La construction de la subjectivité dans la société française contemporaine

Dire et discours

Aphanisis (06/07/13) 

Quelconque de brume a ignoré ma peine
Qu’aurais-je su du savoir si ce nait de renaitre
La lumière en mon corps à l’intérieur pénètre
Et laisse lasse trace étonnée qui aliène
De quelques mots subtils une ignorance est née
Qui se connait d’elle-même en son sein erronée
Et j’aurais beau poursuivre quelques chimères
Qui mènera ciels et mers ?
Pour venir ébranler ce qui a su suspendre
Ce que en un instant le corps a pu surprendre
Faut-il que tout soit autre
Quand les champs subvertis
Et du corps et de l’âme en seraient pervertis ?
Pauvre, pauvre parlautre.
Qui ne saurait guider ce qui lentement effleure
Une idée, un désir, vérité qui s’ignore.
Quelques sombres pensées ont traversé mon cœur.
Loin de les oublier un idéal s’écœure.
Et du faux souvenir qu’est l’amour appelé
N’en sauraient persister que quelques doux athées !
J’ai longtemps parcouru ces chemins sans attraits
Vers lesquels se mêlaient tout ce que je connais
Et je n’ai su trouver
Parmi tant de sentiers
Ce vers quoi m’attirait… la mort.
Ne faudrait-il donc pas que je sois là, encore ?
Ou que je disparaisse
Pour laisser sans adresse
Un peu, soit, un peu rien, vers quoi guide la main.

…Epilogue

Je n’avais pas prévu de faire de la recherche quand je suis venue à Paris pour effectuer mes deux années de master en Psychopathologie clinique à l’Université Paris 5 Descartes. Je souhaitais venir à Paris 5 ou Paris 7 car je trouvais trop faible l’enseignement psychanalytique à l’université de Nantes, d’autant plus que c’était l’étude de Freud au lycée qui m’avait fait rencontrer la psychanalyse et poussé à m’inscrire en faculté de psychologie. Le choix de Paris 5 s’est effectué simplement car la sélection se faisait à partir du master 1, ce qui limitait le risque que je me retrouve bloquée entre les deux années. Je pensais passer mon diplôme puis retourner à Nantes pour exercer en tant que psychologue… Cela fait 8 ans, je ne suis pas retournée à Nantes, et j’ai fait des rencontres avec la psychanalyse auxquelles je ne m’attendais pas. Tout d’abord par mon stage de master 2 professionnel avec l’Association Psychanalyse et Médecine en chirurgie à la Pitié Salpêtrière, qui est devenu mon lieu de travail : je pensais faire un stage en psychiatrie, et cette erreur lors de l’entretien premier m’a ouvert à une pratique analytique de la psychanalyse dans le domaine somatique. C’est à partir de là que j’ai commencé mon analyse. La psychiatrie m’intéressait particulièrement, je voyais dans la pathologie mentale une puissance de subversion des normes, une capacité créatrice, l’ouverture à d’autres mondes, à d’autres possibles qui étaient inaccessibles aux être aliénés à la raison. Le combat contre la rationalité écrasante a été l’un de mes combats personnels d’analyse.

Le choix de faire une thèse s’est donc exprimé au cours de mon année de master 2 recherche, que j’avais fait initialement pour continuer mon stage à la Salpêtrière et interroger les processus d’éveil de coma, intriguée par la présence du trauma dans l’expérience même de coma, après l’incident traumatique, cette quête du retour à l’état antérieur et les mécanismes de réparation. J’ai décidé de ne pas poursuivre ce thème car j’y ai profondément critiqué les tentatives d’explication organiques, comme psychologiques, sans parvenir à m’en extraire. Le prisme de réflexion était mauvais, mais c’est durant cette année que j’ai rencontré Lacan, ce qui m’a engagé à déplacer l’abord de la question (puisque je critiquais le cadre dont je me servais, tout en continuant de m’en servir), et ce qui m’a aussi déterminé à commencer une thèse à Paris 7 et entreprendre une licence de philosophie. J’avais besoin d’air frais venant de l’extérieur, et j’ai alors découvert Foucault, qui a été central dans l’élaboration de mon sujet de recherche, puis le stoïcisme, Spinoza, et tant d’autres. Une grande ouverture en effet, qui m’a interrogé sur cette place de sujet, comme potentiel subversif, voire traumatique, mais aussi comme espace d’intériorisation de la norme, identification au pouvoir, encore comme structure universelle de l’aliénation, nouage toujours susceptible de se déliter et reste indéfini du Réel… Là se posait aussi la nécessité issue de mon master de recherche de systématiquement remettre en cause la production de savoir : j’avais ici un objet de non savoir, un objet dynamique et échappant sans cesse, dont l’analyse portait bien plus sur les mécanismes que sur les causes. J’ai pris.

De cette réflexion de base, je cherchais d’abord un processus de formation discursive qui échappe aux rapports de domination, ce qui s’est vite avéré fictif : c’était encore une tentative pour trouver la clé de la libération. Il y a eu une rencontre déterminante à ce moment là, dont je reparlerais dans l’introduction du chapitre II Du Sujet, qui m’a conduit à envisager encore mon rapport à l’objet de recherche différemment. Ça a alors été, plus que la recherche d’invariants, celle des moments d’exception, la contingence de la rencontre, l’acte et l’interprétation analytique. Ce n’était alors plus la raison qui m’obsédait, mais ces éléments qui pouvaient faire basculer un fonctionnement bien ancré. Cela a orienté ma pratique auprès des patients opérés en chirurgie orthognatique (opération de la mâchoire dans le cadre d’un traitement orthodontique), rendant ce fameux « cadre rationnel » nettement plus fragile qu’il ne m’était apparu jusque là. Peut-être que mon travail sur le concept de discours est la marque de ce déplacement : quelque chose de profondément pris dans le pouvoir mais potentiellement fluctuant, et pas une camisole rigide.

J’étais alors, bien qu’assez isolée et entièrement prise dans mon travail de recherche, à l’affut des « évènements » extérieurs. J’avais suivi la crise grecque et le rôle de Siriza, l’ascension de Podemos en Espagne, et j’attendais que « quelque chose » se passe en France. L’évènement Nuit Debout a été un autre élément déterminant dans mon travail de thèse, j’en reparlerais aussi dans l’introduction du chapitre III Du Social. Déjà parce que je n’ai pas touché à ma thèse pendant presque un an tellement j’ai été prise dans un monde qui m’était jusque là absolument étranger, ensuite parce que j’ai expérimenté le rapport au collectif qui a fortement influencé mon analyse des processus subjectifs et des enjeux contemporains. Cela m’a notamment amené à questionner le corps, non plus seulement dans son historicité, mais dans son inscription collective présentielle.

Du discours et du Dire

A partir de Foucault…

Tout au long de son œuvre, Foucault tente de définir la façon dont s’articule le discours, il le détache d’une analyse linguistique qui en étudie la structure, et d’une analyse historique qui en caractérise les temps d’apparition. Il développe ainsi la notion de discours comme pratique discursive qui forme systématiquement les objets dont elle parle, c’est-à-dire comme « une pratique autonome qui est en quelque sorte extérieure aux mots et aux choses bien qu’à chaque instant il fut question des choses et qu’à chaque instant des mots soient utilisés » (Foucault, 1968, L’archéologie du savoir). Il distingue plusieurs discours en fonction du système de formation duquel ils relèvent, bien qu’ils soient en lien, du fait de l’environnement discursif qui conditionne leur apparition.

Déplaçant ainsi le regard sur le discours d’un point de vue externe à un point de vue interne (étude de ses règles et de ses articulations propres), Foucault en dégage une fonction qui lui est spécifique : fonction de production de savoir, bien que pris dans un champ de connaissance duquel il émerge et sans lequel il ne pourrait être énoncé. Il se décale aussi d’une vision du discours comme contenant une certaine vérité, plus ou moins dévoilée au souhait de son auteur : la vérité d’un discours n’est autre que sa condition de possibilité (qui définit la façon dont un objet peut être appréhendé) et ses effets réels (son impact sur l’appréhension de l’objet en question). De cela, il fait du discours un événement, événement de langage qui tient à un acte d’énonciation duquel il ne pourra jamais se libérer, même s’il peut être repris, interprété, commenté… L’acte d’énonciation, devenant discours, instaure une certaine représentation de l’objet sur lequel il porte ; cette représentation va, par ce fait même, modifier l’objet dont le discours parle, et ce dans une direction qui n’est pas forcément inhérente au contenu du discours lui-même, ni à l’intention présumée de son auteur. Ce que Foucault pose comme acte d’énonciation ne se rapporte pas à ce que nous indiquerons comme « Dire » : celui-ci est d’abord acte de corps et ne deviendra événement que s’il est reçu (par le sujet même qui l’a énoncé ou par un autre), enfin nous poserons qu’il n’y a pas encore de discours tant que cet événement n’est pas pris dans le réseau discursif qui lui donne une valeur énonciative (via l’interprétation). Nous y reviendrons.

Foucault définit l’évènement discursif dans sa multiplicité via : la place et le rôle d’un type de discours, la qualification de celui qui doit le tenir, le domaine d’objets auquel il s’adresse, le type d’énoncés auquel il donne lieu. L’évènement discursif n’est pas textuel dans son apparition, et fonde le discours vrai comme « une place fictive a été fixée où le pouvoir se fonde sur une vérité qui n’est accessible que sous la garantie de la pureté […] Cet emplacement fictif exclut la reconnaissance du caractère à la fois politique et événementiel des processus qui ont permis de le définir » 2 (Foucault, 1970, La Volonté de savoir) : c’est de ce lieu inventé que tente de se maintenir un discours prétendant être la seule garantie de la vérité. Cette définition de l’événement discursif, nous le reprendrons pour qualifier ce que nous appellerons le « Dire politique », compris comme une définition restreinte du Dire associée à l’autorité politique. Cette définition sera remise en cause dans le premier chapitre traitant de la politique.

Il se peut toujours qu’on dise le vrai dans un espace non délimité, une extériorité sauvage ; mais la reconnaissance du vrai obéit aux règles d’une police discursive qui doit être réactivée en chacun des discours « la discipline est un principe de contrôle de la production du discours » (Foucault, 1970, l’Ordre du discours). D’où le troisième groupe de procédures qui déterminent les conditions de la mise en jeu des discours, qui limite leur accès via une sélection parmi les sujets parlants : rituel dans une société de discours (langue de bois ou éléments de langage, statut et signes distinctifs), doctrines comme opposées aux précédentes, mise en commun d’un seul et même ensemble de discours par lequel des individus définissent leur appartenance « la doctrine lie les individus à certains types d’énonciation et leur interdit par conséquent tous les autres. La doctrine effectue un double assujettissement : des sujets parlants aux discours, et des discours aux groupes, pour le moins virtuel, des sujets parlants » (ibid); appropriations sociales des discours par l’éducation, la profession, l’assujettissement au marché financier, la culture, qui pose un maintien et une appropriation des discours, avec les savoirs et les pouvoirs qui leur sont liés.

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Table des matières

Introduction
Dire et discours
Epilogue
I. Du discours et du Dire
A. A partir de Foucault
B. … Vers la psychanalyse
C. Des passages entre Dire et discours
II. Des discours contemporains dominants
A. Discours de la valeur d’échange
B. Discours des technosciences
C. Discours du risque
III. Présentation du plan
Premier chapitre : Du Dire aux discours en politique
Monologue
Introduction
I. Du discours en politique
A. Du pacte social et des institutions étatiques
B. Affects, affections et autorité discursive
C. Régimes de véridiction/légitimation
D. Vous avez dit « hégémonie » ?
II. La fonction psychanalytique du/de la politique
A. Des corps aux foules
B. Des quatre discours plus un
III. Discours dominants dans le champ politique
A. Discours économique de la valeur d’échange
B. Du risque
C. De la technoscience
IV. Place de l’évènement discursif de la politique
A. Maintien et ouverture du pouvoir légitime de représentation
B. Les limites de l’autorité discursive et potentiels de son extériorité
Second Chapitre : Des discours au Dire chez le sujet
Dialogue
I. De quel sujet parle-t-on ? Entre Dire et discours
A. Dire et discours chez le sujet philosophique
B. Sujet foucaldien et sujet de la science
C. Le sujet de la psychanalyse : entre jouissance et affection
II. Impact des discours contemporains sur la production de la subjectivité
A. Du discours économique de la valeur
B. Du discours du risque
C. Du discours de la technoscience
III. Modalités d’émergence et de réception du Dire
A. Affection et Dire dans la psychanalyse
B. Dire dans la psychose
C. Traumatisme, excorposition et Dire
Conclusion de transition
Troisième chapitre : Dire et discours dans le social
Trilogue
I. Qu’est ce que la société ?
A. La construction du social
B. De la science dans le social
C. Lecture psychanalytique du social
II. Des discours économique, du risque, de la technoscience dans le social
A. Discours économique
B. Discours du risque
C. Discours de la technoscience
III. Affection émergente et Dire dans le social
A. Du Dire dans l’espace numérique
B. Dire dans les pratiques d’émancipation
C. Dire dans les mouvements sociaux
D. De la psychanalyse comme Dire dans le social ?
Conclusion
décision
Prologue
Bibliographie

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