à l’accroissement de l’humidité relative est aussi observée et ils montrent que les ions Cl-font chuter la résistivité électrique. Cela peut être expliqué par la mobilité plus forte des ions Cl- dans la solution électrolytique, qui favorise la circulation du courant. Plus tard, les études de [Andrade et al., 1994] ont proposé que le coefficient de diffusion des ions chlorures soit calculé à partir des mesures de résistivité.
Les travaux de [Saleem et al., 1996] sur des bétons avec différents niveaux de contamination par Cl- et SO42- ont montré que la teneur en eau et la concentration en ions chlorures et sulfates influencent fortement la résistivité électrique du béton. Les échantillons sont fabriqués et mis à différents taux de contamination de sulfates et de chlorures. La teneur en eau est déterminée par pesée des échantillons humides et des échantillons secs.
(a) contaminés par des chlorures et (b) contaminés par des sulfates et différents taux de chlorures [Saleem et al., 1996].
Ces résultats montrent que la résistivité du béton baisse avec l’accroissement de la teneur en eau et la contamination des sulfates et des chlorures. La résistivité est encore plus abaissée pour les bétons qui contiennent les deux ions. De plus, ils concluent aussi qu’à haute concentration ionique, la teneur en eau n’a que très peu d’influence sur la résistivité électrique.
Les travaux de Polder [Polder, 2001] ont amené à développer une recommandation technique de RILEM TC 154-EMC pour les mesures de résistivité in situ. Ils ont indiqué que pour un béton relativement homogène, la cartographie de résistivité peut montrer les endroits sec et humide. Pour une structure en béton ayant une gamme de résistivité entre 100 et 500 Ω.m, les valeurs extrêmes peuvent être interprétées comme indicateur de la teneur en eau du béton (pour relever des zones relativement humides ou sèches).
Dans le but de caractériser la teneur en eau du béton d’enrobage par l’utilisation combinée de différentes techniques de CND, Balayssac et al. [Balayssac et al., 2006] ont rapporté que le couplage de la mesure radar et de la résistivité est capable de déterminer la teneur en eau volumique et de détecter la présence de chlorures dans cette eau (Figure 1. 19).
Cette combinaison a été employée dans les travaux de Laurens et al. [Laurens et al., 2005]. Les mesures de résistivité électrique avec la configuration Wenner ont été réalisées pour fournir des informations complémentaires sur l’état d’humidité du béton. La résistivité du béton a été mesurée à différents degrés de saturation et avec une répartition homogène de l’humidité. La Figure 1. 20 montre la bonne corrélation entre la résistivité électrique et le degré de saturation du béton. On observe une augmentation de résistivité lors de la diminution du degré de saturation, en concordance avec la loi d’Archie.
La Figure 1. 21 montre un autre exemple de la variation de la résistivité électrique en fonction du degré de saturation [Østvik et al., 2006]. La différence de résultat entre différents travaux est importante, ce qui montre que la résistivité apparente mesurée dépend fortement de la technique de mesure utilisée. On observe que la résistivité et le degré de saturation sont inversement liés. L’influence du rapport E/C est également confirmée ici, la résistivité étant d’autant plus forte que le rapport E/C est faible.

Résistivité et corrosion des armatures

Différents travaux dans la littérature ont confirmé la relation entre résistivité et corrosion. En général il est avancé qu’une faible résistivité indique un fort risque de corrosion. [Morris et al., 2002] ont avancé que la résistivité électrique est un paramètre pour évaluer le risque de corrosion de l’acier, indépendamment de la formulation du béton et des conditions environnementales qu’il subit. Polder et al. [Polder et al., 2000] ont proposé d’utiliser une cartographie de résistivité pour localiser les zones plus perméables dans la structure, où le risque de la pénétration des ions chlorures est plus élevé.
Carino [Carino, 1999] a présenté une synthèse des techniques non destructives pour examiner la corrosion de l’acier dans les structures en béton armé, y compris la résistivité électrique. Celle-ci a même été considérée comme un des moyens de contrôle du taux de corrosion. Ainsi l’utilisation combinée des mesures de potentiel de corrosion et de résistivité électrique permet d’examiner à la fois le risque et la vitesse de corrosion.
Morris et al [Morris et al., 2002] ont évalué le risque de corrosion de l’acier avec les mesures de résistivité électrique sur les échantillons immergés dans une solution saline. Ils ont observé que l’acier est dans un état de corrosion actif quand la résistivité du béton est inférieure à 100 Ω.m et dans un état passif quand la résistivité est supérieure à 300 Ω.m.
Si la résistivité électrique du béton peut en effet être utilisée comme un paramètre d’évaluation du risque de corrosion de l’acier il n’en demeure pas moins que le seuil de résistivité pour évaluer l’état de corrosion de l’acier n’est pas bien déterminé. Le Tableau 1. 2 montre quelques résultats proposés par différents auteurs dans la littérature.

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Table des matières

 CHAPITRE 1 ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE 
1.1. INTRODUCTION
1.2. LE CONTROLE NON DESTRUCTIF (CND)
1.2.1. Avantages et inconvénients des techniques destructives
1.2.2. Avantages et inconvénients des techniques de CND
1.2.3. Application des techniques de CND
1.3. LA CORROSION ET LA DURABILITE DU BETON ARME
1.3.1. Le processus de corrosion de l’acier
1.3.2. Causes de la corrosion de l’acier
1.3.2.1 La carbonatation
1.3.2.2 La pénétration des ions chlorure
1.3.2.3 Le rôle majeur de l’eau dans la durabilité du béton et des ouvrages
1.4. LA RESISTIVITE ELECTRIQUE
1.4.1. Définition
1.4.2. Conduction du courant électrique dans les structures en béton armé
1.4.3. Résistivité apparente
1.4.4. Les techniques existantes pour la mesure de résistivité
1.4.4.1. Mesure par transparenc
1.4.4.2. Mesure sur site.
1.4.5. Paramètres influençant la résistivité du béton
1.4.5.1. Paramètres concernant les propriétés du béton
1.4.5.2. Paramètres liés aux conditions de mesure
1.4.5.3. Résistivité électrique et teneur en eau
1.4.5.4. Résistivité et corrosion des armatures
1.4.6. Exploitation possible des mesures de résistivité
1.5. CONCLUSION
HAPITRE 2  PROPOSITION D’UNE METHODOLOGIE POUR LA RECHERCHE DU GRADIENT DE LA TENEUR EN EAU DANS LES STRUCTURES EN BETON ARME
2.1. INTRODUCTION
2.2. MESURES DE RESISTIVITE EN SURFACE AVEC LE DISPOSITIF QUADRIPOLAIRE
2.2.1. Bases théoriques
2.2.2. Différentes configurations de mesure avec le dispositif quadripolaire
2.2.3. Caractérisation du gradient de teneur en eau dans le béton par résistivité
2.3. INFLUENCE DE L’ACIER SUR LA MESURE DE RESISTIVITE ELECTRIQUE
2.4. EFFETS DE BORD SUR LA MESURE DE RESISTIVITE EN SURFACE
2.5. PROPOSITION D’UNE NOUVELLE PROCEDURE POUR LA MESURE DE LA RESISTIVITE D’UN BETON AYANT UN GRADIENT DE TENEUR EN EAU
2.5.1. Procédure de mesure proposée
2.5.2. Méthode d’exploitation de la courbe de potentiel
2.5.3. Configuration symétrique
2.5.4. Simulation numérique d’une mesure de résistivité sur un matériau ayant un gradient de résistivité
2.6. ETUDE NUMERIQUE SUR LA TAILLE DU MILIEU AUSCULTE SUR LA RESISTIVITE MESUREE
2.7. ANALYSE NUMERIQUE DES EFFETS DE BORD ET DE L’ACIER SUR LA MESURE DE
RESISTIVITE
2.7.1 Effets de bord et des aciers
2.7.2 Modélisation de la configuration Wenner sur des structures en béton armé
2.8. METHODOLOGIE PROPOSEE POUR LA SUITE DE L’ETUDE
CHAPITRE 3 PROCEDURES EXPERIMENTALES 
RESUME DU CHAPITRE 3
3.1. INTRODUCTION
3.2. MESURE DE RESISTIVITE DU BETON PAR TRANSMISSION
3.2.1. Introduction
3.2.2. Mode opératoire

3.2.3. Préparation des corps d’épreuve
3.3. TEST DE REPETABILITE
3.4. RESULTAT DE MESURES SUR DALLES EN BETON / BETON ARME
3.4.1. Sur les dalles non carbonatées
3.4.1.1. Résultats sur la dalle non armée
3.4.1.2. Résultats sur la dalle armée
3.4.1.3. Effet de court-circuit sur la dalle armée
3.4.2. Effet de l’état électrochimique de l’acier sur les mesures de résistivité
3.5. CONCLUSION
CHAPITRE 4 
ANALYSE NUMERIQUE
RESUME
4.1. INTRODUCTION.
4.2. EQUATIONS CONSTITUTIVES DU MODELE NUMERIQUE
4.3. MODELE DE BUTLER-VOLMER.
4.3.1. Système électrochimique de la corrosion
4.3.2. La corrosion uniforme
4.4. EXPLOITATION NUMERIQUE DE L’ETUDE EXPERIMENTALE
4.4.1. Description
4.4.2. Mode opératoire
4.4.3. Résultats de simulation
4.4.3.1. Simulation de la dalle non carbonatée à 43 jours
4.4.3.2. Simulation de la dalle non carbonatée à 265 jours
4.4.3.3. Simulation de la dalle carbonatée à l’état saturé (jour 0)
4.5. ETUDE PARAMETRIQUE DES FACTEURS INFLUENÇANT DE L’EFFET DE BORD
4.6. ETUDE SUR L’INFLUENCE DES MAILLES D’ARMATURES .
4.6.1. Objectif
4.6.2. Mode opératoire
4.6.3. Résultats
4.7. CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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