La coopérative bancaire : un modèle spécifique ?

La coopérative bancaire : un modèle spécifique ? 

Nous allons commencer par définir les spécificités du modèle coopératif et du modèle coopératif bancaire. Cela nous permettra d’appréhender les questions qu’il suscite notamment vis-à-vis des modèles bancaires capitalistes et de positionner le Crédit Agricole dans ce contexte.

De la coopérative à la coopérative bancaire

Principes du modèle coopératif
Le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) s’est construit au XIXème siècle sur un idéal utopiste, socialiste d’un « mieux » travailler ou travailler autrement en Angleterre d’abord puis en France. Les valeurs sont restées les mêmes qu’au XIXème siècle (INSEE Nord Pas de Calais, 2008) :
– Liberté d’adhésion ;
– Gestion démocratique;
– Indépendance à l’égard des pouvoirs publics ;
– Solidarité ;
– Non redistribution individuelle des profits ou redistribution limitée ;
– Primauté de la personne et de l’objet social sur le capital.

Solidarité et proximité sont deux valeurs essentielles pour les coopératives. Elles se traduisent par un lien au territoire extrêmement fort (M. Filippi, 2004). Ce secteur a connu un regain d’intérêt depuis une vingtaine d’années et constitue une réactivation de l’économie sociale traditionnelle du XIXème siècle (mutuelles, coopératives, associations, etc.). Les coopératives sont définies par l’association internationale des coopératives (ACI), comme « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement. Les valeurs fondamentales des coopératives sont la prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles, la démocratie, l’égalité, l’équité et la solidarité. Fidèles à l’esprit des fondateurs, les membres des coopératives adhèrent à une éthique fondée sur l’honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et l’altruisme.

Les 7 principes coopératifs sont :
1. Adhésion volontaire et ouverte à tous
2. Pouvoir démocratique exercé par les membres
3. Participation économique des membres
4. Autonomie et indépendance
5. Education, formation et information
6. Coopération entre les coopératives
7. Engagement envers la communauté » .

Leur gouvernance est basée sur une vision partenariale (« stakeholder theory ») favorisant l’ancrage des parties prenantes autour de l’entreprise. Ce modèle contribue à répondre à un besoin collectif, à améliorer le bien commun en passant par la formation et le développement du capital financier, mais aussi du capital humain (compétences individuelles, expérience, savoir-faire collectif) et organisationnel (capacités organisationnelles résultant du travail de coopération et de la transformation progressive du savoir tacite en savoir explicite) eux aussi sources de création de valeur. La gouvernance est régie par les principes suivants (N. Richez Battesti, in Bayle E. et Dupuis J-C., ed, 2013) :
– Une adhésion libre et volontaire de personnes physiques ou morales ;
– Une gestion démocratique selon le principe d’une personne-une voix : les coopératives sont détenues par les sociétaires qui élisent leurs représentants dans les instances statutaires. Chaque sociétaire a le même poids quel que soit le nombre de parts sociales qu’il détient. Le système démocratique induit un fonctionnement partenarial, aucun sociétaire ne pouvant imposer seul ses choix. Le pouvoir des sociétaires est plus dispersé et la limite posée par le principe un homme égale une voix rend plus difficile une éventuelle action groupée des sociétaires. (Regnard Y. et Rousseau A, 2012) ;
– Une détention du capital par les sociétaires-clients sous forme de parts sociales. Leur fonction est double : propriétaires et clients créanciers. Ils ont la défense d’un intérêt commun : obtenir les meilleurs prix et les meilleurs services (A. Pourchet, 2012). Une partie des résultats est mise en réserve et l’autre partie permet de verser une rémunération annuelle des parts sociales dont le montant est fixé en assemblée générale.

Les banques coopératives sont davantage orientées vers la satisfaction des besoins des clients, qui peuvent aussi être des sociétaires et donc des propriétaires, que les structures capitalistes. Les intérêts des parties prenantes sont convergents dans la mesure où il n’est pas nécessaire pour le sociétaire de rechercher la maximisation des bénéfices, ce qui permet d’éviter pour le client de voir les prix des services augmenter. Cela modifie la relation commerciale au sein des coopératives (E. Gurtner, M. Jaeger, J. N. Ory, 2001). Au-delà des caractéristiques communes telles que l’absence ou la limitation de la redistribution des profits d’une part, et d’une gouvernance démocratique (une personne, une voix) quel que soit le montant du capital investi dans la structure, les droits de propriété sont gérés différemment selon que la structure juridique est par exemple une association, une fondation, une société coopérative et participative (SCOP) ou une coopérative. Ce modèle partenarial s’oppose à celui de la « shareholder theory », issu de la théorie de l’agence, qui privilégie la création de valeur pour l’actionnaire. Dans ce second modèle, il s’agit notamment de mettre en place des outils de contrôle et d’incitation, conduisant les dirigeants (l’agent) à se conformer aux objectifs et aux consignes données par les actionnaires (le principal) et ainsi les contraindre à agir au mieux des intérêts des actionnaires en limitant le risque de recherche de leur propre profit individuel. Dans cette perspective, les intérêts des dirigeants doivent s’aligner sur ceux des investisseurs financiers, et la finalité est d’augmenter la performance financière. Il est présenté comme le modèle anglo-saxon par E. Gurtner, M. Jaeger, J. N. Ory (2008), par opposition au modèle européen, « stakeholder theory », davantage fondé sur un fonctionnement partenarial. Ces auteurs s’interrogent sur la généralisation de ce modèle notamment du fait du développement des marchés financiers, des privatisations, du développement des plans d’options en relation avec le système d’incitation des dirigeants, et de la diffusion très large d’« une idéologie de la valeur actionnariale », qui a emporté la conviction des agents, et contribué à modeler les comportements. Dans ces sociétés, l’investisseur occupe une place dominante et est souvent à l’origine des décisions prises. Les actionnaires peuvent s’organiser à plusieurs et, en fonction du poids qu’ils vont représenter en termes d’actions, influencer les décisions des dirigeants. Les jeux de pouvoir sont dès lors très différents dans ces entreprises du secteur « privé » par rapport à celles de l’ESS. Schématiquement, on pourrait qualifier les unes de capitalistiques avec une  très forte prédominance des actionnaires et les autres de démocratiques avec un pouvoir partagé entre les différentes parties prenantes.

Fondements et évolution de la coopérative bancaire 

Le modèle de la banque coopérative est né en Europe, et plus précisément en Allemagne au XIXe siècle. Ainsi Frédéric-Guillaume Raiffeisen créa la première caisse de crédit fonctionnant sur un modèle basé sur la responsabilité illimitée des sociétaires, le bénévolat des administrateurs et une circonscription géographique limitée. Hermann Shulze-Delitzsch proposa, lui, un modèle se caractérisant par un rayonnement géographique étendu, la rémunération des administrateurs, et la possibilité de verser des dividendes aux sociétaires.

L’objectif était de permettre aux ménages et aux petites entreprises ne disposant pas de garanties suffisantes d’accéder au crédit. Les emprunteurs pouvaient ainsi éviter de tomber sous la coupe des usuriers. Dans la coopérative d’épargne et de crédit, chaque sociétaire confie son épargne à une caisse, ce qui lui donne le droit d’emprunter à la même caisse, et, en cas de non-remboursement, c’est l’ensemble des sociétaires qui subit la perte.

En France, ces deux modèles ont donné naissance à deux types d’institutions : les Crédits mutuels et les Banques populaires. Le premier modèle se rapproche des modèles capitalistes avec un territoire plutôt étendu tandis que l’autre reste dans une logique davantage coopérative avec un secteur géographique déterminé. Celui-ci permet de tisser un réseau et un lien spécifique avec ses clients permettant ainsi de réduire l’asymétrie d’information (Richez-Battesti N. et Gianfaldoni P., 2005). Entre 1878 et 1993 vont naître les différentes banques coopératives spécialisées dans un secteur déterminé (caisses régionales de Crédit Agricole, coopératives de crédit maritime), ou généralistes : Crédit Mutuel, Caisses d’Epargne , Crédit Coopératif , Banque Populaire et Crédit Agricole. (E.Vaugier, 2008). Jusqu’au début des années 80, le système bancaire français, qui comprenait les banques, les établissements financiers et les établissements à statut spécial, était organisé autour de la loi du 13 juin 1941, modifiée en 1945. La législation bancaire française distinguait, d’une part, un secteur financier de droit commun et, d’autre part, toute une série d’établissements soumis à des réglementations spécifiques . L’amorce de la modernisation des coopératives bancaires s’est faite à travers les réformes « Debré» intervenues en 1966-67 qui les ont déspécialisées, notamment en facilitant l’ouverture des guichets. Jugée trop cloisonné, une réforme du système bancaire a été initiée au début des années 80 et s’est achevée par la loi bancaire de 1984. Cette loi a permis aux banques de commercialiser plusieurs types de services et les a contraintes à prendre la forme d’établissements de crédit .

Les banques mutualistes, qui bénéficient du statut juridique de coopérative, dépendent donc de la loi de 1947 portant statut de la coopération, mais également du code monétaire et financier comme n’importe quelle autre banque. Ce dernier définit les « banques coopératives et mutualistes » comme des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque (E. Vaugier, 2008).

Comme un grand nombre de coopératives, elles ont un statut de société anonyme. Au delà, certaines d’entre elles ont fait le choix de créer des organes cotés en bourse, tels que le Crédit Agricole, ou la Caisse d’Epargne, ou de racheter des établissement côtés en bourse, tels que le CIC pour le Crédit Mutuel. De façon plus ou moins directe, leur évolution progressive vers un modèle de groupe coopératif les ont amené à intégrer, à des degrés divers, une rationalité actionnariale. Elles ont ainsi adopté un comportement proche des banques du secteur « capitaliste ». Ce rapprochement entre les modes de fonctionnement les a dès lors fait rentrer dans une logique de recherche de la performance, similaire à celles des banques « classiques ». Le rôle qui est désormais dévolu au sociétaire est d’être « partie prenante à un groupe de type « banque universelle »; au-delà de la détention des parts sociales, le sociétaire, lorsqu’il est actionnaire, est incité à valider les efforts de rationalisation des activités et les acquisitions, au nom de l’efficacité du groupe » (E. Gurtner, M. Jaeger, J. N. Ory, 2008). Cela a eu pour conséquence de questionner les sociétaires sur la compatibilité de leurs valeurs coopératives avec ce nouveau mode de fonctionnement.

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Table des matières

Introduction
I. La coopérative bancaire : un modèle spécifique ?
1.1 De la coopérative à la coopérative bancaire
1.1.1 Principes du modèle coopératif
1.1.2 Fondements et évolution de la coopérative bancaire
1.2 Etude de cas : le Crédit Agricole PCA
1.2.1 Méthodologie
1.2.2 Transformations du Crédit Agricole : de la caisse locale au groupe coopératif
1.2.3 Positionnement du CA PCA
1.3 Convergence des modèles : l’isomorphisme institutionnel et concurrentiel
1.3.1 Approche néo-institutionnelle
1.3.2 Pratiques de ressources humaines : convergence ou divergence ?
1.3.3 Vers un modèle hybride ?
II. Les valeurs coopératives dans les pratiques de gestion RH du CA PCA
2.1 Analyse du modèle de gestion de l’emploi
2.2 Analyse de la qualité de l’emploi
2.2.1 Mesures de la qualité de l’emploi
2.2.2 Analyse au sein du CA PCA
2.3 Qualité de l’emploi et valeurs coopératives : une approche par la sociologie des organisations
2.4 Déclinaison des valeurs du Crédit Agricole dans les pratiques de management
2.4.1 L’approche par la sociologie de la traduction
2.4.2 Synthèse
Conclusion

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